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La gare de triage de Woippy
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La Vie du Rail
N° 1679 - 4 février 1979

WOIPPY
Un triage automatisé

Déjà quinze ans nous séparent de la mise en service du triage de Woippy... Conçu comme « super-triage » entre 1960 et 1970, de même que ses pairs Grande-Synthe, Hourcade, Sibelin et Sotteville, Woippy présentait dès sa construction des caractéristiques propres à en faire un outil particulièrement efficace. L'automatisation du freinage, nouvellement appliquée, vient encore renforcer cette efficacité et donne à ce triage une valeur d'exemple. C'est à ce titre qu'il nous a paru intéressant d'en retracer l'évolution, d'en décrire l'exploitation et de fournir quelques éclaircissements sur la méthode du « tir au but ».

L'arrondissement de Metz, de loin le plus important de la S.N.C.F., ne disposait, voici deux décennies, que de trois gares pour traiter les wagons isolés : Metz-Sablon, Conflans-Jarny et Florange, aidées par des chantiers secondaires d'un fonctionnement onéreux. La topographie locale s'opposait à l'augmentation de capacité du premier, se caractérisant par des voies courtes et en courbe. Bien qu'imparfaites, les installations de Conflans étaient néanmoins convenables, mais n'auraient pu être agrandies qu'au prix de profonds et coûteux remaniements. Toute modernisation était par contre exclue à Florange, triage de conception ancienne avec faisceaux courts en arêtes de poisson, absence de freins de voie, etc. Or, ces trois établissements travaillaient souvent à limite de saturation et absorbaient difficilement les pointes. La création d'un centre régulateur très efficace se faisait donc impérativement ressentir, les gains en personnel, en journées-wagons et en machines de manœuvres devant être considérables.


Naissance souhaitée d'un « grand » triage

Le site de Woippy a été définitivement choisi parce qu'il répondait aux deux critères fondamentaux suivants : localisation entre Metz et Thionville, c'est-à-dire en un point géographique central, et vaste superficie disponible pour ménager les besoins d'avenir. Conçu grand, le triage a été construit de 1959 à 1963 dans la vaste plaine de la Moselle, sur le territoire des communes de Maizières-lès-Metz et Woippy. Ayant nécessité l'acquisition de 114 hectares de terrains, il s'étend à une dizaine de kilomètres au nord de Metz, le long de la ligne Zoufftgen-Bâle, sur 5 200 mètres, avec une largeur maximale de 370 mètres. D'importants travaux de génie civil ont été nécessaires du fait du niveau du plan d'eau et de la nature du sous-sol. Il a été en particulier remué 210 000 m3 de déblais, tandis que l'apport de 900 000 m3 de laitier provenant d'un crassier voisin désaffecté était réalisé. Pour tenir compte de l'augmentation de la densité de la circulation dans la zone incriminée, le quadruplement des voies, déposées pendant la guerre, a été rétabli entre l'extrémité sud du triage et Hagondange, soit sur 10 km, la double voie en place étant affectée aux trains de marchandises, les deux voies nouvelles contournant le triage par l'est étant réservées aux trains de voyageurs. Toutefois, par manque de place, il n'a été possible d'installer qu'une troisième voie banalisée de Woippy-Gare, où se situe la bifurcation entre la ligne de Bâle et celle du contournement de Metz par Devant-les-Ponts, à l'entrée de Woippy-triage. Par voie de conséquence, ont dû être déviés, la RN 53 Metz-Luxembourg sur 1 900 m, plusieurs routes et chemins avec construction de quatre passages supérieurs, une importante conduite d'eau de la ville de Metz, de nombreux fossés d'assainissement avec création de onze aqueducs, tandis qu'une maison était déplacée de 105 m. Du terrain a été prévu, en vue d'extensions possibles. En particulier, des emplacements ont été réservés pour un faisceau de formation de huit voies entre le faisceau de débranchement et les voies principales rapides et pour l'augmentation du nombre des voies de réception et de départ.
Muni de moyens de communication modernes pour la transmission de données et documents, Woippy est devenu opérationnel le 26 mai 1963, avec une première tranche correspondant sensiblement à la moitié des voies, et le 31 mai 1964, en étape définitive.
La centralisation du trafic RO sur Woippy a permis de spécialiser Conflans au tri du matériel vide, opération incombant auparavant aux gares de Valleroy et Audun-le-Roman ; de supprimer les fonctions de triage assurées par les gares secondaires d'Uckange, Bouzonville, Hargarten-Falck ; de neutraliser complètement le plateau de Florange et de transformer Metz-Sablon en triage RA, ce trafic étant préalablement traité dans les chantiers mal équipés de Pagny-sur-Moselle, Metz-Ville et Metz-Marchandises. Étudié pour un rythme quotidien de 3 500 wagons, avec pointes de 4 500 wagons, le triage de Woippy a connu un démarrage très satisfaisant, dans d'excellentes conditions, conformément aux prévisions.
Au vu des résultats d'exploitation et après une période de rodage, il a été nécessaire de mettre en service, le 22 mai 1966, deux voies supplémentaires du faisceau-réception (15-16) et quatre nouvelles voies au faisceau d'attente au départ (9 à 12). Une dix-septième voie de réception a été créée le 28 janvier 1969 et l'ancien tiroir T1 transformé en treizième voie d'attente au départ.

