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Revue 1949 : « Lorraine sous les Tropiques ».
Scénario, textes, musique, mise en scène, direction : Paul Sechehaye
Quelques extraits
Sous le ciel toujours clair des tropiques Chantons, dansons, rions aux éclats Près de l’Océan d’un calme plat Nous sommes filles du Pacifique Les montagnes, des typhons nous gardent Le soleil épanouit les fleurs La plus belle naîtra dans nos cœurs Un jour sans que nous y prenions garde ! |
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Palmyre | Ecoutez écoutez ! Voilà le cortège de notre auguste père qui revient du palais royal. |
Sylvia | Zut, on commençait vraiment à mieux chanter. |
Diana | Pourvu qu’il soit de bonne humeur ce soir, il est assez sombre depuis quelque temps. |
Wanda | Coutez, coutez ! Miousique ! |
Croucoulas | Filouyo, n’oublie-pas, mon gaillard, que tu dois me remettre demain matin sans faute une énumération exacte et précise des stocks de viande dont nous pouvons encore disposer pour nourrir la population. |
Filouyo | Viande coucou, pas beaucoup. Gros trous trous dans le frigo. |
Croucoulas | Décarcasse-toi pour trouver de la bidoche. Remue-toi. Cherche, andouille ! |
Filouyo | Filouyo bon ministre, faire papiers beaucoup, beaucoup sur feuilles palmiers. Toujours donner bon kangourou sans ticket à Croucoulas. Mais viande trop coucou maintenant. |
Croucoulas | Allez, allez, ça va, débrouille-toi ! Et toi Toutouyo tâche de faire un peur turbiner tout ton monde. Les chasseurs reviennent toujours bredouilles et les pêchers itou. Du moins ils le disent. C’est à contrôler. |
Filouyo | Oui oui les pêcheurs itou. Eux réclamer plus gros bouts de kangourous ; et cacatoès au pot une fois tous huit jours. |
Croucoulas | Les ressources ne le permettent pas. Au boulot ! Allez les voir et qu’on s’y mette, bon sang de bon sang. |
Filouyo | Eux pleurer beaucoup ; nous, beaucoup, nous, plus pouvoir chasser, plus pouvoir pêcher, tout nous, tout nous… |
Croucoulas | C’est bien. Je les réquisitionne ! Emmenez les gardes avec vous pour les persuader et les musiciens pour les entraîner en cadence. Allez ! Ouistiti ! Sortez tous ! Et vous mes enfants, restez, j’ai à vous parler. (Tous sortent sauf Croucoulas et ses trois filles) |
Croucoulas | Maintenant que tous ces sauvages sont partis, parlons sérieusement. |
Les trois filles | Oui papa. |
Croucoulas | D’abord Palmyre tiens-toi droite. Si ta pauvre mère la défunte reine te voyait elle te le répèterait. |
Palmyre | Oui papa. |
Croucoulas | Soignez votre tenue mes enfants. N’oubliez pas que vous êtes des princesses authentiques. |
Les trois filles | Oui papa. |
Croucoulas | Oui papa, oui papa ! Ça n’a pas l’air de vous émouvoir du tout de penser que je peux mourir bientôt ? |
Les trois filles | Oh si papa ! (Elles pleurent) |
Croucoulas | Arrêtez, arrêtez, fermez les écluses ! Sans cela je vais m’attendrir moi aussi et ça n’en finira plus. |
Les trois filles | Oui papa. (Elles cessent de pleurer en même temps toutes les trois) |
Croucoulas | Je peux tout de même espérer qu’un navire quelconque finira par aborder dans cette île perdue avant ma mort. Voilà quarante ans que j’attends en vain. Mais rien ; rien que quelques épaves de navires naufragés échouées sur notre plage. |
Diana | C’est comme ça que Palmyre a eu sa belle robe new-look de cretonne imprimée des Magasins du Printemps. |
