Vendredi 25 avril 2008 - Républicain Lorrain.
De son enfance dans le Nord à sa retraite de prêtre-ouvrier en Moselle, Michel Réveille a vécu une vie de foi en contact avec le monde du travail et un environnement syndical. De quoi nourrir ses mémoires.
Les 82 feuillets dactylographiés sont consignés dans une enveloppe. Ne reste plus qu'à écrire l'épilogue.
« J'ai longtemps hésité avant de me lancer. Je repoussais cette idée en me remémorant une réflexion de mon prof d'histoire. Il disait que ceux qui écrivent leurs mémoires veulent se justifier... »
A 78 ans, Michel Réveille a des souvenirs gravés, mais rien à justifier. Juste à raconter pour partager le bonheur éprouvé ».
L'histoire débute en 1929 dans le Nord, à Haubourdin où le gamin est élevé par son grand-père et ses trois tantes, croyants et pratiquants.
Mais, anticlérical et adhérent au parti communiste, son parrain l'entraîne à l'estaminet du coin, siège du parti : « J'ai été élevé sur les genoux du PC tout en pratiquant la religion. Mais j'ai toujours été bercé par la classe ouvrière qui m'a modelé de ses cris et de ses combats », sourit cet homme encore marqué par le Front Populaire.
Ordonné prêtre en 1957, il part enseigner deux années à Villebon-sur-Yvette. Puis ce sera la Lorraine et la paroisse Saint-Simon-Saint-Jude. Ici les maîtres mots résonnent justes Joc (jeunesse ouvrière catholique), ACO (action catholique ouvrière) et ACE (action catholique enfants) : « J'entrais enfin dans un peuple ». En 1968, à 40 ans, il embrasse la mission de prêtre-ouvrier à Woippy.
Solidarité des travailleurs
« Bien que retraité depuis 20 ans, je reste marqué par cette période et continue à m'engager à la CCT et dans la vie associative comme au collectif d'accueil des demandeurs d'asile en Moselle », confesse l'habitant de Montigny-lès-Metz.
Dans son rétroviseur, des années d'immersion au cours desquelles il a rencontré beaucoup de militants : « avec eux, j'ai vécu la solidarité des travailleurs. Ils m'ont permis de mieux me situer dans le monde du travail, d'acquérir une connaissance de classe, même si l'on veut nous faire croire que la classe ouvrière n'existe plus alors qu'elle a changé ». Michel Réveille travaille au supermarché Gro à la Patrotte. En sera licencié en 1972 avant de rebondir au terme de plusieurs mois de chômage, à l'usine Claas de Woippy, à la raffinerie de Hauconcourt puis dans une entreprise sous-traitante de la SNCF et des PTT : « J'ai connu la solidarité des travailleurs, qui m'ont permis de vivre ma vie d'homme dans ce qu'elle a de plus grand. J'ai mieux compris le slogan de la Joc : "un jeune travailleur vaut plus que tout l'or du monde ! " »
Pas de langue de bois
Michel Réveille ne mâche pas ses mots. Même lorsqu'il évoque l'Église : « Le danger est d'être tenté par le repli sur ses certitudes. L'Église n'est peut-être pas belle, mais c'est quand même ma mère », insiste-t-il, mettant en exergue les inégalités économiques et sociales, les poussées de fièvres racistes, communautaristes et religieuses. « Après le nazisme et le stalinisme, je me demande si un troisième mal ne se développerait pas : le dieu argent ». A l'heure où les prêtres ouvriers ont disparu des diocèses, l'homme est plein d'espoir : « Il va falloir voir les prêtres autrement. Ils ne font plus que de la liturgie, œuvrent sur dix paroisses, ne sont plus en contact avec les gens. Ce n'est pas une critique, c'est la réalité ! » Se décrivant comme « un prêtre à mains nues » qui dit la messe « de temps en temps », Michel Réveille conclut : « J'ai apporté ma petite goutte d'eau dans la mer, c'est tout... ». M.-O.C.