Les installations actuelles

Woippy dispose aujourd'hui de 17 voies de réception de 790 m environ, 48 voies de triage de 860 à 920 m réparties en six pinceaux de huit voies, huit voies de relais de 775 à 800 m et treize voies d'attente au départ de 750 m. Du fait de la nette augmentation de la charge unitaire des wagons, la longueur utile des voies, calculée ample voici quinze ans, demeure suffisante malgré la perte de longueur consécutive à l'installation des freins de voies secondaires. Côté formation, une bosse secondaire donne accès aux deux derniers pinceaux (voies 41 à 56), ainsi qu'au relais et est suivie par trois freins de voie.
Divers embranchements particuliers sont greffés dans les emprises de Woippy, notamment Rolanfer, Claas (machines agricoles), Davum, Dumas (produits métallurgiques), en gare locale ; Davum Nord et Dumas Nord, sur voies bis ; la voie mère du Malambas à partir de la réception sud, donnant accès à la centrale thermoélectrique de la Maxe et à la Raffinerie d'Hauconcourt (gérée par la Société Lorraine de Raffinage). En dehors des voies des faisceaux de réception, départ et relais, toutes les voies de circulation sont équipées de caténaires, de même que celle de la voie mère précitée pour la réception de trains complets. Sont également électrifiés : le faisceau de réception et le faisceau relais, deux voies du faisceau départ en totalité, les autres voies de ce faisceau ayant seulement leurs parties extrêmes électrifiées pour la mise en tête des machines de ligne. Cinq postes d'aiguillages concourent à la sécurité des circulations et manœuvres :
- poste 1 PRS de 76 itinéraires et 11 autorisations, logé dans le corps du bâtiment central du triage, commande toutes les liaisons avec les voies principales, de Woippy Sud à Maizières-lès-Metz, soit sur sept kilomètres ;

