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Sainte-Agathe : le dépôt Shell-Berre

Samedi 10 novembre 1962
SHELL-BERRE INAUGURE SON DÉPÔT DE METZ-WOIPPY

De nombreuses personnalités ont inauguré hier après-midi le nouveau dépôt de Metz-Woippy de la société des pétroles Shell-Berre d’une capacité de stockage de 7,5 millions de litres. Ce dépôt est situé à 8 km au nord de Metz entre la R.N. 412 Metz-Rombas et la voie ferrée de Thionville. Son secteur de distribution couvre 21 cantons de Moselle, 7 de Meurthe-et-Moselle et 11 cantons de la Meuse. Il a été construit sur une surface de deux hectares environ et a été mis en service il y a deux mois. Ses bacs gigantesques peints à l’aide d’une séduisante couleur grise métallisée attirent immanquablement le regard des usagers de la route sur l’ensemble de l’installation moderne rationnelle et propre.
La capacité totale de stockage est de 7.500 mètres cubes ce qui représente 7,5 millions de litres. Elle se répartit entre 3 bacs de 1.620 mètres cubes, 4 bacs de 650 et 2 bacs de 50 mètres cubes, notons que quatre de ces bacs sont à toit flottant. Ils sont appelés à contenir des produits volatiles. Le système de toit flottant permet d’éviter la formation de vapeurs carburées.
C’est à M. Château, directeur régional de la société des pétroles Shell-Berre qu’il appartient de montrer aux invités le fonctionnement du dépôt. Il le fit en une brève conférence suivie d’une visite détaillée.
Chacun a ainsi pu apprendre que la réception des stocks s’effectuait bien entendu par fer, plus exactement par train technique de 1.200 tonnes en provenance de Petite-Couronne. Trois pompes de réception peuvent entrer en service, l’une pour l’essence et le super, l’autre pour le gaz oil et le fuel domestique, la troisième pour le fuel léger.

Les visiteurs au sommet des réservoirs. (Photo Etienne Lorrain)
Cinq camions de distribution de 9 à 28.000 litres sont affectés au dépôt. Ils sont chargés à deux postes différents comprenant 12 pantographes équipés d’un système de sécurité. 7 pompes peuvent entrer en service pour le chargement.
L’équipement du dépôt comprend une section « sécurité » équipée en liquide émulseur. Ce liquide peut en quelques secondes grâce à un système de pompes inonder le toit des différents bacs.
Bureau, vestiaires, douches, bâtiment pour stockage des huiles et habitation complètent l’équipement de ce dépôt qui emploie six personnes.
Parmi les personnalités présentes on notait MM. Laporte, préfet igame et Raillard, son directeur de cabinet ; Mondon, député-maire de Metz ; Driant, sénateur ; le général Massu, gouverneur ; le général Gion, intendant militaire ; M. Bizoul, directeur départemental de la protection civile ; de nombreux conseillers généraux ainsi que les représentants des différentes administrations, groupements professionnels, commerciaux ou industriels.
La société des pétroles Shell-Berre était représentée par : MM. Chateau, directeur régional ; Marche, chef de secteurs ; Kleine et Formici, attachés commerciaux ; Bironneau, chef d’exploitation régional et Boisson, chef du dépôt de Woippy.
Le siège social de Paris était représenté par MM. Deglane attaché à la direction générale et Bultel, coordinateur régional. (Le Lorrain)

Samedi 10 novembre 1962
M. Laporte et de nombreuses personnalités ont inauguré le nouveau dépôt de Woippy de la société des pétroles SHELL-BERRE (capacité totale de stockage : 7.500 m²)

Nos photos : en haut, les visiteurs s’intéressent au fonctionnement des pompes de réception, qui depuis les wagons-citernes, à quai, alimentent les bacs ; en bas, au mépris du vertige, les personnalités sont montées sur les dômes des immenses réservoirs.

