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Fête des Fraises 1932

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Journal "Le Lorrain"
Mardi 10 mai 1932
Fête des fraises.
La municipalité de Woippy, avec le concours de toutes les Sociétés locales, organise, pour le 26 juin prochain, une fête des fraises, à laquelle participeront de nombreuses délégations d’anciens combattants, des Sociétés musicales et sportives et qui comporte un programme très attrayant.
Ce programme sera publié prochainement dans tous ses détails, mais d’ores et déjà, on peut annoncer qu’il est prévu un grand concert, des jeux variés avec des prix très importants, et que, pendant toute la journée du 26 juin, les acheteurs pourront trouver des fraises au détail, au prix de revient !

Mercredi 22 juin 1932
La Fête des Fraises à Woippy. Dimanche 26 juin.
Programme complet de la fête.
E c’tennaye ç’o é lé St Saulve lo 26 d’on moué
L’és fètes dés Fraises et des Framboises ;
V’neu-s-y tortus, po lé sayet ét on chorchét,
I s’menge é lé main ét en pot’naye é tote scausse,
Froche ét cofite elle font tôt ostant pliagit.
V’nou don ou pessen tortoue é Woieppie, po lé chousse,
Tocé estounr po n’pu palé d’lé crise,
En s’dine « Porvu qu’en en v’einsse ! ».
A partir de 13 heures : Commencement des épreuves des concours ci-dessous :
CONCOURS DE TIR,
Café Mangenot. 1er prix : Service à café de 15 pièces ; 2ème prix : Moulin à café rotatif ; 3ème prix : Une douzaine d’assiettes à dessert.
CONCOURS DE QUILLES.
Café du Commerce. 1er prix : Un gros mouton ; 2ème prix : Une belle oie ; 3ème prix : Une bouteille.
Café National. 1er prix : Un service de table 52 pièces ; 2ème prix : Un seau à biscuits ; 3ème prix : Une ménagère.
A 14 heures. A l’entrée du village, route de Metz : Réception des autorités et des Sociétés invitées.
A 14 h. 45. Départ du cortège : Sapeurs-pompiers, musique des A. C., les délégations des A. C., musique « La Délivrance » de Richemont, bicyclette fleurie et voitures de la « Reine des Fraises », musique l’Harmonie St-Martin, de Rémilly, Groupe de jeunes filles vendant des fleurs, Musique La Fraternelle, de Talange, Section de gymnastique du Cercle St-Georges, de Rosselange, Musique La Jeune Lorraine, de Saulny, Section gymnastique du Cercle St-Martin, de Maizières, Musique La Renaissance, de Devant-les-Ponts, Musique et Section de gymnastique de l’Union de Woippy.
Pendant le défilé fonctionneront les jurys chargés de juger le concours de balcons ou fenêtres et de bicyclettes fleuries ou décorées. Pour ces deux concours, premier prix : 50 fr. ; deuxième prix : 20 fr. ; éventuellement d’autres prix aussi.
A 15 h. 30 : Production gymnastiques et morceau d’ensemble : « Alsace et Lorraine », sous la direction du chef de musique des A. C. dans la rue de l’Eglise.
A 15 h. 45 : Vin d’honneur au Café de la Gare, aux autorités et aux dirigeants des sociétés et aux invités. Remise des prix aux gagnants des concours de fenêtres et de bicyclettes décorées.
A 16 h. 15 : Conférence sur les « Fraises » par le président du Syndicat des producteurs de fraises, au Café de la Gare (entrée libre).
Toute la journée : Vente de fraises au détail au prix de revient, dans d’élégants petits paniers contenant environ 1 kg, par le Syndicat des producteurs de fraises. Les gourmets trouveront chez les débitants du sucre en poudre, des vins variés, du kirsch, de la crème, etc., etc.

