Le Traité de Paix signé à Versailles le 28 juin 1919
(Date anniversaire de l'attentat de Sarajevo)
Le Traité de Paix comprend 440 articles répartis en 15 parties :
- Partie 1 : Pacte de la Société des Nations (Art. 1 à 26) + Annexe
- Partie 2 : Frontières d’Allemagne (Art 27 à 30)
- Partie 3 : Clauses politiques européennes (Art. 31 à 117) + Annexe
- Partie 4 : Droits et intérêts allemands hors d’Allemagne (Art. 119 à 158)
- Partie 5 : Clauses militaires, navales et aériennes (Art. 159 à 213) + Tableaux
- Partie 6 : Prisonniers de guerre et sépultures (Art. 214 à 226)
- Partie 7 : Sanctions (Art. 227 à 230)
- Partie 8 : Réparations (Art.231 à 247) + Annexes I, II, III, IV, V, VI et VII
- Partie 9 : Clauses financières (Art. 248 à 26)3
- Partie 10 : Clauses économiques (Art.264 à 312) + Annexes
- Partie 11 : Navigation aérienne (Art. 313 à 320)
- Partie 12 : Forêts, voies d’eau et voies ferrées (Art. 321 à 386)
- Partie 13 : Travail (Art.387 à 427)
- Partie 14 : Garanties d’exécution (Art. 428 à 433) + Annexe
- Partie 15 : Clauses diverses (Art. 434 à 440) + Annexe
- Protocole.
Seule la section V de la Partie III est reproduite ci-dessous, avec son Annexe (§ 1 à 4)
Partie III - Section V
ALSACE-LORRAINE
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Les HAUTES PARTIES CONTRACTANTES, ayant reconnu l'obligation morale de réparer le tort fait par l'Allemagne en 1871, tant au droit de la France qu'à la volonté des populations d'Alsace et de Lorraine, séparées de leur Patrie malgré la protestation solennelle de leurs représentants à l'Assemblée de Bordeaux,
Sont d'accord sur les articles suivants :
- Article 51.
Les territoires cédés à l'Allemagne en vertu des Préliminaires de Paix signés à Versailles le 26 février 1871 et du Traité de Francfort du 10 mai 1871, sont réintégrés dans la souveraineté française à dater de l'armistice du 11 novembre 1918.
Les dispositions des traités portant délimitation de la frontière avant 1871 seront remises en vigueur.
- Article 52.
Le Gouvernement allemand remettra sans délai au Gouvernement français les archives, registres, plans, titres et documents de toute nature concernant les administrations civile, militaire, financière, judiciaire ou autres, des territoires réintégrés dans la souveraineté française. Si quelques-uns de ces documents, archives, registres, titres ou plans avaient été déplacés, ils seront restitués par le Gouvernement allemand sur la demande du Gouvernement français.
- Article 53.
Il sera pourvu par conventions séparées entre la France et l'Allemagne au règlement des intérêts des habitants des territoires visés à l'article 51, notamment en ce qui concerne leurs droits civils, leur commerce et l'exercice de leur profession, étant entendu que l'Allemagne s'engage dès à présent à reconnaître et accepter les règles fixées dans l'Annexe ci-jointe et concernant la nationalité des habitants ou des personnes originaires desdits territoires, à ne revendiquer à aucun moment ni en quelque lieu que ce soit comme ressortissants allemands ceux qui auront été déclarés français à un titre quelconque, à recevoir les autres sur son territoire et à se conformer, en ce qui concerne les biens des nationaux allemands sur les territoires visés à l'article 51, aux dispositions de l'article 297 et de l'annexe de la Section IV, Partie X (Clauses économiques) du présent Traité.
Ceux des nationaux allemands qui, sans obtenir la nationalité française, recevront du Gouvernement français l'autorisation de résider sur lesdits territoires, ne seront pas soumis aux dispositions dudit article.
- Article 54.
Posséderont la qualité d'Alsaciens-Lorrains pour l'exécution des dispositions de la présente Section, les personnes ayant recouvré la nationale française en vertu du paragraphe premier de l'annexe ci-jointe.
A partir du jour où elles auront réclamé la nationalité française, les personnes visées au paragraphe 2 de ladite Annexe seront réputées Alsaciennes-Lorraines, avec effet rétroactif au 11 novembre 1918. Pour celles dont la demande sera rejetée, le bénéfice prendra fin à la date du refus.