L’expansion extraordinaire de notre département, la courbe sans cesse croissante de l’utilisation des produits de consommation qui en est la conséquence logique, amènent la grande industrie à voir dans notre région un marché solide et sûr, et l’obligent à y implanter des installations de production ou de distribution.
L’exemple en est frappant dans le domaine des carburants : la Moselle se classe parmi les départements français où l’accroissement du marché pétrolier est le plus important. En un peu moins de dix ans, la consommation de l’essence et du super y a doublé ; celle du gas-oil s’est accrue de 50% ; celle des fuels s’inscrit avec un bond de 900%, et des fuels lourds, de 800%.
La société Shell-Berre a tiré les enseignements de ces chiffres. Alors qu’autrefois la Moselle dépendait, en ce qui la concerne, des centres distributeurs de Reims, de Strasbourg ou de Nancy, elle a décidé d’installer aux portes de Metz un dépôt qui, dès à présent, couvre non seulement le département, amis encore la zone industrielle du Nord de la Meurthe-et-Moselle et une partie du département de la Meuse.
C’est ce nouveau dépôt qui a été inauguré hier après-midi et a reçu la visite de nombreuses personnalités : autorités officielles, parlementaires et conseillers généraux, conseillers et fonctionnaires municipaux, police, gendarmerie et magistrature, chefs de service des grandes administrations et groupements constitués, auxquels s’étaient joints de très nombreux chefs d’entreprises.
Il revint aux représentants de la société des pétroles Shell-Berre : MM. Château, directeur régional ; Marchal, chef de secteur ; Kleine et Formici, attachés commerciaux ; Bironneau, chef d’exploitation régionale ; Boisson, chef du dépôt de Woippy ; Deglane, attaché à la direction générale, et Bultel, coordinateur régional, tous deux représentants le siège social de Paris, d’accueillir MM. Laporte, préfet de la Moselle, I.G.A.M.E. ; Driant, sénateur, président du Conseil général ; Mondon, député-maire de Metz ; le général Massu, gouverneur militaire, ainsi que tous les invités, dans les locaux flambant neuf du nouveau dépôt.
Celui-ci a été aménagé de toutes pièces, en un peu moins d’un an, sur un vaste terrain de 28.000 mètres carrés, qui s’étend avant Ste-Agathe, entre la route de Rombas, et la nouvelle gare de triage S.N.C.F. Sa capacité totale de stockage et de 7.500 m3 (7millions et demi de litres) en neuf bacs : trois de 1.630 m3, quatre de 630 m3, et deux de 50 m3, dont les réservoirs argentés dominent l’ensemble.
La réception est assurée par trains techniques de 1.200 tonnes, en provenance de Petit-Couronne, sur deux voies de 220 mètres. Trois pompes de réception et sept de chargement complètent ces installations pourvues des plus récents perfectionnements en matière d’automatisme de sécurité. Cette dernière, notamment, a été minutieusement étudiée : depuis les bacs pourvus de toits flottants, évitant au maximum la formation d’éléments gazeux, jusqu’aux interrupteurs à distance, en passant par un centre-incendie, depuis lequel les bacs peuvent être simultanément ou isolément noyés sous des tonnes de mousse.
Il suffit de six personnes pour faire fonctionner ce dépôt, dont l’activité est cependant de l’ordre de cinq millions de litres par mois, prévue pour 1963.
Les quelque cent personnes qui avaient répondu hier à l’invitation de Shell-Berre ont pu, tout à loisir, visiter les lieux et suivre le fonctionnement du dépôt, grâce aux explications détaillées qui leur furent fournies : elles s’en montrèrent très intéressées et ne manquèrent pas de le dire à leurs hôtes au cours du vin d’honneur qui termina cette réception.
Ainsi le patrimoine industriel de l’agglomération messine vient-il de s’enrichir d’un nouveau complexe de distribution qui lui apporte une activité nouvelle, dans un domaine où il n’est pas impossible que cet exemple soit suivi par d’autres. (Républicain Lorrain)