Sylvia | Et moi mes beaux souliers et puis les catalogues du Louvre, de Paris. |
Croucoulas | Paris, mon cher Paris ! Je ne voudrais pas disparaître sans le revoir. Nous partirons tous dès que nous le pourrons, mes enfants. |
Palmyre | Oui papa. Nous irons aux galeries Lafayette en arrivant. |
Croucoulas | Que tu es futile ma pauvre fille ! Ce n’est pas pour cela que je voudrais retourner en France. C’est pour vous marier. |
Palmyre | Oh oui papa ! Ce serait plus marrant qu’ici. |
Diana | Elle a raison papa, on ne rigole pas trop. |
Croucoulas | Marrant, rigoler ! Que c’est vulgaire ! De la tenue toujours ! |
Sylvia | Moi je m’applique, papa. |
Croucoulas | Je n’étais qu’un modeste pilote de ligne aérienne Circumcoloniale française ; mais c’est grâce à mon maintien superbe que je suis devenu roi : je portais beau alors ! |
Palmyre | Oui papa, il y a longtemps ! |
Croucoulas | Allons n’insiste pas, il n’y a jamais que quarante ans. Or, vous, vous avez des dots magnifiques, des trésors de perles et de coraux rapportés de l’atoll par les pêcheurs et des plumes de cacatoès, de paradis, d’oiseaux mouches, de quoi garnir tous les chapeaux de la rue de la Paix pendant trois ans. |
Diana | Et des chouettes plumes ! |
Croucoulas | Votre mère les choisissait parfaitement. Elle avait un goût très délicat. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle m’a demandé ma main. |
Les trois filles | Oui papa. |
Croucoulas | Elle avait été aussi impressionnée par mon charme que les sauvages par la vue de mon avion en feu. Bref, je l’épousais quoiqu’elle fut un peu… un peu… |
Palmyre | Rachel |
Croucoulas | Rachel ? |
Diana | Oui, Rachel, un peu ocre, quoi ! |
Sylvia | Brune, café au lait foncé. |
Croucoulas | Ah bon, c’est ça ! D’ailleurs à cette époque c’était déjà très à la mode. On prenait des bains de soleil pour se brunir l’épiderme. |
Diana | Et les femmes se peignaient déjà les guibolles. |
Sylvia | Pour imiter les nylons. Mais notre mère, elle, c’était nature : elle ne déteignait pas à l’eau. |
Croucoulas | Quoi qu’il en soit, notre pouvoir sur les indigènes était immense à cette époque. Il n’’est plus le même aujourd’hui, hélas ! Les Sorciers nous calomniaient. Ils ont de noirs desseins ou des desseins au moins chocolat. |
Palmyre | Oui papa. Et Dingoyo veut m’épouser. |
Diana | Et Toufouyo court après moi aussi. |
Croucoulas | Jamais ! Ce sont d’affreux sauvages. Je vous marierai toutes les trois à des princes régnants, ou à la rigueur, à des ducs et à des marquis. |
Sylvia | C’est ça papa. Moi je suis d’accord. |
Croucoulas | Malheureusement les sorciers savent ma faiblesse ; ils prennent de l’audace chaque jour, critiquent les feuilles tickets de viande et d’arbre à pain. La valeur des coquillages de nacre-monnaie baisse. |
Les trois filles | Oui papa. |
Croucoulas | Pourtant ils ont encore le serpent et le poison en vente libre deux jours par semaine. |
Palmyre | Les chauves-souris, les caméléons et de beaux congres ! |
Croucoulas | Et pas à la portion congrue ! Ah oui ! J’ai bien été le prince consort mais je crains de devenir bientôt le prince qu’on mange ! |
Diana | Comme pour leurs vieux parents dont les obsèques ne coûtent pas cher puisqu’on retrouve parfois autour des cases et dans les poubelles des ossements suspects ! |