Seront également réputées Alsaciennes-Lorraines, les personnes morales à qui cette qualité aura été reconnue soit par les autorités administratives françaises, soit par une décision judiciaire.
- Article 55.
Les territoires visés à l'article 51 feront retour à la France, francs et quittes de toutes dettes publiques dans les conditions prévues par l'article 255 de la Partie IX (Clauses financières) du présent traité.
- Article 56.
Conformément aux stipulations de l'article 256 de la Partie IX (Clauses financières) du présent Traité, la France entrera en possession de tous biens et propriétés de l'Empire ou des États allemands situés dans les territoires visés à l'article 51, sans avoir à payer ni créditer de ce chef aucun des États cédants.
Cette disposition vise tous les biens meubles ou immeubles du domaine public ou privé, ensemble les droits de toute nature qui appartenaient à l'Empire ou aux États allemands, ou à leurs circonscriptions administratives.
Les biens de la Couronne et les biens privés de l'ancien empereur ou des anciens souverains allemands seront assimilés aux biens du domaine public.
- Article 57.
L'Allemagne ne devra prendre aucune disposition tendant, par un estampillage ou par toutes autres mesures légales ou administratives qui ne s'appliqueraient pas au reste de son territoire à porter atteinte à la valeur légale ou au pouvoir libératoire des instruments monétaires ou monnaies allemandes avant cours légal à la date de la signature du présent Traité et se trouvant à ladite date en la possession du Gouvernement français.
- Article 58.
Une convention spéciale fixera les conditions du remboursement en marks des dépenses exceptionnelles de guerre avancées au cours de la guerre par l'Alsace-Lorraine ou les collectivités publiques d'Alsace-Lorraine pour le compte de l'Empire aux termes de la législation allemande, telles que : allocations aux familles de mobilisés, réquisitions, logements de troupes, secours aux évacués.
Il sera tenu compte à l'Allemagne, dans la fixation du montant de ces sommes, de la part pour laquelle l'Alsace-Lorraine aurait contribué, vis-à-vis de l'Empire, aux dépenses résultant de tels remboursements, cette contribution étant calculée d'après la part proportionnelle des revenus d'Empire provenant de l'Alsace-Lorraine en 1913.
- Article 59.
L'État français percevra pour son propre compte les impôts, droits et taxes d'Empire de toute nature, exigibles sur les territoires visés à l'article 51 et non recouvrés à la date de l'Armistice du 11 novembre 1918.
- Article 60.
Le Gouvernement allemand remettra sans délai les Alsaciens-Lorrains (personnes physiques et morales et établissements publics) en possession de tous biens, droits et intérêts leur appartenant à la date du 11 novembre 1918, en tant qu'ils seront situés sur le territoire allemand.
- Article 61.
Le Gouvernement allemand s'engage à poursuivre et achever sans retard l'exécution des clauses financières concernant l'Alsace-Lorraine et prévues dans les diverses conventions d'armistice.
- Article 62.
Le Gouvernement allemand s'engage à supporter la charge de toutes pensions civiles et militaires acquises en Alsace-Lorraine à la date du 11 novembre 1918, et dont le service incombait au budget de l'Empire allemand.
Le Gouvernement allemand fournira chaque année les fonds nécessaires pour le payement en francs, au taux moyen du change de l'année, des sommes auxquelles des personnes résidant en Alsace-Lorraine auraient eu droit en marks si l'Alsace-Lorraine était restée sous la juridiction allemande.
- Article 63.
En égard à l'obligation assumée par l'Allemagne dans la Partie VIII (Réparations) du présent Traité, d'accorder compensation pour les dommages causés sous forme d'amendes aux populations civiles des pays alliés et associés, les habitants des territoires visés à l'article 51 seront assimilés auxdites populations.
- Article 64.
Les règles concernant le régime du Rhin et de la Moselle sont fixées dans la Partie XII (Ports, Voies d'eau et Voies ferrées) du présent Traité.
- Article 65.
Dans un délai de trois semaines après la mise en vigueur du présent traité, le port de Strasbourg et le port de Kehl seront constitués, pour une durée de sept années, en un organisme unique au point de vue de l'exploitation.
L'administration de cet organisme unique sera assurée par un directeur nommé par la Commission centrale du Rhin et révocable par elle.
Ce directeur devra être de nationalité française.