Au poste D, débranchement devant le "Descubes" récupéré à Châlons-sur-Marnes.
- poste A, type mécanique 45, implanté au nord, pour le départ des trains vers Thionville et Conflans, avec table enclenchée de 35 leviers et une table de 20 leviers V libres ;
- poste B, type électromécanique réduit, situé au sud, de 75 leviers et une table de 25 leviers V, pour la réception des trains, côté Metz, les évolutions des locomotives de débranchement, les accès et sorties du dépôt et l'engagement de la voie mère du Malambas ;
- poste D-Débranchement, doté du système de commande automatique des aiguilles de tête de faisceau par l'ordinateur, et d'un combinateur électrique à leviers d'itinéraires (44 leviers et 19 manettes d'aiguilles), du type Descubes ; ce poste commande la réception des trains venant du nord et les départs du faisceau de relais vers le sud ;
- poste F-Formation, équipé lui aussi avec une table « Descubes » de réemploi, comprenant 47 leviers, pour l'expédition des trains depuis le faisceau de départ vers Metz. Il comporte, en outre, des manettes libres pour la manœuvre électrique individuelle des aiguilles de tête du faisceau d'attente au départ, deux tables géographiques de manettes libres pour la commande des aiguilles de tête du faisceau principal et une table de commande des trois freins de voie.
Le PCT, organe directeur du triage, supervise et coordonne son fonctionnement. Il suit la réception, le débranchement, la formation et l'expédition des trains, la circulation interne des différents mouvements et machines, les échanges entre faisceaux et la desserte des chantiers annexes (local, matériel roulant, embranchements, etc.). En liaison avec les organismes de la Division du Transport de Metz, il est, par ailleurs, chargé de provoquer l'adaptation du nombre de trains aux fluctuations du trafic, avec mise en marche des trains facultatifs ou la suppression des trains réguliers accusant des creux de charge importants ; il doit s'efforcer de tirer le rendement maximal des engins de traction et veiller à la rotation rapide du matériel marchandises.
Tous les faisceaux sont sonorisés par haut-parleur. Pour la transmission des ordres et données, le personnel de tous les postes de travail dispose du téléphone classique raccordé à un central automatique. Il existe aussi des relations radioélectriques bilatérales entre les chantiers débranchement, formation, PCT, postes, le chef de bosse et les machines de manœuvres. Par ailleurs, un réseau de tubes pneumatiques assure la transmission de documents (plans de débranchement, bulletins de composition) entre le PCT et les principaux postes du triage. Enfin, les CIS et CIT sont équipés d'une batterie de téléimprimeurs reliés au réseau national, pour l'émission ou la réception des données traitées par l'EEG, comme la situation des wagons, la composition des trains à l'arrivée et au départ. Administrativement, le triage de Woippy dépend de la circonscription exploitation de Woippy, qui gère également la gare locale de Woippy, située côté Metz et qui voit s'arrêter seize trains de voyageurs reliant Metz-Thionville et Metz-Hagondange-Conflans.
En 1979, la CE utilise 285 agents dont 271 chargés du fonctionnement du triage. En dehors de ces activités « Transport », Woippy est le siège d'une annexe traction et d'un entretien du matériel roulant marchandises, qui disposent respectivement de 118 et 51 agents. Un parc régional de stockage de matériels de voie usagés et des locaux sociaux (cantine, foyer, logements pour le personnel), complètent cet ensemble.


3 000 wagons par jour

Figé trois périodes de huit heures, du dimanche 13 h au lundi 13 h (le service équipement assurant l'entretien courant des installations les lundis matins), le triage de Woippy fonctionne ordinairement en 3 x 8. Après avoir atteint les niveaux records de 4 316 wagons reçus le 22 octobre 1969, 4 234 débranchés le 10 mai 1970 et 4 223 expédiés le 23 mai 1970, il se situe actuellement en tête de l'ensemble des triages traitant le RO en France, pour le nombre de wagons débranchés. D'après la moyenne annuelle pondérée établie sur 300 jours par la direction du Transport, il accusait en 1977 le chiffre de 2 540 wagons/jour, devançant Villeneuve 2381, Gevrey 2379, Miramas 2 061, Le Bourget 1 995, Sibelin 1 942, Somain 1 937, Hausbergen 1 779 et Sotteville 1 711. Il semble maintenant exclu que l'on puisse revenir ou dépasser le seuil de 4 000 wagons, car la charge de ceux-ci a considérablement augmenté avec la multiplication des wagons à bogies, le volume global des marchandises transportées en RO tendant d'autre part à diminuer au profit du RA. Au service d'hiver 1978, Woippy reçoit une centaine de convois réguliers chaque jour ouvrable et en expédie autant. La proportion des trains de lots inter-triages, dont les provenances et destinations sont reprises sur les cartes ci-jointes, avoisine un tiers à la réception et atteint 44 % au départ. Comme il a été dit plus haut, la concentration des vides reste du ressort du triage de Conflans qui alimente le plus souvent directement en rames complètes les gares utilisatrices de matériel spécialisé : plats, couverts, trémies spéciaux, etc. Néanmoins, plusieurs transferts réguliers de matériel ont lieu journellement dans les deux sens, entre les deux triages, Woippy incorporant dans les trains au départ, environ 250 wagons vides/jour, en répartition directe.

