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  Dernière mise à jour : 9 décembre 2013

1941 - 1945
« Le Trait d'Union - Le Lorrain des Réfugiés de l'Est »

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Le Trait d'Union - Le Lorrain des Réfugiés de l'Est
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Pour mémoire : le 24 juillet 1940, l’Alsace et la Lorraine mosellane sont annexées à l’Allemagne. Woippy est donc, de fait, en territoire allemand. Le Gauleiter Josef Bürkel est chargé de germaniser rapidement le département de la Moselle, l’Alsace étant confiée au Gauleiter Robert Wagner.
Quelques mois plus tard, débute la période des expulsions (tous les Mosellans jugés indésirables sont expulsés en zone non occupée de France).
Clic : La carte de France après l'armistitce de juin 1940. (Source : www.atlas-historique.net)

Le 17 novembre, trois trains partant de la gare de Metz emmènent 417 Woippyciens vers Lyon. De là, ils seront dirigés vers l’Ardèche, le Tarn et le Gers.
Les 21 et 22 novembre, 45 autres arrivent à Lyon et sont répartis dans la Haute-Garonne, le Tarn-et-Garonne et le Gers.
Les expulsions ne s’arrêtent pas à cette date : les 17 et 24 avril 1942, quelque 21 nouveaux indésirables du village sont mis dans le train en direction de Lyon.
Si la grande majorité des Woippyciens se retrouve dans le Sud-Ouest, une partie se situe aussi en Isère, dans l’Ain, en Savoie et dans les Hautes et Basses Alpes.

Petit retour en arrière : lors de l’entrée des Allemands à Metz le 17 juin, les journaux locaux sont interdits (le Républicain Lorrain s’était sabordé quelques jours plus tôt).
Depuis l’automne 1939, le Républicain Lorrain éditait dans le Sud-Ouest un journal à l’intention des réfugiés mosellans de la Ligne Maginot. Son édition cesse en juin 1940.
Reprenant peut-être l’exemple de son confrère, le Lorrain qui s’est réfugié à Riom (Puy-de-Dôme), édite, le samedi 22 février 1941, un hebdomadaire intitulé « Le Trait d’Union des Réfugiés de l’Est - Le Lorrain ». Avec une interruption de parution d’une année, de septembre 1943 à septembre 1944, son dernier numéro sera édité le 2 juin 1945 (n° 171).

Année 1941


Samedi 15 mars 1941
M. Charles-Nicolas GNAD et Mlle Gabrielle BELLINGER, de Woippy, ont contracté mariage à Lavaur (Tarn), le 22 février.

Samedi 29 mars 1941
MAZAMET
NORROY – PLESNOIS – FAILLY – etc.
Nous sommes ici environ trois cents réfugiés lorrains provenant du pays messin : Norroy-le-veneur, Plesnois, Fèves, Retonfey, Failly, Pierrevillers, Woippy.
Logé d’abord, pour la plupart, dans des centres d’accueil, ils ne tardèrent pas à trouver un logement et à s’organiser quelque peu.
Aux conditions de vie plutôt rudimentaires du début, ont succédé, sinon l’aisance, du moins une amélioration sensible due à la compréhension des pouvoirs publics et à la générosité du Secours national.
Le 6 décembre, Saint Nicolas visité la cantine et apporta aux petits réfugiés une hotte garnie de friandises et de jouets.
A l’occasion de la Noël, petits et grands passèrent un après-midi inoubliable suivi d’une distribution de jouets et d’un goûter.
Depuis leur arrivée, les Lorrains se sont groupés et le Comité s’efforce de rendre l’exil moins pénible à nos malheureux réfugiés.
Nous avons obtenu la création d’une école groupant 35 élèves et confiée à M. Marlier, expulsé lorrain et instituteur de Tressange. Comme en Lorraine, chaque jour, l’abbé Thiriot, curé de Failly, vient y faire le catéchisme.
La mort a déjà fait des ravages depuis notre arrivée. C’est d’abord Mme veuve Huguet, 90 ans, qui nous quitta pour un monde meilleur ; puis M. Julien Arnould, 58 ans, de Fèves, et Mme veuve Corton, 86 ans, de Woippy.
D’autre part, nous sommes heureux d’apprendre le récent mariage de M. Albert Estienne, de Norroy, avec Mlle Brulé Maria, de la Nave, à qui nous présentons nos meilleurs vœux de bonheur.

