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Revue 1958 : « FRAISES S.O.S. ! ».
Scénario, textes, musique, mise en scène, direction : Paul Sechehaye






- Quelques extraits de la revue 58 -

Prologue

Nicole se présente par la fente du rideau comme capitaine de l’Armée auxiliaire Bazardjélienne, salue les touristes étrangers, François surtout, venus pour les fêtes de Libération et leur raconte l’histoire de Wladimir, de son couronnement (au théâtre de Metz) « Le roi monte sur le trône, mais son cheval ne voulait plus descendre les marches de la scène et c’était bien ennuyeux ! ».
Puis elle annonce l’arrivée par le fond du général en chef, escorté d’un jeune aspirant hussard. Le chef de musique fait lever toute sa musique (boum !) et se remettra assise (boum !) au « Repos ! » du général, sourd comme un pot, auquel Nicole et l’aspirant doivent tout répéter en hurlant.
Le général se fait jouer « St Cyr » et repart pendant l’exécution avec Nicole et l’aspirant.

_________

Acte 1 (9 scènes)

Scène 2
Wladimir, Eustasia, Edgard.

Edgard (Entre en saluant profondément) Mes respects, Sire !
Wladimir Ah ! Voilà réunis mes deux plus fidèles collaborateurs. Bonjour Edgard. Vous avez lu la presse. Apporté les communiqués particuliers secrets. Toujours pas de pétrole et récolte de fraises désastreuse ?
Edgard Hélas, Sire !
Wladimir Toujours cette campagne d’instigation étrangère contre notre gouvernement ? Tout serait bon pour nous débarquer et asservir nos bonnes populations ouvrières rurales, et nos montagnards, et nos pêcheurs !
Edgard Evidemment tout n’est pas parfait en ce moment Sire. Nous vivons une époque très troublée par des événements dont les répercussions se font même sentir en Bazardjélie.
Wladimir Comme ailleurs. Plus qu’ailleurs bientôt peut-être. Notre situation financière est des plus précaires. Nos sondages pour le pétrole ne donnent absolument rien et coûtent des milliards. Et pour comble la récolte des fraises originaires de Woippy, et des mirabelles de Lorry, source de richesse depuis 1945 est insignifiante. Il n’y a rien ! Pourtant abdiquer ne servirait à rien non plus.
Eustasia Oh non Sire ! Oh non !
Wladimir Ce serait livrer la Bazardjélie à des voisins intéressés à sa perte, et nos compatriotes à leur bon plaisir. Or ils semblent compter beaucoup sur nous encore.
Eustasia Certainement Sire !
Edgard Que votre majesté en soit bien persuadée. Wladimir est resté pour tous les Bazardjéliens celui qui a galvanisé les énergies et rallié tous les suffrages à l’heure de la libération.
Wladimir C’est loin déjà ce temps ! L’époque où, revenu au pays avec la délégation lorraine, je suis monté sur le trône lors d’une cérémonie inoubliable au son des cloches et du canon… l’époque où j’ai épousé ma chère Françoise, morte si tragiquement dix ans après, hélas !
Eustasia Evénement des plus tristes, Sire. Dans la plupart des foyers bazardjéliens on prie encore pour la reine si belle et si bonne.
Edgard Tout le pays avait spontanément pris le deuil ! Dieu ait son âme !
Wladimir Ne serait-ce que pour tous les témoignages de sympathie dont nous avons été l’objet, mes enfants et moi, je me dois corps et âme à mes compatriotes. Mais je suis souvent las maintenant, et n’ai plus la même autorité ni la même énergie pour diriger les affaires du pays.
Edgard Tout le monde a les yeux fixés sur votre majesté Sire ! On lui fait confiance. On compte enfin, le plus tard possible, sur le prince Yvon.
Wladimir C’est vrai. Mais il est loin. Et les études à Saint-Cyr en France ne sont pas terminées.
Eustasia Sire il y a quelqu’un aussi qui vous rallie beaucoup de suffrages, de partisans généreux, actifs, qui préparent l’avenir des jeunes, c’est...
(Dehors on entend un éclat de rire et « Hop, hop, hop, mon petit cheval).
Wladimir Elia !
Eustasia La princesse Elia ! Que Dieu la garde.
Edgar Son ange gardien a fort à faire lui ! (On frappe)
Wladimir Entre Elia. Restez tous les deux.