De gauche à droite vers le nord, les voies bis, les relais électrifiés et un des pinceaux du feaisceau de débranchement.
Les trains locaux directs et les coupes formés et reçus intéressent de nombreuses gares et chantiers de la périphérie messine et les points frontières. Il s'agit en particulier d'Hagondange, Ebange, Thionville, Distroff, Apach, Bouzonville, Überherrn, Creutzwald, Béning, Cocheren, Forbach, Algrange, Audun-le-Tiche, Écouviez, Jœuf, Rombas, Lérouville, Montigny (ateliers), Metz-Sablon, Metz-Marchandises et le nouveau port de Metz, la zone industrielle de Metz et l'embranchement de la Société Lorraine de Raffinage. A l'arrivée, du fait des remises conjuguées des usines, on enregistre une importante concentration des réceptions, avec, parfois, sept trains réguliers dans l'heure, notamment en soirée et la nuit. Dans le sens inverse, les départs sont plus échelonnés tout au long de la journée, le cycle horaire ne dépassant pas six trains. Les journées les plus calmes sont évidemment les dimanches, lundis et fêtes légales, le point culminant du trafic se situant du mercredi au samedi, où il n'est pas rare de tourner entre 2 800 et 3 200 wagons expédiés.
En chiffres moyens, cinq à dix trains facultatifs sont mis en marche en sus, en semaine, pour l'enlèvement des reliquats, le plus souvent de et pour Conflans, Hausbergen, Blainville, Mulhouse, Cocheren, Creutzwald, Mont-Saint-Martin, Dunkerque, ce qui conduit ipso facto, à des problèmes de réceptions et de départs en batteries à certaines heures. Assurée de 1963 à 1973, la formation simultanée des trains de desserte omnibus, dont les wagons sont classés dans l'ordre de leur distribution géographique, a dû être reportée sur le chantier d'Uckange, car elle alourdissait la tâche de Woippy. Depuis le 28 mai 1978, ces fonctions sont assurées par le faisceau de la gare d'Hagondange, qui reçoit les éléments tout venant de Woippy. Alors que plusieurs triages importants se singularisent par une vocation complémentaire d'escale (témoin Hausbergen, Saint-Pierredes-Corps, Hourcade, Saint-Jory, Gevrey, Sibelin, Miramas), le rôle de Woippy, dans ce cadre, est réduit à sa plus simple expression, car sa situation est proche des points d'origine et d'aboutissement des grands courants de transport. On doit savoir, en effet, que les trains complets, représentant plus de la moitié des envois de la région de Metz, vont d'EP à EP ou de gare à gare, avec le même engin moteur. L'occupation des huit voies de relais est de ce fait insignifiante en temps normal. En compensation, ce faisceau étant doté de caténaires et de postes d'essais de freins, sert à mettre au départ de nombreux trains vers le sud, ainsi que des coupes pour Woippy local, Metz-Port et Metz-Sablon, soulageant d'autant le faisceau de départ. Bien entendu, en cas de perturbation ou d'incident mouvement, il sert éventuellement de réservoir.
Les deux gros embranchements de la Maxe et de la Raffinerie d'Hauconcourt donnent lieu à d'importants transports par trains complets journaliers : à l'arrivée, trains de houille pour EDF en provenance de la Sarre (Ensdorf) ou du port de Thionville-Illange ; au départ, trains d'hydrocarbures expédiés de la raffinerie vers Épinal, Nancy, Uckange, Foulain.
Un parc important d'engins de manœuvres diesels est employé à Woippy. C'est ainsi qu'il faut quatre AIA-AIA 62000 appartenant au dépôt de Thionville, à raison de deux pour le débranchement, un en permanence, l'autre de 13 h à 21 h, deux pour la formation (tirage des rames vers le départ et le relais, opérations annexes de retrait, adjonction), auxquels s'ajoute le locotracteur Y7133 pour les appuis de voie. Tous ces engins sont munis de la radio, les 62000 affectés au débranchement étant d'autre part équipés d'un système de télécommande en service lors de la montée en butte et utilisés en commande manuelle lors des évolutions de retour, haut le pied. En outre, il faut, un BB 63500 du lundi au vendredi en matinée et l'après-midi pour les dessertes des embranchements du local, plus un 62000 en renfort, les lundis matins.

Pourquoi le « tir au but » ?

Mise au point par la S.N.C.F. après de longs essais comparatifs et probatoires au triage impair de Vaires, à l'est de Paris, l'automatisation du freinage dans les triages par la méthode dite du « tir au but », basée sur différentes composantes, permet en effet, outre une fluidité du trafic, d'augmenter la cadence de débranchement jusqu'à huit wagons/minute, alors qu'avec le freinage manuel, le débit n'excédait pas cinq à six wagons/minute (Ce débit est celui résultant également du système de ralentissement des wagons par chariot-freineur installé au triage d'Ambérieu (voir « La Vie du Rail », n° 1502). Elle offre d'incontestables avantages par rapport à la méthode antérieure où le ralentissement des véhicules était assujetti à la seule appréciation du freineur. Ces avantages sont les suivants :
- la suppression de l'enrayage de fond, réalisée d'une façon empirique et non exempte de danger ;
- l'accostage régulier des wagons sur la voie de formation, diminuant d'autant les appuis de voie complémentaires par locotracteur ;
- la réduction des temps morts et des avaries supportés par les marchandises transportées (chargements déplacés ou casse), ainsi qu'au matériel ;
- le contrôle et l'enregistrement de tous les paramètres d'exploitation ;
- l'intégration possible sur le plan local ou national à un système de gestion centralisée ;
- un fonctionnement sans heurts, quelles que soient les conditions atmosphériques ambiantes : brouillard, pluie, etc.