Il sera soumis au contrôle de la commission centrale du Rhin et résidera à Strasbourg.
Il sera établi, dans les deux ports, des zones franches, conformément à la Partie XII (Ports, Voies d'eau et Voies ferrées) du présent Traité.
Une convention particulière, à intervenir entre la France et l'Allemagne, et qui sera soumise à l'approbation de la Commission centrale du Rhin, déterminera les modalités de cette organisation, notamment au point de vue financier.
Il est entendu qu'aux termes du présent article, le port de Kehl comprend l'ensemble des surfaces nécessaires au mouvement du port et des trains le desservant, y compris les bassins, quais et voies ferrées, terre-pleins, grues, halls de quais et d'entrepôt, silos, élévateurs, usines hydro-électriques, constituant l'outillage du port.
Le Gouvernement allemand s'engage à prendre toutes dispositions qui lui seront demandées en vue d'assurer que toutes les formations et manœuvres de trains à destination ou en provenance de Kehl, relatifs tant à la rive droite qu'à la rive gauche du Rhin, soient effectuées dans les meilleures conditions possibles.
Tous les droits et propriétés des particuliers seront sauvegardés. En particulier, l'administration des ports s'abstiendra de toute mesure préjudiciable aux droits de propriété des chemins de fer français ou badois.
L'égalité de traitement, au point de vue du trafic, sera assurée dans les deux ports aux nationaux, bateaux et marchandises de toutes nationalités.
Au cas où à l'expiration de la sixième année, la France estimerait que l'état d'avancement des travaux du port de Strasbourg rend nécessaire une prolongation de ce régime transitoire, elle aura la faculté d'en demander la prolongation à la Commission centrale du Rhin qui pourra l'accorder pour une période ne dépassant pas trois ans.
Pendant toute la durée de la prolongation, les zones franches prévues ci-dessus seront maintenues.
En attendant la nomination du premier directeur par la Commission centrale du Rhin, un directeur provisoire qui devra être de nationalité française, pourra être désigné par les Principales puissances alliées et associées dans les conditions ci-dessus.
Pour toutes les questions posées par le présent article, la Commission centrale du Rhin décidera à la majorité des voix.
- Article 66.
Les ponts de chemins de fer et autres existant actuellement dans les limites de l'Alsace-Lorraine sur le Rhin seront, dans toutes leurs parties et sur toute leur longueur, la propriété de l'État français qui en assurera l'entretien.
- Article 67.
Le Gouvernement français est subrogé dans tous les droits de l'Empire allemand sur toutes les lignes de chemin de fer gérées par l'administration des chemins de fer d'Empire et actuellement en exploitation ou en construction.
Il en sera de même en ce qui concerne les droits de l'Empire sur les concessions de chemins de fer et de tramways situées sur les territoires visés à l'article 51.
Cette subrogation ne donnera lieu à la charge de l'État français à aucun payement.
Les gares frontières seront fixées par un accord ultérieur, étant par avance stipulé que, sur la frontière du Rhin, elles seront situées sur la rive droite.
- Article 68.
Conformément aux dispositions de l'article 268 du Chapitre I de la Section I de la Partie X (Clauses économiques) du présent Traité, les produits naturels ou fabriqués, originaires et en provenance des territoires visés à l'article 51, seront reçus, à leur entrée sur le territoire douanier allemand, en franchise de tous droits de douane.
Le Gouvernement français se réserve de fixer chaque année, par décret notifié au Gouvernement allemand, la nature et la quotité des produits qui bénéficieront de cette franchise.
Les quantités de chaque produit qui pourront être ainsi envoyées annuellement en Allemagne ne pourront dépasser la moyenne annuelle des quantités envoyées au cours des années 1911 à 1913.
En outre, et pendant ladite période de cinq ans, le Gouvernement allemand s'engage à laisser sortir librement d'Allemagne et à laisser réimporter en Allemagne, en franchise de tous droits de douanes ou autres charges, y compris les impôts intérieurs, les fils, tissus et autres matières ou produits textiles de toute nature et à tous états, venus d'Allemagne dans les territoires visés à l'article 51, pour y subir des opérations de finissage quelconques, telles que blanchiment, teinture, impression, mercerisage, gazage, retordage ou apprêt.
- Article 69.