Samedi 12 avril 1941
Mgr l’Evêque de Metz dans le Tarn
Lavaur, Ay, Fèves, Norroy, Woippy, Trémery.
Les Lorrains de Lavaur ont vécu le vendredi 28 mars, une heure bien émouvante Mgr Heintz, évêque de Metz, M. Bourrat, préfet de la Moselle et M. Sérot, député de la Moselle, membre du Conseil national et ancien sous-secrétaire d’Etat à l’Agriculture, venaient leur rendre visite. Mais ils ne furent pas seuls à recevoir leurs visiteurs. La population vauréenne, et à sa tête les autorités de la ville, ont tenu à prendre largement part à cette fête.
Aussi, bien avant l’arrivée des autorités, la place de la cathédrale ne peut plus contenir la foule qui déborde sur les rues adjacentes. Cette pace a un air de fête. Devant l’église de grands mâts supportent des oriflammes tricolores qui claquent au vent. Les fenêtres des maisons avoisinantes sont ornées aux armes de Jeanne la Lorraine et aux couleurs françaises. Derrière la foule, s’élève la majestueuse façade de la cathédrale, faite pour servir de décor à un « mystère » et en effet, c’est presque un mystère qui va se jouer sur la place.
Devant le portail de la cathédrale, nous apercevons des autorités de la ville et les corps constitués : Légion, Croix-Rouge, Secours national, toutes les écoles avec leurs maîtres et maîtresses.
En rangs serrés, les Lorraines, avec leurs maires, ceints de l’écharpe se tiennent sur le passage que suivront les autorités.
Tout à coup, un mouvement se fait dans la foule. Les voitures officielles arrivent. Elles s’arrêtent devant la mairie. C’est là que la municipalité de la ville a d’abord voulu saluer les visiteurs. Ils ne viennent pas seuls. Avec eux se trouvent Mgr Moussaron, archevêque d’Albi et le sous-préfet de Castres. Le préfet du Tarn a dû rejoindre son poste. Le maire leur souhaite la bienvenue, puis tous se dirigent vers la cathédrale.
Lorsque le préfet et les prélats arrivent sur la place, l’émotion est trop forte pour être bruyante et l’on voit bien des yeux qui se mouillent de larmes. Quatre petites Lorraines, vêtues du costume de leur province, s’approchent des visiteurs. Ce sont : Monique Mangenot, de Woippy ; Gabrielle Aubert, d’Ay-sur-Moselle ; Monique Robert, de Norroy et Marguerite Girard, de Fèves. A tour de rôle, elles prononcent les compliments suivants :
Excellence,
C’est avec une grande joie que nous avons appris votre venue. Déjà, beaucoup de nos compatriotes ont reçu votre visite, et nous les enviions quelque peu. Mais nous étions sûrs que notre tour viendrait. Soyez bien remercié d’être venu aujourd’hui. Nous saluons en vous le Père des Lorrains réfugiés. Celui qui a subi parmi les premiers la grande épreuve de l’exil. Mais surtout nous vous saluons comme le Pasteur du troupeau dispersé. Soyez sans inquiétude, Monseigneur, vos brebis ne bêlent pas, comme le feraient celles d’un troupeau poursuivi par le loup. Elles vous appellent quelquefois, mais ce ne sont pas des cris de détresse qu’elles poussent, au contraire, c’est un signal de reconnaissance comme pour vous dire, nous vous suivons, nous voyons toujours la houlette du Pasteur, elle nous conduit sur la vraie route. Oui, Monseigneur, les Lorrains promettent de vous suivre, d’être fidèles à vos enseignements, et par conséquent de rester de bons chrétiens et de bons Français.