Principe de fonctionnement du « tir au but »

Dans son principe général, le dispositif de freinage consiste, rappelons-le, à commander automatiquement, par le biais d'informations traitées par un ordinateur en temps réel, l'ouverture des freins de voies primaires existants (1er étage), de telle sorte que les wagons, ou coupes de wagons débranchés, arrivent à une vitesse prédéterminée à l'entrée des freins secondaires de petites dimensions constituant le 2e étage, à installer en tête de chaque voie de classement du faisceau de triage. A partir de ces derniers freins où intervient le véritable tir au but, les wagons doivent encore être animés d'une énergie cinétique résiduelle suffisante pour leur permettre d'arriver sur les véhicules en stationnement à une vitesse inférieure à 1,50 m/s. Cette énergie cinétique résiduelle dépend de divers facteurs : la distance restant à parcourir, la résistance au roulement des coupes, le tracé de la voie, la force et la direction du vent. Elle est calculée par l'ordinateur, en termes de vitesse, pour les deux étages de freins. Il devient ainsi possible d'obtenir une rame homogène et un remplissage régulier avec tampons en contact. En pratique, la vitesse est d'abord régulée au niveau du premier étage de frein de façon à ce que le wagon ou groupe de wagons parvienne au second étage à une vitesse proche de 4 m/s (V 4). L'action des freins secondaires déterminant la vitesse de sortie (V 5) est alors calculée en fonction de la résistance à l'avancement mesurée en ligne droite et de la distance restant à parcourir. En ce qui concerne les installations, la définition des différents critères et contrôles est obtenue à partir d'organes existants et par l'apport complémentaire d'un nouvel appareillage destiné :
- aux mesures et à la régulation des vitesses ;
- à la mesure du remplissage des voies de classement.
Entrent également en ligne de compte, les informations provenant :
- du pupitre de bosse ;
- de l'appareillage de commande automatique des aiguilles ;
- du détecteur de véhicules autorégleur, situé au sommet de bosse ;
- d'un dispositif de pesée placé avant les freins primaires ou au sommet de bosse ;
- des pédales de comptage ;
- des bases de mesure de vitesse en différents points du parcours : V1 au pied de la bosse, V2 à l'entrée du frein primaire, V3 à la sortie du frein primaire, V4 à l'entrée du frein secondaire.
Le système met en œuvre outre les freins primaires et secondaires, diverses composantes, telles que des dispositifs de pesée, des pédales électroniques ou capteurs pour mesurer la vitesse, le comportement des coupes, leur suivi et le comptage des essieux, des asservisseurs électroniques, des radars, des mesures d'occupation des voies et l'ordinateur jumelé à un téléscripteur.


Le chef de bosse commande sur son pupitre les itinéraires des wagons à débrancher, en fonction du plan de débranchement.

Wagons en cours de freinage sur les freins secondaires. Les mâchoires ne sont appliquées que sur une seule file de rail, avec une force telle que le wagon puisse venir s'immobiliser au contact du premier wagon de la voie.



A l'intérieur du poste D, la table manuelle permet d'intervenir en secours sur la commande des aiguilles et sur celle des freins primaires et secondaires (touches).

Vue d'un ensemble de freins secondaires dans le faisceau de débranchement.

Gros plan d'un radar pourvu d'un bouclier protecteur.


