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Revue 1950 : « La fusée volante ».
Scénario, textes, musique, mise en scène, direction : Paul Sechehaye
Quelques extraits
Acte III.Fabert | (Entrant et saluant) Messieurs ! |
Ney | (De même) Messieurs ! (Aux soldats) Repos, repos, Messieurs les Gardes françaises. Faites entrer la garde, sergent ! |
Le sergent | Reposez-vous sur vos armes ! Armes à la main ! Par file à la droite ! En avant marche ! (Le garde rentre) |
Achile | Mes chers collègues ces messieurs viennent d’arriver ici, en excursion interplanétaire. Voici MM. Béber, Charlot, Oscar et… et… Voulez-vous me rappeler votre nom cher Monsieur. |
Ouésime | Ouésime. Le fiancé de Mélanie. |
Achille | Parfait. Le fiancé de la Mélanie, de Woippy. |
Fabert | Compliments, Messieurs. |
Ney | Très honoré, jeunes gens. |
Fabert | De Woippy, Woippy ? Oh oui c’est un très joli village de vignerons au Nord de Metz. Pour dire vrai je fus obligé de le faire quelque peu raser, lors du siège, pour dégager les abords de la forteresse et les points d’appui et je l’ai vivement regretté. Mais pour conserver une place que le Roi m’avait confiée s’il avait fallu mettre moi-même sur la brèche, ma femme, mes enfants et ma fortune, je n’aurais pas balancé un instant à le faire. |
Ouésime | C’est ça ! C’est marqué comme ça, place d’Armes. |
Fabert | Oui seulement après avoir échappé de justesse à la fonderie des Allemands, ma statue est restée trop longtemps campée sur un socle de bois provisoire, Messires. Ne pouvait-on l’installer plus décemment ? Et puis j’en ai assez de voir la Caisse d’Epargne. Je n’ai rien épargné moi de mon vivant. |
Oscar | Nous ne manquerons pas d’en parler encore à M. Mondon en rentrant. |
Fabert | D’ailleurs, Ney est dans le même cas. Qu’en dis-tu vieux camarade ? |
Ney | Comme toi l’ancien ! Au fond maintenant ça me laisse froid, froid comme à la Bérézina mille tonnerres, comme quand je faisais le coup de feu sur les cosaques russes à l’arrière garde. Mais c’est pour le principe. Ce serait tout de même vexant de me casser la gueule, ma gueule de bronze, à mon âge ! |
Ouésime | Eh bien, vous avez rudement raison Monsieur le Maréchal. Votre socle pourrait bien s’effondre aussi un jour, à l’Esplanade. |
Ney | J’en ai peur… Moi le Brave des Braves, comme disait l’Empereur... peur pour les passants, pour les mioches qui jouent autour… mais voici Ste Jehanne d’Arc qui vient de ce côté modestement à pied sans tambours ni trompettes… |
Achille | Aux armes pour les honneurs ! |
Le sergent | Aux armes ! (Les soldats sortent) |
Jehanne | (Entrant) Non non, je vous en prie Messires, faites rentrer ces bons soldats en leur tente. Merci gentil sergent et à vous Messires les Gardes françaises ! (Les soldats rentrent) Salut Messires, que Dieu soit avec vous, mes chers compagnons. Et voici céans par ma foi ces aimables garçons venus de la terre pour nous visiter. Lesquels sont mes deux compatriotes lorrains ? |
Achille | Voici M. Oscar et M. Ouésime, de Woippy, en Moselle, le pays des fraises. |
Jehanne | J’en suis moult ravie. |
L’officier | Et voici M. Béber et M. Charlo, pilote et mécanicien de l’aéro-fusée interplanétaire qui a servi pour le voyage. Tous deux sont de Paris. |
Jehanne | Salut à mes gentils garçons de la plus belle ville du Royaume de la Doulce France. Donnez-moi des nouvelles de chez nous, vous autres, ô Lorrains. Les fraises poussent-elles bien ? Et les mirabelles étaient-elle mures ? Le vin est-il frais et nouveau ? Et les filles sont-elles toujours belles ? Et sages surtout ? |
Oscar | Oh oui, sainte Jeanne d’Arc, ça va, ça va ! Couci couça un peu, nem ? Il y a des bonnes années de fraises qu’on les vend bien, et puis des belles mirabelles aussi, allez ! |
Ouésime | Qu’on fait de la bonne eau de vie avec, allez ! |
Oscar | Mais la vie est chère, allez, sainte Jeanne d’Arc ; et puis le vin il est hors de prix, on ne peut plus presqu’en boire. |
