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  Dernière mise à jour : 9 février 2010

La gare de triage de Woippy
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La Vie du Rail, n° 2462
21 septembre 1994
Dossier spécialOÙ EN SONT LES TRIAGES FRANÇAIS

Le faisceau de réception du triage de Woippy. C'est ici qu'arrivent les trains destinés à être triés.
 
Triages visités :
 
Sibelin
Woippy
Noisy-le-Sec

La France possède vingt-deux triages. Mais pour combien de temps encore ? La route, plus rapide et moins chère, a mis à mal le trafic de wagon isolé. Comment cette activité peut-elle retrouver l'équilibre des comptes ? Examen des solutions envisagées par la SNCF et visite guidée de trois triages types.

Les gares de triage ont-elles encore un avenir ? Si, comme le montrent, jour après jour, les résultats de la SNCF, rien ne semble devoir enrayer la chute des trafics de wagons isolés, les triages auront du mal à survivre et bon nombre d'entre eux seront fatalement contraints de fermer leurs portes. On découvre en effet ce qui, hier encore, paraissait inimaginable : avec le déclin du lotissement - cette technique qui consiste à acheminer les wagons jusqu'à leur destinataire en les faisant transiter par un ou plusieurs triages - tout un pan de la branche marchandises de la SNCF est aujourd'hui en sursis.
Le wagon isolé condamné à mort ? La menace est réelle. Ce seraient alors 30 % des trafics et 50 % des recettes de l'activité fret de la SNCF qui seraient ainsi rayés de la carte. Autant dire que, pour le transport des marchandises, le train déserterait du même coup des régions entières du territoire.
Cela signifierait aussi la fin d'un monde. Un monde où, entre l'écheveau des voies, les postes d'aiguillage et les bosses de triage, s'affairent des freineurs, des atteleurs ou les derniers enrayeurs. Bref, un monde héritier d'une tradition, d'un savoir-faire et d'une part de la culture cheminote.
Enfin, la disparition du lotissement aurait évidemment des conséquences sociales catastrophiques. Au total, « 25 000 cheminots travaillent pour le wagon isolé dont 3 500 dans les triages nationaux », rappelle Christian Feuvre, chef du plan de transport des wagons au sein de la direction du Fret.
Le wagon isolé condamné à mort ? Le réquisitoire se résume en quelques chiffres. Les trains de wagons isolés transportaient 38,1 milliards de t.km en 1980 ; dix ans plus tard ; le trafic avait fondu de plus de 40 % et, en 1993, il n'atteignait plus que 12,8 milliards de t.km.
Les recettes du wagon isolé ont suivi la même pente : de 20,3 milliards francs en 1983, elles sont tombées à moins de 5 milliards dix ans plus tard. En revanche, les pertes du lotissement ont fait plus que tripler, passant de 489 millions de francs en 1990 à 1,6 milliard en 1993.
Explication du phénomène : le transport par wagons isolés n'a cessé de perdre des parts de marché au profit de la route, plus souple et moins chère que le rail pour les trafics diffus de faible tonnage. Les coûts de production de la SNCF ayant baissé moins vite que les recettes, le déficit d'exploitation s'est envolé.
« Comparé au wagon isolé, un camion peut livrer la marchandise plus vite et surtout beaucoup moins cher parce que les routiers se livrent entre eux à une concurrence sauvage », confirme Antoine Dillmann, chef d'établissement adjoint de la circonscription d'exploitation de Woippy, le plus grand triage de France.
Certes, les chemins de fer ont tenté de résister. Dès 1989, un nouveau système baptisé Etna remplace l'ancien régime d'acheminement des wagons isolés. Tous les triages sont informatisés et les trains intertriages gagnent en vitesse - 100 km/h - et en poids - 850 tonnes en moyenne au lieu de 790.
Les résultats ne sont pas à la hauteur des espoirs. En 1993. la SNCF lance donc sa « nouvelle stratégie fret ». Le plan de transport s'appuie désormais sur un nombre réduit de triages - 22 au lieu de 27 -, reliés directement, c'est-à-dire sans passage par un triage intermédiaire, à 280 gares principales fret (GPF).
Accompagnée par la fermeture de 2 800 gares ouvertes au trafic fret entre 1989 et 1993, réduisant ainsi de 40 % le coût des dessertes terminales, cette nouvelle stratégie fret avait pour but d'acheminer 50 % des wagons isolés dans un délai jour A-jour B compétitif avec les délais de livraison des routiers.
« L'objectif n'a pas été tout à fait atteint, confie Christian Feuvre. Seuls 40 % des envois se font en jour A-jour B et lorsque les distances intertriages sont trop longues nous continuons à proposer du jour A-jour C. »
Pas de problème, par exemple, pour un industriel nantais qui expédie du fret à son client de Saint-Etienne. Parti à 19 h 42 de Nantes, son wagon quittera le triage de Saint-Pierre-des-Corps à 2 h 13 pour arriver à celui de Sibelin, près de Lyon, à 9 h 24. De là, il sera raccroché au train de 13 h 14 pour Saint-Etienne.
En revanche, le même industriel installé à Bayonne devra être plus patient. Parti à 22 h 44 de Bayonne, son wagon ne partira que le lendemain à 10 h 21 d'Hourcade, le triage de Bordeaux, pour arriver, par exemple, le surlendemain à 1 h 28 au triage de Woippy et atterrir dans le train de 9 h 21 pour Thionville.