Croucoulas | Je dois fermer les yeux et avaler des couleuvres au propre et au figuré. |
Sylvia | Attention papa. Voilà les sorciers qui viennent ici. |
Diana | Avec ses deux ministres incapables et prévaricateurs. |
Croucoulas | Ça se gâte mes enfants. Mais de la tenue et de la dignité, n’est-ce-pas. |
Wanda | Yo, yo, les génies blancs ! |
Petitpont | Oh la la, qu’est-ce que je vois ? Pardon mes petites amies, est-ce qu’on peut entrer dans la cambuse sans vous déranger ? |
Palmyre | Oh des blancs, vous êtes des blancs, enfin ! |
Manchinot | Ma foi oui ! Pas très blancs à cause des fumées du bateau en feu, nem ? mais des Français tout de même, allez ! |
Petitpont | Et comme ça, ça va ? Qu’est ce que vous faites là mes charmantes enfants ? |
Diana | Oui oui, ça va. Nous sommes les filles du roi. |
Manchinot | Du roi de quoi ? Du roi de carreau ? |
Sylvia | Du roi de cette île où vous venez de débarquer. |
Joséphine | Mon Dieu donc mes pauvres gens ! En voilà une d’aventure ! Jamais ma chère ! Un roi qu’il y a ici ! Dans un château féodal ! |
Marie | C’est core bien pire qu’au cinéma quand ils font des taxicolors ! |
Ben allour | Allah, Allah… |
Wanda | Quoi lui tout noir lui chanter ? |
Palmyre | Mais comment êtes-vous venus ? Qui êtes-vous s’il vous plaît ? |
Fanny | Nous sommes les seuls survivants probablement du paquebot Alsace et Lorraine qui vient de couler après un incendie non loin de cette île. |
Logarythme | Non, chère amie. |
Fanny | Comment non ? Rêvez-vous encore Logarythme ? |
Logarythme | Excusez-moi de vous contredire chère ami. Mais il ne peut y avoir d’île ici, il ne doit pas y en avoir. C’est absolument contraire à tous mes calculs et aux indications les plus documentées des meilleures cartes marines que j’ai consultées avec le commandant du paquebot. |
Joséphine | Eh bien, mes enfants, où c’est-y donc alors que nous sommes ? Pas sur terre, pas dans une île… A Bikini ? Dans la lune ? |
Marie | Je me disais bien hier aussi déjà que c’était pas de la terre comme par chez nous dans ce patelin là ! |
Marchinot | Qu’on soye où qu’on veut, continuez, madame Fanny. Monsieur Logarythme refera ses calculs, nem ? |
Logarythme | D’accord, mais… |
Fanny | Taisez-vous ! Voici donc notre savant et très érudit ami, titulaire d’une chaire es-science agrégé, doyen de la Faculté fruitière Lorraine du Champé, chef de notre mission. Auteur d’ouvrages du plus hait intérêt scientifique sur les fraises et les mirabelles, le ver blanc et les autres insectes nuisibles et sur les procédés pour les détruire. |
Logarythme | A votre service si vous avez des vers blancs Mesdemoiselles |
Ixya | Oh lui vieux pas convenable ! Nous pas avoir. |
Fanny | Voici Monsieur Manchinot, expert assermenté, le plus important producteur de fraises de Woippy. |
Manchinot | Vous verrez ça mes petites amies, si j’arrive à repiquer mes fraises et mes mirabelles, vous vous en relècherez les babines, pour sûr ! |
Cattleya; | Lui gentil, moi donner une belle fleur ! (Elle lui donne une grosse fleur) |
Manchinot | Ah ah ! Tu vois Joséphine, j’ai un certain succès ! |
Joséphine | Attends vieux singe que je t’y prenne. |
Fanny | Voici Monsieur Petitpont, notre dévoué opérateur radio du navire, qui n’a cessé d’appeler au secours au risque d’être brûlé vif dans sa cabine. |
Petitpont | Dommage que je n’aie pas réussi. Je tâcherai de faire mieux la prochaine fois. |