De son enfance dans le Nord à sa retraite de prêtre-ouvrier en Moselle, Michel Réveille a vécu une vie de foi en contact avec le monde du travail et un environnement syndical. De quoi nourrir ses mémoires.
Les 82 feuillets dactylographiés sont consignés dans une enveloppe. Ne reste plus qu'à écrire l'épilogue.
« J'ai longtemps hésité avant de me lancer. Je repoussais cette idée en me remémorant une réflexion de mon prof d'histoire. Il disait que ceux qui écrivent leurs mémoires veulent se justifier... »
A 78 ans, Michel Réveille a des souvenirs gravés, mais rien à justifier. Juste à raconter pour partager le bonheur éprouvé ».
L'histoire débute en 1929 dans le Nord, à Haubourdin où le gamin est élevé par son grand-père et ses trois tantes, croyants et pratiquants.
Mais, anticlérical et adhérent au parti communiste, son parrain l'entraîne à l'estaminet du coin, siège du parti : « J'ai été élevé sur les genoux du PC tout en pratiquant la religion. Mais j'ai toujours été bercé par la classe ouvrière qui m'a modelé de ses cris et de ses combats », sourit cet homme encore marqué par le Front Populaire.
Ordonné prêtre en 1957, il part enseigner deux années à Villebon-sur-Yvette. Puis ce sera la Lorraine et la paroisse Saint-Simon-Saint-Jude. Ici les maîtres mots résonnent justes Joc (jeunesse ouvrière catholique), ACO (action catholique ouvrière) et ACE (action catholique enfants) : « J'entrais enfin dans un peuple ». En 1968, à 40 ans, il embrasse la mission de prêtre-ouvrier à Woippy.
Solidarité des travailleurs
« Bien que retraité depuis 20 ans, je reste marqué par cette période et continue à m'engager à la CCT et dans la vie associative comme au collectif d'accueil des demandeurs d'asile en Moselle », confesse l'habitant de Montigny-lès-Metz.
Dans son rétroviseur, des années d'immersion au cours desquelles il a rencontré beaucoup de militants : « avec eux, j'ai vécu la solidarité des travailleurs. Ils m'ont permis de mieux me situer dans le monde du travail, d'acquérir une connaissance de classe, même si l'on veut nous faire croire que la classe ouvrière n'existe plus alors qu'elle a changé ». Michel Réveille travaille au supermarché Gro à la Patrotte. En sera licencié en 1972 avant de rebondir au terme de plusieurs mois de chômage, à l'usine Claas de Woippy, à la raffinerie de Hauconcourt puis dans une entreprise sous-traitante de la SNCF et des PTT : « J'ai connu la solidarité des travailleurs, qui m'ont permis de vivre ma vie d'homme dans ce qu'elle a de plus grand. J'ai mieux compris le slogan de la Joc : "un jeune travailleur vaut plus que tout l'or du monde ! " »
Pas de langue de bois
Michel Réveille ne mâche pas ses mots. Même lorsqu'il évoque l'Église : « Le danger est d'être tenté par le repli sur ses certitudes. L'Église n'est peut-être pas belle, mais c'est quand même ma mère », insiste-t-il, mettant en exergue les inégalités économiques et sociales, les poussées de fièvres racistes, communautaristes et religieuses. « Après le nazisme et le stalinisme, je me demande si un troisième mal ne se développerait pas : le dieu argent ». A l'heure où les prêtres ouvriers ont disparu des diocèses, l'homme est plein d'espoir : « Il va falloir voir les prêtres autrement. Ils ne font plus que de la liturgie, œuvrent sur dix paroisses, ne sont plus en contact avec les gens. Ce n'est pas une critique, c'est la réalité ! » Se décrivant comme « un prêtre à mains nues » qui dit la messe « de temps en temps », Michel Réveille conclut : « J'ai apporté ma petite goutte d'eau dans la mer, c'est tout... ». M.-O.C.
Samedi 24 décembre 2011 - Républicain Lorrain.