A la bosse de Noisy, les wagons descendent par gravité.
Après bien des efforts pour améliorer les délais d'acheminement, la fiabilité des opérations et leur coût d'exploitation, le wagon isolé continue, malgré tout, à perdre des trafics (- 4 % sur les premiers mois de 1994) et de l'argent (une perte de 1,3 milliard est prévue en 1994 pour un chiffre d'affaires de 5,4 milliards).
Alors peut-on encore sauver le wagon isolé ? Techniquement rodé, le système apparaît en bout de course. Qu'on y songe : cinq des vingt-deux grands triages de la SNCF fonctionnent avec des postes à billes dont la conception remonte aux années 1930 et dans deux autres, Châlons-sur-Marne et Clermont-Ferrand, les opérations de tri ne sont même pas automatisées.
« Après le passage des wagons à essieux aux wagons à bogies, l'informatisation des opérations et l'augmentation de la vitesse des trains, on ne peut plus que faire progresser le système à la marge », estime Antoine Dillmann.
En fait, des progrès étaient possibles avec la création d'une nouvelle génération de wagons et leur repérage automatique grâce à un système de code-barres à lecture optique comme cela existe aux Etats-Unis. Mais le coche de la modernisation a vraiment été loupé lorsque, entre 1970 et 1980, la SNCF, comme les autres réseaux de chemins de fer européens, a renoncé, faute de moyens, à l'attelage automatique des wagons.
CLASSEMANT DES TRIAGES FRANÇAIS
Triages Nombre de wagons
expédiés en juin 1994
1. Woippy
2. Gevrey
3. Villeneuve
4. Le Bourget
5. Sibelin
6. Miramas
7. Saint-Pierre-des-Corps
8. Sotteville
9. Hausbergen
10. Hourcade
11. Somain
12. Lille-Délivrance
13. Mulhouse-Nord
14. Tergnier
15. Nîmes
16. Vénissieux
17. Clermont-Ferrand
18. Saint-Jory
19. Châlons-sur-Marne
49 684
32 711
32 373
29 811
28 861
26 586
24 800
23 330
20 415
20 294
19 800
19 710
19 481
15 813
15 085
14 745
12 565
12 330
8 579
Lotissement 426 973
1. Metz-Sablon
2. Achères
3. Noisy
18 402
10 511
6 161
Spécialisés 35 074
Total 462 047
Aujourd'hui, dans la perspective du prochain plan d'entreprise et à la veille du nouveau contrat de plan qu'elle doit signer avec l'Etat, la SNCF a toutefois entrepris une nouvelle réflexion stratégique sur l'avenir du wagon isolé. Elle tourne autour d'une question clé comment cette activité peut-elle retrouver l'équilibre des comptes ?
« Selon les prévisions, les prix routiers vont encore baisser et ne se stabiliseront qu'à l'horizon 2000. Dans ces conditions, il ne suffira pas d'améliorer la productivité de notre outil de production pour renouer avec l'équilibre, explique Christian Feuvre, qui conclut : Il faut donc trouver autre chose. »
Plusieurs scénarios sont envisageables. La SNCF peut ainsi choisir d'abandonner des régions entières (c'est déjà le cas dans l'ouest de la France avec la fermeture, en 1994, des triages de Rennes et de Nantes), auquel cas ce serait la moitié du territoire à l'ouest d'une ligne Le Havre - Marseille qui serait laissée pour compte ; elle peut encore réserver le wagon isolé à de grands marchés comme la chimie, l'automobile ou la grande distribution.
Autre solution : la concentration sur les axes de trafic les plus rentables. « Le wagon isolé n'est pertinent que dans les grandes zones d'activité économique. Ailleurs, il relève non plus de la pertinence économique mais d'une logique d'aménagement du territoire », soutient Antoine Dillman.
La SNCF pourrait donc proposer aux pouvoirs publics un scénario qui prévoit de réduire considérablement le transport par wagons isolés. Objectif : assainir les comptes du lotissement d'ici à l'an 1999 en ne conservant que les deux tiers des trafics, soit, environ 10 milliards de t.km à la fin du siècle.
Voilà qui supposerait la suppression de plus de cinquante gares principales fret (GPF) sur les 280 encore en activité, la fermeture d'une dizaine de triages sur les vingt-deux qui desservent aujourd'hui le territoire et la réduction d'un tiers au moins des effectifs du lotissement. Une thérapie de choc pour un secteur à l'agonie.

