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Dimanche 28 août 1983 (Républicain Lorrain)


En octobre 1944 le village de Bettelainville aurait pu être rayé de la carte par les bombardiers américains. Il ne l'a pas été. Grâce à M. Jean Penneçot, lieutenant à l'époque. « Je suis heureux d'avoir été accidentellement l'outil du destin », dit-il, conscient de la dérision qui s'attache souvent à la course aux honneurs. S'il renvoie à la providence la responsabilité du sauvetage, en la circonstance, le hasard a reçu un sérieux coup de pouce...

MM. Sabatier, Bellot et Emile Jost (maire de Veckring) devant le tunnel de Saint-Bernard, que les Américains avaient pris pour une rampe de lancement de V 1.

Certes, un extraordinaire concours de circonstances a détourné les bombes américaines, un quart d'heure, seulement, avant que ne décollent les bombardiers. Les équipages avaient effectivement reçu pour mission de pilonner Bettelainville car à l'état-major, sur la foi de certaines photos aériennes, le tunnel ferroviaire de Saint-Bernard et le faisceau de rails qui en partent en direction de Metz, de Thionville et de la Sarre avait été pris pour les superstructures d'une... rampe de lancement de bombes volantes autopropulsées, les sinistres V1, l'arme secrète d'Adolf Hitler.
Heureusement cette confusion a été balayée d'un large éclat de rire. Celui de Jean Penneçot justement. Encore fallait-il qu'il se trouve au bon moment à l'état-major du général Patton, à Verdun et qu'il connaisse la ligne Maginot comme le fond de sa poche.
Méprise évitée
En 1939-1940 le lieutenant Penneçot commande les trois pièces de 75 du bloc N° 8 du Hackenberg. Surtout il dirige pendant deux ans une petite équipe chargée d'étudier les positions d'observations extérieures afin de compléter les documents de tir.
Arrive le jour où l'armée française se retire des ouvrages. C'est le début de la captivité. Souffrant d'asthme et de bronchite chronique Jean Penneçot, est renvoyé en France. En avril 1944 il entre à l'hôpital du Val-de-Grâce à Paris puis il reprend son activité professionnelle.
Pris sous un tir intensif qui a pour cible un convoi de la Wehrmacht, boulevard Sébastopol, il se met à l'abri dans un immeuble. Au troisième étage il tombe nez à nez avec un groupe de résistants. Avec ce groupe, il participe à quelques actions dans Paris et le quittera sur une promesse, celle de se revoir le premier dimanche après la Libération de la capitale, dans un petit hôtel du Quartier latin.
C'est en honorant ce rendez-vous que le lieutenant Jean Penneçot, dans les conversations à bâtons rompus qui ont marqué ces joyeuses retrouvailles, a laissé entendre qu'il connaissait bien la ligne Maginot. Un aveu qui a fait se dresser l'oreille d'un capitaine... Dès cet instant le commandant du bloc N° 8 du Hackenberg connaît quelques paires d'heures particulièrement intenses.
Du bureau des Champs-Elysées de Marie-Madeleine Fourcade, responsable du réseau de renseignements « Alliance », rattaché au BCRM de Londres, il rejoint l'état-major Eisenhower, à Versailles, puis celui du général Patton à Verdun et enfin le PC de la 7e division où lui sont soumises plusieurs séries de photos aériennes. « Qu'est-ce que ceci ? Et cela ? et celle-ci ? ». Un feu roulant de questions qui concerne aussi et surtout le fameux document représentant un épi de voies ferrées autour du tunnel Saint-Bernard à Bettelainville. Pour les Américains il pouvait s'agir de superstructures d'une rampe de lancement. Un objectif à détruire sans tarder en tout cas.
Deux cents avions sont parés pour accomplir cette mission que Jean Penneçot stoppe in extremis.
« J'ai pu expliquer que la photo aérienne représentait l'ancienne position d'une batterie d'ALVF (artillerie à longue portée sur voie ferrée) qui avait été occupée par un de mes amis en 1940, le lieutenant Jean Ossonce, à Bettelainville ».
C'est ainsi que le village fut épargné et les bombes américaines utilisées sur d'autres objectifs...

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