Monsieur le Préfet,
C’est une grande joie pour nous de vous accueillir aujourd’hui en même temps de Monseigneur l’évêque. Votre présence aux côtés de Monseigneur est un symbole de la vraie Lorraine, comme nous l’aimons. Elle réalise la belle union qui nous est si chère, celle que nous voulions toujours voir partout. Jusque dans nos petits villages. Votre présence, le fait qu’il y a encore un préfet de la Moselle, nous rappelle aussi la grande sollicitude de la France et de son grand chef, notre Maréchal Pétain. C’est un grand réconfort pour nous, de savoir qu’à la préfecture de la Moselle, repliée à Montauban, on travaille à l’amélioration du sort des Lorrains. Merci, M. le Préfet, de tout ce que vous faites pour nous. Votre travail vos peines, vous vaudrons la reconnaissance de tous les Lorrains.

Monsieur le Ministre,
Vous n’êtes pas un inconnu pour les Lorrains. Voilà si longtemps qu’ils ont placé leur confiance en vous. Quand nos papas votaient pour vous, ils savaient que c’était pour un ami qu’ils votaient. Quand vous étiez à la tête du Conseil général, tous savaient qu’on y faisait du bon travail. Aussi nous sommes-nous réjouis, lorsque le Maréchal Pétain vous a nommé membre du Conseil national. Si nous vous donnons ce titre de ministre, c’est pour rappeler le temps où vous travaillez à la grande cause de la terre, vous, le spécialiste des questions agricoles. Permettez que nous saluions en vous le représentant de la terre lorraine. Nous pensons souvent à elle mais surtout maintenant qu’elle nous appelle en faisant monter la sève des plantes. Elle nous appelle la terre des champs de fraises de Woippy, la terre accidentée de Norroy-le-Veneur et de Fèves, plantée de vignes et de mirabelliers, la terre plus lourde d’Ay-sur-Moselle et de Trémery où pousse le blé qui fait le bon pain blanc. Terre… notre terre… Salut !
Vive la terre de Lorraine.
La quatrième fillette offre à Monseigneur une gerbe de fleurs qu’il ira déposer sur l’autel de la Sainte Vierge.
Avant d’entrer à l’église, M. Bourrat, préfet de la Moselle tient à adresser quelques mots à la foule. Il rappelle tout d’abord qu’il y a 28 ans, il était sous-préfet de Lavaur et exprime sa joie de se retrouver dans cette ville. Puis, il encourage les Lorrains à avoir toujours confiance. Sur ces enthousiastes paroles, les applaudissements crépitent de toute part. Puis l’harmonie municipale joue la « Marseillaise ».
Ensuite les autorités entrent à la cathédrale, suivies de la foule qui a peine à trouver place dans le grand vaisseau.
Les orgues, tenues par M. Mazas, jouent la Marche des prêtres, d’ « Athalie ».
Après un chant latin, Monseigneur monte en chaire, M. le chanoine Boularan, archiprêtre, lui souhaite la bienvenue dans cette cathédrale illustrée par tant d’évêques célèbres. Monseigneur prend à son tour la parole. C’est la voix émue qu’il adresse tout d’abord à la population vauréenne ses remerciements, pour l’accueil qui a été fait aux Lorrains et pour la magnifique réception qui est faite aux autorités lorraines. Puis, il encourage à son tour ses diocésains à garder confiance et à la placer particulièrement en la Vierge Marie. N’a-t-il pas lui-même, lors de son arrivée à Metz, ajouté à ses armes cette devise « Regina spes nostra ! ». C’est en la Reine du Ciel qu’est notre espérance. Il demande aux Lorrains de mettre cette devise en pratique en augmentant encore leur dévotion en la Mère de Dieu.
Après l’allocution de Mgr Heintz, les deux prélats donnent leur bénédiction à la foule. Puis l’assistance s’écoule au chant du cantique populaire : « Nous voulons Dieu », suivi de la « Marche Lorraine », jouée aux grandes orgues. Sur la place, la « Marseillaise » retentit à nouveau comme un adieu aux illustres visiteurs.
Ce fut véritablement une heure émouvante. Voir ainsi côte à côte les autorités civiles et religieuses d’une région dont les habitants ont été transportés et, d’autre part, les mêmes autorités de la région d’accueil venir saluer « ceux qui ont tout quitté, comme dit le Maréchal Pétain, et à qui il ne reste plus que l’honneur d’être restés Français », voilà vraiment un beau spectacle de la France qui se retrouve, de la France qui renaît.