Marc LOMAZZI


Les mots clés du triage
Bosse
Dénivellation de terrain qui permet de trier les wagons par gravité.
Direction opérationnelle du triage (DOT)
Lieu stratégique où sont prises toutes les décisions relatives aux opérations de tri des wagons.
Faisceau d’attente au départ ou faisceau de formation
Voies où sont amenés les wagons triés pour former les trains au départ.
Faisceau de débranchement
Voies sur lesquelles arrivent les wagons triés, à leur descente de la bosse.
Faisceau de réception
Voies sur lesquelles arrivent les trains destinés à être triés.
Faisceau relais
Voies d'attente pour les trains ne passant pas par le triage mais pour lesquels un changement d'engin de traction ou de conducteur est nécessaire.
Freineur
Agent qui a la responsabilité des freins de voies.
Freins de voie
Freins à mâchoires qui agissent sur les roues des wagons à leur descente de la bosse.
Gare principale fret (GPF)
Gare recevant des triages les trains locaux de fret pour les amener à destination finale. Inversement la GPF collecte les wagons dans les lieux d'expédition, pour les diriger vers les triages.
Lotissement
Regroupement des wagons isolés par destination.
Poste à billes
Premier type de poste de débranchement automatique, inventé en 1930 par l'ingénieur Robert Lévi.
Tir au but
Méthode de tri consistant, grâce à l'informatique, à doser le freinage des wagons de telle sorte qu'ils arrivent à destination sur leur voie de débranchement sans heurter le wagon précédent.
Wagon isolé
Wagon expédié isolément par une entreprise. Pour être acheminés vers leur destination ces wagons sont regroupés dans des trains dits « de lotissement ».



Sibelin, le benjamin
Sibelin a déjà presque 25 ans et pourtant
c'est le plus jeune des grands triages nationaux. Sa bonne
fortune : la chimie et le transport des eaux minérales.



Sur le faisceau de débranchement de Sibelin, on traite 1600 wagons par jour,
dont la moitié en provenance de la région Rhône-Alpes, le reste de la France entière.

« Sans doute Sibelin est-il un outil remarquable pour la SNCF et pour les cheminots, alors qu'à Badan, chacun, du chef de chantier au facteur, se plaignait du manque de possibilités techniques ou de moyens pratiques de travail. »
Dans La Vie du Rail du 27 décembre 1970, l'ouverture du tout nouveau triage de Sibelin, le 29 octobre, faisait la une.
Depuis, des millions de trains de wagons isolés sont passés sur les 85 km de voies de triage et de circulation de Sibelin mais la prospérité espérée est restée sur des voies nationales progressivement délaissées par les wagons isolés. Sibelin, classé triage national, a évité le classement comme simple gare principale fret (GPF). Il conserve donc sa bosse, avec ses activités de triage. Les changements les plus importants résultent davantage de la nouvelle stratégie pour le fret de la SNCF que de l'arrivée de technologies modernes révolutionnaires.
Sibelin se place en cinquième position parmi les triages nationaux. Ouvert 24 heures sur 24, mais « figé au débranchement », c'est-à-dire sans triage du samedi 13 h au dimanche 5 h, puis du dimanche 13 h au lundi 13 h, Sibelin reçoit des trains de fret de toute la France. Une moitié de son activité concerne ceux en provenance des triages nationaux, l'autre ceux de seize GPF, avec le « ramassage » de la distribution de l'ensemble de la région Rhône-Alpes, de Grenoble à Saint-Etienne, Ambérieu, Annemasse, Culoz, Portes-lès-Valence...
Une « carte » conforme à la nouvelle stratégie fret, définie en mai 1993, qui vise à affecter aux grands triages une zone de ramassage et de collecte auprès des GPF. Côté ramassage, les clients chargent dans la journée. En fin d'après-midi, tous les trains de la zone sont amenés sur Sibelin où ils sont triés entre 17 h et 23 h. C'est alors que sont formés, puis expédiés, les trains affectés aux autres triages nationaux, qui doivent parvenir à destination à la fin de la nuit ou en début de matinée.
De son côté, Sibelin reçoit à cette période les trains en provenance des autres grands triages. Ils sont alors débranchés puis, entre 10 h et 14 h, triés afin de permettre la distribution dans la zone Rhône-Alpes.
Voici pour les grands principes du plan de transport national. Et si l'on excepte les samedis, dimanches et lundis, Sibelin reçoit chaque jour une soixantaine de trains à débrancher alors que ce triage en réexpédie entre 55 et 60. Cela amène actuellement, selon les derniers chiffres de Paul Rocalione, chef de gare, le débranchement de 1 600 wagons par jour. Un chiffre qui dénoterait une tendance à la hausse, ces derniers mois, avec une augmentation de 10 % par rapport au deuxième semestre 1993. Ce qui serait alors le signe d'une inversion de tendance. Car les chiffres annuels traduisent une véritable chute du trafic : 552 000 wagons débranchés en 1989, puis 538 000, 537 000, 500 000... pour parvenir en 1993 à 404 000.
Un chiffre qui peut paraître inquiétant pour cet outil impressionnant, situé à 17 km au sud de Lyon, bordant à l'est la voie ferrée Paris - Marseille et à l'ouest l'autoroute A 7. Dans un décor industriel, tout au bout d'une petite route inconnue même d'une majorité de riverains, Sibelin est un monde à part.
L'activité nocturne est essentielle, avec un planning fortement étoffé. Les trains arrivent des triages nationaux : à 1 h 10 celui de Gevrey, à 1 h 27 celui de Fos, à 3 h 31 celui de Woippy, à 5 h 28 celui de Nîmes... pour finir par le Saint-Pierre-des-Corps de 11 h 11.
Après quelques heures de calme, le travail, tout du moins pour les préparateurs, reprend peu avant 17 h avec l'arrivée régulièrement cadencée des trains en provenance des GPF de la région, avec le Vénissieux à 16 h 51, le Badan, à 17 h... Et 24 heures sur 24 au PRS, poste tout relais à transit souple, on gère les entrées et sorties de trains sur les 187 itinéraires du site.