Pendant une période de dix ans à dater de la mise en vigueur du présent traité, les usines centrales d'énergie électrique situées en territoire allemand et qui fournissaient de l'énergie électrique sur les territoires visés à l'article 51 ou à toute installation dont l'exploitation passe définitivement ou provisoirement de l'Allemagne à la France seront tenues de continuer cette fourniture à concurrence de la consommation correspondant aux marchés et polices en cours le 11 novembre 1918.
Cette fourniture sera faite suivant les contrats en vigueur et à un tarif, qui ne saurait être supérieur à celui que payent auxdites usines les ressortissants allemands.
-Article 70.
Il est entendu que le Gouvernement français garde le droit d'interdire à l'avenir, sur les territoires visés à l'article 51, toute nouvelle participation allemande :
1° dans la gestion ou l'exploitation du domaine public et des services publics tels que chemins de fer, voies navigables, distributions d'eau, de gaz, d'énergie électrique et autres ;
2° dans la propriété des mines et carrières de toute nature et les exploitations connexes ;
3° enfin dans les établissements métallurgiques, lors même que l'exploitation de ceux-ci ne serait connexe de celle d'aucune mine.
- Article 71.
En ce qui concerne les territoires visés à l'article 51, l'Allemagne renonce pour elle et ses ressortissants, à se prévaloir, à dater du 11 novembre 1918, des dispositions de la loi du 25 mai 1910 concernant le trafic des sels de potasse, et d'une façon générale de toutes dispositions prévoyant l'intervention d'organisations allemandes dans l'exploitation des mines de potasse. Elle renonce également pour elle et pour ses ressortissants à se prévaloir de toutes ententes, dispositions ou lois pouvant exister à son profit relativement à d'autres produits desdits territoires.
- Article 72.
Le règlement des questions concernant les dettes contractées avant le 11 novembre 1918 entre l'Empire et les États allemands ou leurs ressortissants résidant en Allemagne d'une part, et les Alsaciens-Lorrains résidant en Alsace-Lorraine d'autre part, sera effectué conformément aux dispositions de la Section III de la Partie X (Clauses économiques) du présent traité, étant entendu que l'expression « avant guerre » doit être remplacée par l'expression « avant le 11 novembre 1918 ». Le taux de change applicable audit règlement sera le taux moyen coté à la bourse de Genève durant le mois qui a précédé le 11 novembre 1918.
Il pourra être constitué sur le territoire visé à l'article 51, pour le règlement desdites dettes dans les conditions prévues à la Section III de la partie X (Clauses économiques) du présent Traité, un Office spécial de vérification et de compensation, étant entendu que ledit Office pourra être considéré comme un « Office central » au sens du paragraphe 1er de l'annexe de ladite Section.
- Article 73.
Les biens, droits et intérêts privés des Alsaciens-Lorrains en Allemagne seront régis par les dispositions de la Section IV de la Partie X (Clauses économiques) du présent Traité.
- Article 74.
Le Gouvernement français se réserve le droit de retenir et liquider tous les biens, droits et intérêts que possédaient, à la date du 11 novembre 1918, les ressortissants allemands ou les sociétés contrôlées par l'Allemagne sur les territoires visés à l'article 51, dans les conditions fixées au dernier alinéa de l'article 53 ci-dessus.
L'Allemagne indemnisera directement ses ressortissants dépossédés par lesdites liquidations.
L'affectation du produit de ces liquidations sera régie conformément aux dispositions des Sections III et IV de la Partie X (Clauses économiques) du présent Traité.
- Article 75.
Par dérogation aux dispositions prévues à la Section V de la Partie X (Clauses économiques) du présent Traité, tous contrats conclus avant la date de promulgation en Alsace-Lorraine du décret français du 30 novembre 1918, entre Alsaciens-Lorrains (personnes physiques et morales) ou autres résidant en Alsace-Lorraine d'une part, et l'Empire ou les États allemands ou leurs ressortissants résidant en Allemagne d'autre part, et dont l'exécution a été suspendue par l'armistice ou par la législation française ultérieure, sont maintenus.
Toutefois, seront annulés les contrats dont, dans un intérêt général, le Gouvernement français aurait notifié la résiliation à l'Allemagne dans un délai de six mois à dater de la mise en vigueur du présent traité, sauf en ce qui concerne les dettes et autres obligations pécuniaires résultant de l'exécution avant le 11 novembre 1918 d'un acte ou d'un payement prévu à ces contrats. Si cette annulation entraîne pour une des parties un préjudice considérable, il sera accordé à la partie lésée une indemnité équitable calculée uniquement sur le capital engagé et sans tenir compte du manque à gagner.