Scène 3
Les mêmes, Elia.

Elia (Entre avec son chien et va embrasser son père)
Bonjour Sire-papa. Bonjour parfaite Eustasia. Bonjour cher Edgard au clair regard, plein d’égard pour elle, et pour nous.

La princesse Elia
Wladimir Tu es gaie, chère Elia.
Elia Bien sûr. C’est de mon âge et c’est mon devoir. Je n’ai qu’un motif de pleurer, Père. Le même que vous hélas ! Seulement je dois rester très allante pour nous remonter le moral, vous aider à ne pas être pessimiste ! N’est-ce pas Eustasia ? N’est-ce pas Edgard ?
Eustasia C’est la vérité, princesse Elia !
Edgard Qu’il me soit permis d’ajouter, très respectueusement, Sire, que la princesse Elia a conquis le cœur de tous les Bazardjéliens dans tous les milieux du pays, que sa générosité, son dévouement ont touché les plus récalcitrants en maintes circonstances.
Eustasia Toute la jeunesse admire son esprit sportif et ses imprudences même, en avion, en auto, à cheval, sue ces diables de chevaux qu’elle persiste à dresser elle-même.
Wladimir Malgré mes observations. On me raconte toutes tes folies, Elia !  
Edgard La vaillance de son père…  
Eustasia Le charme de sa chère maman…  

Scène 5
Wladimir, Huissier, Elia, Pauque, Michel, Charmal, Mme Chaumix, Marguerite, Pâquerette, Rose, Violette.
Huissier La délégation woippycienne !
Elia Oui, père. Voici quelques uns de vos fidèles amis. (La délégation entre et salue Wladimir qui ouvre les bras en signe d’accueil)
CHANT
(à la fin du chant, révérences des quatre Lorraines)
Pauque Sire, le chant de nos jeunes filles a bien exprimé, nous l’espérons, les sentiments très respectueux attachement de tous les nôtres à votre majesté, à sa famille, à toute le nation Bazardjélienne. Au nom de tous ici, de ceux qui sont restés à Woippy et qui nous suivent par la pensée, je tiens à vous les confirmer, et je ne veux pas oublier de vous assurer de l’admiration affectueuse, surtout, des Anciens Combattants de toutes les sections de Woippy, orgueilleux de compter parmi leurs membres un roi qui a contribué à libérer leur pays les armes à la main, sous l’uniforme français en vrai soldat.
Vive Wladimir, Vive la Bazardjélie.
Wladimir Mes bons amis, mes jolies petites filles, ne comptez pas sur un discours ? Je suis trop ému ! Tu vois Elia… regarde-les… quelle simplicité cordiale et déférente… quel charme dans leur attitude. Si tous les ambassadeurs étaient comme eux !
Elia Oh, père c’est vrai. J’ai tout de suite été conquise et prête à sympathiser. Je me suis présentée moi-même pour aller plus vite. Et nous sommes déjà en confiance. Nem, les Warpoïs ?
Délégation Vive la princesse Elia.
Wladimir Donc pas de discours. Ce soir au cours d’un dîner intime avec vous, les doyens de la Délégation, vous me donnerez des nouvelles des uns et des autres, de notre cher bon vieux curé l’abbé Guénot, de l’Union des Anciens Combattants, d’Henry Léon qui doit se ménager, de Billotte et de la FEVAL, de René Thiriet et des Malgré-Nous, et de Copeaux et de ses collègues, et des chères sœurs. Que de souvenirs nous évoqueront ! Et quel dommage de ne pas les recevoir tous, là, aujourd’hui ! J’aurais tellement besoin de leur réconfortante amitié.
Charmal Nous sommes prêts à vous seconder, tout dévoués à votre majesté. La cueillette nous attendra une paire de jours.
Mme Chaumix Nous savons bien à peu près de quoi il retourne, ma foi, oui. Mais avant de retrousser nos manches, faut nous renseigner davantage encore.
Pauque A notre dernier voyage, il y a trois ans, les fraises et les mirabelles étaient splendides. Des fruits de premier choix.
Charmal Et comment que ça se vendait dans les pays voisins !
Mme Chaumix L’organisation nationale de vente et d’exportation était mouet bien mise au point. Aussi bien que sur notre place du Champé aux plus beaux mois de juin.
Pauque Allez allez ; pour que ça cloche à présent il faut qu’il y ait eu des manigances.
Charmal Oh mais, on cherchera… et on trouvera bien !
Mme Chaumix C’est pourquoi on a dit à notre jeune docteur es sciences, comme on l’appelle, de venir avec nous. Le docteur, nem, ça trouve les maladies des fois !
(...) (...)
Pauque Sire, on peut compter sur nous. On n’est pas des caramougnats à Woippy. Et on est fidèle à ceux qu’on aime.
Wladimir Merci, merci chers amis ! Une propagande néfaste faite clandestinement parmi notre population rurale ces dernières années, des conseils mauvais donnés à nos producteurs de fruits, ont certainement fait beaucoup pour que nos cultures en plein rapport dégénèrent si rapidement et dans de telles proportions. Mais il y a plus : les enquêtes actives menées pas nos services de renseignements concluent à des actes de sabotage des récoltes, caractérisés, hélas !
(...) (...)