Dans l'« aquarium », l'opérateur-débranchement - le freineur - contrôle le tir au but.
Mais c'est de la direction opérationnelle du triage (DOT) « l'aquarium », située en surplomb entre la bosse de débranchement et les 44 voies affectées au triage, que les opérations, en particulier les sorties des voies de formation, sont supervisées en direct. Là, un chef de triage assure le suivi de la base de données d'intérêt local (BIL), partie informatique du triage, en temps réel et en permanence. Un responsable-débranchement commande, en liaison par interphone avec la bosse, les trois engins moteurs travaillant sur le chantier débranchement. Un opérateur-réception joue le rôle d'aiguilleur, pour l'ensemble des quatorze voies du faisceau réception. Il reçoit les trains, fait évacuer les machines, aiguille les diesels de manœuvre.
Quant à l'opérateur-débranchement, le freineur, il surveille le fonctionnement du tir au but, qu'il ne quitte pas des yeux lors des opérations de débranchement. Le tir au but est l'une des clés du triage. A la descente de la bosse, dans des boîtes bleues, des radars permettent de mesurer la longueur de coupe, comptent le nombre d'essieux. Puis, grâce à deux pédales électromagnétiques placées à un mètre de distance, la vitesse est mesurée une première fois. Elle l'est à nouveau avant l'arrivée sur le frein primaire, mâchoire qui serre plus ou moins les roues des wagons à leur passage.
Cela permet immédiatement de connaître l'indice de roulement du wagon et de le freiner automatiquement en conséquence, afin d'avoir, après ce frein primaire, une vitesse de 4,5 m par seconde. Une vitesse à nouveau mesurée à la sortie du frein primaire, puis juste avant le frein secondaire. Celui-ci s'actionne en tenant compte de l'évolution de la vitesse, mais aussi de la distance de voie encore libre, automatiquement mesurée, et de la longueur de coupe. Tout cela afin d'arriver au contact avec le précédent wagon à une vitesse de 1,25 m par seconde.
De son poste, le freineur a priorité sur la gestion informatique du système pour intervenir, en cas de problèmes, en particulier si un wagon semble descendre trop vite ou si un autre, trop lent, risque d'être rejoint brutalement par l'un de ses suivants.
Afin d'assurer la protection du personnel travaillant dans les faisceaux de débranchement des 44 voies du triage, Syprai, Système de protection assistée par informatique, permet à chaque intervenant de brider les aiguilles en position de protection et donc d'interdire la circulation sur un secteur choisi. Afin d'éviter l'erreur humaine, la manipulation accidentelle, elles ne peuvent être débloquées sans taper un code d'accès particulier.
De la DOT, sur la droite, on perçoit distinctement la bosse et le poste Y qui y est accolé. C'est là que le chef de bosse fait évoluer les diesels 66000 télécommandées, qui sont placées derrière les trains. Il suit attentivement le débranchement des wagons et peut à distance accélérer, ralentir, même si un mécanicien doit être à bord afin d'assurer la sécurité.
Lorsqu'un train entre sur le faisceau de réception commence le travail des préparateurs. Ce train est d'abord compressé, afin de faciliter la séparation des wagons, réalisée en suivant le plan de coupe fourni par le système informatique. Et lorsque les réservoirs de freins sont vidangés, le diesel peut commencer à pousser les wagons vers le haut de la bosse. Des wagons qui rejoignent alors les voies de triage, freinés automatiquement par le tir au but.
Dès que l'ensemble des wagons a rejoint la voie, un atteleur les accroche, replace les tuyaux d'air comprimé, puis met un sabot à une extrémité afin de permettre la compression de l'ensemble du train, poussé à l'autre extrémité par un diesel. Des essais de freins sont effectués. Et les visiteurs, dépendant du service du Matériel SNCF, inspectent les wagons, vérifient la conformité du chargement, les boîtes, les essieux...
Juste avant le départ, l'agent-formation remet au conducteur du train son bulletin de composition qu'il peut alors entrer dans le KVB (contrôle de vitesse par balises). Seul changement notable à Sibelin depuis 1993 et la mise en place de la nouvelle stratégie fret : les trains partent toujours des quatorze voies du faisceau de départ mais aussi, et c'est nouveau, directement des 44 voies du triage.
Seul changement proprement lié directement au site de Sibelin, même si chacun vit au quotidien les conséquences de la mise en place de la nouvelle stratégie fret au niveau national. Une nouvelle modernisation, et aussi de nouvelles inquiétudes. « Le travail est de plus en plus concentré sur quelques heures, avec des coups de bourre monstres et rien à faire ensuite pendant des heures », déplore un préparateur, syndicaliste FO, à Sibelin depuis douze ans. « En 1982, on comptait 2 500 wagons en 24 heures, les trains attendaient pour le débranchement... Et puis on a supprimé du personnel, des wagons. En fait, la SNCF ne veut plus des wagons isolés. »
Secrétaire général du secteur CGT, Antoine Biaginni est tout aussi inquiet et critique : « On a supprimé l'activité triage d'Ambérieux en juin dernier. Cette activité a été transférée à Vénissieux, puis à Sibelin. Cela aggrave inutilement la surcharge de trafic sur le nœud ferroviaire rhodanien. Et le nombre de dessertes terminales est revu à la baisse. On remet en cause la desserte de la Loire, sur Roanne et Saint-Étienne. La Drôme a été désertifiée, une menace lourde pèse sur Porte-lès-Valence. Tout cela contribue à dégrader la situation. »
Et cette gestion « au plus juste » peut faire manquer quelques bonnes occasions, comme cet été. En effet, Sibelin est idéalement placé pour les eaux minérales, grandes consommatrices de trafic. Avec Badoit à Saint-Galmier, Evian à Annemasse, Volvic à Clermont...
Or ce dernier été, très chaud, a fait les délices des exploitants d'eaux minérales... et amené les regrets d'Antoine Biaginni : « Avec des wagons inadaptés, on n'a pu répondre totalement à la demande. » Un exemple caractéristique, selon ce syndicaliste, d'une situation plus générale : « Avec un engorgement sans cesse croissant du trafic routier, une part ferroviaire relativement faible, une région sur un axe de transit européen, le potentiel est énorme. Et de plus en plus mal exploité. » Même si Sibelin reste l'un des triages qui comptent encore...

