Pour présenter la rue de Biche :
Dimanche 18 octobre 1998 (
Répulicain Lorrain)
La rue de Biche devrait s'appeler rue de Bise !
Après nous avoir fait découvrir la rue de Nachy et la rue René-Paquet, Pierre Brasme nous invite aujourd'hui à une promenade dans la rue de Biche.
Rue de Biche, une rue que connaissent bien les nombreux Woippyciens qui fréquentent le presbytère, la salle Interassociations et l'école de musique, ou qui participent aux cérémonies du souvenir devant le monument aux Morts. Mais savent-ils que cette rue, ainsi dénommée depuis mai 1933, devrait en réalité s'appeler rue de Bise, ou rue en Bise ?
Les recherches effectuées par René Mognon, membre du comité de la Société d'histoire de Woippy et chercheur assidu du passé woippycien, ont permis de redécouvrir l'origine réelle du nom. Certains historiens, dont René Paquet, avaient supposé l'existence d'un seigneur de Biche, nom lié selon eux à la toponymie du lieu. Or, consultant les anciens actes notariés, René Mognon a mis en évidence que ce lieu s'appelait « en Bize », expression à l'origine d'une famille y résidant. Dans un texte daté du 25 février 1659 en effet, le mot Bize (on trouvait parfois aussi Bixe), déformé, se lit, si l'on n'y prend garde, Biche : la déformation devient alors définitive et trompeuse.
Vers la bise
Le nom exact du lieu est donc « en Bize » ou « en Bise ». René Mognon en déduit que ce mot venait du fait que les gens allaient « vers la bise », donc au nord par rapport à la rue de Nachy. D'où le nom de la famille de Bize.
Reste le mystère de l'animal sculpté au fronton de la porte d'entrée de la tourelle du presbytère, et que l'on a souvent pris pour... une biche ! Il n'en est rien, selon René Mognon, car à y regarder de plus près il s'agit simplement d'un animal de boucherie : la famille de Bize comprenait parmi ses membres nombre de bouchers à Metz et d'éleveurs dans la région, notamment à Woippy.
Après avoir appartenu à différentes familles - dont Jean Fetiq, avocat au Parlement de Metz, et Anne-Madeleine Lefébure, veuve du seigneur de Moulins -, le bâtiment en question est acheté en 1808 par Pierre-Eugène Sechehaye. En 1893, il devient, et est encore, le presbytère, qui auparavant était situé à l'entrée de la ruelle, dans la maison faisant face au monument aux Morts. Celui-ci a été construit et inauguré en 1966, quelques mois avant la salle Interassociations.
Mariages
Pour terminer cette rapide promenade, il est bon de rappeler qu'à l'entrée de la rue de Biche, côté rue de l'Eglise, existait un vieux bâtiment, aujourd'hui disparu qui, aux XIXe et XXe siècles, abrita successivement une chapelle (sa vocation première), la mairie, école, le Syndicat des producteurs de fraises et de nouveau la mairie... nombre d'anciens Woippyciens se souviennent d'ailleurs s'y être mariés !
Vie paroissiale avec le presbytère et l'église proche. Vie associative avec la salle de réunion des associations, vie culturelle avec l'école de musique de l'Union de Woippy, vie patriotique avec le monument aux Morts : la rue de Biche, bien qu'excentrée et peu passante, est au cœur du passé et du présent woippycien. Une rue à découvrir... en attendant notre prochaine promenade dans la rue de Ladonchamps.
Développement de cette présentation :
De
Bize ou
Bise à
Biche : Dans l'acte du 25 février 1659 (vente du tiers de la métairie de Bize), on remarque que la boucle du
i de
Bize (tâche formant un point) est prise pour un
c. La comparaison avec le mot
eschange ne laisse aucun doute, les lecteurs de cet acte (et leurs successeurs) ont très normalement lu
Biche au lieu de
Bize.
Bien avant la révolution de 1789, la « rue de Biche » n’est qu’un simple chemin pour accéder à la maison de maître dite la maison de Bize, (l’actuel presbytère depuis 1894).
Le début de ce chemin est relativement large, il est noté dans les documents ancien « place sous l’orme ». Sur le côté gauche se situent deux maisons, en son milieu est érigée une croix en pierre entourée de quatre marronniers, et sur le côté droit : deux habitations dont la maison curiale ou presbytérale (À cette époque, l’église se situe au cimetière. Démolie après la construction de la nouvelle église car menaçant ruine, son clocher subsistera jusqu’à la fin de 1904).