Scène 8
Les mêmes, l’huissier, Elia, Michel.

(...) (...)
Michel Je voudrais suggérer quelque chose, c'est peut-être une sottise que…
Elia Non, non certainement pas ! Dites, dites, parlez ! Écoutez le ! (elle montre son front) Ah ! il en a, là dedans !
Michel Si l'on pouvait importer d'urgence, en secret, des fraises d'un autre pays… de Woippy par exemple ; et les vendre ici, sur place, comme si elles provenaient des champs Bazardjéliens, et surtout de la réserve du Domaine Royal, est-ce que cela ne créerait pas un revirement heureux dans l'opinion publique ?
François Mais c'est certain. C'est une idée excellente, peut-être pas facile à réaliser, mais à étudier illico !
Charlot Même si l'effet produit était de courte durée ce serait toujours ça. Et on entretiendrait la flamme ranimée, jusqu'aux mirabelles, où l'on recommencerait ! En attendant le pétrole, ou pas de pétrole !
François Je crois que je vois quelque chose à faire pour réaliser l'audacieux projet de Michel, vite et bien j'espère.
Elia Vous êtes des amis précieux. Je vous assure, Père, que leurs cerveaux doivent être d’une conformation anormale.
Wladimir Oui. Pour servir leurs amis, Elia, ils remueraient terre et ciel
Michel Tous ceux qui nous entourent seraient tellement heureux de pouvoir contribuer à la grandeur de la Bazardjélie et de son roi ! (un instant de silence)
François Voilà, voilà, j'ai trouvé. Si ça réussit ce sera formidable.
Tous Ah ! Dites... dites vite !
François Michel, la récolte s'annonce excellente je crois à Woippy cette année, et dès ces jours derniers on prévoyait incessamment de forts tonnages à expédier,
Michel Mon frère et ses collaborateurs pourraient nous donner des chiffres précis, mon général. Mais c’est exact. Ils étaient même un peu effarés de l'abondance des printanières déjà mûres. La coopérative a plus, que largement de quoi satisfaire les plus gros clients.
François Parfait. Le transport je vais essayer de l'avoir. Le trésor de Bazardjélie pourra peut-être faire un assez gros sacrifice, rentable sous peu d'ailleurs.
Wladimir Au besoin j’y pourvoirai, car j’ai confiance en vous amis.
François Il faut alors que je m’entende immédiatement avec le père de Michel pendant que Charlot verra son successeur à l’Economie Nationale. Il faut que je téléphone au SHAPE. La princesse Elia et Michel nous seconderont utilement.
Wladimir Assistez encore à mes côtés à la relève de la garde traditionnelle, plus solennelle aujourd’hui, chers amis, et puis allez, allez !
Ma reconnaissance vous est déjà tout à fait acquise. Et je suis persuadé que la Bazardjélie tout entière ne tardera pas à vous manifester chaleureusement la sienne.
(Fanfare au fond de la salle)
La musique et la batterie sont debout. Autour de Wladimir, les ministres et la délégation, Edgar et Eustasia.


Charlot, François, Wladimir.


Acte II (10 scènes)
Décor : Parc d'attraction avec tonnelles à droite et à gauche. Un bar au fond dans la verdure.

Scène 3
Babylas, François, Charlot.