Jeudi 7 août 1975
Après Florange, WOIPPY
Le feu au dépôt de carburant

METZ - Les pompiers arrosaient encore la citerne de fuel de Florange pour la refroidir, qu'un second incendie s'est déclaré cette nuit dans un dépôt d'hydrocarbure, aux portes de Metz, cette fois.
Vers 1 h 45 ce matin, les pompiers étaient avisé de ce que des flammes importantes avaient été remarquées dans la direction de Woippy. En fait, le feu s'était déclaré, pour des raisons encore inconnues, dans plusieurs citernes du dépôt Shell, route de Rombas, à Woippy - Sainte-Agathe.
Aussitôt, les pompiers messins ont dirigé sur place un important matériel. Ils devaient être rejoints sur les lieux du sinistre par leurs collègues de l'ensemble du département, ainsi que par plusieurs corps de Meurthe-et-Moselle.
A partir de 2 heures ce matin, le feu faisait rage sur l'ensemble du dépôt où 13 cuves de fuel, de pétrole et d'essence super étaient embrasées, soit 3.500 mètres cubes de carburant.
Selon les premiers éléments de l'enquête, une explosion, survenue à 1 h 45, aurait préludé au sinistre. Le gardien du dépôt, M. Mouton qui, le premier, aperçut les flammes, donna l'alerte immédiatement. Le feu aurait pris en plusieurs endroits à la fois, ce qui, a priori, démontrerait l'acte criminel.
Peu avant 3 heures, les flammes s'élevaient à plus de 50 mètres au-dessus du dépôt et les habitations voisines avaient été évacuées. Dans le même temps, toutes dispositions étaient prises au dépôt militaire de carburant voisin, où les soldats s'attachaient à refroidir les cuves avec leurs lances.
La circulation sur la route de Bombas a été coupée dès les premiers instants et le trafic ferroviaire interrompu sur la ligne Thionville - Metz voisine, par mesure de sécurité.
Peu avant 4 heures, le colonel Sibué précisait qu'il ne serait pas possible d'éteindre le sinistre. « II nous faudrait une péniche de la capacité de la Moselle pour éteindre le feu ».
Puis il concluait : « L’incendie de Florange était un sinistre national. Celui-ci est une véritable catastrophe ». Sur place, de nombreuses personnes attirées par les lueurs de l'incendie et la gigantesque colonne de fumée étaient maintenues à distance par un cordon de police et de gendarmerie.
A l'heure où nous mettions sous presse, le feu faisait toujours rage sur l'ensemble du dépôt et les pompiers en action étaient rejoints, au fil des minutes, par leurs collègues des autres corps.
Coïncidence troublante qui ne peut, à la limite que renforcer les enquêteurs dans l'idée d'un acte criminel : l'incendie de Woippy est intervenu à 48 heures de distance, à la même heure que celui de Florange. (RL)

Vendredi 8 août 1975
L’INCENDIE DE WOIPPY : UN ACTE TERRORISTE
Raffineries et dépôts en état d’alerte

Cette fois, l'affaire est grave. Déjà l'incendie de Florange – où des millions de litres de carburants avaient été, 30 heures durant, la proie des flammes – apparaissait très suspect. Maintenant, c'est le dépôt d’hydrocarbures de la société Shell, près de Woippy, qui vient d'être entièrement détruit par le feu. Et là, pas de doute : il s'agit d'un attentat. Un trou a d'ailleurs été découvert dans le grillage d'enceinte du dépôt. C'est par ce passage pratiqué tout récemment à l'aide d'une cisaille que les terroristes se sont introduits. Cette action criminelle a été revendiquée par une organisation jusque-là inconnue : « Le comité d'action directe ouvrière », qui prétend travailler en liaison avec des anarchistes ouest-allemands.
Le groupe terroriste affirme également être l'auteur de l'incendie de Florange.
Reste que dans la région la peur s'est installée.
« L'alerte au feu » est en vigueur en Moselle. A la raffinerie de Hauconcourt, la surveillance a été considérablement renforcée et l'on a fait venir une unité de gardes mobiles. La sécurité est à l'ordre du jour. Tout comme le renforcement des dispositifs de surveillance.
(Toutes nos informations et nos photos en pages intérieures.)