Petite histoire des deux maisons situées à gauche de la place :
Vers la fin du XVIe siècle, exactement
le 3 mai 1588 | clic |, il est question dans un acte de la vente de la moitié d’une maison située au village de Woippy,
decosté le chemin banal de l’église d’une part et Collette, vefe de feu Mangin de Bise, d’aultre part.... Cette moitié de maison est acquise par Anon (Anne), veuve de Julliot Michel. La totalité de cette maison (les deux moitiés - N° 301 sur le plan) appartenaient à Bastien Nolz, maire de Hauconcourt.
En 1623, l’autre moitié de la maison est acquise par Jean Michel, hôtelier.
Poincignon Anthoine, dit le vigneron, le fils d’Anne issu de son troisième mariage, acquiert les deux moitiés, en 1624.
La maison suivante (N° 300) propriété de Collette veuve de Mangin de Bize, changera de propriétaire plusieurs fois jusqu’à la fin du XVIIe siècle : Elisabeth Rouppert vve Moyse Chevillette (citée en 1633), puis David Pérignon et Suzanne Braconnier. Et enfin Jacques Dauphin et Anne Courageux en 1698).
Lors du siège de Metz par Charles-Quint en 1552, le duc de Guise fit démolir la plupart des villages environnant afin de dégager les abords de la place pour ne pas laisser à l’ennemi des positions pour se retrancher. Ces deux maisons furent-elles parties du lot ? Puis reconstruites après la levée du siège ?
Le 29 mars 1668, des escadrons de la cavalerie espagnole investissent Woippy et mettent le feu à 27 maisons et granges, il est possible que ces deux maisons aient été parmi le nombre.
Furent-elles alors de nouveau reconstruites ou réparées ? (Dans un acte du 6 novembre 1671, il est indiqué qu’à
l’incendie arrivé aux dernières guerres, la maison a été entièrement brûlée…)
Pour arriver au plan de 1809 (ci-contre), la maison numérotée 300 est la propriété de François Moré, architecte à Metz, et Lucie Estienne (avant 1741), ceux-ci ayant aussi acquis une grande partie de la maison accolée numérotée 301 qui s’est agrandie d’un bâtiment dans le jardin contigu près la croix sous l’orme.
Lors du partage des biens « Moré » le 14 juin 1747, les deux maisons sont adjugées l’une (300) à Catherine Moré épouse Pierre Evrard, confiseur à Metz. Elle sera cédée à Anne Viville veuve Dominique Lacour, le 8 octobre 1767. En 1809, les propriétaires sont Etienne Chevreux, professeur de dessin à Metz, et Suzanne Hennequin, son épouse.
Et l'autre (301) à Barbe Moré (sœur), épouse Charles Volmerange, bourgeois de Metz. Elle est revendue le 21 septembre 1777 à Charles Pierron, marchand boucher à Metz, et Anne Bernard, son épouse (encore propriétaires en 1809).
Le bâtiment construit dans le jardin contigu formera par la suite deux maisons : l’une numérotée 302, propriété d’Etienne Blanchebarbe, propriétaire à Lorry-lès-Metz, et Margte Genot (maison héritée de Pierre Genot, maire de Woippy de 1770 à 1780, et une autre, 303, propriété de Jean-Etienne Chereck.
Cliquer sur l'image pour accéder à l'histoire de cette chapelle. |
On remarque sur ce plan, en plein milieu de la place, qu'un bâtiment a été construit en lieu et place de la croix (N° 296).
C'est toute une histoire !
Pendant la révolution, en remplacement d’une chapelle située au centre du village (actuellement place André Debs) une nouvelle chapelle est bâtie à l’emplacement de cette croix en pierre. Sa construction est terminée en 1793, c’est un simple bâtiment d’environ huit mètres de longueur sur 6 mètres de largeur. Cette chapelle sera rehaussée d’un étage en 1819 pour y établir une salle d’école et un cabinet pour entreposer les archives communales.
Après avoir eu plusieurs utilisations, cette « ancienne chapelle » sera démolie à la fin de l'année 1964.
Dans les années 1930, c'était la mairie. Cette vue date de la seconde guerre mondiale (Au fronton :
Bürgermeisteramt).
Toujours pendant la révolution, c'est sur cette place que fut planté en 1792 l'arbre de la liberté. Dans son ouvrage
Woippy, village du pays messin 1670-1870, Ed. Serpenoise, 1987, Pierre Brasme écrit, page 256 : « l'arbe de la liberté se dresse en face de la maison commune, l'ancienne chapelle, à proximité de l'église actuelle ».
Voyons maintenant la maison du côté droit de la place : la maison curiale (N° 299).
