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Le camp de Woippy

Jeudi 3 novembre 1949
Démantèlement au dépôt de la S.N.V.S. à Woippy. 15 000 machines-outils cherchent acquéreurs.

A gauche : Une grue imposante et à toute épreuve « manipule » les grosses pièces métalliques.
A droite (en bas) : exposées aux intempéries, des moto-pompes américaines attendent l'amateur.
En haut : Voici la nomenclature du matériel en adjudication ; pour le programme détaillé, voyez le concierge avec 30 francs. (Est-Photos)
Deux milliards de bénéfices réalisés, depuis la libération, sur les ventes effectuées par la Société Nationale de Vente des Surplus (S.N.V.S.), tel est le bilan qu'accusait celle-ci au début de cette année. Ces deux milliards provenaient uniquement, .. défalcation faite des frais de fonctionnement… des 10 % prélevés sur le prix de vente du matériel entreposé dans différents dépôts à travers la France, dont deux en Moselle, que dirigeait le sympathique M. Viaud, aujourd'hui retourné à la... vie civile.
La S.N.V.S. est aujourd'hui remplacée par un organisme liquidateur auquel il reste pas mal de choses à... liquider. Pour s'en rendre compte, il n'est qu'à faire une incursion dans le domaine de ce que fut, il y a dix ans, un dépôt de matériel militaire, sur la route entre Woippy et Pierrevillers. Sans vouloir entrer dans le secret des dieux, on peut tout de même dire que les marchands de ferraille ont encore de beaux jours devant eux. Il y a là tout un matériel hétéroclite, exposé à tous les temps, lequel se charge de faire une liquidation à... l'amiable. Nous ne détaillerons pas mais citerons, par exemple, ces moto-pompes en état de fonctionner et qui feraient le bonheur de bien des corps de sapeurs-pompiers mosellans ; il y a également ces rails de 12 ou 18 mètres que l’on découpe au chalumeau pour envoyer aux hauts fourneaux. N’insistons pas…
Actuellement, les halls plus ou moins en bon état, abritent un matériel de valeur. Environ 15 000 machines-outils, provenant du démantèlement des usines allemandes, sont mises en adjudication. Elles pourraient rendre d’appréciés services à l’artisan, à l’industriel. Ce sont, on peut l’affirmer, des appareils de qualité, de construction française ou allemande, les premières étant généralement de la récupération, les secondes à imputer aux réparations. La vente de ce matériel se fait par soumission cachetée, mais les amateurs sont nombreux à venir inspecter et à rechercher l'article de leur goût. Par dizaines, les automobiles des acheteurs éventuels, stationnent à proximité de l'entrée et l'on relève les immatriculations les plus diverses, du Nord, de la Seine, de Seine-et-Oise, de la Loire de Meurthe-et-Moselle, mais surtout de Sarre.
Pour les Sarrois, sans avoir été touchés par le démantèlement, ils ont l'intention de faire à leur tour de la récupération… mais il serait peut-être logique que ces voisins s'effacent, dans leurs prétention, devant les Français qui, à n'en pas douter, ont des droits sur eux. (LL)

Mardi 5 février 1952
Un aspect de l'expansion industrielle dans la banlieue messine
Depuis près d'un siècle, Woippy s’est acquis une réputation flatteuse sur le plan national et même international pour sa fraisiculture. La production locale compte en effet au nombre de ses clients, Paris, la Sarre, l’Angleterre, la Suisse et l’Allemagne notamment.
Cependant, depuis la Libération surtout, la cité des fraises s'ouvre à un essor industriel considérable qui se ressent sur sa démographie puisque de 2.024 au dernier recensement officiel de 1646, sa population est passée à près de 2.800 âmes.
Avant-guerre, on ne connaissait guère que quelques établissements à caractère industriel dont seuls deux ont subsisté : la Tréfilor, fabrique de treillages et grillages, et le F.U.S.A., fonderie qui produit notamment des cuisinières.
Il y a lieu d'ajouter à présent les cuisinières Scholtès qui se sont installées aux anciennes usines allemandes Hobus, de même que les établissements Keil, serrureries et charpentes métalliques ; Levivier, constructions métalliques et mécaniques, chaudronnerie ; D.A.V.U.M., dépôt de matériaux de construction ; les laboratoires métallurgiques DAUSSAN, spécialisés dans la fabrication de produits et dispositifs pour la coulée de l'acier ; l'important dépôt de carburant de la Standard et le dépôt de glaces et verreries des Etablissements Guénot. Il n'y a qu'une seule ombre au tableau, l'installation d'un dépôt de peaux et chiffons au sujet de laquelle diverses plaintes ont émané pour la salubrité publique.
Cet essor ne s'arrête pas là, puisque sont en cours de construction : le dépôt des travaux Industriels Guill et Cie, les grands moulins Rausch, le grand entrepôt de matériel américain installé à la place des surplus. Il y a enfin en projet près de Saint-Rémy, la construction d'immenses usines par la Régie Renault.
Cette évolution subite découle de la situation privilégiée de Woippy aux portes de Metz, sur un grand axe ferroviaire et routier à proximité du bassin sidérurgique lorrain.

Dimanche 1er février 1953
Circulation intense

Depuis que le dépôt militaire de Ste-Agathe a été remis à l'armée américaine, d'imposantes files de lourds camions traversent journellement la localité. Sans parler des véhicules civils, remontant ou descendant la vallée de la Moselle. Aussi est-il recommandé aux parents de bien surveiller leurs enfants, afin qu'aucun accident ne soit à déplorer.

Mercredi 5 août 1953
ATTENTION AUX ACCIDENTS
Il est signalé aux parents qu'il ne doivent pas laisser leurs enfants jouer sur la voie publique, et notamment de s'approcher des véhicules américains pour demander aux chauffeurs chocolat et chewing-gum. Les autorités américaines déclinent toute responsabilité en cas d’accident.