François Bonsoir. Une table tranquille, s’il vous plaît, pour quelques minutes.
Babylas Voici Mons… non pardon, mon général… Ces messieurs pourraient s’asseoir ici. On y jouit de la musique et des attractions sans être dérangé. C’est un coin tranquille, discret, très apprécié des amoureux.
Charlot Tout à fait notre genre. C’est ce qu’il nous faut.
Babylas Vous n’attendez personne, Messieurs ?
Charlot Oh non… non ! Personne. Pour le général un excellent cognac. Du bon, n’est-ce pas ? Et pour moi il me faut un café des plus forts, et un marc.
Babylas Bien volontiers, Monsieur. Cognac et marc de Bazardjélie, des contreforts adriatiques ? Ils sont très fins.
Charlot C’est vrai. Mais apportez-nous tout de même du cognac et de marc de France. Allez demander à votre patron du Clément Hotz 51, de Moselle.
Babylas Oh, mais Monsieur paraît connaître la cave mieux que moi. J’y vais.
François Auparavant, où est le téléphone ?
Babylas Nous avons l’appareil mobile ici. Je l’apporte mon général. (Il va vers la coulisse et revient avec l’appareil qu’il pose sur la table.)
François Merci. C’et bien commode.
Babylas Dois-je demander un numéro, mon général ?
François Non, merci. Je le demanderai moi-même.
Charlot Allez chercher nos boissons, mon ami. Et dans des verres suffisants, n’est-ce pas ? Comme pour de vieux soldats.
Babylas Je me hâte Messieurs. (Il sort en se retournant une ou deux fois)

Scène 4
François, Charlot

François Veille un peu aux alentours.
Charlot Je fais gaffe. Ne t’en fais pas. Des suspects et tout de suite on la boucle et on fait la bête.
François (dans l’appareil) – Inter… Inter – Ligne spéciale 101 – Donnez-moi ligne 100…1 – Oui- Merci- Ligne 100-1 ? Donnez-moi France Fontainebleau – la SHAPE- oui la Shape – Poste 7. C’est ça. Très bien. Oui. Priorité et urgence. Ordre du palais – Merci. (il raccroche)
Charlot Tu crois qu’ils vont te le passer comme ça ?
François Bien sûr. Pourvu seulement que Teddy soit là.
Charlot Qui est Teddy ?
François C’est mon collègue canadien de l’aviation au SHAPE. Un chic garçon. Je voudrais le marier avec une cousine. On peut compter sur lui.
Charlot Qu’est-ce que tu vas lui demander ?
François Oh, une petite bêtise : un pont aérien Woippy-Bazardjélie pendant 3 nuits.
Charlot Un pont aérien ? Oh, ça y est, j’ai compris ! Splendide ! Ah, tu en as dans la cervelle toi, comme disait Elia !
François Transport de 15 à 20.000 tonnes de fraises et plus s'il le faut, pour Wladimir, pour que la Bazardjélie traverse la crise !
Charlot Ah, bien m….., attention, voilà le barman. Il faut toujours se méfier de ces gens-là !