Cette image dantesque : l’incendie criminel qui a ravagé le dépôt de carburants de la Shell, près de Woippy. Dans le gigantesque brasier, on distingue les citernes qui se tordent et d’écroulent sous l’effet de la chaleur. Des millions de litres d’hydrocarbures ont été la proie des flammes.
 
C’est par ce trou, pratiqué dans le grillage entourant le dépôt, que le ou les terroristes se sont introduits pour perpétrer leur forfait. Le travail, très proprement fait, semble l’œuvre de « spécialistes »…

DES FLAMMES DE 150 M DE HAUT !

Vers 10 heures, le vent se lève. Un seul objectif pour les services de sécurité : empêcher que le sinistre se propage et « attaque » les millions de mètres cubes de kérosène contenus dans des cuves situées à 150 mètres du sinistre.
Nuit de cauchemar à Woippy. 48 heures après l'enfer de Florange, les habitants ont vécu la grande peur des incendies d'hydrocarbures. Même pour les personnes les plus chevronnées, 7 millions de litres de produits pétroliers en feu impressionnent.
Hier matin, vers 1 h 45, la dizaine de cuves de la société Shell s'est embrasée d'un seul coup. Immédiatement, les équipements de sécurité ont été soit détruits, soit inaccessibles. Dans les premières heures, par conséquent, une certaine panique avait saisi les habitants voisins du brasier. Six habitations ont été évacuées.
Mais l'extraordinaire déploiement des forces d'intervention a rapidement rassuré. Les corps des sapeurs-pompiers, des localités voisines dans un premier temps, puis venant de casernes plus éloignées de l'est de la France ainsi que de la Sarre, ont convergé vers les lieux du sinistre, avec un maximum de moyens.
Nombreux ont été les curieux qui, à bonne distance de l'incendie - des cordons de police très efficaces ne laissaient quasiment passer que les voitures rouges des soldats du feu - ont suivi l'extraordinaire va-et-vient des fourgons-pompes-tonnes en quête d'eau tous azimuts.
Ils ont été témoins de l'efficacité des services de secours mais gardent, au fond du cœur, une profonde inquiétude car l'incendie est certainement d'origine criminelle. Shell a brûlé et les cuves voisines de kérosène appartenant au service des essences de l'armée ont été menacées. Il y a bien de quoi troubler la sérénité de ceux qui cohabitent avec de très importantes quantités d'hydrocarbures.

Les précautions contre l'accident sont prises,
mais... peu de moyens existent pour parer un éventuel geste criminel


Quelques minutes à peine après le début de l'incendie de Woippy, l'ensemble des témoins s'accordait à admettre qu'il s'agissait très probablement d'une action criminelle. Les témoignages d'employés SNCF, la découverte d'un orifice dans le grillage, les circonstances, tout plaidait en faveur de cette thèse. On ne pouvait alors que lier les deux incendies et penser que celui de Florange avait été provoqué par les mêmes inconnus.
Le préfet de région, dans la conférence de presse qu'il a donnée en début de soirée hier, a confirmé cette thèse. Il a annoncé que de fortes présomptions l'amenaient à demander une enquête tant auprès du parquet de Metz qu'à celui de Thionville.
Or, si l'on peut dire que les règles de sécurité sont tout particulièrement bien pensées en ce qui concerne les accidents, force est de constater que l'on se trouve fortement désarmé lorsque l'on se trouve en présence d'un geste criminel.