Jeudi 28 juin 1956
Les 30 membres de la bande qui mettait en coupe réglée le camp de Woippy sévèrement condamnés

Les Douanes obtiennent 118 millions
METZ. - Le Tribunal correctionnel, transformé en tour de Babel, a eu à connaître l’importante affaire de pillage du camp américain de Woippy où des milliers de pantalons, de vestes de combat, se volatilisèrent pendant des mois sans que les autorités américaines s’en aperçoivent.
Voleurs polonais, « transporteurs » français, receleurs nord-africains, témoins américains se retrouvèrent donc hier matin devant les juges français et, devant l'envergure de l'affaire, le nombre des accusés et de leurs défenseurs, les effectifs des témoins et la foule des curieux parmi lesquels une dizaine de soldats américains en uniforme qu'on a peu l'habitude de voir dans nos prétoires, sinon comme accusés, l'on pouvait regretter que le tribunal correctionnel n'ait pas émigré dans la salle des assises, mieux adaptée pour un pareil procès.
Les inculpés
Ce que l'on perdit en confort, l'on le gagna en intimité et c'est dans l'étroit trapèze formé par le tribunal, le ministère public, M. Nicolas, substitut, et le greffier, M. Coispine, et la longue théorie des accusés formant la base, que se déroula l'audience.
Les inculpés, une trentaine au total, se présentent devant les juges, bien vêtus, sans arrogance mais aussi sans timidité. « Voler des vêtements à des Américains incapable de connaître l'importance de leurs stocks, il n'y a vraiment pas là de quoi fouetter un chat », estiment-ils généralement.
Mené rapidement par le président Schoehnahl, l'interrogatoire d'identité prend à lui seul une quinzaine de minutes, mais permet de faire connaissance avec les accusés. Douze sont poursuivis pour vols, complicité et contrebande : Tadeusz Carnecki, Josislaw Herod, Karel Vindis, Tadeusz Chaluyska, Stefan Kisielewski, Norbere Szemiel, Bazyilc Stepiak, Jan Kolodynski, Antoni Zurawski et Dymitri Korylo, tous faisant partie de la bande des gardes polonais et la plupart détenus depuis la découverte de l'affaire. Quatorze sont inculpés de recel, contrebande et complicité : François Ull, Rodolphe Schmitt, Bruno Bazzanella, Raymond Kloster, Roland Helstroffer, Jacques Lebaillif, Simon Karo, Marcel Spiwak, René Schwach, Mustapha Belkaïd, Mohamed Bouanani et le chef Ahmed Touati, plus spécialement chargés de l'écoulement et de la vente des vêtements volés, ou encore du transport des marchandises du camp américain aux « dépôts » clandestins.
L'affaire
L'affaire, on s'en souvient, éclata il y a six mois à la fin novembre 1955. Par deux inventaires, ainsi que l'indiqua le président Schoehnahl, l'armée américaine, le 30 novembre et le 2 décembre, constata que des vols importants avaient été commis au camp de Woippy et elle déposa plainte. Il apparaissait nettement en effet que dans le bâtiment numéro 3 du camp, 85 colis contenant chacun 30 vestes de combat avaient disparu. Il s’agissait de vestes de combat en coton imperméabilisé d'un modèle tout nouveau. En outre, 1.022 pantalons avaient suivi le chemin des vestes, le préjudice total étant évalué à une dizaine de millions.
Fait curieux et symptomatique, aucune porte n'avait été fracturée. La première enquête fit ressortir que les vols s'étendaient sur plusieurs mois entre les différents inventaires et que les voleurs avaient enlevé les colis derrière la première rangée, ce qui évitait la découverte trop rapide des disparitions. La P.J. de Metz, de son côté, établit rapidement que des vols importants avaient été également commis au quartier Collin, à Montigny, où 560 chemises, 1.000 pantalons et 720 boîtes de tabac s'étaient volatilisés. La complicité intérieure, indispensable pour réaliser des vols d'une telle envergure, ne pouvait venir que des gardes polonais.
La suite de l'enquête mit en lumière le principe très simple employé par les deux bandes. Au début, Touati, astucieusement, s'était assuré la complicité des gardes du camp dont certains sont maintenant démobilisés. Et l'on sortit des petits colis de vêtements que l'on jetait par-dessus les murs d'enceinte. Puis, enhardis par le succès, le Nord-Africain et ses complices décide de tenter un grand coup qu'il mit au point avec deux des gardes, Herod et Czarnecki. Ce fut un succès. Tandis que l'un des surveillants faisait le guet sur le mirador, les autres jetèrent à l'extérieur un nombre important de vêtements que la bande à Touati récupérait et que deux « transporteurs » d'occasion, Ull et Schmitt, loueurs de voitures, emmenèrent immédiatement à Paris. Plusieurs opérations furent ainsi réalisées notamment avec le concours de Lebaillif, transporteur à Metz, qui assura l'acheminement.
Où allaient les vêtements ?
Où allaient les vêtements, et notamment les vestes de combat ? La P.J. n'a pu l'établir avec certitude et il est à craindre - bien que l'on n'en ait pas la moindre preuve - qu'ils aient pris le chemin de l'Afrique du Nord.
L'audience fastidieuse et longue est parfaitement dirigée par le président Schoehnahl, habile à mener le débat dans son cadre. Mais l'obligation de recourir aux interprètes arabes et polonais n'est pas sans compliquer la tâche du président dont le premier objectif est d'imputer à chacun des accusés sa responsabilité, de définir à chacun son rôle véritable dans cette affaire. Il est certain cependant que Touati fut le grand meneur de jeu, l'instigateur, le chef. Dans le partage, sa bande se taille la part du lion, ne laissant aux gardes, menés surtout par Herod et Czarnecki, que les deux cinquièmes des « bénéfices ».
Schmitt, Helstroffer, Roland et Bazzanella, comparses plus falots, conduisirent les voitures chargées des ballots volés et Lebaillif fut le conducteur du camion qui emmena à Paris le butin d'une des opérations.
Ce partage de la responsabilité est ainsi fait à l'audience par la président, mais aussi plus tard par M. Nicolas, dans son réquisitoire, et dans leurs plaidoiries par les différents avocats de Metz et des barreaux voisins.
Sévère réquisitoire
Dans son réquisitoire, M. Nicolas insistant notamment sur l'importance des faits, sur leur gravité exceptionnelle, demanda contre les accusés de sévères peines de prison tenant compte cependant du rôle de chacun.
Les avocats messins et parisiens, de leur côté - ils étaient une quinzaine au total - entreprirent comme il se doit, de minimiser la culpabilité de leurs clients. Et il faut reconnaître d'ailleurs que dans la brochette d'accusés certains n'avaient été que des pâles comparses.
Si judiciairement l'affaire n'avait pas une importance exceptionnelle, financièrement elle se présentait sous un jour particulier. L'administration des douanes réclamait en effet plus de 100 millions.
Les condamnations
Le délibéré fut rapide et après une demi-heure, le tribunal revint avec le jugement. Voici les condamnations prononcées : Touati, cafetier à Metz, 2 ans de prison et 500.000 fr. d'amende ; Ull, de Metz, 15 mois de prison et 250.000 fr. d'amende. Schmitt, de Metz, 1 an de prison et 200.000 fr. d'amende ; Bazzanella, de Metz, 4 mois de prison avec sursis et 150.000 fr. d'amende ; Kloster, de Nancy, 3 mois de prison et 100.000 fr. d'amende ; Helstroffer, de Longeville-lès-metz, 8 mois de prison et 200.000 fr. d'amende ; Lehaillif, de Metz, 6 mois de prison avec sursis et 200.000 fr. d'amende ; Karo, de Paris, 18 mois de prison et 500.000 fr. d'amende ; Czarnecki, de Metz, 11 mois de prison et 100.000 fr. d'amende ; Vindis, 19 mois et 100.000 fr. ; Hérod, 1 an et 100.000 fr. ; Lepa, 4 mois et 50.000 fr. ; Chalupka, 10 mois et 100.000 fr. ; Kesielwski, 10 mois et 100.000 fr. ; Szemiel, 4 mois et 50.000 fr. ; Krawiec, 6 mois et 100.000 tr. ; Stepiak, 4 mois et 50.000 fr. ; Kolodynski, 6 mois et 50.000 fr. ; Zurawski, 6 mois et 50.000 fr. ; Rubert, 4 mois et 100.000 fr. ; Herzig de Saint-Ouen (Seine), 200.000 fr, d'amende ; Prinz, de Paris, relaxé au bénéfice du doute ; Spiwak, de Paris, 200.000 fr. d'amende ; Schwach, de Metz, 3 mois avec sursis et 25.000 fr. d'amende ; Belkaid, de Knutange, 4 mois avec sursis et 25.000 fr. d'amende ; Bouanani, d'Amnéville, 1 an et 100.000 fr., et Kurylo, s.d.f., 2 ans de prison par défaut et 200.000 fr. d'amende.
D'autre part, le tribunal adopte les conclusions des douanes et condamne solidairement les accusés à l'exception de Prinz, relaxé, à verser 118 millions de francs, dont 95 millions d'amende, le reste à titre de confiscation. (RL)