En matière de prescription, forclusion et déchéances en Alsace-Lorraine, seront applicables les dispositions prévues aux articles 300 et 301 de la Section de la Partie X (Clauses économiques), étant entendu que l'expression « début de la guerre » doit être remplacée par l'expression « 11 novembre 1918 » et que l’expression « durée de la guerre » doit être remplacée par celle de « période du 11 novembre 1918 à la date de mise en vigueur du présent Traité ».
- Article 76.
Les questions concernant les droits de propriété industrielle, littéraire ou artistique des Alsaciens-Lorrains seront réglées conformément aux dispositions générales de la Section VII de la Partie X (Clauses économiques) du présent Traité, étant entendu que les Alsaciens-Lorrains titulaires de droits de cet ordre suivant la législation allemande, conserveront la pleine et entière jouissance de ces droits sur le territoire allemand.
- Article 77.
L'État allemand s'oblige à remettre à l'État français la part, qui pourrait revenir à la caisse d'assurance Invalidité-Vieillesse de Strasbourg, dans toutes les réserves accumulées par l'Empire ou par des organismes publics ou privés en dépendant, en vue du fonctionnement de l'assurance Invalidité-Vieillesse.
Il en sera de même des capitaux et réserves constitués en Allemagne revenant légitimement aux autres Caisses d'assurances sociales, aux Caisses minières de retraite, à la Caisse des chemins de fer d'Alsace-Lorraine, aux autres organismes de retraite institués en faveur du personnel des administrations et établissements publics et fonctionnant en Alsace-Lorraine, ainsi que des capitaux et réserves dus par la Caisse d'assurance des employés privés de Berlin à raison des engagements contractés au profit des assurés de cette catégorie résidant en Alsace-Lorraine.
Une convention spéciale fixera les conditions et modalités de ces transferts.
- Article 78.
En matière d'exécution des jugements, de pourvois et de poursuites, les règles suivantes seront applicables :
1° Tous jugements rendus en matière civile et commerciale depuis le 3 août 1914 par les tribunaux d'Alsace-Lorraine entre Alsaciens-Lorrains, ou entre Alsaciens-Lorrains et étrangers, où entre étrangers, et qui auront acquis l'autorité de chose jugée avant le 11 novembre 1918, seront considérés comme définitifs et exécutoires de plein droit.
Lorsque le jugement aura été rendu entre Alsaciens-Lorrains et Allemands ou entre Alsaciens-Lorrains et sujets des puissances alliées de l'Allemagne, ce jugement ne sera exécutoire qu'après exequatur prononcé par le nouveau tribunal correspondant du territoire réintégré visé à l'article 51.
2° Tous jugements rendus depuis le 3 août 1914 contre des Alsaciens-Lorrains pour crimes ou délits politiques, par des juridictions allemandes, sont réputés nuls.
3° Seront considérés comme nuls et non avenus et devront être rapportés tous arrêts rendus postérieurement au 11 novembre 1918 par le Tribunal d'Empire de Leipzig sur les pourvois formés contre les décisions des juridictions d'Alsace-Lorraine. Les dossiers des instances ayant fait l'objet d'arrêts ainsi rendus seront renvoyés aux juridictions d'Alsace-Lorraine intéressées.
Seront suspendus tous pourvois formés devant le Tribunal d'Empire contre des décisions des tribunaux d'Alsace-Lorraine. Les dossiers seront renvoyés dans les conditions ci-dessus pour être transférés sans retard à la Cour de cassation française, qui aura compétence pour statuer.
4° Toutes poursuites en Alsace-Lorraine pour infractions commises pendant la période comprise entre le 11 novembre 1918 et la mise en vigueur du présent Traité seront exercées conformément aux lois allemandes, sauf dans la mesure où celles-ci auront été modifiées ou remplacées par des actes dûment publiés sur place par les autorités françaises.
5° Toutes autres questions de compétence, de procédure ou d'administration de la justice seront réglées par une convention spéciale entre la France et l'Allemagne.
- Article 79.
Les stipulations additionnelles concernant la nationalité et ci-après annexées seront considérées comme ayant même force et valeur que les dispositions de la présente section.