Scène 7
Les mêmes, Kangster, Sid Abdel Naker

Babylas Mes respects, Messieurs. Ces Messieurs sont exacts pour le commencement des attractions.
Kangster Notre table habituelle est libre ? Ah c’est bien, c’est très bien. Merci Babylas. (Ils s’installent)
Babylas Naturellement, j’l’avais soigneusement réservée malgré l’affluence. (Montrant le coin de Michel) Il n’y a qu’un jeune amoureux à côté qui attend sa partenaire.
Kangster En effet. C’est tout à fait cela, Babylas !
Sid Abdel C’est beau la jeunesse. Et combien bête l’amour !
Kangster Ca n’a jamais dû nous préoccuper beaucoup, cher Sidal. (à Babylas) Comme d’habitude. Les mêmes coupes-cocktails. Mais un peu plus corsées pour Sid Abdel Naker. Il n’a pas l’air d’être ce soir dans son assiette comme disent les Parisiens. (Balylas sert) N’est-ce-pas Sidal ?
Sid Abdel Je ne suis pas bavard comme vous Kangster. Et moins ce soir, je le dis. Qu’Allah nous accorde sa baraka pour la fin prochaine de nos entreprises !
Kangster Sidal, vous êtes un vrai rigolo, un rigolo à froid. Voila vingt ans que nous nous connaissons et que nous trafiquons ensemble, et que j’ai bien compris à quel point vous ne craignez ni Dieu ni Diable ! Alors, cher ami, cela m’étonnerait qu’Allah, en cette occurrence, s’occupe de notre business en Bazardjélie.
Sid Abdel C’est vrai, Kangster. Que de belles opérations en tous genres. En trafic d’armes surtout…
Kangster Et puis quelques belles émeutes, rapportant bien pour nos agents, et leurs patrons, bien sûr ! Et nous continuerons, Sidal. Bon, voila nos cocktails.
Babylas Voici Messieurs. Un peu plus fort celui-ci. Vous avez le temps de les apprécier avant le numéro de Mademoiselle Lydia. (Il retourne vers le fond)
Kangster Buvons Sidal, pendant que c’est bien frais. (Il porte la coupe à se lèvres en même temps que Sidal, puis la repose brusquement) Ne buvez pas, attention Sidal, c’est du pétrole !
Sid Abdel Du pétrole ? Qu’est-ce-que ça veut dire ?
Kangster (Riant fort) Ah ah ah ! A-t-il eu peur ! Vous avez fait une tête Sidal ! Exactement celle que vous feriez si l’on vous annonçait brusquement qu’il y a du pétrole en Bazardjélie ! (Dans le fond Babylas et Magdalena passent et repassent, observant)
Sid Abdel Vous faites de stupides plaisanteries, Kangster, stupides.
Kangster Il faut bien rire un peu. Buvez, cher ami. Ces cocktails sont excellents et il n’y a pas une goutte de pétrole dans le sous-sol bazardjélien dont la dynastie sera bientôt oubliée.
Sid Abdel Inch Allah !
Kangster Nous arrivons à nos fins, Sidal. Nous allons toucher les très belles commissions promises de part et d’autre pour avoir précipité la chute de Wladimir, ami des Français et très protégé par l’Europe occidentale. Tenez Sidal, je peux tranquillement vous montrer maintenant ces lettres écrites en clair, venues d’où vous savez.
Sid Abdel Chouff, chouff, Kangster. Soyez très prudent ! (Il lit)
Kangster Vous voyez là..., et là... Ah, il n’y a plus de risques désormais, cher ami. Nous n’aurons plus guère de travail pour nous partager le butin.
Sid Abdel Scoutt ! Le barman...
Kangster Bon ; Qu’il vienne. (Il met précipitamment les lettres dans la poche de son smoking dont elles dépassent assez)
Babylas Mes cocktails étaient-ils à votre goût, Messieurs ?
Kangster Oui, oui. Mais Sid Abdel Naker prétend que vous avez mis du pétrole dans le sien ! Ha ha ha ! Quel farceur ! Et notre jeune voisin, il est calme ?
Babylas Pas tant que cela, Messieurs ! Il regarde sans cesse sa montre ! Elle n’arrive pas, elle est en retard ! Oh que c’est beau l’amour ! Que c’est beau !
Kangster Vous au moins, Babylas, vous êtes un barman gai ! C’est parfait... Ah, ah, voici le numéro de cette chère petite Lydia. Ecoutez !

Scène 8
Les mêmes, Lydia.
---- Chant ----
(A la fin du chant, applaudissements. Lydia vient vers les deux tables et s’avance vers celle de Michel qui applaudit en riant)

Lydia Merci monsieur. Vous attendez peut-être quelqu’un ?
Michel On ne peut rien vous cacher Mademoiselle. Oui, c’est vrai. En vous voyant je serais presque fâché d’avoir pris un rendez-vous !
Lydia Et moi je le regrette. J’aurais volontiers passé quelques minutes avec un Français, car il n’y a que les Français pour être aussi galants ! Tant pis ! Bonne nuit monsieur et que la Bazardjélie soit propice à vos amours ! (Elle va vers l’autre table)
Kangster Par ici, par ici, chère Lydia. Et bravo, bravo. Sidal tient à vous féliciter.
Sid Abdel Allah lui a donné la douceur de la colombe, les yeux de la tendre gazelle et la voix du rossignol !
Kangster Elle devrait donc ressembler à un bien bizarre animal. Elle est Lydia et c’est mieux que tout cela. Faites-nous la grâce de vous asseoir quelques minutes à notre table. (Elle s’assoit en face d’eux profitant de son passage pour prendre les papiers de Kangster)
Lydia Si je ne vous dérange pas. Vous avez sans doute à parler d’affaires. Et je n’y comprends absolument rien.
Kangster Non, non. Finies les affaires, au coucher du soleil. Au jour : Business, livres et dollars, c’est notre devise.
Lydia Et vos devises préférées.
Kangster Est-elle drôle ! C’est ça Lydia ! Et le soir, cocktails et champagne. Lydia, déridez Sid Abdel Naker. Il est morose, tellement morose ce soir !
Lydia Il est sombre Monsieur Kangster. Sombre du regard, sombre de la peau, et sobre de paroles.
Kangster C’est ça, c’est ça !
Lydia Il ne lui manque qu’un sombrero !
Kangster Oui, oui ! Est-elle drôle cette Lydia !
Sid Abdel Comment était le beau jeune homme seul à l’autre table ? Pas trop gai non plus lui ?
Lydia Il est vraiment beau garçon, Sid Abdel, mais il attend quelqu’un. Il s’énerve visiblement.
Kangster Nous nous occuperons de vous de notre mieux.
Babylas Voici une coupe pour Mademoiselle Lydia. (Il se glisse entre elle et Kangster pour servir et épousseter la table, et Lydia glisse dans sa poche les papiers qu’elle a pris sur Kangster)

