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La rue de l'Eglise
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La Haute-Maison - 2

Samedi 2 juillet 2005 (Républicain Lorrain)

Patrimoine : la Haute Maison achetée pour être classée

Le conseil municipal a décidé jeudi soir d'acquérir un ensemble immobilier situé rue de l'Église, juste à côté du lavoir et dont la « Haute Maison », le plus vieil édifice de Woippy, fait partie intégrante. Pour s'adjuger la maîtrise de cette construction remarquable, datée de la fin XIV-XVe siècles, la commune déboursera 238 000 €. « Notre souhait est d'assurer la préservation de cet élément du patrimoine et de le mettre en valeur », a expliqué le maire.
François Grosdidier confirme d'ailleurs que des contacts sont déjà noués avec les services de l'État, notamment la direction régionale des affaires culturelles, pour solliciter l'inscription du bâtiment à l'Inventaire des Monuments historiques, puis si possible son classement comme monument historique. Le conseil de Woippy a aussi décidé de solliciter l'État, le conseil général ou toute autre collectivité ou organisme en vue de financer la réhabilitation de la « Haute Maison ».
L'édifice fortifié à l'architecture médiévale et surmonté de créneaux trahit aujourd'hui encore sa fonction d'antan. Propriété du chapitre de la cathédrale de Metz jusqu'en 1789, la « Haute Maison » a permis durant la Guerre de Dévolution, en 1668, de repousser une attaque espagnole. En 1878, René Paquet évoquait cet épisode de l'histoire locale en ces termes : « C'est de la terrasse de la Haute Maison que le 29 mars 1668, Woirin Lapied, François Mangenot et trois autres paysans abattent plusieurs Espagnols qui assaillent le village. »



La Haute-Maison de Woippy datée scientifiquement

Source : Bulletin de Liaison de la Société d'Histoire de Woippy, n°20, 2007.
Article de M. Pierre Brasme, Président de la Société d'Histoire de Woippy.
Avec son vieux château et sa maison forte (plus connue sous le nom de Haute Maison), Woippy s’enorgueillit de posséder deux solides témoins de l’époque médiévale. Dans son ouvrage Histoire du village de Woippy (1878), René Paquet situe leur construction, pour le premier au XIIIe siècle, et pour la Haute Maison au milieu du XVe. Concernant celle-ci, René Mognon – dont chacun connaît le professionnalisme en matière de recherche ! – a tenté d’en préciser la datation à travers les documents anciens, notamment un pied terrier (registre contenant le dénombrement des déclarations des particuliers qui relèvent d'une seigneurie et le détail des droits, cens, et rentes qui y sont dus) ; grâce à ce document, qu’il situe entre 1467 et 1501, et à un acte de vente daté de 1481, il estime que le bâtiment existait avant cette date, ce qui confirme les dires de René Paquet. Le premier « trescensier » (à qui le bâtiment et sa métairie sont affermés par le Chapitre de la cathédrale) en aurait été le chanoine Arnoult de Cléry… en attendant le plus illustre, Jacques Bénigne Bossuet.

Or, cette datation vient d’être confirmée par la science. Au cours de ses démarches pour acquérir la Haute Maison, propriété de la famille Remiatte (acquisition qui vient de se réaliser), la ville de Woippy a chargé en 2006 le service régional de l’inventaire du patrimoine culturel (région Lorraine) de procéder à la datation dendrochronologique d’un certain nombre de poutres de la Haute Maison. Or cette étude confirme scientifiquement les hypothèses de datation de la tour vers le milieu du XVe siècle : il n’y a plus aucun doute possible.

Rappelons d’abord que la dendrochronologie est une méthode scientifique de datation fondée sur le comptage et l'analyse morphologique des anneaux de croissance (les cernes) des arbres. Cette technique a été inventée et développée au cours du XXe siècle par A.E. Douglass, le fondateur du Laboratory of Tree-Ring Research de l’Université d’Arizona. Cette méthode permet de dater des pièces de bois à l’année près (mais l’âge d’un bois n’est pas l’âge de construction d’un bâtiment l’utilisant !). L'analyse d'un échantillon de bois, en repérant ses anneaux de croissance et en attribuant à chacun d'entre eux un millésime de formation, permet de déduire les conditions climatiques contemporaines à la vie de l'arbre. En prenant des échantillons dans différents sites d'une même région et ayant poussé à des époques différentes mais se recoupant, il est possible de recomposer une séquence sur plusieurs siècles et de créer une chronologie de référence permettant de réaliser des études paléoclimatiques. L'idéal étant bien sûr d'avoir une tranche d'arbre multicentenaire. La comparaison du profil de croissance d'un morceau de bois d'une époque indéterminée avec cette chronologie de référence permet sa datation exacte à l'année près.

L’analyse qui nous intéresse a commencé par un échantillonnage réalisé le 23 novembre 2006 dans les deux constructions situées aux 23 et 25 rue de l’Eglise, c’est-à-dire la Haute Maison et le bâtiment voisin. Six « carottes » de bois d’environ 4 mm de diamètre ont été prélevées : quatre sur la charpente de la maison attenante, et deux sur des poutres de notre maison forte, situées au rez-de-chaussée à côté de l’entrée : il s’agit d’une poutre de chêne servant de solive et d’une poutre de sapin en relation avec l’escalier.

Cinq échantillons ont pu être datés. Concernant les premiers, il apparaît que les arbres appartiennent à deux périodes d’abattage différentes : deux en 1743, les deux autres après 1811. Pour la Haute Maison, seule la poutre de chêne a pu être datée : 1368 pour le premier cerne mesuré, 1414 pour le dernier. La datation proposée est postérieure à 1424. On accepte en général que l’abattage des arbres et leur utilisation dans la construction sont proches dans le temps, car le stockage du bois sur longue durée était rare autrefois : on l’estime en général, pour la période médiévale, à cinq ou six mois en moyenne. Compte tenu de l’incertitude sur le délai abattage – utilisation, et de la possibilité que la poutre soit une « pièce rapportée », nous pouvons sans risque de nous tromper, en confrontant archives et analyse en laboratoire, confirmer que la Haute Maison a bien été construite à la fin du Moyen Âge, vers le milieu du XVe siècle.

Il nous reste à souhaiter qu’une analyse dendrochronologique puisse être faite sur le château de la rue de Briey… mais, s’agissant d’une propriété privée, l’affaire est délicate !


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