LA RÉGLEMENTATION DE 1958
C'est après les incendies de 1958 que la Protection civile nationale a établi une réglementation, théoriquement sans faille.
Les textes prévoient tout : les moyens de lutte contre un éventuel incendie, la taille des citernes, leur éloignement les unes par rapport aux autres et leur éloignement par rapport eux habitations. De ce point de vue le dépôt Shell de Woippy était d'ailleurs considéré comme un modèle du genre. Les directives gouvernementales y étaient appliquées à la lettre, et même au-delà.
On doit noter, par contre, que le texte ne prévoit absolument aucune protection contre un acte criminel. Le gardiennage de nuit n'est même pas obligatoire.
On remarquera au passage que ce gardiennage était assuré à Woippy par un homme et un chien et que l'incendie a tout de même eu lieu. On peut donc supposer que les auteurs possibles ont observé la fréquence et les horaires de rondes, afin de se glisser dans les lieux entre deux passages.

N'IMPORTE QUI...
On peut s'étonner du fait que le législateur a complètement, ou presque, ignoré cet aspect de la question. La réponse est sans doute très simple. Dans notre monde industrialisé nous vivons au milieu de dépôts d'hydrocarbures. Peu sont importants mais en fait beaucoup sont plus dangereux qu'une installation dépendant d'une société et éloignée des habitations. Des quantités de camions de livraison sillonnent nos routes. Le soir, ils sont remisés dans des enclos très souvent non gardés. N'importe qui peut ouvrir une vanne et mettre le feu à un véhicule. La plupart des stations service sort fermées et vidées d'occupants la nuit. Enfin, 80 % des cuves de fuel pour le chauffage ménager sont installées dans les jardins et leur regard n'est pas fermé à clef. Bref, un dément pourrait sans peine aucune provoquer des incendies extrêmement graves et embraser toute une ville en courant beaucoup moins de risques qu'en forçant les clôtures et en bravant le gardiennage des dépôts importants. N'oublions pas que la nouvelle politique pétrolière fait obligation aux stations services d'être en mesure de recevoir la livraison d'un véhicule gros porteur de 30.000 litres. Les cuves de toutes les stations ont donc une contenance variant entre 30.000 et 50.000 litres.
Puisque nous parlons du peu de risques dans l'action elle-même, il convient, cependant, de donner des précisions quant au pénal. Un incendie volontaire est un crime et le code prévoit des sentences pouvant aller jusqu'à la peine de mort et la détention à perpétuité.

PEU DE DÊPÔTS IMPORTANTS
Le département de Moselle comprend peu de dépôts très importants. L'installation de la raffinerie de Hauconcourt a d'ailleurs amené la fermeture de plusieurs installations. Quant à la plupart des revendeurs, ils se servent directement à Hauconcourt.
Les dépôts importants se situent à Florange et bien sûr à Woippy puis à La Maxe, Ars-sur-Moselle, Richemont, et à proximité d'importants complexes industriels Carling, Dieuze, Sarralbe. Hors des frontières départementales, mais dans une région proche, les principaux dépôts civils sont installés en Meurthe-et-Moselle près de Nancy et à Toul, et en Sarre à Heiligenwald et Dillingen.
Plusieurs grossistes disposent de petites réserves. Ils sont soumis à une autorisation spéciale s'ils dépassent 60 m3. On dénombre plusieurs petits dépôts pouvant atteindre 600 m3 dans la banlieue de Metz, notamment rue des Alliés où se trouvent BP, les Ets Calmès, SCAC et la Sté mosellane des combustibles.
Dans la plupart des cas il s'agit de fuel domestique qui ne s'enflamme pas aussi facilement que les vapeurs d'essence.
Mais, répétons-le, il est presque impensable d'obtenir une protection totale pour l'ensemble du territoire tant nous vivons environnés de matières inflammables.