Scène 9
Les mêmes, Elia.
(Elia arrive par le fond, guidée par Magdalena. Elle est très grimée, en vieille miss américaine.
Grosses lunettes noires, capote cachant ses cheveux. Elle va vers Michel. Fort accent en parlant)

Elia Bonsoir. Hello, dear, serais-je en retard quelque peu ? (Babylas s’est approché)
Michel Mais non, Madame… il y a erreur…
Elia Si, si, vous m’avez attendue. Excusez-moi, dear Michel ! (Elle enlève un instant ses lunettes)
Michel Oh, pardon, pardon ! Je ne vous avais pas reconnue, tellement… (Il s’arrête, un doigt sur les lèvres)
Elia Vald, O Kay, now ! Barman une coupe pour moi aussi s’il vous plaît. (Babylas s’incline et sert) Il y a beaucoup de monde ce soir. Much people my dear ! (Kangster, Lydia et Sid Abdel tendent le cou et s’efforcent d’entendre. Magdalena va et vient dans le fond)
(...) (...)

Scène 10
Les mêmes, danseuses, puis Inspecteur, Saturnik, Symphoriak.
---- BALLET, applaudissements ----

Kangster Les danseuses méritent une prime ce soir. (Il cherche dans ses poches, se lève ? Lydia est passée vers le bord de la tonnelle)
Lydia Vous n’avez pas votre portefeuille, Monsieur Kangster ?
Kangster Le portefeuille, si ! Mais… mais… Babylas ! Babylas !
Babylas (Accourant) Monsieur Kangster ?
Kangster Mes papiers, mes lettres… Arrêtez, arrêtez. Silence. (Il continue à chercher, tout le monde est debout) On m’a volé !
Babylas Oh, certainement non Monsieur !
Kanster Volé, volé, c’est vous ! … ou Lydia ! … C’est Lydia !
Lydia Moi ?
Kangster Oui vous ! Tenez-la Sidal ! (Bagarre avec Babylas qui veut défendre Lydia. On siffle. Michel et Elia s’en mêlent. Exclamations. (Elia a sorti son pistolet) Dois-je tirer, Michel ?
Babylas Ne tirez pas, ne tirez pas, Miss.
Inspecteur (Devançant avec Saturnik et Symphoriak) Non, ne tirez pas. Du calme Messieurs Dames ! Certainement tout va s’expliquer. Arrêtez messieurs !
Saturnik Au premier de ces messieurs. (Ils abattent leurs mains sur les épaules de Kangster qui plie sous le choc en gémissant)
Kangster C’est honteux, abominable. Je me plaindrai.
Symphoriak Justement Monsieur le Commissaire général est tout près, avec un panier à salade et de sérieux renforts.
Inspecteur En voiture !
Saturnik Facile. Monsieur doit faire seulement dans les 40-50 tout habillé. Pas de quoi attraper une hernie !
Symphoriak Et hop ! C’est pesé ! (Ils sortent soulevant Kangster par les bras, continuant à protester)
Inspecteur Merci Babylas et à vous Monsieur de votre aide spontanée. Vous, Mademoiselle, il faudra nous expliquer ce pistolet que vous trimballez dans votre sac, au lieu de rouge à lèvres.
Elia Aoh ! Certainy, Monsieur l’inspecteur. Je le donne tout de suite pour vous !
Inspecteur Je rends hommage à votre attitude digne et calme Sidabdelnacker.
Sidabdel Mon heure viendra. Celle de la vengeance aussi.
Inspecteur Inch Allah, Sidabdelnacker. En attendant dans les papiers de Kangster nous avons suffisamment confirmation de vos agissements coupables pour vous écarter tous deux définitivement. (Aux gardes revenus) C’est prêt. Au second de ces Messieurs.
Saturnik Le commissaire général dit que nous aurions dû passer inaperçus. Le public s’agite, veut savoir…
Symphoriak Nous avons eu beau expliquer que c’était un numéro comique spécial, les gens restent incrédules.
Inspecteur Inutile de tenir Sidabdelnacker. C’est un grand seigneur lui. En route.
Saturnik Rectifions alors notre terme. (Il remet son casque droit)
Symphoriak Escortons dignement notre protégé. (Ils sortent en le suivant de très près, marchant solennellement)
Inspecteur Eh bien, ne vous inquiétez pas de ce petit incident. Continuez cette belle soirée Mesdames Messieurs. (Il salue) Bonsoir Mesdames, Bonsoir Messieurs. (Apercevant Elia qui a enlevé des lunettes et sa cape) Oh ! Princesse Elia ! Pardonnez-moi !
Elia Rien du tout à vous pardonner, Inspecteur. Ce fut parfait. J’ai craint seulement un peur à un moment pour Monsieur Michel Pauque et Babylas tenant Kangster.
Michel Je lui avais fait la prise n° 13 bis de l’International-Judo-Club. Et il n’est pas très solide.
Inspecteur C’était fort bien. Il n’a pu tirer ! Mes profonds respects, Princesse. Bonne nuit à tous ! (Il sort)
Magdalena (Au fond) Cigares, cigarettes, glaces bazardjéliennes.
---- reprise du ballet ----
RIDEAU
Fin du 2ème acte