Lundi 27 juin 1932
La Fête des Fraises à Woippy a obtenu un franc succès.
Chaque province, chaque localité a sa spécialité. C’est ainsi qu’on trouve la mirabelle de Metz, les pêches de Jouy, les vignobles de Scy, de Vaux, de Lorry ; quant à la fraise de Woippy, sa renommée n’est plus à faire. Tout jeune, l’enfant apprend à la connaître, et, vieillard sans dents, il la savoure encore avec délices… Aussi n’est-elle pas à critiquer cette idée qui a voulu fêter la gloire d’une des « demoiselles d’honneur du Pays Messin », la fraise de Woippy. Il faut croire que l’idée a plu à quantité de gens, puisque, malgré les multiples fêtes qui tentaient hier nos compatriotes, ils se sont trouvés si nombreux à jalonner les routes et encombrer les chemins de fer qui conduisent à cette bourgade, centre de la production fraisière.
L’on n’avait pas attendu l’après-midi pour avoir l’âme en fête. Et quiconque passait hier matin à Woippy, à voir l’entrain de tous et la joie illuminant les visages, se demandait sans aucun doute quel important événement devait avoir lieu dans la belle et paisible bourgade de Woippy. Evénement sensationnel ? Eh ! oui ! puisqu’il s’agissait, en même temps que de fêter le fruit qui enrichit tant de braves travailleurs, d’inaugurer une fête qui, nous le souhaitons bien vivement, se renouvelant chaque année, aura tôt fait de passer au rang de ces coutumes locales, auxquelles la population lorraine est si passionnément attachée.

Réception des éléments du cortège
Dès 2 heures de l’après-midi, la fanfare de l’ « Union » de Woippy, sous l’habile direction de M. Didier, stationnait devant le café de la Gare, à l’entrée du village, route de Metz, pour recevoir les sociétés invitées. Arrive d’abord la Société de musique « La Délivrance », de Richemont. Suivent ensuite, à peu de temps d’intervalle, plusieurs sociétés de gymnastique : la section du Cercle Saint-Martin, de Maizières-lès-Metz, puis celle du Cercle Saint-Georges, de Rosselange.
Vers 2 h. 30, arrive majestueusement un landau encombré de fleurs multicolores, que rehausse une aimable verdure. Voici venir le char de la Reine. Mlle Marie Wéber, la charmante reine des Fraises, entourée de Mlles Lucienne Didier et Thérèse Deschamps, ne se montre pas du tout avare de ses sourires ; nullement inquiète de se voir sur un char mis gracieusement à la disposition de la municipalité par la direction des Pompes Funèbres de Metz – oh ! shocking ! – Peut-être était-ce pour rappeler aux gourmands les néfastes effets de l’intempérance ?
Puis c’est l’arrivée successive des autres Sociétés invitées : La Société de musique « La Jeune Lorraine » de Saulny, la « Renaissance » de Devant-les-Ponts, qui suit de près l’Harmonie du cercle St-Martin de Rémilly. La musique la « Fraternelle » de Talange s’était fait excuser.

Le cortège
Toutes les Sociétés présentes, le cortège se forme ; puis, vers 15 heures, se met en branle ; en tête marchaient les sapeurs-pompiers, dont le lieutenant, M. Hennequin, alité, ne pouvait diriger la marche. Ils étaient suivis de l’Harmonie des A. C. de Metz, que conduisait maîtrement M. Marchal ; ensuite venait la « Délivrance » de Richemont. Trois vélos, élégamment fleuris et montés par des jeune gens de 12 à 13 ans, précédaient le char de la Reine, lequel était de nouveau suivi par deux bicyclettes également ornées de fleurs et de fraises. L’on vit ensuite plusieurs jeunes filles qui avaient pour charge d’épingler les fleurs traditionnelles, sortes de sauf-conduit pour les « fêtards » ; derrière elles l’Harmonie St-Martin de Rémilly, les sections de gymnastique du Cercle St-Georges de Rosselange et de l’« Union » de Woippy, la « Jeune Lorraine » de Saulny. Et voici qu’à petits pas réguliers, des petits garçons, vêtus de blanc, coiffés et ceinturés de rouge, suivent le cortège. Ils sont tous jeunes, les aînés n’ont pas 15 ans et les plus jeunes ont bien six ans ; ce sont les gars de la section de gymnastique du Cercle St-Martin de Maizières-lès-Metz. Leurs aînés les suivent. Pendant vingt bonnes minutes, le cortège défile ainsi à travers les rues de la bourgade en fête, pour venir se disloquer devant l’église, cependant qu’un jury compétent examinait les vélos fleuris et les balcons ornés, pour distribuer les prix.
Pour les vélos, le premier prix fut décerné au jeune Scherhammer Robert ; le deuxième prix au petit Guy Desprez, fils de M. Desprez, le sympathique président des A. C. de Woippy ; pour les balcons, le premier prix est attribué à M. Louis, et le deuxième à M. Wilhelm.