Fanny | Le spahi Ben Allour embarqué à Alger, accompagnant notre mission avec un couple de chevaux arabes pour les acclimater en même temps que les fruits en Australie du Sud. |
Ben Allour | Caïd et Sultan eux sauvés. Pas boulottés par li gros poissons. |
Fanny | Et voilà Mesdames Marie et Joséphine, les deux plus expertes productrices de fraises et de mirabelles de toute la Moselle, lauréates de toutes les expositions fruitières de Lorraine, de France et du monde entier. |
Marie | Oh taisez-vous, ma chère Madame Fanny, vous allez me faire rougir, nem ? |
Joséphine | Surtout que nous ne verrons sans doute guère bonnes à rien par ici. Le terreau n’a pas l’air fameux pour les siéger, les Laxtons et les Tomates. |
Fanny | Enfin je suis moi-même Madame Fanny Vertemaison, directrice de l’important frigo-fruits de Conserves de Woippy, adjointe en cette qualité au chef de notre mission de propagande. Et voici mes trois filles, France, Odile, Colette. |
Palmyre | (Très empressée) Soyez les bienvenus tous dans cette île en attendant le retour de mon père. Monsieur votre mari ne vous a pas accompagnée, Madame ? |
Diana | (A Sylvia) Elle en fait des manières cette Palmyre ! |
Fanny | Hélas, Mademoiselle, Je suis veuve ! Mon mari est tombé dans la grande bassine à confitures de quetsches il y a dix ans déjà un jour de brouillard. Un horrible accident ! |
Palmyre | Oh ! Sincères condoléances Madame ! (Elle lui serra la main longuement) |
Diane | Quel chiqué ! |
Sylvia | Ah ben nous voilà rassurés à c’theure. Un moment pour souffler et puis nous repartirons pour chez nous, mes bons amis ! |
Marie | Oh oui pour sûr ! J’en ai plein le dos de naviguer, moi. J’m’en revas en lorraine. Bonsoir la Compagnie. |
Manchinot | T’iras ousqu’on te dira tout gentiment tout bêtement, vieille sotte. Te fais pas d’allusions. |
Marie | Je ne retournerai point chez nous ? |
Petitpont | Faudrait d’abord se renseigner sur les jours et heures des avions, des bateaux, des trains, des trolleybus. |
Yucca | C’est quoi Palmyre, trolleybus ? |
Palmyre | Hélas, Mesdames, Messieurs ! Quelque soit la bonne volonté de mon père vous n’êtes pas près de quitter cette île probablement. Aucun navire ; aucun avion n’y vint depuis de longues années. |
Fanny | Mais c’est invraisemblable ! Logarythme qu’en pensez-vous ! Trouvez quelque chose. |
Logarythme | Je regrette infiniment, ma bonne amie, mais j’ignore éperdument où nous sommes et comment en sortir. Un bateau peut-être, fabriqué pas nos propres moyens ? |
Palmyre | Nous n’avons ni fer, ni moteur, ni voiles, ni instruments de bord permettant d’équiper un bateau pour une navigation lointaine. |
Diana | Et nous sommes au bout du monde, dit notre père. |
Sylvia | Loin de toutes routes maritimes. |
Fanny | Alors courage. Il faut vous résigner amis ! |
Manchinot | On est bien vivants. C’est déjà beau, nem ? |
Marie | On pourrait avoir été noyés, bouffés par les recoins, les baleines. |
Joséphine | Les méduses, les crachalots, les phoques. |
Marie | On aurait pu trouver ici des bêtes féroces. |
Joséphine | Des avaleurs de sabres ou de pétrole. |
Logarythme | Peut-être des anthropopithèques, des plésiosaures, des ptérodactyles, des ornithorynques brulix ! |
Petitpont, | Oh bien, alors tout va bien. L’avenir est à nous. Je me sens une vocation de colon, de vieux colon, avec rhum, bananes, café, dattes. |