Mercredi 18 février 1959
Application pratique du génie d’organisation américain

« L’U.S. Army General Depot » constitue un vaste Centre de stockage et d’écoulement de marchandises
Depuis les accords militaires pris par les chefs des gouvernements Centre Europe avec les Etats-Unis et qui devaient amener la création de ce qu’on appelle l’ « Otan », les troupes américaines venues renforcer la défense du vieux continent, se sont heurtées à des problèmes difficiles.
Disséminées en différents endroits, en des points névralgiques, les bases créées n’allaient pas sans poser de sérieux problèmes d’organisation et surtout de ravitaillement. Mais les ressources américaines sont multiples et, au bout de quelques années de présence en Europe, ils ont mis au point une organisation centralisée et viable qui force l’admiration.
Le dépôt de Woippy
C’est dans les perspectives d’organisation que s’est créé, à Metz, l’ « US Army General Depot » commandé par le colonel Fred E. Gerber et dont les installations sont réparties entre la caserne Colin et Woippy. Ce dépôt constitue un des satellites dans ce qu’on peut appeler le complexe d’organisation du ravitaillement des troupes américaines dans le cadre de l’OTAN. Il dépend, sur le plan régional militaire, de Verdun, lequel et rattaché à l’échelon « France » à Orléans, ce dernier dépendant, sur le plan européen, de Heidelberg en Allemagne.
En ce qui concerne plus particulièrement le dépôt de Metz, on trouve le plus gros des marchandises stockées à Woippy. Ce camp vaste de 57000 m2, comprend 47.500 m2 de magasins et possède un réseau ferroviaire de 2 km 500. Les magasins sont bourrés de marchandises de toutes sortes, allant des vivres (90% des stocks) jusqu’aux pièces détachées. On compte actuellement en stock 23.600 tonnes de marchandises, dont 21.800 de vivres (inutile de préciser, bien sûr, que ces vivres sont en conserves). Un travail permanent et actif, autant comptable que pratique, donne à ce camp l’allure d’une grande usine en pleine action. C’est ainsi que pour le mois de janvier, les manipulations ont été de l’ordre de 639 wagons ou camions ; le dépôt a expédié 4.200 tonnes de marchandises et en a reçu 2.200. Pour mener à bien cet énorme brassage de produits, le camp emploie 70 militaires et 160 civils français. Ce dépôt –comme tous les autres d’ailleurs- a pour but d’éviter le stockage dans les unités et par conséquent d’alourdir celles-ci en ca de déplacement rapide et imprévu. De nombreux corps de troupe viennent donc s’approvisionner là et c’est ce qui explique l’énorme quantité de produits variés stockés.
Pour garder cet immense grenier, 10 chiens, et non des moins féroces, sont chargés de cette mission.
« Une ville dans la ville »
La caserne Colin, elle, constitue un centre d’écoulement des différents produits. Certains ont pu qualifier la caserne Colin de « Ville dans la ville » ou « d’Etat dans l’Etat » et, dans une certaine mesure, ce qualificatif ne correspond point à une boutade, mais à une réalité, prise toutefois dans le sens économique et non humain.
Les militaires stationnés à Colin ainsi que leurs familles n’ont à aucun moment besoin de se rendre en ville pour effectuer les achats indispensables à leur propre subsistance et, mieux encore, les « habitants » de Colin ont tout ce qu’il faut pour passer agréablement leurs loisirs.
Les organismes de ventes
C’est ainsi que, dans le cadre des approvisionnements, la caserne Colin comprend deux grands centres d’écoulement de marchandises. D’une part, ce que l’on nomme communément le « PX », vastes magasins qui vendent des produits tant américains que français ou étrangers, à des prix très appréciables puisque cet organisme ne prend qu’une très légère marge bénéficiaire (laquelle est versée à un organisme d’entraide sociale militaires) et, d’autre part, les « Commissary » qui possèdent près de 2.000 produits divers américains et vendent sans bénéfice uniquement aux militaires stationnés en France, ainsi qu’à leurs familles.
La caserne Colin emploie, à elle seule, plus de 500 employés civils. Bien entendu, dans un tel cadre, on ne trouve pas seulement ces vastes conglomérats commerciaux. A côté des bâtiments destinés à la troupe et à leurs familles, on peut dire qu’une cité américaine miniature y a vu le jour. Hôpital, infirmerie, salle de cinéma en construction, magasins d’habillement viennent se mêler à un cabaret-dancing, à un foyer et une bibliothèque, ainsi qu’à un splendide jeu de quilles construit dans un grenier désaffecté.
Tout ceci, l’Américain de Metz l’apprécie certes à sa juste valeur. Mais s’il est heureux de se retrouver dans le cadre de son pays et de vivre dans l’ambiance qui lui est propre, il aimerait bien souvent aussi se faire des relations parmi la population de Metz et créer ainsi de nouveaux liens d’amitié entre les deux peuples. (RL)