Pascal GRASSART


Purge de freins avant le débranchement des wagons.

Pointage des wagons au moment de leur passage à la bosse.

Le grand carrefour des matières dangereuses
Personnel travaillant à Sibelin. Dépendant du chef de gare et de la division Transport : 223 personnes, 12 cadres, 50 agents de maîtrisé, 160 agents d'exécution. La nouvelle stratégie fret a entraîné une vingtaine de suppressions de postes.
Service de la Visite, division du Matériel 90 personnes.
Services de l'Equipement : 50 personnes.
Service Traction : Sibelin est une annexe de la traction de Lyon-Mouche. Une centaine de conducteurs, de manœuvre et de ligne, sont amenés à travailler sur le site. Une quinzaine d'entre eux y travaillent régulièrement. Au total, 460 personnes font donc tourner le site de Sibelin.
Relais. De chaque côté du triage, quatre voies accueillent les trains qui transitent mais ne débranchent pas. Là se font simplement des changements de machine ou de conducteur.
Matières dangereuses. Elles concernent 10 % des wagons à Sibelin. Entre 1988 et 1990, un plan matières dangereuses a été élaboré. Il vise, en cas d'incident, à donner aux secours une alerte immédiate et précise, à éviter l'aggravation de l'incident, à assurer la sécurité des personnes, à faciliter l'intervention des secours. Pour cela, il met en œuvre des mesures d'organisation interne en cas d'incident, une formation spécifique des cheminots du site, des investissements matériels, telles les bornes rouges hydrauliques placées au long du site.
Trains complets. Sibelin a un principal client, embranché : la raffinerie Feyzin. En 1992, 580 000 tonnes ont été expédiées (375 trains), 100 000 tonnes reçues (114 tonnes).




Le triage de Woippy, qui totlise 160 km de voies, reçoit en moyenne, chaque jour, 90 trains et expédie quelque 2 300 wagons.
Planté il y a tout juste trente ans au cœur des bassins industriels de Lorraine, le nœud ferroviaire de Woippy est, depuis un quart de siècle, le plus grand triage de France.
Indétrônable, Woippy n'a pourtant en apparence rien de spectaculaire. Non loin des rives de la Moselle, le triage occupe, à une dizaine de kilomètres au nord de Metz, un vaste terrain bordé, de part et d'autre des voies, par deux nationales. Tout autour, une cité HLM, l'enseigne proche d'un supermarché et des zones industrielles.
Dans l'enceinte des installations de la SNCF, le décor est classique. A l'entrée, un faisceau de voies de réception des trains précède la traditionnelle bosse qui surplombe les voies de débranchement et le faisceau complémentaire des voies relais. A l'autre bout du triage, les voies du faisceau d'attente au départ ferment la marche.
« Le triage compte au total 160 km de voies, soit la distance de Metz à Strasbourg », annonce fièrement Bernard Tritschler, le chef de gare du triage de Woippy. A chacune des étapes du triage, le ballet ininterrompu des trains et des wagons est réglé par quatre postes d'aiguillage reliés à un poste principal de type PRS. Bien sûr, l'ordinateur est roi. Depuis 1977, le débranchement des wagons est piloté automatiquement par la méthode du tir au but. Ce sont aussi des ordinateurs qui gèrent, au travers de la BIL - base d'intérêt local - les mouvements d'arrivée et de départ des wagons, établissent les correspondances entre les trains et assurent le suivi des acheminements de triage en triage.
Aiguilleurs, freineurs, « attelageurs », comme disent les Lorrains... au total, 286 cheminots travaillent, la quasi-totalité en équipe de 3 x 8, au triage de Woippy. Mais, si l'on y ajoute les effectifs de la section équipement, du dépôt de locomotives et les ateliers du Matériel dont dépendent les visiteurs, le site regroupe, en fait, plus de 650 agents de la SNCF.
Les cheminots de Woippy vivent au rythme du triage. Comme les autres grands triages du réseau national de la SNCF tels que Villeneuve, Gevrey ou Sibelin, Woippy fonctionne donc 24 heures sur 24 sauf le dimanche après-midi et le lundi matin, réservé à l'entretien des voies. Le reste du temps, Woippy tourne à plein régime. Chaque jour, il reçoit en moyenne 90 trains et expédie quelque 2 300 wagons. Autrement dit, jour et nuit, les wagons quittent Woippy à la cadence d'un toutes les 37,5 secondes !
Pas de quoi toutefois impressionner les cheminots qui ont connu l'âge d'or du triage de Woippy dont l'histoire remonte à la fin des années 50. A cette époque, les usines sidérurgiques de Longwy et de Thionville et les mines de charbon des vallées de la Moselle fournissent à la SNCF 30 % de la totalité de ses tonnages. Problème, la zone de Metz n'a aucun triage digne de ce nom.
En 1959, décision est donc prise de substituer aux trois triages principaux de l'arrondissement de Metz - Conflans-Jarny, Florange, et Metz-Sablon -, un « supertriage » doté des moyens les plus modernes. Situé le long de la ligne Zoufftgen - Bâle, à mi-chemin de Metz et de Thionville, la plaine de Woippy offre un emplacement idéal. Après quatre ans de travaux, le triage ouvre partiellement en mai 1963 avant d'être mis définitivement en exploitation l'année suivante. Trois ans plus tard, il faut déjà augmenter le nombre de voies et en rajouter une autre en 1971. C'est qu'en l'espace de huit ans, le trafic de Woippy a doublé passant de 1 500 wagons journaliers expédiés en 1963 à plus de 3 000 en 1970.