Productions gymniques
Le cortège disloqué, les sections de gymnastique se rendent dans la cour de l’église, pendant que, massées sur la place, toutes le Sociétés de musique entonnent l’hymne émouvant : « Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine ». Les petits gymnastes du Cercle St-Martin de Maizières-lès-Metz furent les premiers à se produire, sous les ordre de leur jeune et dévoué moniteur, M. Charles Boudat, d’Avancy. Les applaudissements qui couronnèrent leurs magnifiques exercices d’assouplissement et d’adresse, furent plus que mérités. Un pareil ensemble et une aussi belle discipline sont vraiment remarquables pour des enfants de cet âge. Mais leur souplesse dans l’exécution de six pyramides différentes et compliquées, émerveillèrent à juste titre la nombreuse assistance.
Les plus forts gymnastes du cercle St-Georges de Rosselange montrent ensuite leurs éminentes qualités d’équilibristes ; ensuite toute la section, unie à celle de Woippy, exécute de magnifiques mouvements d’ensemble, sous la direction de M. Gueux, moniteur général de l’Union Jeanne-la-Lorraine et moniteur de Woippy et Rosselange ; la section de Rosselange travaille ensuite toute seule et recueille de nombreux applaudissements, pour ses simulacres de lancer du poids, de boxe, etc.

Le vin d’honneur
A 15 h. 45, dans la grande salle des fêtes du Café de la Gare, fut offert le vin d’honneur ; MM. Guérineau, sous-préfet de Metz-campagne ; Séchehaye, maire de Woippy, président de l’Union Jeanne-la-Lorraine et de l’Escadron Lasalle ; Desprez, président des A. C. de Woippy. Face à eux l’aimable Reine et ses demoiselles d’honneur. De nombreuses personnalités étaient également présentes. Remarquées notamment : MM. Hulot, maire de Lorry ; Duval, maire de La Maxe ; Schmitt, vice-président des A. C. de Lorry ; M. de Ladonchamps, président du Syndicat des producteurs de fruits de la Moselle et du Syndicat des producteurs de fraises. M. Séchehaye prend la parole pour saluer et remercier toutes les autorités présentes et les Reines de la fête, exprimant son espoir et ses souhaits pour l’avenir, la continuation de la coutume qui s’inaugure aujourd’hui.
M. de Ladonchamps monte sur la tribune vers 4 h. 30 et parle de l’origine et du développement de la culture de la fraise en Moselle. Woippy est en même temps que le berceau le cœur de cette culture. C’est en 1868 qu’elle débute et la primeur en revient aux frères Dominique et Jacques Vion, qui eurent l’idée très simple de planter des fraises en plein champ, idée dont est sorti la magnifique ampleur qui acquiert maintenant l’exploitation fraisière. Ce sont les familles Senzen et Lapied qui la développèrent par la suite jusqu’à ce que cette culture fût devenue coutume locale. Puis ce fut l’amélioration de la grosseur et de la saveur du fruit. En 1898, par le vaillant abbé Laurent, fut fondé le premier syndicat des producteurs de fraises de Woippy, dont le président fut M. Alfred Mangenot, ancien maire de Woippy. A partir de 1920, la production des fraises s’est considérablement accrue dans les régions du sud et au sud-ouest de Metz : Novéant, Ars-sur-Moselle, Moulins, Jouy, Augny, etc.
Pendant ce temps, toute la population était en fête et gaîté. Les cafés regorgeaient de monde et les tables étaient couvertes de fruits. On se bousculait dans les rues et chacun portait son panier de fraises ; les enfants -grands et petits- assiégeaient les marchands ambulants et les chevaux de bois furent fatigués. De magnifiques prix se disputaient par de nombreux et habiles compétiteurs aux concours de tir et de quilles.
On s’amusa beaucoup hier à Woippy et longtemps on se souviendra avec plaisir de la première fête des fraises, qui se renouvellera -nous l’espérons et le souhaitons- chaque année dans la bourgade si gentille et si accueillante. R. L.


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