De gauche à droite : La présentation d’une dinde sortie d’un frigidaire géant a fait sourire d’aise M. Roger Bour (à gauche) et le colonel Gerber (à droite).
Deux vues des magasins de vente « P.X. » où s’activent vendeuses et acheteurs

Une classe faite à l’américaine : l’instituteur ne s’occupe que de 4 à 5 élèves
à la fois pendant que les autres apprennent et révisent leurs leçons.

Mercredi 18 février 1959
La caserne Colin ne sera plus un Etat (américain) dans l’Etat a décrété le colonel Fred Gerber

Les portes s’ouvrent pour des groupes de visiteurs qui ne reconnaissent plus le vieux « quartier » d’artillerie d’autrefois
Depuis qu’il commande à Metz « L’U.S. Army General Depot » qui est une des bases de ravitaillement des troupes américaines stationnées en Europe, le colonel Fred E. gerber, utilement conseillé d’ailleurs par M. Roger Bour, qui est plus spécialement chargé des relations culturelles de cet organisme, a bien souvent regretté que son personnel n’ait pas davantage de contacts avec la population française. Jusqu’à présent, a-t-il déclaré récemment, la caserne Colin et les installations de Woippy, qui en dépendent, représentait une sorte « d’Etat dans l’Etat », comme une enclave américaine en terre messine. Passant rue Franiatte devant les grilles de cette caserne, qui abrita autrefois le 61e R.A., le « civil » se demande : « Qu’est-ce qu’ils peuvent bien faire là-dedans ? ».
Le colonel Gerber, qui est d’ailleurs d’origine européenne et dont les sentiments francophiles ne sont un secret pour personne, s’est un peu inquiété de constater qu’il y avait entre ses services et les habitants de Metz une sorte de mur symbolisé d’ailleurs par celui de la caserne elle-même, que les artilleurs débrouillards « sautaient » autrefois. Il a décidé d’ouvrir les portes.
Suivez le guide
Non pas, bien sûr, à tout venant, car il s’agit quand même, à la caserne Colin, d’installations à caractère militaire, où la situation se complique encore par des difficultés de douane nées de l’introduction de marchandises dans les « PX » ou les économats. Mais en tout cas à des groupes de personnes auxquelles on fait visiter les lieux en une sorte de « tour du propriétaire » et à qui on explique pourquoi les Américains sont là et ce qu’ils font exactement.
Les officiers de l’état-major de la 6e Région furent ainsi les premiers à « suivre le guide », suivis de personnalités de la ville, puis des dirigeants de la Foire internationale et de la Sauvegarde du Commerce messin. Hier matin, c’était le tour de la presse. D’autres groupes de visiteurs suivront dans les mois à venir. Nous engageons les invités à ne pas manquer ce rendez-vous. A défaut d’un voyage aux Etats-Unis qui n’est hélas pas encore à la portée du touriste moyen, ces quelques instants passés au quartier Colin vous donnent déjà un aperçu de la vie américaine et notamment du confort américain.
En partant de vieilles écuries
A tel point d’ailleurs que l’artilleur d’autrefois, celui qui fit « son temps » en ces lieux qui, avant 1939, fleuraient le crottin des centaines de chevaux de ce qui fut un régiment « hippo », n’en croiraient pas ses yeux. La structure des bâtiments est restée la même. On a seulement recrépi les murs et refait les toitures. Mais à l’intérieur, tout a été modernisé, embelli, comme sous l’effet d’un coup de baguette magique.
L’écurie située tout de suite à gauche en entrant : c’est le mess des officiers. Parce qu’on a conservé les poutres en support, on a l’impression de pénétrer dans une vieille auberge, mais une auberge où tout est ciré, où les fauteuils sont profonds et où il règne une bienveillante chaleur.
D’une autre écurie, on a fait le bar des sous-officiers. Même confort niché jusque dans les plus petits détails. Là, les mangeoires n’ont pas été recouverts de boiseries, mais peintes de telle façon qu’on les prend pour des vasques.

Les aviateurs canadiens sont également autorisés à s'approvisonner à l'économat « libre service » du dépôt U.S., et celui-ci, qui fait ample provision de produits divers. (Photos J.-E. A.)

Dans un grenier vieux, immense, archaïque, on a installé une salle de quilles. On sait que le « bowling » est aux Etats-Unis un sport national. Ici, les six pistes parallèles, à fines lamelles brillantes d’encaustique, donnent une impression de perfection qui ferait envie à nos braves quilleurs de campagne. Tout y est prévu : les bancs pour les spectateurs, les fauteuils pour les athlètes fatigués, les casiers où se rangent les chaussures spéciales et, la machine à laver et nettoyer les boules. Comment d’ailleurs peuvent-elles se salir dans cet Eden de l’hygiène ?
Le Foyer du Soldat, sur lequel veille la souriante miss Gloria, a l’air d’un grand salon d’hôtel pour multimilliardaires. Même sensation de luxe à la bibliothèque. L’ancienne écurie-infirmerie est devenue un gymnase avec plancher en bois et panneaux de basket.
La douane ne perd pas des droits
Et puis, il y a le « PX » et les économats. Rien qu’à savoir qu’ils sont là tout près, la passant de la rue Franiatte en a l’eau à la bouche. Le « PX », ce sont les Galeries Lafayette de la caserne Colin. On y trouve de tout, jusqu’aux appareils de photo les plus perfectionnés. Mais tout y coûte environ 30 % meilleurs marché qu’en France.
Seulement voilà : seuls les Américains peuvent y faire leurs emplettes. Les Français n’ont pas le droit d’y acheter quoi que ce soit, même ceux qui travaillent à la caserne Colin, même ceux qui sont employés au « PX » lui-même. Ce règlement est absolument draconien, et deux douaniers français attachés – ou détachés, comme on voudra – en ce lieu se chargeraient de la rappeler à qui tenterait de le transgresser.
Il en est de même au « commissary » qui n’est pas un commissariat, mais un économat où se vendent – sans le moindre bénéfice – 1.250 articles divers, dont 125, rien que ça, sont consacrés aux bébés.
Quand Mrs Smith, femme d’un des militaires de la base (car beaucoup de militaires vivent ici en famille) se promène dans les allées de ce « self-service », elle peut oublier un moment qu’elle se trouve en France : c’est exactement un des éléments de la vie américaine qu’on a reconstitué pour elle dans une vieille caserne de Metz. Et le snack-bar, paradis de l’Ice-cream, lui restitue la même impression.
Un petit déjeuner de Gargantua
Pour chaque mois, les unités américaines, quel que soit leur lieu de résidence dans le monde, reçoivent la liste des menus-types qui doivent être servis à leurs soldats et sous-officiers. Voici, par exemple, la composition du petit déjeuner qui était affiché hier matin dans les réfectoires de la caserne Colin : Pommes fraîches, céréales, œufs au bacon, toasts, beurre, confiture, café, crème fraiche et lait frais.
Avec cela on est « d’attaque » pour le journée.