Wanda | Eux contents. Mais sorciers ? |
Manchinot | De quoi les sorciers ? Il y en a plus ! |
Palmyre | Malheureusement si, c’est vrai. Un grand péril nous menace tous. Soulevés par les sorciers de l’île les indigènes ont essayé aujourd’hui de s’attaquer à mon père. |
Logarythme | Nous sommes tombés de Charybde en Scylla. |
Manchinot | Ah ! Ça s’appelle Scylla ici ? Vous nous disiez que vous ne saviez pas où nous étions. |
Marie | Ecoutez donc voir un peu. On dirait la fanfare des sapeurs pompiers de chez nous un soir de Sainte Barbe après le banquet. |
Joséphine | Pensez voir un peu, ils n’ont point étudié le solfège les pauvres sauvageons là. Ça s’entend ma chère ! |
Ixya | Voilà le roi Coucoulas et toute sa suite, yo, yo ! |
Cattleya, Yucca, Wanda : Yo, yo ! |
Les jeunes filles | Nous ne reverrons jamais jamais Non probablement notre patrie Et nous resterons toujours toujours De vieilles filles sans amours ! Mais ne pleurons pas ô mes amies Si ce n’est pas très gai très gai Car tout peut changer en un instant Le ciel pour nous serait plus clément ! Chantons dans la forêt tropicale Dont les parfums s’exhalent ! |
Joséphine | Hé oui, mes chères enfants, je crois qu’il faut en faire notre deuil, nem ? Voilà un an et demi qu’on est ici à c’t’heure. |
Marie | Quand j’y pense ! On se retournera plus dans notre Lorraine. |
France | Pas un navire, pas un avion, le petit bateau qu’on a essayé de construire n’a jamais pu aller au large à plus de quelques kilomètres. |
Odile | Ce n’est pas que nous soyons malheureux, malheureux. Il y a du soleil. |
Colette | Des fruits, des fleurs, rarement des typhons. |
Wanda | Vous danser avec nous. Pas loin d’ici ? |
Marie | Ben oui là, mes belles chattes, mais c’est pas pareil qu’aux bals de chez nous pour elles, allez ! |
Yucca | Pas pareil ? |
Joséphine | Chez nous les Messieurs invitent les dames respectables comme nous et les jeunes gens font danser les jeunes filles. |
Marie | Il n’y aurait guère que M. Petitpont. Le Léon est trop vieux à c’t’heure ! Il marche tout raide le pauvre. |
Sylvia | Monsieur Logarythme aurait l’air d’un dindon. |
Diana | Et Ben Allour ne connaît que la danse du ventre des Ouled Naïl. |
Palmyre | Zut, ce n’est pas comme ça que nous trouverons des maris. |
Cattleya | Vous trouvez en dansant ? |
France | Pas toujours bien sûr ; on parle, on fait connaissance au son de la musique. |
Marie | Mais des fois ça aide. Ainsi tenez, moi, quand j’ai été Reine des Fraises. |
Joséphine | Tu ne vas pas aller raconter toutes tes fredaines aux pauvres innocentes là. Monsieur le Curé n’était pas trop content après toi à ce moment là ! |
Marie | Tais-toi, jalouse. |
France | Ne vous disputez pas chère bonnes amies. |
Cattleya | Vous trouvez en dansant ? |
--- etc... --- |
Dingoya | Nous fa.. fa.. fatigués par beaucoup boulot ! Mettre en prison mau.. mau.. mauvais blancs ! |
Malouya | Toi donner encore petit coup de rhum. |
Dingoyo | Y a plus y a plus. |
Nagouya | Hommes a. a. a. a. voir tout bu ! |
Pagouya | Encore tout.. tout peu. Vous bu.. bu.. voir puis a.. a.. a.. aller garder pri.. prison. (Il leur verse du rhum dans les écuelles qu’elles boivent d’un coup). Là... bon.. bon... |
Malouya | Nous contentes centen.. tes.. bon.. dans bou.. bouche, bon chaud dans ven.. tre. |
Nagouya | Nous voir belles plumes par.. par.. partout. |
Pagouya | Un peu.. peu.. fa.. fa.. tiguées. |