LES MESURES DE SECURITE
Comme on le lira par ailleurs, le préfet est rentré hier depuis Toulon par avion militaire. M. Di Chiara, directeur du cabinet et chargé de la protection civile, est revenu pour sa part d'Evreux, en empruntant le même moyen de locomotion. Ils avaient l'un et l'autre atteint Metz peu avant midi. Avant même leur arrivée, une importante réunion avait été organisée à la préfecture. Autour des fonctionnaires de la Protection civile, on remarquait tous les responsables des services de police et de gendarmerie. De cette réunion devait sortir un plan de surveillance d'un certain nombre d'installations. Il est bien évident qu'elle s'appliquera de l'extérieur. Le préfet a, par ailleurs, demandé aux propriétaires de renforcer leur gardiennage intérieur. Il a également souhaité obtenir un compte rendu des mesures prises. Après les deux incendies successifs on se doute que les responsables ne se feront pas prier. La protection la plus efficace réside sans doute dans un système d'éclairage important (tant pis pour les économies d'énergie) et dans un gardiennage appuyé par plusieurs chiens. La base aérienne de Metz Frescaty est, de nuit, gardée par des chiens militaires qui, semble-t-il, constituent une dissuasion intéressante. En résumé donc, dès ce soir, la plupart des dépôts seront gardés de l'extérieur et de l'intérieur. L'incendiaire courrait de gros risques s'il voulait répéter son geste. Les populations, enfin, peuvent se rassurer. Les précautions de sécurité de la loi de 58 sont très suivies en Moselle, le risque de propagation aux domiciles environnants est donc assez réduit.
Il convient enfin de dire un mot des liquides émulseurs employés dans la lutte contre les feux d'hydrocarbures. La plupart sont d'origine protéinique puisque fabriqués avec des cornes et du sang de bœuf. Ce sont des mousses de ce type qui ont été utilisées à 75 % tant à Florange qu'à Woippy. D'autres sont synthétiques, chaque producteur conserve alors son secret de fabrication. Il importe évidemment de bien maitriser l'emploi des mousses et de l'eau, qui risque d'évacuer la mousse. Les enseignements tirés du premier incendie, ont, de ce point de vue, été bénéfiques pour le second puisqu'il a été maitrisé plus facilement.
Enfin si, effectivement les stocks de mousse étaient, en Lorraine, réduits à la marge de sécurité au soir de Florange ils ont été reconstitués dans la nuit et il n'existe pas de problèmes d'approvisionnement.
(Y.B.)

14 heures de lutte contre le feu

UNE PERTE DE QUATRE À CINQ MILLIONS DE FRANCS POUR SHELL
L'incendie du dépôt d'hydrocarbures de la société Shell à Metz-Woippv engendrera une porte de l'ordre de quatre à cinq millions de francs pour la société, qui n'était pas assurée, indique-t-on à son siège parisien.
Le dépôt Shell avait une capacité de stockage de 9 600 m3 d'hydrocarbures divers répartis en 10 bacs. Au montent de la catastrophe, les bacs n'étaient pleins qu'aux deux-tiers et renfermaient 6 900 m3 de produits pétroliers, soit 5 600 tonnes.
Les dégâts sont importants pour la société, mais ne devraient pas avoir de répercussion sur la consommation locale. Les 2 350 m3 de carburants (essence et super) contenus dans les cuves ne représentent qu'un jour de consommation de la région lorraine (environ 2 000 m3) ; de même les 3 200 tonnes de fuel-oil domestique perdues sont peu de choses par rapport à la consommation lorraine, de 1,3 millions de tonnes en 1974.

LE VIGILE A EU CHAUD
Un vigile l’a échappé belle. A quelques minutes du drame son attention fut attirée par une lampe électrique dans un hangar non loin du dépôt Shell. Il entra et surprit un cambrioleur en flagrant délit. Sans ce contre-temps, le vigile se serait trouvé au moment de l'explosion à proximité de l'entrepôt qui fut la proie des flammes.

COLLABORATION INTERNATIONALE
« C'est un exemple de collaboration internationale », déclara satisfait M. Pontal à la fin du sinistre. S'approchant d'une auto-pompe venue de Francfort, il tint à féliciter dans la langue de Goethe les soldats du feu d'Outre-Rhin.