Alors que leurs compagnons se livrent à d'autres occupations scolaires, le maître accueille à son bureau un petit groupe pour l'exercice de lecture.
Le fils du colonel rêve en français
Entre autres satisfactions, le colonel Fred E. Gerber, lorsqu’il retournera aux Etats-Unis, en juillet, ramènera de France une satisfaction dont il est très fier : ses trois enfants – deux filles et un garçon – parlent maintenant notre langue à la perfection. Et le colonel n’en veut qu’une preuve : l’autre nuit, son garçon de sept ans parlait tout haut en rêvant. C’était dans notre langue !
« Maintenant, je suis sûr qu’il sait le français », dit le colonel en se frottant les mains…
Woippy, 23.600 tonnes de marchandises
Quant aux enfants, un autre bâtiment leur a été réservé, dont on a fait une école : salles de classe spacieuses où cette jeunesse ne cultive pas les complexes, balançoires et toboggans dans la cour, car on n’oublie pas de s’amuser. Quand le garçon ou la fille atteint l’âge de 16 ans, on l’envoie à la « High-scool » à Verdun.

Dans leur chenil du dépôt de Woippy, ces bergers allemands contemple d'un œil méchant, le visiteur venu déranger leur quiétude. Il serait dangereux de les approcher.

Car, dans la hiérarchie de l’organisation militaire américaine, en Europe, Metz dépend de Verdun, qui dépend d’Orléans, qui dépend de Heidelberg.
Et Woippy ? C’est le lieu de stockage de ce dépôt. Dans 47.500 mètres carrés de magasin (toujours le sens de la précision), on entrepose 23.600 tonnes de vivres. Il y a de tout dans ces immenses hangars, depuis l’eau de Javel au lait concentré en passant naturellement par les innombrables variétés de conserves. Pour des milliards de marchandises !... Toute la journée on manipule des wagons sur la voie ferrée particulière, qui est reliée à celle de la S.N.C.F, ou bien l’on charge des camions. Les ordres d’expédition sont transmis électriquement, et Woippy sert une centaine de « clients ». Avec une telle rapidité que les unités n’ont plus besoin de stocker elles-mêmes du matériel.
A l’entrée, dix farouches bergers allemands, qui rugissent, et tirent sur leur chaîne dès qu’on en approche, veillent sur ces cavernes d’Ali-Baba. Mais il y a aussi à Woippy 70 militaires et 160 civils français.
En tout, le colonel Gerber a un millier de « G.I. » et 550 civils français sous ses ordres. On sait déjà que cet officier affable nous quittera – à regret – au mois de juillet prochain, après avoir accompli ses trois ans de fonctions en Europe. Tous ceux qui ont eu l’occasion de l’approcher et qui feront encore sa connaissance d’ici son départ – puisque les portes de la caserne Colin, grâce à lui, se sont ouvertes – en garderont le meilleur souvenir. Nous tenons à le lui affirmer dès maintenant. C. H. (LL)

Jeudi 13 août 1959
Les pompiers franco-américains de Woippy - Ste-Agathe vont bientôt voir partir leur instructeur :
le sympathique et bien connu sergent MAILLET

Les nombreux feux, de broussailles et de champs de céréales en particulier, qui ont éclaté sur tous les fronts pendant la période de sécheresse que nous avons traversée, ont mis les excellents pompiers de Metz à dure contribution.
Mais, presque chaque fois, les sapeurs du camp américain de Woippy-Sainte-Agathe ont prêté, à leurs amis professionnels, un coup de main ou se tenaient en réserve à leurs côtés.
Les pompiers U.S. sont… français !...
Qui sont donc ces pompiers américains – comme on les appelle officiellement – maintes fois sur la brèche depuis sept années… Des Français, en fait, 18 volontaires de toutes professions : coiffeur, pharmacien, électricien, charpentier, peintre, mécanicien, venant du Sablon, de Saint-Symphorien, de Devant-les-Ponts, de Woippy… et même de Gravelotte.
Ces vaillants volontaires forment une équipe bien soudée, rattachée au camp américain de Sainte-Agathe où se trouve leur base et se poursuit leur entraînement avec du matériel U.S., sous le commandement – c’est la particularité de ce corps – d’un gradé d’outre-Atlantique, le sergent Maillet.
Celui-ci, leader comptent et dévoué du groupe, à Metz, depuis 1956, est une figure bien sympathique. D’origine canadienne, il possède excellemment notre langue, mais il a vu le jour dans l’Orégon et, attaché à son Etat, a choisi la citoyenneté américaine. Dans l’armée depuis plus de 15 ans, M. Maillet a séjourné dans toutes les parties du monde, et au Japon plus longtemps qu’ailleurs ; c’est là-bas qu’il a trouvé femme, une gentille A.F.A.T., qui lui a donné un charmant garçon.
Le départ du sergent Maillet
Mais le sympathique instructeur, après trois ans dans nos murs, est arrivé au terme de son contrat militaire et va, en octobre, regagner son pays où il retrouvera avec bonheur, ses fonctions de garde forestier. Ce proche départ n’est pas sans attrister tous les nombreux amis du sergent, dont le remplaçant, le sous-officier Branom, est déjà en place.
Les volontaires du camp Sainte-Agathe, instruit, entraîné par un technicien de valeur, disposent, en outre d’un matériel de qualité et de puissance satisfaisante. Remisés dans un hangar en dur, surmonté, en fronton, de l’écusson du génie américain et de l’indispensable sirène à cornet, les véhicules sont au nombre de trois : un fourgon-citerne de 120 mètres cubes avec 600 mètres de tuyaux, un premier secours d’une contenance de 160 m3, une citerne semi-remorque de 10.000 litres, enfin une camionnette pour le transport des conteners de mousse carbonique, utilisés spécialement pour les feux d’hydrocarbure et, à ce sujet, le sergent Maillet n’a pas oublié le gigantesque incendie en gare de Rombas, en juin 1957, à la suite duquel les pompiers franco-américains et leur chef devaient recevoir une lettre de compliments de M. le préfet Laporte.
Equipement moderne
Le bâtiment qui abrite cet équipement roulant impeccable est assorti d’un bac de lavage pour tuyaux et d’une tour de séchage de 12 mètres de haut. L’intérieur est confortablement aménagé : cuisine avec frigo et réchaud électrique, réfectoire contigu au dortoir de huit lits, dont cinq sont occupés, chaque nuit, par l’équipe de garde, installations sanitaires avec chaudière au mazout (eau chaude en permanence), bureau et chambre du sergent, salle du standard.
Journellement, les volontaires suivent deux heures d’enseignement au tableau noir et deux heures d’entraînement physique (sans compter l’heure de gymnastique propre à la mise en tarin des esprits et des muscles).
Ainsi les soldats du feu de Woippy – Sainte-Agathe constituent un groupement solide et plein d’allant qui, au contact des pompiers de Metz, a pu encore améliorer sa technique. (RL)