TARN
RABASTENS – VAUX – WOIPPY – NORROY
Le groupement des réfugiés de Rabastens-sur-Tarn s’est constitué dès notre arrivée, dans les derniers jours de novembre.
Il se compose de deux cents Lorrains, originaires en majeure partie de Vaux, Woippy et Norroy, de quelques Alsaciens et d’environ quatre-vingt réfugiés de la zone interdite.
Vers le 20 mars, cinquante Lorrains logés jusqu’alors à Albi, sont venus augmenter notre nombre, de sorte que notre groupement compte actuellement trois cent trente membres. La municipalité a mis à notre disposition un foyer, avec une petite bibliothèque et quelques jeux. Chaque mardi soir, nous y tenons notre réunion au cours de laquelle toutes les questions sont discutées.
Le Comité composé de M. Albert Billotte, président des Alsaciens-Lorrains ; M. René Manouvrier, président des réfugiés de la zone interdite ; M. Emile Dusselh, trésorier, et M. René Marx, secrétaire, rend compte du travail effectué pendant la semaine écoulée, donne connaissance de la correspondance arrivée et expédiée et prend note de divers vœux.
Pendant le mois de décembre, une cérémonie religieuse a eu lieu, suivie de la déposition d’une palme au monument aux morts de Rabastens.
Nous devons remercier tout spécialement M. Malrie, maire de Rabastens, de la sympathie dont il fait preuve à notre égard et de la compréhension avec laquelle il traite toutes les questions que nous lui soumettons.
Notre groupement est affilié au groupement des réfugiés de la Moselle, à Lyon.

Samedi 19 avril 1941
TARN
SENOUILLAC-TINCY-WOIPPY-NORROY-LE-VENEUR
Fête inoubliable que celle qui réunissait, le 27 mars, avec les réfugiés lorrains de Tincry, Woippy et Norroy-le-Veneur, nombre de leurs compatriotes hébergés à Montmiral et Cahuzac-sur-Vère.
Notre vénéré pasteur et chef du diocèse, Mgr Heintz, daignait, dans sa paternelle bonté, nous faire l’honneur de sa visite, accompagné de M. Bourrat, préfet de la Moselle, et de M. Robert Sérot, conseiller national, représentant notre Lorraine au sein du nouveau gouvernement. M. le Préfet du Tarn avait tenu à faire les honneurs de son département en accompagnant personnellement nos compatriotes.
La réception avait été prévue sur la place de l’église de Senouillac, ornée de plantes vertes et d’un arc de triomphe pavoisé pour la circonstance aux couleurs tricolores et lorraines et surmonté de l’inscription en lettres dorées : « Soyez les bienvenus ».
A midi très précis, l’arrivée des trois voitures officielles est annoncée à son de cloches, cependant que les enfants des écoles, tant lorraine que senouillacoise, entonnent l’hymne national.
M. le Maire de Senouillac s’avance alors pour saluer nos hôtes d’une cordiale bienvenue. A son tour, M ; le Maire de Tincry, au nom des Lorrains, dans un discours plein d’à-propos, applaudit à cette union de tous les cœurs qui nous fait augurer pour notre patrie d’un avenir moins sombre et de l’espoir en des jours meilleurs. M. Bourrat, en une allocution improvisée, constate que les Lorrains ont gardé intacte leur confiance, malgré les sacrifices consentis par eux, les remercie de leur courage, gage de résurrection de leur petite et de grande patrie.
De gracieuses Lorraines aux costumes de nos aïeules offrent à nos illustres visiteurs, trois gerbes de fleurs cravatées d’or et rouge. « La Marche Lorraine » clôture la cérémonie civile. La foule pénètre dans le sanctuaire au chant du Credo.
Remarquée au milieu des décors, la bannière de Jeanne d’Arc et le drapeau du Sacré-Cœur de la paroisse de Tincry qui ont accompagné nos braves paysans dans leur exode. M. le Curé de Senouillac monte en chaire, tandis que Mgr prend place dans le chœur, ayant à ses côtés, son secrétaire, M. le chanoine Caré et M. l’abbé Wassereau, curé de Tincry. C’est d’abord pour remercier de l’honneur fait à sa paroisse et dire l’émotion qui a étreint ses paroissiens à l’arrivée des populations de l’Est. Constatant que l’épreuve présente est le résultat de la désunion qui exerçait ses ravages dans tout le pays, il fait appel à l’union sacrée qui dot dorénavant être le mot en vue du redressement des consciences et par là, de la Patrie.
Dans une allocution d’une haute élévation morale, Mgr, à son tour, nous apporte sa parole réconfortante. Il dit sa joie de retrouver ses diocésains avec la même foi et le même courage. Nous ne sommes pas en exil, remarque-t-il, puisque bien qu’ayant quitté notre petite patrie, nous sommes quand même dans la grande famille française. Faisant allusion à la « Croix Jeannette » portée par une petite Lorraine, Mgr nous montre l’ascension du Christ réalisé par son sacrifice ; ainsi, par nos souffrances, nous nous rapprochons davantage de Lui. Et dans cette élévation des cœurs, appelons à notre aide la Vierge de France, Notre-Dame de Lourdes. Un chant d’espérance composé pour la circonstance par un artiste senouillacois et enlevé par une chorale de Lorrains, termine cette belle fête.
Heureuse idée d’un photographe amateur qui fixe sur la pellicule nos hôtes au milieu des enfants de l’école lorraine dirigée par les bonnes sœurs de Woippy.
Derniers instants où, pendant que de charmantes tarnaises en costume si pittoresque, offrent un vin d’honneur, chacun y va de quelques souvenirs du pays et de quelques nouvelles inédites.
Par une délicate attention, M. le Préfet et M. Sérot tinrent à déposer leurs gerbes au monument aux morts de 14 des enfants de Senouillac, tandis que Monseigneur avait fait déposer la sienne sur l’autel de la Vierge. A regret, l’heure du départ a sonné, dernières poignées de main, « au revoir là-bas ! ».
Les voitures démarrent au milieu des acclamations, mais les échos de cette fête resteront gravés longtemps dans les cœurs.