La mise en œuvre à Woippy

D'importants travaux ont été nécessaires pour l'adaptation des installations du triage. Ils ont été menés à bien sans interrompre les opérations de débranchement. A cet effet, des réunions de concertation entre les principaux services intéressés : état-major de la gare, section Équipement et circonscription du Service Electrique, responsables des entreprises, étaient organisées chaque semaine pour établir un programme logistique d'intervention définissant les phases avec désignation des voies, engins à utiliser, etc. Parallèlement, on étudiait l'incidence sur le fonctionnement du triage, en s'évertuant à limiter au strict minimum les gênes pour la fonction Transport.
Pendant le printemps et l'été 1975, il a été réalisé en préalable l'assainissement de la tête des voies du faisceau débranchement, afin d'obtenir un nivellement correct des appareils et la rectification du profil des voies avec pente constante de 1,1 %o, du poste D vers le poste F. Cette modification s'assortissant d'un bourrage mécanique était impérative pour que les bases de mesure soient aussi parfaites que possible à l'entrée des freins secondaires. Les travaux de génie civil ont ensuite débuté et se sont échelonnés de février 1976 à mars 1977. Ils se subdivisèrent en deux étapes principales. La première, préparatoire, s'est caractérisée par l'établissement de 48 fosses destinées à recevoir chacune un frein de voie secondaire avec assainissement et mise en place de 0,60 m de matériau sous le niveau inférieur de la longrine de frein ; la construction de 12 fosses en béton pour loger les réservoirs d'air comprimés alimentant chacun 4 freins et raccordés à la canalisation utilisée également pour les freins primaires ; la pose de 100 km de câbles en campagne ; la création de 54 massifs en béton appelés à supporter les radars à raison d'un par frein primaire ou secondaire ; la construction des caniveaux pour le passage des câbles, entre les freins secondaires et les appareils de tête du faisceau.
La seconde étape a porté sur la mise en place du matériel, à commencer par le déroulage des câbles devant acheminer les informations recueillies sur le terrain par l'intermédiaire des capteurs radars, pèse-essieux, détecteurs, mesure d'occupation des voies, afin de les transmettre à l'ordinateur chargé des calculs du tir au but. La pose des 48 freins secondaires à mâchoires, type Westinghouse 34M agissant sur une seule file de rail et pour lesquels l'effort de retardement est obtenu par frottement de patins actionnés par des tenailles sur le flanc des roues des wagons, a été opéré à raison de 4 unités par semaine, avec neutralisation des voies correspondantes. Pour ce faire, on a utilisé soit une grue routière de 50t, soit le wagon couplage du département des Ouvrages d'Art.

La girouette complète l'ordinateur

Ont été ensuite entrepris au printemps et à l'été 1977, diverses tâches connexes, d'ordre électrique, à la fois sur le terrain et en salle. Elles ont consisté à installer :
- 418 capteurs-détecteurs de passage d'essieux d'un type magnétique, sur l'âme du rail, assurant le suivi des wagons, la commande des aiguilles et des mesures de vitesse ;
- 54 radars chargés de mesurer la vitesse réelle des wagons et des coupes dans les deux étages de frein ;
- 6 pèse-essieux, donnant, lors de la flexion du rail au passage des essieux, une mesure traitée et mise en mémoire par l'ordinateur, puis restituée à l'asservisseur et au régulateur pneumatique du frein pendant le passage de chaque essieu des wagons dans le frein ;
- un asservisseur électronique, ensemble d'appareillage constitué par des logiques câblées appropriées assurant la liaison entre l'ordinateur (ou le freineur dans le cas de commande semi-automatique) et les freins, dont il assure la commande. Son rôle est de comparer en permanence la vitesse de consigne à la vitesse réelle de la coupe fournie par radar, afin d'agir sur la commande du frein de voie et annuler l'écart entre ces deux paramètres. Elle peut émaner, soit de l'ordinateur (exploitation automatique), soit du pupitre de commande (exploitation semi-automatique), soit de l'asservisseur lui-même (exploitation locale en manuel) ;
- des dispositifs de mesure d'occupation des voies, basés sur une variation de l'impédance de la voie raccordée sur un oscillateur, dont on peut mesurer la fréquence ;