La direction opérationnelle du triage (DOT) fonctionne 24 heures sur 24.
« Woippy a profité du boum économique des années 1965-1974 et de l'intense activité des clients du triage comme les usines sidérurgiques de Sollac et d'Unimétal, les Houillères du bassin de Lorraine ou l'entreprise chimique Atochem », explique avec un brin de nostalgie Antoine Dillmann, chef d'établissement adjoint de la circonscription d'exploitation SNCF de Woippy. C'est l'époque où tombent tous les records de trafic. Ainsi le 2 juin 1970, Woippy, conçu au départ pour un rythme quotidien de 3 500 wagons, en expédie 4 224.
« La ligne de Thionville ne désemplissait pas et les trains étaient souvent obligés d'attendre de longues heures avant de pouvoir pénétrer sur le triage », rappelle Antoine Dillman. En 1973, le premier choc pétrolier et la crise économique qui s'ensuit mettent un frein à l'essor des trafics. Woippy est touché mais profite, dans le même temps, du regroupement progressif des activités du lotissement. Il récupère ainsi des trafics autrefois triés à Vaines, Limes, Béning, Blainville. Au sein du réseau des triages de la SNCF, Woippy va jouer rapidement un rôle clé.
Dès 1973, Woippy envoie des trains directs vers le nord (Somain), le centre de la France (Achères) et la vallée du Rhône (Sibelin). En 1984, il atteint Bordeaux et Marseille. Deux ans plus tard enfin, l'influence de Woippy devient nationale : pour la première fois en effet, il est relié directement à 100 km/h, à tous les grands triages de France. Dernière étape de la mise sur orbite du triage : son développement international. En 1979, un premier train international vers l'Allemagne voit le jour et deux autres suivront vers la Suisse en 1985 et la Belgique en 1990. En 1992, Woippy, qui a désormais sa propre agence en douane, lance des trains directs vers la Scandinavie et l'Italie. « Les trains internationaux représentent aujourd’hui environ 30 % de notre activité, souligne Jean-Marie Marque, le chef d'établissement de la circonscription d'exploitation. Une part très importante qui s'explique par le fait que, situés à proximité de la frontière, nous traitons des trafics en provenance ou à destination de plusieurs pays européens. » Couvrant la Lorraine et une partie de la Champagne, Woippy, qui dessert dix-huit destinations en France, reçoit et expédie au moins un train par jour vers Sarrebrück, Gremberg et Mannheim en Allemagne, Bettembourg au Luxembourg, Stockem en Belgique, Bâle en Suisse, Chiasso en Italie, Helsinborg en Suède et Padborg au Danemark. Il n'en reste pas moins que le premier triage de France a souffert, lui aussi, de l'effondrement des trafics fret de la SNCF. « En 1993, nous avons enregistré une baisse importante puisque nous étions tombés à 1 700 wagons par jour », confie Jean-Marie Marque. De là à s'interroger sur les chances de survie de Woippy, il y a un pas que personne n'ose franchir.
Un site tourné vers l'étranger
Personnel. Le site de Woippy regroupe une circonscription d'exploitation (286 agents dont 90 % travaillent en 3 x 8), une section Equipement (101), les ateliers de l'établissement Matériel et Maintenance (108) et une unité de production de matériel traction (151), soit au total 646 cheminots qui concourent à la bonne marche du triage.
Site. Long de 5,2 km et large de 370 m, le triage occupe une surface de 114 hectares. Le triage compte 5 postes d'aiguillage qui gèrent 17 voies de réceptions, 48 voies de débranchement et 8 voies relais, soit en tout 160 km de voies.
Le triage dispose de 2 locos diesels de débranchement 64000 équipées de trucks télécommandés et d’un locotracteur faisant de l’appui de voies et 2 locos diesels de formation.
Fonctionnement. Alimenté par une quinzaine de GPF, le triage de Woippy dessert 18 destinations nationales et 9 destinations internationales.
Woippy a expédié en moyenne 2 300 wagons par jour dont 20 à 30 % sont destinés à l’étranger et 10 % contiennent des matières dangereuses.
9 heures 30, c’est le temps moyen d’un séjour d’un wagon au triage de Woippy. Le minimum est de 1 heures 15 et le maximum de 24 heures.
0, 7 % : il s’agit, selon les teste effectués sur les wagons équipés de boîtes noires, du pourcentage de wagons victimes de chocs à l’accostage. Un score dû aux performances du tir au but.