Samedi 26 avril 1941
TARN. LES LORRAINS À LAVAUR
A Lavaur résident les expulsés des communes suivantes : Ay-sur-Moselle 48, Fèves 72, Norroy-le-Veneur 80, Saulny 2, Trémery 18 et Woippy 50, en tout 270 personnes.
Depuis l’arrivée de M. l’abbé Louis Holveck, curé de Fèves, dans cette ville le 24 février dernier, de nombreux Lorrains assistent tous les matins à la messe dite dans une chapelle de la cathédrale. Chaque dimanche, nous avons messe et vêpres chantées comme chez nous. Le dimanche des Rameaux, la Semaine Sainte et le jour de Pâques, les Lorrains ont pris part aux différents offices des deux paroisses de la Ville.
Le Jeudi-Saint, le sermon sur la passion, très goûté par une nombreuse assistance, fut donné par M. le curé de Fèves.
Le jour de Pâques, la Chorale de la cathédrale Saint-Alain exécuta un très beau programme musical : Messe en musique de René Quignard, maître de chapelle de Notre-Dame de Versailles, accompagnée par l’organiste de la ville. Aux vêpres, la cathédrale était archicomble. Les antiennes furent exécutées en plain-chant et plusieurs psaumes en faux bourdons de L. Perruchot, le tout accompagné par M. l’abbé L. Holveck au grand orgue à trois claviers.
Ce n’est pas seulement pour les Lorrains que cet abbé se dévoue, mais il donne aussi une aide appréciable au clergé de la paroisse, particulièrement dans les répétitions du chant. Et c’est surtout pendant la Semaine Sainte qu’il s’est distingué dans l’exécution des difficiles mélodies.
Aussi, il est très estimé du clergé et des habitants de Lavaur.