UN PUBLIC !
C'est par centaines que les Messins s'amassèrent sur les ponts qui dominaient la situation. Malgré la canicule, souvent armés de jumelles, bon nombre de curieux suivirent attentivement les opérations de secours.

LES SARROIS À LA RESCOUSSE
« Prions Dieu qu'il n'y ait pas d'incendie aujourd'hui en Sarre, soupirait M. Wilhelm, ministre de l'Intérieur sarrois et patron des moyens de lutte coutre l'incendie en Sarre. Tout notre matériel lourd est parti pour Metz ». Informé du sinistre, M. Roeder, ministre-président de la Sarre, avait offert immédiatement le matériel de lutte contre l'incendie à la préfecture de Metz qui avait accepté. Aux premières heures de la matinée, six voitures spéciales en provenance de la raffinerie de Klarenthal, des usines de Roechling-Burbach et des pompiers de la ville de Sarrebruck prenaient le chemin de Woippy. Trois camions mélangeurs de mousse, deux canons à mousse carbonique et un fourgon-pompe suivaient. Dans le courant de la journée, vers midi, d'autres camions, partis de Sarrebruck à grand renfort de sirènes et de clignotants, ont traversé la frontière.
Deux semi-remorques chargés respectivement de 18 et 20 tonnes de mousse carbonique mandés d'urgence de Francfort ont été annoncés au ministère de l'Intérieur. Ordre a été donné à la police de les escorter sur le tronçon sarrois de l'autoroute jusqu’à la frontière française à la vitesse maximum. Entre-temps. toutes les casernes des pompiers sarroises ont été mises en alerte, en particulier les pompiers de métier de Sarrelouis, Voelklingen, Merzig, Sarrebruck et Neunkirchen, pour pallier le manque éventuel des moyens lourds de lutte contre l'incendie si un sinistre se déclarait quelque part en Sarre. 37 pompiers sarrois, 3 de la raffinerie de Klarenthal, 5 de Roechling-Burbach, 20 pompiers volontaires et 9 membres du corps des sapeurs-pompiers de Sarrebruck ont été envoyés à Woippy.

LES ÉLUS SUR LE TERRAIN
De nombreux élus vinrent se rendre compte de l'ampleur du sinistre. M Depiétri, député-maire de Moyeuvre ; M. Kiffer, député-maire d'Amnéville ; M. Rausch, sénateur-maire de Metz, et M. Debs, maire de Woippy, passèrent de courts instants parmi les sauveteurs.

L'ASSURANCE NE JOUE PAS DANS LE SINISTRE DE LA SHELL
La société Shell ne sera pas remboursée des pertes provoquées par l'incendie du dépôt, car elle avait souscrit un contrat d'assurance avec franchise, ne prévoyant le remboursement qu'au-delà d'un certain plafond de dégâts.
Les pétroliers indique-t-on à la Fédération française des assurances, ne sont pas en effet soumis à un régime d'assurance obligatoire, ni pour leurs propres dégâts, ni en responsabilité civile.
Il est courant que des sociétés qui disposent d'un patrimoine très grand et dispersé n'estiment pas nécessaire de s'assurer pour la totalité de leurs biens car les primes, en raison de l'importance du patrimoine, seraient extrêmement onéreuses. Elles préfèrent prendre alors à leur compte le coût d'un sinistre éventuel ne s'assurant qu'au-delà d’un certain seuil qui serait hors de leur portée. C’est ainsi que l’Etat n’est pas assuré pour ses biens propres.

L'ARMÉE MOBILISÉE
Le général Biard, commandant la VIe région militaire, s'était rendu sur les lieux en fin de matinée. Il inspecta le dépôt militaire mitoyen à l'entrepôt Shell et précisa que des ordres allaient être donnés pour qu'une surveillance accrue soit organisée aux abords de tous les dépôts militaires de la région.

UNE TROISIEME NUIT BLANCHE
Une grande majorité des responsables de l'opération en était à leur troisième nuit blanche. Un grand coup de chapeau pour ces sapeurs exemplaires qui ont bien mérité quelques jours de congé.