Acte III (7 scènes)
Décor : Jardin public le soir, illuminations.

Scène 2
François, Charlot, Edgar, Eustasia, Pauque, Charmal, Mme Chaumix

Edgar Nous partons dare-dare dans la Réserve du Domaine Royal, Mon général.
Eustasia On nous appelle d’extrême urgence.
Nicole On ne m’a pas dit pour quelle raison. La consigne c’est la consigne. Un motard appelé Tiné, m’a amenée en trombe ! Ce que j’ai pu avoir la trouille !
Pauque Pourquoi, Diable, est-ce si pressé ?
François Ecoutez ! (Silence troublé par le ronronnement d’avions) Les taxis de mon cher Teddy !
Charlot Elles arrivent.
Mme Charmal Qui ? Les fraises ? Est-ce possible ?
Mme Chaumix Les fraises ! Dieu soit loué !
Eustasia Sa Majesté sera rassurée dans quelques minutes.
Edgar Et la Bazardjélie sauvée de la ruine !
Nicole Je crois que je commence à deviner ! Mais en bon militaire je ne dois pas chercher à comprendre. Pressons le mouvement Messieurs-Dames s’il vous plaît.
Mme Chaumix Je vérifierai tout de même les paniers. Il en faut pas qu’ils aient paré leurs marchandises en pensant que ça se vendrait loin de Woippy, à l’exportation, nem ? J’en viderai bien 3%. Et gare au retour à Woippy !
Mme Charmal Nous avons perdu les jeunes filles avec tout cela !
Nicole Je les ai aperçues vers le parc. Elles ne paraissaient pas du tout égarées, et fort bien pilotées au contraire.
Edgar Vous les retrouverez certainement en bonnes mains.
Eustasia Nous les chercherons quand nous vous aurons installés là-bas. Partons, de grâce ! Edgar, voyons, Edgar !
Charlot Oui,oui. Allez-y, chers amis de Woippy. Bon courage pour cette nuit. N’oubliez pas de brûler les étiquettes pour qu’on ne sache pas d’où viennent les paniers.
Pauque Ça nous connaît les coups de Trafalgar comme ça. Des nuits entières à réceptionner et à expédier. Bonsoir, bonsoir !
(...) (...)



Les acteurs

Revue 1958 : « FRAISES S.O.S. »
( 3 actes - 26 scènes )

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