Avant la construction de l'église actuelle (inaugurée le 1er mai 1850) due à la générosité de Mlle Marie-Rose Marcus (1793-1855), l'église se situait dans l'enceinte du cimetière.
Le presbytère se trouvait donc à proximité.
À ce jour, aucun document ne peut prouver que cette maison appartenait au chapitre cathédrale et qu'elle fut vendue comme « bien national » à partir de 1789. Toujours est-il qu'en 1808, les propriétaires sont Pierre Fauconnier, orfèvre à Metz, et Marie Ludy son épouse. Pierre Fauconnier était le beau-frère de Jacques Barrault, qui remplit les fonctions de maire de Woippy de 1792 à 1796 sans en prendre officiellement le titre.
Par la suite, cette maison sera séparée et modifiée en deux habitations (comme aujourd'hui) et différents propriétaires se succéderont.
Les énumérer n'apporterait rien à l'histoire de cette maison, toutefois la dernière vente en date du 5 décembre 1887 a été faite par les héritiers de Jean Mangenot et Jeanne Marie Masson son épouse (propriétaires depuis 1870). L'acquéreur était Félix Lapied et depuis, cette maison appartient toujours à ses descendants.
Ci-contre, ladite maison vue depuis le clocher de l'église (février 2006).
Une petite hypothèse au sujet de cette maison presbytérale.
La constitution civile du clergé votée en juillet 1790 par l’Assemblée constituante donne un nouveau statut aux prêtres. Ils sont directement liés à l’Etat, sont salariés par celui-ci et ne dépendent plus directement du Saint-Siège.
Les prêtres doivent alors prêter serment à la Constitution civile du clergé, ils sont appelés prêtres jureurs ou prêtes assermentés par opposition aux prêtres insermentés ou réfractaires.
Le curé de Woippy de cette l’époque est Rémy François Husson, depuis le 1er août 1760. Pour rester au village, en janvier 1791, il accepte de prêter le serment, mais avec restriction. Naturellement, ceci n’est pas admis et il quitte la cure. Son remplaçant, Nicolas Mathieu, un prêtre jureur arrive à Woippy début mai. Il renoncera à ses fonctions le 4 pluviôse an II (23 janvier 1794). Deux autres curés le remplaceront (
Pierre Brasme, WOIPPY, village du pays messin, 1670-1870, pp. 255-256).
Si la maison de cure a été vendue comme bien national (?), il a fallu trouver un autre endroit !
C’est peut-être pour cette raison que René Paquet, dans son
Histoire de Woippy près Metz, 1878, chapitre « Itinéraire historique et archéologique » page 151, rue de Nachy (
en haut) écrit : « N° 26 - Servait au commencement du siècle (
début 1800) de presbytère. »
Le presbytère sera ensuite rue de Briey en face du château (actuellement n° 11), puis à partir de 1894, rue de Biche.
Voir un écrit au sujet de la réparation de la maison presbytérale de Woippy en date du 4 janvier 1664.
| clic |
La place d'après le plan de 1848.
Les différents propriétaires :
603 : vve Jean-Pierre Bodron (W)
604 : Cahen Bernard (Metz)
609 : Vve Philippe Lurion (W)
610 : Marie Mathieu (Metz)
611 : Etienne Colson (Metz)
612 : Etienne Colson (Metz)
608 : 1/2 entre Lurion et Colson |
596 : Germain Deraux (Metz)
551 : Sébastion Charette (W)
552 : Nicolas Lentz (W)
550 : Chapelle (Municipalité)
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Après la construction de la nouvelle église, le chemin qui mène vers Lorry n’est plus assez large, aussi, vers 1865, la municipalité projette de démolir les maisons côté chemin ou de les raboter d’environ deux mètres mais la facture est trop élevée (2 000 francs), seul le mur d’enceinte de l’église est déplacé. (Plan ci-dessous).
Ces maisons ne seront démolies qu’à la fin des années 1960 pour aménager une belle place après l’érection du monument au Morts.
Quelques vues de la place dans les années 1960.
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Sur cette vue aérienne du début des années 1960, la « place » n'est encore qu'une rue...
L'ancienne chapelle a été démolie en fin d'année 1964, voici ce qu'écrivait entre autres le Républicain Lorrain du 11 novembre 1964 :
« Cette construction qui date de 1793 est devenue un chantier de démolition. Avec cet édifice qui au cours des temps a eu plusieurs destinations va encore disparaître une image du vieux Woippy.
(...) Il y a lieu de féliciter les édiles d’avoir pris la décision de faire disparaître cette construction, décision qui va encore contribuer à embellir la cité des fraises. »
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