Samedi 3 mai 1941
La journée des Lorrains à Gaillac
WOIPPY – NORROY-LE-VENEUR – SEMÉCOURT – AY
Nous lisons dans le journal de Gaillac :
Jeudi 27 mars, à 10 h. 30, le conseil municipal de Gaillac a reçu à l’Hôtel de Ville, MM. Le Préfet de la Moselle, Monseigneur Heintz, évêque de Metz, M. Sérot, membre du Conseil national et M. le Préfet du Tarn, venus pour visiter les expulsés de notre département.
M. J. Garraud, maire, leur a prononcé l’allocution suivante :
« Les circonstances tragiques que nous venons de vivre, me donnent l’occasion de saluer et de présenter MM. Les membres du conseil municipal de Gaillac au premier magistrat d’un département grandement éprouvé, dont les habitants imbus du plus pur patriotisme ont préféré l’exil, à la servitude étrangère.
Vous pouvez croire, M. le Préfet, que nous ferons tout ce qui sera en notre pouvoir pour atténuer et adoucir l’épreuve de vos malheureux compatriotes.
Je vous donne l’assurance qu’ils sont ici chez eux, dans ce coin de France qui les a franchement accueillis, ils se sont adaptés et font maintenant partie de la famille gaillacoise.
Le geste si noble qu’ils ont fait, leur donne beaucoup de droits, mais je sais qu’ils n’en abuseront pas, car ils sont avant tout des hommes de devoir.
Pour vous, Excellence, la visite que vous nous faites m’oblige, en raison des mêmes circonstances, à vous répéter ce que je viens de dire.
Mes fonctions me font le devoir et le grand honneur de déposer à vos pieds l’hommage de notre gratitude.
Votre présence prouve tout l’amour que vous portez à ceux qui souffrent.
Je puis vous affirmer, d’ailleurs, avec certitude, que tous ceux dont le cœur est vraiment français, sauront s’unir pour suivre à jamais la doctrine du Christ : « Aimez-vous les uns les autres ».
Je salue M. Sérot, Conseiller national, qui apporte lui aussi, le réconfort de sa haute autorité à ses amis Lorrains.
J’assure M. le Préfet du Tarn, qui a bien voulu se joindre à vous de notre plus vif désir de servir la chose publique sans autre préoccupation.
Je profite de cette occasion pour le remercier encore une fois de la confiance qu’il a mise en nous.
Sa bienveillante sollicitude, déjà prouvée à notre égard, facilitera notre administration municipale.
Je sais aussi qu’en ce moment, notre pensée va vers celui, qui dans les heures les plus tragiques a su mettre fin à l’effroyable carnage qui nous menaçait. Nous n’oublierons pas notre cher Maréchal, et dans quelques instants, à l’intérieur du sanctuaire, nos cœurs s’uniront pour ne songer qu’à l’amitié et à l’unité française qu’il a fait revivre.
Nous sortirons de ce lieu plus forts et mieux disposés à accomplir notre devoir ». Le cortège se reforma pour se rendre à l’église Saint-Michel où une foule énorme attend patiemment les augustes visiteurs.
Belle et magnifique journée toute de grâce, de sourire et de souvenir Mgr Heintz, évêque de Metz, venait voir à Gaillac ses chers diocésains. La nouvelle était connue depuis quelques jours. On savait que M. le Préfet de Metz devait accompagner Son Excellence. Aussi se préparait-on activement à cette pieuse et touchante cérémonie.
Les sœurs de la Providence de Saint-André firent comme toujours, merveille. Elles avaient costumé de gentilles fillettes en délicieuses Lorraines, d’autant plus dignes de l’uniforme que les pauvres enfants ont été expulsées de chez elles avec leurs parents, il y a quelques mois. Aux invitations faites par M. l’archiprêtre on répondit avec empressement. Et, à l’heure convenue, le jeudi 27 mars on vit se rassembler sur la place Saint-Michel, MM. les directeurs et Mmes les directrices de toutes les écoles de la ville, publiques et privées, accompagnant les délégations d’élèves.
La Croix-Rouge, les veuves de guerre, l’association des commerçants, etc., étaient fort bien représentées. Le conseil municipal, M. le maire en tête, arriva après la réception qui avait eu lieu à la mairie. Le clergé de la ville au complet attendait, au milieu de cette foule, et au centre d’une gracieuse couronne, les illustres visiteurs.
Lorsque ceux-ci parurent sur la place, les applaudissements éclatèrent de toutes parts. M. le Préfet du Tarn et M. Sérot, membre du Conseil national, député de Metz, étaient à leur côté. Une jeune Lorraine lut un compliment exquis de délicatesse et d’à-propos. Trois gerbes de fleurs furent ensuite offertes à Mgr Heintz, à MM. les préfets du Tarn et de la Moselle. Puis l’on entra dans l’église, après avoir écouté dans le plus grand recueillement et beaucoup d’émotion une courte et vibrante allocution de M. le Préfet de Metz.
A l’intérieur de l’église, bien vite remplie, se déroula la partie la plus importante de la cérémonie. M. l’archiprêtre de Saint-Michel adressa ses souhaits de bienvenue à Mgr Heintz et ses paroles éloquentes et émouvantes à la fois allèrent au cœur de tous. Puis Mgr Heintz prit la parole. Après les remerciements aux personnalités et associations gaillacoises qui avaient bien voulu honorer de leur présence cette réception, il s’adressa à ses diocésains, leur prodiguant ses encouragements et entrouvrant devant eux de belles perspectives d’avenir. Pendant qu’à la sortie la foule se massait à nouveau sur la place entonnant une triomphale Marseillaise après laquelle M. le Préfet dit éloquemment et avec flamme l’indéfectible attachement de nos cœurs à la France et à l’illustre chef d’Etat qui préside aux destinées du pays, Mgr Heintz se rendait auprès d’une famille lorraine pour bénir la dépouille d’une fillette de 7 ans, décédée la veille.
Geste qui alla au cœur des parents éplorés et leur fut particulièrement sensible.
Les « au revoir » se multiplièrent à l’heure du départ et c’est au milieu de l’enthousiasme général que les voitures officielles démarrèrent pour aller porter à d’autres malheureux le précieux réconfort si impatiemment attendu.
La J.A.C. de Gaillac compléta ce salut à nos chers Lorrains en leur offrant le soir de ce même jour, une séance récréative à laquelle ils assistèrent nombreux. C’était une réédition de « l’Offertoire », la pièce si bien interprétée par nos jeunes artistes qui connut aussi sur notre scène de Guérin le plus franc et le plus mérité des succès.
Dieu veuille qu’après ces manifestations de vive amitié, nos chers réfugiés de Lorraine et d’ailleurs soient encore plus convaincus que vraiment chez nous, ils sont chez eux. Cela leur permettra d’attendre avec plus de courage l’heure du retour. UN TEMOIN.