LE PRÉFÉT AU FEU
L'administration préfectorale établit en cette journée un tour de présence. Comme à Florange, c'est M. Brugnot, secrétaire général qui fut le premier sur les lieux. Puis, il fut relayé en fin de matinée par M. Chrétien, sous-préfet de Metz-Campagne. Vers midi, M. Pontal, préfet de région se rendit sur les lieux pour refaire une apparition en fin d'après-midi. L'ensemble de ces personnalités se retrouvant à 17 heures à la préfecture pour la conférence de presse de M. Pontal.

UNE RAISON DE PLUS POUR DONNER SON SANG
Les deux incendies ont inquiété le Centre départemental de transfusion sanguine. Nous avons déjà eu l'occasion de signaler que c'était en août que les stocks étaient les moins importants.
En fait, actuellement, on est très juste dans tous les groupes. Si une sérieuse catastrophe survenait, il faudrait se procurer du sang dans les centres de longues conservations. Il est bien évident qu'il reviendrait alors beaucoup plus cher. Les deux incendies de ces derniers jours arrivent tout juste pour rappeler les Messins à leur devoir. Le centre, pour tenter de reconstituer son stock et parer à toute éventualité, a demandé au commandant de la base aérienne de Metz-Frescaty de l’accueillir ce matin pour une collecte impromptue. Les aviateurs ont répondu « oui » immédiatement.
Par ailleurs, une collecte est organisée toute la journée sans interruption, de 8 à 19 h 30, dans le camion laboratoire qui sera arrêté devant l’hôtel des Postes, rue Gambetta à Metz. Espérons que nombreux seront 1es Messins à répondre à l'appel du Centre de transfusion

LE PRÉFÉT VISITE LES BLESSÉS
L'incendie de Woippy n'a fort heureusement, provoqué que de petits incidents corporels : une chute pour une dame de Woippy, des ecchymoses et des défaillances dues à la fatigue chez cinq pompiers. Toutes ces personnes n'en ont pas moins été admises à Bon-Secours. Le Préfet, accompagné du colonel Sibué, s'est rendu hier soir à l'hôpital afin de les saluer et de leur présenter ses vœux de rapide rétablissement.

RÉCIDIVISME
Dans la nuit de lundi à mardi, un très beau camion pompe appartenant au corps des sapeurs-pompiers de Metz avait été incendié par un retour de flamme.
Depuis, la carcasse se trouvait arrêtée à proximité du lieu de l'incendie, mais à l'extérieur du dépôt. Dans la nuit de mercredi à jeudi, le véhicule a, de nouveau, flambé. Il est certain qu’un mauvais plaisant a mis volontairement le feu. Ce n’est pas la meilleure de ses idées, car s’il avait été intercepté, il n’aurait pas manqué d’être interrogé sur bien d’autres choses.


Une à une, les cuves se sont effondrées au fil des heures. Il est 10 heures dans quelques instants, la cuve que l’on voit en flamme sur notre photo, va éclater.


15 h 30 : le cauchemar est terminé. Les pompiers pénètrent dans la cour de l’entrepôt. Le sinistre est définitivement circonscrit. Grâce à un déversement massif de mousse carbonique, ils ont « sauvé » la cuve centrale qui comptait alors plus de 3.000 mètres cubes de fuel.

Trois camions-citernes, garés dans le dépôt, ont été détruits en quelques minutes par le feu.

PHOTOS : Paul de BUSSON et Jean ZINS

 

L’incendie éclate vers 1 h 45. Plusieurs explosions et, tout de suite après, trois cuves s’embrasent. Des flammes de 150 mètres de haut, une épaisse fumée visible à 30 km à la ronde.


9 heures : l’ensemble du dépôt d’hydrocarbures est la proie des flammes. Les pompiers parviennent à contenir le sinistre dans les limites du périmètre du dépôt.

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