Jeudi 13 septembre 1962
Woippy, avec ses 12 entrepôts, est devenu le grenier de la 7e armée américaine

Sur l’intendance militaire repose parfois le sort d’une bataille. Des exemples frappants illustrent parfaitement au cours de l’histoire cette théorie qui valut certains succès ou insuccès aux armées engagées dans les grands conflits mondiaux. Napoléon en personne créa et organisa l’intendance militaire française, laquelle faute d’avoir pu le suivre durant la campagne de Russie causa sa perte et celle de la Grande Armée.
D’importance psychologique
En matière de stratégie, le ravitaillement des troupes devient un facteur de première importance. D’importance psychologique même car sans nourriture le soldat perd ses jambes et sa tête, autrement dit le moral. Pour éviter pareil fléau générateur de panique et une des ferments les plus virulents de la défaite, l’intendance est là qui veille. Celle de l’armée américaine au cours de la dernière guerre mondiale a suffisamment démontré l’organisation parfaite de ses rouages. Elle avait tout prévu. Aujourd’hui encore, on reste étonné de sa diversité comme de son ingéniosité. Elle joua un rôle capital qui fait figure de véritable épopée dans l’histoire.
Mais quand la grosse voix du canon s’est tue, que le repos du guerrier devint un droit acquis par la victoire, il n’en restait pas moins vrai que des besoins en nourriture demeuraient plus impérieux que jamais. Aussi l’intendance garda sa raison d’être pour satisfaire l’appétit du ventre énorme de ses armées désormais pacifiques, stationnées en Europe et en particulier sur le territoire français, elle créa des dépôts.
A l’origine, celui de Woippy, n’était qu’un tout petit dépôt. En dix ans, il a décuplé sa superficie, agrandi ses entrepôts, multiplié son personnel. Il approvisionne la table des unités de la 7e Armée américaine stationnée en Allemagne et en France y compris l’aviation ainsi que les unités canadiennes. Hommes, femmes et enfants y trouvent leur compte. En tout 12 magasins et entrepôts variant de 30.000 à 46.000 pieds carrés (le pied mesure 30 cm 48) desservit par 2 km 500 de voies et par des élévateurs à fourche qui suppriment les manipulations fastidieuses et manuelles et un nombreux personnel.
Un camp bien gardé
Le camp de l’intendance générale de Woippy est bien gardé.
Des miradors occupés par des anciens soldats de l’armée Sanders, Polonais pour la plupart et qui n’ont pas voulu rejoindre la Pologne après la guerre, veillent le long des clôtures de béton. A l’entrée il faut montrer patte blanche au poste militaire qui ne laisse filtrer qu’à cette seule condition. Et pourtant, un regard circulaire jeté sur l’ensemble donne une impression de solitude.
Tout se passe à l’intérieur des magasins ou à la « gare d’arrivée » laquelle se cache derrière plusieurs entrepôts massifs. Là, une activité fébrile règne. Sur leurs élévateurs à fourche, militaires américains blancs ou de couleurs et civils français dansent un ballet infernal au rythme fou des moteurs à l’intérieur d’un espace aussi grand qu’un mouchoir de poche sans jamais se toucher cependant. Leur dextérité de mesure au millimètre. Ici des tonnes de marchandises sont chargées vers les magasins d’entrepôts.
Dans ces magasins de fourniture générale les objets les plus disparates allant du crayon de papier au matelas, en passant par la plus petite pièce de la voiture automobile voisinent avec les fusibles de moindre importance identifiés seulement par un numéro de stock. Mais la place la plus large est laissée dans les entrepôts à l’alimentation générale. Des rations pour la troupe contenant des paquets de poudre d’orange, de saucissons, de céréales sont empilées de plus de 2 fois la hauteur d’un homme.
Il est difficile d’évaluer l’importance en poids et en argent de ces marchandises. De même qu’il serait fastidieux d’en énumérer le détail. Par exemple le bâtiment numéro 9 ne contient pas moins de 515 articles différents, nous a dit M. André Fath, plus spécialement chargé de la coordination pour l’acheminement et l’enregistrement des marchandises, au cours de la visite des entrepôts effectuée sous l’aimable direction de MM. Bour, public-relation, auprès des autorités américaines ; Aullen, Entremeyer, Ordener, Munier, Pourchot et Nilles qui représentent le personnel français du dépôt.

Dans un entrepôt, un élévateur à fouches en pleine action. (Photo E.L.)