« Il n'y a absolument aucune menace à court terme. A elle seule, l'importance économique de la région suffirait en effet à justifier l'existence du triage de Woippy car nos grands clients demandent à la fois des trains entiers et des wagons isolés, estime Antoine Dillmann. En plus, la baisse des trafics de lotissement conduit à un regroupement des activités sur les grands triages comme le nôtre. ». De fait, Woippy a déjà récupéré les wagons isolés de Metz-Sablon, spécialisé depuis janvier 1994 dans les trains d'Intercontainer. Même sort pour les trafics de Châlons-sur-Marne transférés à Woippy. Enfin, ce dernier devrait, à partir de janvier 1995, mettre la main sur les trains internationaux qui transitent actuellement par le triage alsacien d'Hausbergen. Au point, d'ailleurs, que Woippy pourrait bien frôler la saturation. Malgré une seconde bosse donnant accès à un faisceau secondaire de débranchement réservé aux trains régionaux, « nous travaillons presque aux limites de nos capacités », indique le chef de gare. Un surcroît de travail qui n'est pas sans conséquences sur les conditions de travail.
« Nous sommes passés en un an du débranchement de 1 800 wagons par jour à 2 500. Et c'est vrai que c'est un effort important car même si, en dehors de l'attelage des wagons, les tâches sont largement informatisées, le niveau élevé de productivité et le travail en 3 x 8 rendent le triage plus dur », reconnaît volontiers Bernard Tritschler. Sans que les récents mots d'ordre de grève aient été plus suivis à Woippy qu'ailleurs, le climat social s'y est donc quelque peu alourdi.
« Les conditions de travail se dégradent et elles vont continuer de se dégrader. On ne peut pas augmenter le trafic de 25 % et réduire les effectifs », analyse en effet Maurice Simovisse, opérateur-réception à Woippy et délégué du personnel CFDT.
L'avenir incertain du réseau des triages, mis en péril par le déclin du wagon isolé, est la toile de fond du malaise social qui s'exprime timidement à Woippy, de manière plus résolue ailleurs. De ce point de vue, les cheminots de Woippy ont peut-être moins de souci à se faire que leurs collègues de Clermont-Ferrand, de Nîmes ou de Saint-Jory.
« La productivité du triage de Woippy est nettement supérieure à la moyenne nationale 94,75 francs le coût unitaire d'un wagon trié chez nous contre 140,17 francs le coût moyen SNCF, précise Antoine Dillmann. Tout simplement parce que les volumes traités ici nous permettent de mieux optimiser notre travail qu'un triage qui ne fait que 500 wagons par jour. »
En clair, quels que soient les scénarios retenus pour la restructuration prochaine du réseau des triages nationaux, Woippy devrait donc conserver au moins pour quelques années encore le titre envié de « premier triage de France ».

M. L.


Noisy-le-Sec, l'ancêtre
A Noisy, pas de tir au but, ni de freins secondaires, ni d'infirmatique,
c'est encore le règne du poste à billes : un système inventé au début des années trente.

Noisy-le-Sec-Triage, 10 h 15. Une première rame d'une vingtaine de wagons Sernam s'approche lentement de la bosse. Les coupes, wagons isolés ou groupes de wagons ayant une même destination, ont été préparées en fonction du plan de débranchement établi par la DOT - la direction opérationnelle du triage.

Premier exemple de poste automatique de triage :
le poste à billes inventé en 1930.