Dingoyo | Nous manger Cou.. cou.. cou.. coulas rô.. rôti tout à l’heure. Vous prépa.. pa.. pa.. rer sauce pi.. pi.. piquante ! |
Malouya | Toi appeler nous. Nous aller ga.. ga.. garder pri.. pri.. son en do.. do.. dormant. (Elles sortent en titubant toutes les quatre.) |
Dingoyo | Moi garder Coucoulas i.. i.. ici avec bons indigènes. Toi entends Cou.. cou.. cou.. coulas ? Toi faire encore pe.. pe.. pe.. tit do.. do.. do.. avant cui.. cui.. cuisine. (Il s’écrase ivre mort) |
Pascal | (Apparaissant) Pott, pott, hé ! Oh ! Cette broche, cette marmite, Ma Doué ! |
Croucoulas | Chutt ! Chutt ! |
Pascal | (Avançant avec précaution pistolet à la main) Ho, ho, ça va mal ! Palmyre ? Où est Palmyre ! |
Croucoulas | Parlez très bas ! Ils viennent de s’endormir ivres morts. Palmyre et les autres sont en prison. Ils nous ont attaqués subitement cette nuit. |
Pascal | Mais il faut délivrer Palmyre. |
Croucoulas | Détachez-moi vite. |
Pascal | Vous êtes bien sûr papa n’est-ce pas ? |
Croucoulas | Oui détachez-moi, Palmyre a pu tout me raconter. |
Pascal | Nous sommes venus en éclaireurs dans un petit canot avec le lieutenant Français et l’Américain. Mais rien à faire avant que les autres soient là. |
Croucoulas | Je vous conduirai. Ceux-ci ne bougeront pas sans doute mais les sorcières qui gardaient la prison ont moins bu. Et l’éveil est donné. |
Pascal | Je vous détache. Mais il me vient une idée. |
Croucoulas | Hâtez-vous, jeune homme. |
Pascal | Palmyre, voyez-vous. |
Croucoulas | Palmyre, oui. |
Pascal | Elle et moi on s’est bien entendu tout de suite sur beaucoup de choses Ma Doué ! |
Croucoulas | Elle me l’a dit. Détachez-moi. |
Pascal | Alors qu’en pensez-vous ? |
Croucoulas | Ce que j’en pense ? |
Pascal | Oui. A parler franc, je viens vous demander de me la donner en mariage, oui donc ! |
Croucoulas | Me demander sa main, à moi ? Vous ? |
Pascal | Sa main, bien sûr. Nous sommes d’accord elle et moi, voyez-vous. |
Croucoulas | C’est que c’est une jeune fille accomplie. Elle fait ses robes en feuillages et ses chapeaux elle-même, sait coudre, faire la cuisine. |
Pascal | Et elle joue La Prière d’une Vierge au piano. Je connais le --. Ma mère l’avait déjà servi à mon beau-frère quand ma sœur s’est mariée. |
Croucoulas | C’est une princesse authentique. Détachez-moi ! |
Pascal | Oh dame, ça ne me gêne pas pour l’épouser. |
Croucoulas | Elle a une dot magnifique. Détachez-moi. |
Pascal | La dot gardez-là. Je vais passer premier maître dans un mois. Nous aurons assez avec ma petite maison près de Brest. Ca va ? |
Croucoulas | Mais ce n’est pas le moment. Détachez-moi. |
Pascal | Oui. Mais un bon mouvement avant. Allons oui ? |
Croucoulas | Vous me mettez le couteau sous la gorge jeune homme ! |
Pascal | Il faut mieux que ce soit moi que le sorcier. |
Croucoulas | Allons c’est entendu. C’est oui ! |
Pascal | Ah, Ma Doué ! Que je vous embrasse, beau-père ! (Il coupe les liens) C’est comme à l’écarté : je coupe pour le roi ! |
Croucoulas | (S’étirant) Et maintenant essayons d’aller délivrer Palmyre et les autres. Que faire ? |
Pascal | Si seulement mes deux compagnons venaient ! Ah, écoutez, les voilà sûrement ! Eh Pott ! (Il fait signe aux arrivants de ne pas faire de bruit.) |
Revue 1949 : « Lorraine sous les Tropiques » (3 actes - 25 scènes) |
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