Le service général de l'Intendance de Woippy : ici on regroupe et on réemballe les marchandises avariées au cours du transport. (Photo E.L.)
Le grand patron

Voici à son bureau M. André FATH, chef principal, qui s'occupe de la coordination entre l'acheminement et l'enregistrement des marchandises. (Photo E.L.)

Car en effet, deux cents Français contre cent-soixante militaires américains seulement ont le monopole des principales activités.
Quand on pénètre dans le bâtiment réservé au personnel administratif, le sourire irrésistible de John-Fitzgerald Kennedy vous accueille. On sent de suite que c’est lui le grand patron qui préside depuis son bureau de Washington de l’autre côté de l’Atlantique.
A vrai dire, l’employé local ne sait plus bien lui-même s’il est Français ou Américain. Il vit à l’heure américaine, travaille sur des machines électroniques américaines, mais pense en Français tout en déchiffrant l’Américain pour un salaire raisonnable qui lui est payé en francs lourds au bout de la semaine anglaise. Car au dépôt de Woippy on travaille cinq jours par semaine à raison de huit heures par jour, de 8 à 12 heures et de 13 à 17 heures. A Woippy, on n’a jamais eu à déplorer de grève, on le comprend d’autant plus quand M. Fath nous explique :
« J’ai débuté ici il y a dix ans comme petit employé, me voici chef principal avec un bureau personnel dans un service qu’on désigne comme étant le cerveau du dépôt de Woippy ».
Evidemment, dans une administration qui laisse une large part à l’initiative personnelle aux suggestions personnelles, l’avancement est rapide pour des hommes dynamiques et ambitieux. Mais l’intendance suit la troupe. L’armée américaine, dans un avenir plus ou moins lointain, quand l’Europe deviendra une réalité, n’aura plus de raison de demeurer ici. Du moins aura-t-elle eut le mérite d’avoir marqué son passage en laissant des cadres rompus aux méthodes modernes de travail du nouveau monde. René ANTOINE (LL)

Lundi 17 septembre 1962
Depuis onze ans, les employés français du dépôt de l’armée américaine à Woippy, prenaient leur repas de autour de quelques fourneaux de campagne, en attendant de disposer de locaux dignes de l’appellation « restaurant » ou même « cantine ».
Grâce à l’action entreprise par un comité placé sous la présidence de M. Aullen, inspecteur de la Prévention, une vaste pièce a été aménagée en salle à manger, avec bar et cuisine. Le restaurant accueillera 140 à 150 personnes à qui sera présenté un plat du jour dont le prix correspond approximativement à l’indemnité alimentaire versée aux employés. Aux cuisines officient MM. Jean et André Thilly, qui ont préparé pour le premier repas plusieurs dizaines de poulets, garnis de riz « à la créole ». Précisons que la cuisine restera française. Le colonel Bruehl, commandant le General Depot de Metz, a tenu à couper le ruban symbolique tendu à l’entrée du restaurant, avant de présider un vin d’honneur auquel participèrent son adjoint le major O’Des, le commandant Brault, intendant de 3e classe ; M. Roger Bour, public relation à l’état-major ; le capitaine Kimman, commandant par intérim le dépôt de Woippy ; M. Aullen, MM. Wesemael, conseiller à l’organisation du travail ; Westerbeek, chef du personnel ; Rouyer, ingénieur français au Génie U.S. ;Nilles, du personnel du garage ; Jean Bour, chef du service inspection ; Mme Ahron, technicienne au service du budget ; Marder, du service informations ; Mme Rouchel, secrétaire du commandant du dépôt de Woippy ; Mme Gangloff, représentant l’intendance française sur les bases U.S.
Le colonel Bruehl visita les installations de l’établissement, prit contact avec les responsables et exprima sa satisfaction de voir se concrétiser une initiative qui améliorera les conditions de travail des employés. (RL)

Mercredi 19 septembre 1962
Le dépôt américain de Woippy dispose d’une nouvelle installation, son restaurant


Ci-contre : Après la cérémonie officielle, c’est l’apéritif au bar accueillant de la base. (Photo E. L.)

Vendredi 1er mars 1963
L’ouvrier tombe d’une toiture au camp de Woippy
A 15 h. 15, hier, au camp américain de la route de Rombas, à Woippy, M. Gabriel Huet, 53 ans, domicilié route d’Ars, à Moulins-lès-Metz, qui travaillait sur la toiture de l’un des baraquements, a fait une chute sur le sol, d’une hauteur de quelques mètres. Atteint de contusions multiples, il a été transporté à l’hôpital Belle-Isle par l’ambulance des sapeurs-pompiers.

Vendredi 28 juin 1963
Les entrepôts américains de Woippy « mis en sommeil » dès la fin de cette année
L’U.S. Army General Depot Metz communique :
Le général commandant le 4e Commandant logistique, vient d’annoncer des modifications au système des dépôts américains en France. Ces changements correspondent à la révision constante des méthodes et opérations de ravitaillement, en vue d’obtenir le meilleur emploi de la main-d’œuvre pour un budget donné.
Suivant ces modifications, les entrepôts de Woippy seront mis en sommeil à compter du 31 décembre prochain.
Les bureaux du personnel civil des installations américaines travailleront en accord avec les services officiels français pour orienter les personnels touchés par ces modifications et faire tous les efforts possibles pour leur trouver des emplois convenables. (RL)

Mardi 2 juillet 1963
La « mise en sommeil » du dépôt américain de Woippy entraînera-t-elle le licenciement de 140 à 150 employés civils français ?
Ainsi que nous l’avons annoncé vendredi, les autorités américaines chargées de l’organisation logistique des bases U.S. en France ont annoncé diverses modifications au système des dépôts en France.
Ces modifications correspondent à une révision générale des méthodes et opérations de ravitaillement et concernent spécialement les dépôts de Fontenet (Charente-Maritime), Périgueux (Dordogne), qui seront fermés et cesseront leurs activités, ainsi que celui de Woippy, qui sera « mis en sommeil ». Par ailleurs, le personnel américain du dépôt de Captieux (Gironde) sera maintenu à l’effectif nécessaire à la surveillance, tandis que le personnel français sera maintenu.
Ces dispositions laissent supposer que les effectifs du dépôt de Woippy, qui sont d’environ 140 à150 membres du personnel français, pourraient être réduits.
C’est pourquoi une délégation du Syndicat national « Force Ouvrière » du personnel des bases et installations alliées en France a demandé à être reçue hier par le chef de service de l’intendance A.A.A. et par le directeur départemental du travail et de la main-d’œuvre, pour leur exposer le problème du reclassement des personnels menacés par les mesures de licenciement.
Cette délégation était conduite par le secrétaire général du syndicat national, M. Escoubet. Il a été demandé une priorité de réemploi ou de transfert dans les bases et installations alliées de la région.
L’intendance A.A.A. est en plein accord avec les vues exposées par la délégation syndicale et a déjà envisagé le problème, en collaboration notamment avec les services A.A.A. de la caserne Thiry à Nancy.
D’autre part, le directeur départemental du travail a assuré les délégués syndicaux que ses services sont à l’entière disposition du personnel pour aider au reclassement rapide des intéressés.
Enfin, une délégation du bureau national « Force ouvrière » se rendra auprès de l’ambassade américaine à Paris pour examiner cette grave question.
A l’issue des entrevues qu’ils ont eues hier, les représentants du syndicat F.O. se sont félicités de l’esprit de compréhension manifesté par les autorités concernées. Ils ont déclaré qu’une liaison étroite serait assurée avec ces services afin de rechercher les solutions les plus favorables pour que les intérêts de leurs camarades soient dûment préservés. (RL)