« Quand tu veux », annonce le freineur dans le haut-parleur. Et la BB 63000 pousse lentement ses wagons, tandis que les coupes sont dételées à la perche. Alain Leplat, le chef de bosse, son listing informatique à la main, contrôle les destinations des wagons que l'on peut lire au passage sur les étiquettes, suivant un code de lotissement. Et, pour chaque destination, il enfonce une touche numérotée sur le clavier du poste de bosse. Les numéros, de 1 à 30, correspondent aux voies du faisceau de débranchement. Les wagons dévalent la bosse un à un, quelquefois il y en a deux ou trois à la fois, selon les coupes. Et le matériel s'éparpille sur le faisceau tandis qu'à l'autre extrémité les enrayeurs disposent des sabots de freinage pour arrêter les wagons. A Noisy, pas de tir au but, ni de freins secondaires, ni d'informatique. Et pourtant le tri des wagons est automatique. Grâce à une technique propre à la SNCF : le poste à billes, ou poste RL, un système inventé par l'ingénieur Robert Lévi, au début des années 1930. Le principe de ces postes réside dans la commande automatique des aiguilles par les wagons eux-mêmes, lorsque, descendant de la bosse, ils se dirigent vers leur voie de destination. L'équipement est divisé en deux parties un poste de bosse, et un poste de triage, bâtiment où sont situés la commande automatique, la table géographique de secours, à commande manuelle, le pupitre commandant les freins de voies à air comprimé et le poste, avec son tableau de contrôle optique (TCO), contrôlant les voies de circulations. Ajoutons encore un tableau lumineux au-dessus du pupitre du freineur ; il répète les indications de voies données à partir du clavier du poste de bosse, dans l'ordre des coupes. Figurent sur le tableau certaines indications complémentaires transmises par le chef de bosse, telles que « lourd », (LO), « fragile » (Fr), « accompagné » (Ac) et « erreur » (Er). Ces indications sont destinées au freineur qui en a besoin pour doser le serrage des freins de voie. Et à chaque passage de wagons sous ses yeux, le freineur annonce aux enrayeurs, par haut-parleur : « la 7,... 2 sur la 9 » (un wagon arrive sur la voie 7, deux wagons sur la voie 9).

Les wagons sont dételés à la perche avant leur passage à la bosse de débranchement.
Chaque bouton du clavier du poste de bosse commande un itinéraire vers le faisceau de débranchement. Mais à la différence d'un poste de circulation classique, l'itinéraire n'est pas tracé d'avance. C'est une bille qui s'en charge. L'appareil électromécanique destiné à la commande automatique de toutes les aiguilles des faisceaux du triage constitue la pièce maîtresse du poste de débranchement. A Noisy, où il a été installé en 1952, il se compose de trente tubes métalliques verticaux, correspondant chacun à une voie du faisceau de débranchement. Dans chacun de ces tubes peuvent descendre des billes métalliques d'environ 1,5 cm de diamètre, dont la fonction essentielle consiste à établir des contacts électriques au fur et à mesure de leur descente. Ce sont ces contacts qui assurent la commande des aiguilles du faisceau de débranchement, juste devant les wagons. Chaque bille correspond à un wagon et la descente d'une bille dans son tube correspond au parcours du véhicule. Au sommet de chaque tube se trouve un distributeur qui peut recevoir au maximum 17 billes. Lorsque l'électro-aimant de distribution libère la première bille, opération provoquée par la descente du premier wagon à trier (détection par circuit de voie court), les autres billes sont retenues dans le distributeur par une pièce d'arrêt à guillotine. Juste après le distributeur, quatre étages d'enregistrement font fonction de mémoire mécanique ; c'est là que sont conservées en attente les billes correspondant aux quatre wagons suivants, avant qu'ils n'aient engagé le faisceau. Durant sa descente dans le tube, la bille rencontre des trébuchets, placés les uns au-dessous des autres : ils assurent le cheminement progressif des billes vers la partie inférieure. A chaque trébuchet correspond, sur le terrain, une aiguille ou un sas (espace compris entre les aiguilles), matérialisé par un circuit de voie. Lorsque le wagon arrive sur sa voie de destination, la bille correspondante tombe dans un auget situé à l'arrière de l'appareil. S'il y a plus de dix-sept coupes à trier, il suffit alors, en cours de tri, de regarnir le magasin avec des billes reprises dans cet auget. Le tout premier poste à billes a été installé au Havre en 1933 et le dernier-né a été implanté à Rungis en 1968. Au total, à la fin des années 60, on dénombrait jusqu'à trente postes RL en service. Près de soixante ans après son invention, ce chef-d'œuvre électromécanique, que l'on est tenté de comparer à un flipper était encore l'équipement le plus répandu : il représentait, fin 1991, la moitié des 42 postes électriques de triage à commande automatique alors en activité. Autrefois, les plus grands triages en étaient équipés : Woippy, Miramas, Gevrey, Somain, Hourcade, Sotteville. Il reste encore aujourd'hui une vingtaine de postes à billes en service, dont cinq parmi la vingtaine de grands triages du réseau : Lille-Délivrance, Tergnier, Metz-Sablon, Saint-Pierre-des-Corps et Nîmes.

Jean-Paul MASSE


Sous le signe du Sernam
Le triage de Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis), à 9 km de Paris-Est, n'est plus ce qu'il était. D'ailleurs, on ne l'appelle plus triage, mais « gare principale fret » (GPF). Pourtant, des trains de fret y sont toujours triés. Noisy-le-Sec est un maillon entre les grands triages et les gares expéditrices ou destinataires de wagons. Le trafic y est largement dominé par les wagons du Sernam qui arrivent surtout du sud-est de la France. A Noisy, ces wagons forment des trains à destination des gares et embranchements de la zone nord-est de la région parisienne. Chaque jour, de minuit à 14 h, sauf les samedis et dimanches, Noisy reçoit une trentaine de trains. La pointe des opérations de tri se situe de 10 h à 13 h. Et, inversement, la GPF de Noisy collecte les wagons venant des embranchements de la région pour former, en fin de journée, les trains à destination des grands triages.

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