Les deux ordinateurs Mitra 1535, fonctionnant en parallèle.
- une girouette et un anémomètre indiquant le sens et la vitesse du vent ;
- une table de commande au poste D ;
- deux ordinateurs MITRA 15-35, utilisés pour effectuer les calculs, commander les itinéraires et les asservissements pilotant les freins de voie. Fonctionnant en parallèle, ils sont connectés entre eux, permettant une exploitation en continu, en cas d'incident, par report des calculs de l'un sur l'autre. Les capteurs en campagne fournissent les informations nécessaires au déroulement de son programme. Les ordinateurs ont de plus comme périphériques, deux imprimantes installées à distance et un téléimprimeur pour les dialogues homme-machine. La très grande rapidité d'action de l'ordinateur (1/1000e de seconde) a conduit à protéger, à l'aide d'un onduleur, le système contre d'éventuelles micro-coupures du réseau d'alimentation capables de perturber certaines informations de l'exploitation. Dans le même ordre d'idées, il a été indispensable d'ajouter deux autres compresseurs fournissant l'air comprimé aux trois en service, pour pouvoir assurer l'entretien d'un groupe sans perturber le débranchement. Trois cent cinquante câbles de raccord ont été utilisés pour assurer les liaisons entre les appareils de voies et les asservisseurs d'une part, avec l'ordinateur d'autre part.

Des résultats probants

Le 1er août 1977, le système était essayé à l'exception de la commande automatique des aiguilles. Après relèvement de 0,30 m de la bosse de débranchement en cours de mois, le tir au but, entièrement automatique, y compris la commande des aiguilles, entrait en service au début septembre. Diverses mises au point de détail ont été nécessaires pendant l'automne et l'hiver suivant afin de définir avec précision les conditions d'application, en fonction des paramètres locaux. En 1978, après plusieurs mois de fonctionnement, les responsables de Woippy et les spécialistes des directions du Transport et de l'Equipement ont pu apprécier une nouvelle fois la fiabilité du système. Diverses constatations très favorables ont été faites. C'est ainsi que la vitesse d'accostage des wagons et coupes excédant 1,70 m/s est inférieur à 10 %, les arrêts avant accostage avoisinent 15 % des véhicules débranchés. Autre facteur fort intéressant, le nombre de wagons passés à l'entretien du matériel roulant est en forte régression.
Avec 784 053 wagons débranchés en 1977, l'activité générale de Woippy-triage est en légère diminution par rapport aux exercices précédents. Cette baisse d'ordre conjoncturelle s'explique par le marasme de la sidérurgie, la stagnation de l'industrie chimique et la réduction de l'extraction charbonnière des Houillères du Bassin de Lorraine. En tout cas..., les installations ferroviaires de Woippy sont prêtes à absorber un surcroît de trafic, d'une façon à la fois efficace et économique. Ce triage jeune et puissant est périodiquement visité avec intérêt par des techniciens de grandes administrations tels que la DB, les PKP, les CFL, les chemins de fer iraniens, etc. La précision du tir au but et l'organisation générale retiennent toujours l'attention.
Côté local, en 1977, les expéditions et arrivages cumulés atteignent des chiffres intéressants : 115 901 wagons, 2 614 263 t. On est en droit d'espérer une expansion du trafic lorsque le pôle industriel d'Ennery sera raccordé à la voie mère du Malambas. Le chemin de fer devrait en retirer un bénéfice intéressant, puisqu'on espère de nombreux sous-embranchés dont deux de taille : Garolor et la Société Mécanique Automobile de l'Est. Les wagons n'auront donc pas loin à aller pour être triés avant d'être dirigés sur leur destination !    Bernard COLLARDEY.