La Lorraine dans le Midi
Avec M. Gabriel HOCQUARD dans la Haute-Garonne et le Tarn
(…)
A Rabastens, c’est Woippy qui nous reçoit dans une vieille tour qui sert de foyer lorrain. A Castres, ce sont trois bambins de Plappeville qui chantent à ravir sous la direction de M. le curé, « Joyeux Lorrains » ; c’est un beau compliment dit par une gracieuse fillette, c’est une belle gerbe de fleurs que l’on apportera en cortège au monument aux morts, c’est le maire de Castres prodigue d’attentions.
(…)

HAUTE-GARONNE
MIREPOIX-SUR-TARN – WOIPPY – ARS – ROMBAS
A Mirepoix-sur-Tarn aussi, nous avons accueilli avec le plus vif plaisir lé résurrection du « Lorrain » en la personne du « Trait d’Union », qui nous donne la douce illusion d’une Lorraine toujours française.
Avec plaisir aussi, nous saluons le rédacteur en chef, M. Durand, dont les articles de fond sont suivis avec tant d’intérêt. Salut aussi à l’oncle Baptiste, à Moricaud, à la cousine Justine à qui nous souhaitons progrès rapides dans ses leçons d’« assang ».
Nous sommes ici une trentaine de réfugiés représentant les communes de Woippy, Ars-sur-Moselle, Rombas. Débarqués le 22 novembre, nous avons été reçus en gare de La Madeleine par quelques représentants de la municipalité, M. le Maire en tête, puis par une population très bienveillante. A tous, nous sommes heureux d’adresser nos chaleureux remerciements.
Dans l’après-midi du même jour, le Clergé de Mirepoix, résidant à Bondigoux, est venu nous souhaiter la bienvenue et nous réconforter pas ses bonnes paroles de sympathie. A M. le curé et à son vicaire, nous disons aussi toute notre gratitude.
Mirepoix, coquet village au nord du Tarn, devient charmant à ravir avec ses arbres feuillus et ses fruitiers en fleurs. La municipalité ayant mis des terres à notre disposition, tous, gens spécialisés et novices dans l’art agraire, nous nous sommes mis vaillamment à l’œuvre pour faire rendre au sol son maximum de richesses.
Une institutrice de Rombas exerce ses fonctions auprès des petits Mirapétiens, enfants attachés et attachants malgré les petits défauts inhérents à leur âge.
A notre vénéré Pasteur, Mgr Heintz, nous exprimons nos sentiments de respect filial et formulons les vœux les meilleurs pour lui-même et pour sa chère maman.
Nous adressons à tous nos compatriotes dispersés nos sentiments affectueux, nous leur disons : bonne confiance toujours et vive la douce France, vive notre bien-aimé Maréchal ! et vive la petite patrie lorraine !