Ney | Mille tonnerres, en France ? Le vin cher ? J’ai dû mal à comprendre ça ! Je vois ça de loin du Belvédère et à l’Excelsior, place de la République ! |
Béber | C’est les mystères du ravitaillement qu’on dit. |
Ouésime | Et les filles sont toujours belles, allez, sainte Jeanne d’Arc. Surtout ma Mélanie, nem ? Et puis elle est sage... un vrai petit agneau. |
Jehanne | Eh bien, c’est moult gentil, mon cher cousin de Lorraine ; je prierai pour vous et vous appellerez votre première fille « Jehanne », si vous voulez ? |
Ouésime | Oh ça, c’est sûr ! C’est juré sainte Jeanne d’Arc ! |
Jehanne | Ainsi donc il fait toujours bon vivre sous notre ciel de Lorraine, gentils cousins, malgré le froid ? |
Oscar | Oh là oui ! Mais voilà, il y a trop de guerres tout de même. On est tout le temps incendié, tué, pillé, spolié, sinistré, expulsés, déportés et finalement dépouillés par le percepteur ! |
Jehanne | On, mes pauvres petits frères ! C’est notre pays, voyez-vous, qui souffrira toujours le premier quand il y aura guerre en Royaume de France ; car il en est la forteresse avancée et vaillante ! |
Ouésime | Alors que faire sainte Jehanne d’Arc ? |
Jehanne | Priez Messire Dieu d’épargner les Lorrains et pour ce, toujours bien Le servir, Lui premier, pour qu’Il protège vos familles, vos foyers, et qu’Il donne la paix aux Français. |
Béber | Héla, sainte Jeanne d’Arc, voilà qu’il y a des guerres même entre les planètes actuellement ! |
Charlo | Oui ! Plus on va, plus on se bat. Et comment ! Qu’est-ce qu’on n’a pas inventé depuis la petite bombe atomique de rien du tout de 1950 ! |
Oscar | Oh la la, j’en ai la chair de poule ! Les rayons double Z, les sifflements qui tuent, les microbes infectieux, et allez donc ! |
Fabert | Certes, au train où vont les choses il n’y aura plus grande vie dans le monde entier d’ici un siècle. |
Ney | Foutus... tous seront foutus, mille tonnerres ! Comme à Waterloo ! |
Jehanne | Dieu y pourvoira. Ou bien alors il fera sonner la trompette du Dernier Jugement s’il lui semble que les temps sont venus. (Trompette au loin) |
Charlo | Eh là, j’espère que ce n’est pas ça ? |
Ney | Non non, c’est la soupe au quartier de cavalerie céleste. Il est six heures du soir. |
Fabert | L’heure du couvre-feu en temps de siège. On doublait les sentinelles Porte Serpenoise et Porte des Allemands. |
Beber | Six heures. Dix huit heures ! Mais il est temps de filer alors ! Dommage, j’aurais bien dit deux mots aux petites cantinières. |
Les cantinières | (Rentrant) Nous voilà, nous voilà, présentes !!! |
Charlo | Ah dame, les fusées se déchargent. Et alors il ne faut pas nous attarder. |
Ouésime | Faut pas faire attendre la Mélanie. |
Oscar | Merci à tous ici de leur accueil. A vous sainte Jeanne d’Arc, à vous Messieurs les maréchaux, général et officier, sous-officier et soldats et aux gentilles cantinières que je vois revenir de ce côté. |
Achille | Chef de poste, aux armes, pour les honneurs ! |
Le sergent | Aux armes. (La garde se range dans le fond) Présentez vos armes ! (Les soldats présentent les armes, le tambour bat.) |
Fabert | Adieu, Messires ! Mes souvenirs émus à toute la garnison de Metz, aux bons Français de Metz et de Woippy, et vive le Roi, et vive la France ! |
Ney | Salut Français de l’an 2000 ! Tenez bon, mille tonnerres ! Et vive l’Empereur ! Vive la France ! |
Jehanne | Adieu, gentils Lorrains et vous gais Parisiens ! Bon voyage à votre retour ; et que Saint Michel, la Vierge et Messire Dieu vous protègent ! |
Les cantinières | (Leur tendant un verre) Vers votre Moselle Aimables garçons Ô quelle merveille Vous retournez donc ! Nous les cantinières Aux noms des soldats Vous offrons ces verres Ne les refusez pas ! Que comiques nos souvenirs Accompagnent votre départ Buvons à votre bonne santé Ô Messieurs Et repartez sans retard. (Ils vident leurs verres, les rendent aux cantinières et saluent pendant que le rideau tombe) |
-- Fin du 3ème acte -- |
Revue 1950 : « La fusée volante » ( 1 prologue, 3 actes - 18 scènes, 1 final. ) |
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