De Sotteville à Woippy :
différences technologiques et améliorations

Conçus postérieurement à Woippy, à l'époque où les études de freinage automatique débutaient sur la S.N.C.F., les plans de voies des triages de Sotteville, Hourcade, Sibelin avaient tenu compte des dispositions supposées nécessaires pour leur réalisation. C'est ainsi que le profil des voies des faisceaux de débranchement avait été réalisés avec une pente de 1 %o sur six cents mètres environ. A l'inverse, l'infrastructure de Woippy a dû être retouchée. En outre, les trois triages précités avaient été les premiers à bénéficier d'un poste électronique de débranchement qui se substituait, pour la commande automatique des aiguilles, au combinateur électromécanique ou « poste à billes » équipant la plupart des autres triages. Avec cette nouvelle formule encore désignée « logique câblée », permise par l'apparition de circuits logiques, la technologie employée, à base de semi-conducteurs, assure un fonctionnement entièrement statique du système, d'où un entretien réduit. Sa fiabilité ayant été démontrée, il n'a pas été jugé utile de modifier cette installation réduite de même que les freins primaires, dont seule l'adaptation a été nécessaire. En ce qui concerne les freins secondaires la seule différence notable réside dans la technologie utilisée par les constructeurs : freins hydrauliques Saxby à Hourcade et Sibelin, freins pneumatiques Westinghouse à Sotteville et Woippy. Leur implantation en alignement intégral sur la totalité des voies de débranchement de Sotteville, et d'Hourcade a été prévue en décalé à Sibelin et Woippy pour limiter au minimum la réduction de la longueur utile des voies de classement. En tenant compte d'un tronçon de voie minimal de trente mètre en alignement, en amont du deuxième étage de freins, la position de ceux-ci est plus éloignée des aiguilles de tête sur les pinceaux extérieurs, où les courbes sont plus prononcées.
En ce qui concerne l'ordinateur, il a été employé un modèle fabriqué par la CII, type 10020 à Sotteville, Mitra 15 d'encombrement déjà moindre à Hourcade et Sibelin. Par contre à Woippy où le poste à billes, vieux d'une quinzaine d'années, commençait à donner des signes de fatigue, il a été reconnu possible et intéressant, grâce aux progrès de l'électronique, de moderniser la commande des aiguilles en profitant de l'opération « Tir au but », imposant en soi l'usage d'un ordinateur. Alors que dans les deux systèmes précédents, poste à billes et poste électronique, la progression des wagons, assurée par l'intermédiaire de circuits de voie, réglait le processus de déclenchement des manœuvres d'aiguilles en temps voulu, le calculateur permet cette commande automatique des aiguilles (1) à partir des détecteurs d'essieux, judicieusement implantés en voie pour garantir un fonctionnement satisfaisant, de même qu'un débit élevé. De plus, l'identification des coupes, par comptage de leurs essieux, permet de résoudre parfaitement le problème de la détection des rattrapages, la notion d'espacement des coupes n'étant plus tributaire de la longueur des circuits de voie. Par opposition au système « logique câblée », il est désigné « logique programmée ». Cette association suppose naturellement l'application de deux programmes par l'ordinateur : un pour le tir au but, l'autre pour la commande d'itinéraires. Toutefois, pour que ce système, réservant une souplesse d'exploitation optimale, soit fiable, il faut que la commande des itinéraires soit secourue, d'où la nécessité de mettre en place un deuxième ordinateur fonctionnant en parallèle et commutable immédiatement en cas d'incendie sur l'un d'entre eux.
Des perfectionnements sont apparus à la lumière du fonctionnement de Sotteville. Il s'agit en premier lieu d'une base de mesure supplémentaire implantée à la sortie des freins secondaires permettant de comparer la vitesse réelle de sortie avec celle calculée par l'ordinateur.
Appliquée à Hourcade de façon partielle sur un seul pinceau, elle a été mise en place sur la totalité des voies de Sibelin. A Woippy, en plus, le procédé a été repris et affiné par l'édition, sur un téléscripteur couplé aux ordinateurs, de calculs statistiques réalisés de façon permanente en mémoire de l'ordinateur en fonction. On peut ainsi connaître à tout moment, pour chaque voie, la moyenne, la dispersion et les écarts minimaux et maximaux enregistrés sur les freins primaires et secondaires. Ceci constitue une aide précieuse pour le personnel de maintenance pouvant ainsi rapidement localiser les incidents et effectuer les réglages. Par ailleurs, alors qu'à Sotteville le freinage des coupes supérieures à cinq wagons présentait des difficultés pour une question de longueur, ce problème a été pratiquement maîtrisé à Woippy par un nouveau programme visant à réduire l'indice de roulement des coupes longues, en fonction du nombre d'essieux et des masses.

Enfin, une facilité supplémentaire a été introduite pour la première fois à Woippy, pour le chef de débranchement qui peut à tout moment, par l'intermédiaire d'un message téléscripté, changer l'affectation d'une voie commandée par le poste de bosse.

Si dans l'ensemble les grands traits de l'automatisation ont peu varié, on voit par contre que des effets bénéfiques découlent de la capacité des ordinateurs en perpétuelle évolution. Les améliorations seront bien entendu reproduites à Villeneuve-Saint-Georges et dans les automatisations ultérieures. En anticipant quelque peu, on peut déjà dire qu'à Villeneuve, les ordinateurs Mitra sont remplacés par des « microprocesseurs », dispositifs électroniques d'enregistrement, de commande et contrôle, point de départ d'une nouvelle génération d'ordinateurs miniaturisés.     B. C.

(1) Mis au point à petite échelle, ces dernières années à Saint-Jean-de-Maurienne et au Mans.

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