Toutes autres questions concernant l'Alsace-Lorraine, qui ne seraient pas réglées par la présente Section et son Annexe ni par les dispositions générales du présent Traité, feront l'objet de conventions ultérieures entre la France et l'Allemagne.
ANNEXE
- § 1.
A dater du 11 novembre 1918, sont réintégrés de plein droit dans la nationalité française :
1° Les personnes qui ont perdu la nationalité française par application du Traité franco-allemand du 10 mai 1871, et n'ont pas acquis depuis lors une nationalité autre que la nationalité allemande ;
2° Les descendants légitimes ou naturels des personnes visées au paragraphe précédent, à l'exception de ceux ayant parmi leurs ascendants en ligne paternelle un Allemand immigré en Alsace-Lorraine postérieurement au 15 juillet 1870 ;
3° Tout individu né en Alsace-Lorraine de parents inconnus ou dont la nationalité est inconnue.
- § 2.
Dans l'année qui suivra la mise en vigueur du présent Traité, pourront réclamer la nationalité française les personnes appartenant à l'une des catégories suivantes :
1° Toute personne non réintégrée aux termes du paragraphe 1, et qui a, parmi ses ascendants, un Français ou une Française ayant perdu la nationalité française dans les conditions prévues audit paragraphe ;
2° Tout étranger, non ressortissant d'un État allemand, qui a acquis l'indigénat alsacien-lorrain avant le 3 août 1914 ;
3° Tout Allemand domicilié en Alsace-Lorraine, s'il y est domicilié depuis une date antérieure au 15 juillet 1870, ou si un de ses ascendants était à cette date domicilié en Alsace-Lorraine ;
4° Tout Allemand né ou domicilié en Alsace-Lorraine, qui a servi dans les rangs des armées alliées ou associées pendant la guerre actuelle, ainsi que ses descendants ;
5° Toute personne née en Alsace-Lorraine avant le 10 mai 1871 de parents étrangers, ainsi que ses descendants ;
6° Le conjoint de toute personne soit réintégré en vertu du paragraphe 1, soit réclamant et obtenant la nationalité française aux termes des dispositions précédentes.
Le représentant légal du mineur exerce au nom de ce mineur le droit de réclamer la nationalité française et, si ce droit n'a pas été exercé, le mineur pourra réclamer la nationalité française dans l'année qui suivra sa majorité.
La réclamation de nationalité pourra faire l'objet d'une décision individuelle de refus de l'autorité française, sauf dans le cas du numéro 6° du présent paragraphe.
- § 3.
Sous réserve des dispositions du paragraphe 2, les Allemands nés ou domiciliés en Alsace-Lorraine, même s'ils ont l'indigénat alsacien-lorrain, n'acquièrent pas la nationalité française par l'effet du retour de l'Alsace-Lorraine à la France.
Ils ne pourront obtenir cette nationalité que par voie de naturalisation, à condition d'être domiciliés en Alsace-Lorraine depuis une date antérieure au 3 août 1914, et de justifier d'une résidence non interrompue sur le territoire réintégré, pendant trois années à compter du 11 novembre 1918.
La France assumera seule leur protection diplomatique et consulaire à partir du moment où ils auront fait leur demande de naturalisation française.
- § 4.
Le Gouvernement français déterminera les modalités suivant lesquelles seront constatées les réintégrations de droit, et les conditions dans lesquelles il sera statué sur les réclamations de nationalité française et les demandes de naturalisation prévues par la présente annexe.
Historique de la ratification du traité de paix par le Sénat.
Dans le journal « LE TEMPS » ci-dessus du 11 octobre 1919, on apprend que la Chambre des députés a, dans sa (deuxième) séance du 2 octobre 1919, voté la ratification du traité conclu à Versailles, le 28 juin 1919, entre la France et les nations alliées et associées d’une part, l’Allemagne d’autre part (Nombre de votants : 425, pour l'adoption : 372, contre : 53).
(Source : gallica.bnf.fr)
La commission des affaires étrangères, à l’unanimité, propose au Sénat d’émettre à son tour un vote favorable.
Les débats du Sénat sont reproduits in extenso mais la recopie de ces deux pages étant difficile, il est préférable de consulter directement le journal officiel des 10, 11 et 12 octobre relatant les séances du 9, 10 et 11 octobre (date de la ratification dudit traité par 217 voies sur 217).
(Source : www.senat.fr)
La promulgation du traité de paix a eu lieu le 10 janvier 1920.