Jeudi 12 décembre 1963
Licenciement pour fin février d’une partie du personnel du dépôt US de la caserne Colin et du camp américain de Woippy
De 70 à 80 employés et ouvriers civils français au service de l’armée américaine, certains depuis une dizaine d’années, viennent de recevoir leur lettre de licenciement pour « suppression d’emploi ». Cette mesure interviendra fin février. Elle intéresse ainsi plus du dixième des effectifs civils employés par les troupes américaines sur la place de Metz (600 personnes environ).
Aucune indemnité de licenciement n’est prévue pour ceux des intéressés qui comptent moins de cinq années de présence. Les membres du personnel ayant plus de cinq années passées au service de l’armée US percevront, eux, une semaine de salaire par année de présence. Réunie à paris les 7 et 8 décembre, la commission exécutive du Syndicat national du personnel des bases et installations alliées en France a confirmé les revendications du syndicat. Elle a fixé comme suit les objectifs immédiats à atteindre :
SALAIRES :
Application sans discussion de l’engagement pris par les alliés lors du comité de coordination de mars dernier (3% et 4%).
LICENCIEMENTS :
Publication sans délai des listes de personnels à congédier, avec indication de la date effective de départ de chacun.
Encouragement des démissions pour attribution des droits attachés au licenciement. Création d’un article 41 bis du statut fixant comme suit les droits à indemnité en cas de licenciement pour suppression d’emploi : attribution d’un mois par année d’ancienneté ; suppression de la condition de cinq ans d’ancienneté.
Compte tenu des informations pessimistes quant aux intentions des alliés, la C.E. décide l’organisation d’une semaine revendicative devant précéder le prochain comité de coordination du 14 janvier 1964.
Suivant les décisions du comité, le bureau reçoit mandat de coordonner et de promouvoir toute action protestataire rendue nécessaire par une éventuelle incompréhension des légitimes revendications du personnel des bases. (RL)

Vendredi 10 avril 1964
AUX PORTES DE METZ
Le camp U.S. de Woippy, en cours d’évacuation pourrait devenir le centre de commerces de gros
L’idée de création à Metz d’un marché-gare, dont il fut question il y a plusieurs années déjà, semble s’être évanouie. On n’en parle guère plus que pour évoquer l’expérience peu concluante faite dans d’autres grandes villes où les grossistes ont préféré « tourner » à l’ancienne, afin d’éviter les inévitables et très lourdes charges qui auraient grevé aussi bien leur budget… que celui du consommateur.
S’il n’est plus aujourd’hui question de marché-gare sur la place de Metz, certains organismes de la vie économique se sont tournés vers un autre projet, celui d’une concentration des commerces de gros. Beaucoup de ces derniers se sont installés au petit bonheur, là où des locaux s’offraient à eux, des locaux pas toujours faciles à aménager et le plus souvent impossibles à agrandir dès que l’affaire, du fait de son extension, l’exigeait. Trop souvent aussi ces grossistes n’ont pas tenu compte du problème de plus en plus complexe des possibilités d’approche de leur commerce pour les véhicules de tout gabarit. D’où gêne constante aussi bien pour le vendeur que pour l’acheteur, sans compter les embarras de circulation.
Or, si les établissements de gros veulent vivre et s’étendre, il leur faut envisager un dégagement sous la forme éventuelle d’une concentration en dehors même de la ville, soit sur la périphérie ou encore en proche banlieue ou, à l’heure actuelle, s’offrent encore certaines possibilités.
Ce problème n’a pas échappé à un certain nombre de grossistes messins qui ont mis sur pied une association pour l’étude de la décentralisation des commerces de gros. On en est donc pour l’instant à l’étude de projet et deux points de l’agglomération sont envisagés pour la réalisation du centre de commerce en gros, la zone industrielle légère de Borny et celle de Metz-Nord.
Un tel projet nécessitera, bien entendu, de gros investissements pour la construction des bâtiments et les aménagements divers.
Or, sans préjuger des décisions qui pourraient intervenir dans les milieux intéressés, il nous paraît intéressant de soumettre à ces derniers l’idée qui nous est communiquée par un grossiste messin précisément. Elle vaut ce qu’elle vaut, mais nous paraît cependant fort intéressante, d’autant plus qu’elle serait relativement économique.
A la fin du mois de juin, en effet, l’armée américaine remettra au service des Domaines le camp de Woippy. Ce dernier a déjà un avantage d’être en bordure d’une route nationale dégageant vers Metz, les vallées de l’Orne et de la Fensch et aussi en direction de Thionville. Par ailleurs, un embranchement relie le dépôt à la SNCF. En ce qui concerne le camp lui-même, ses installations, ses hangars sont rationnellement aménagés sur une trentaine d’hectares et il y existe des rampes et quais de chargement et de déchargement, sans compter des possibilités très grandes de circulation à l’intérieur du camp.
Reste à savoir si les Domaines ne prévoient pas une autre affectation du camp de Woippy. La suggestion n’en mérite pas moins, croyons-nous, d’être étudiée de plus près en raison des avantages incontestables qu’elle peut présenter en l’occurrence. (LL)

Juillet 1967
Une voiture capote route de Rombas : un blessé
Hier, vers 16 h. 40, une voiture qui circulait route de Rombas, a capoté non loin de l’ancien camp américain.

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