SAINT-GAUDENS – METZ ET ENVIRONS
Le 23 novembre 1940 arrivait en gare de Saint-Gaudens, un contingent d’environ 400 Mosellans composé de réfugiés de Metz, de Montigny, de Ban-Saint-Martin, de Woippy, de Coin-sur-Seille, de Coin-les-Cuvry et de Cheminot. Tandis que cent cinquante restèrent sur place, les autres furent répartis dans le canton.
La première joie de leur exil leur avait été offerte en gare de Mâcon, par la présentation des armes. En gare de Lyon et de Toulouse, des connaissances étaient venues leur apporter le salut fraternel. Le centre d’accueil de Saint-Gaudens avait fait de son mieux pour la répartition et l’hébergement des nouveaux arrivés venus grossir le nombre déjà important des 250 réfugiés de la zone interdite. Pendant huit à dix jours, les restaurants nt fait de louables efforts pour satisfaire ces nouveaux clients, aux frais de la ville. Le service vicinal, chargé de s’occuper des réfugiés se surpassa afin de fournir rapidement : logis, lits de camp, couvertures et draps, poêles et cuisinières flamandes. Ainsi, chaque famille put s’installer et cuisiner elle-même.
A la première occasion, M. l’Archiprêtre de Saint-Gaudens souhaita la bienvenue à ses nouveaux paroissiens, leur recommandant de garder leur foi et leur confiance en Dieu et la Patrie. A l’occasion de Noël, le Secours national qui s’était empressé de procurer des vêtements chauds aux plus nécessiteux, avait organisé une fête où parut le sapin traditionnel. Le comité des réfugiés de la zone interdite, le camp de jeunesse, les élèves de l’école primaire supérieure de jeunes filles, y avaient apporté leur concours. Distribution de jouets, petites scènes, divers chants, donnèrent à toute cette jeunesse « France future », le sourire, et à leurs parents, pour quelques heures au moins, l’oubli des privations dues à l’exil. L’hommage rendu à cette occasion au grand patriote, le chef vénéré de la nouvelle France, le père de tous les Français, fut émouvant et donna l’image de la patrie unifiée et l’espoir d’un avenir meilleur et heureux.
M. le Préfet Bourrat, M. Sérot et M. Guy de Wendel, surent, lors d’une visite, par leur paroles autorisées et compétentes, donner des conseils et des renseignements concernant les droits et les devoirs du réfugié. Ils apportèrent aussi l’assurance de l’appui des pouvoirs publics : paroles unanimement réconfortantes et bien senties, et qui permettent de supporter plus facilement l’éloignement provisoire de la terre lorraine.
Le groupement des dames A.D.P., à son tour, par la création d’une foyer-refuge, avec salles de jeu, de lecture et de correspondance, d’un atelier de couture, d’un dortoir pour les réfugiés de passage, d’un service de dispensaire, de visites à domicile pour les besoins réels et urgents, apporte des adoucissements au sort des réfugiés.
Les bras vigoureux de nos braves cultivateurs et ouvriers se rendent utiles en toutes circonstances. Quelques familles ont rejoint leurs anciens fermiers et apprennent actuellement le maniement de la charrue et des autres instruments agricoles à la mode régionale, avec les bœufs blancs du pays. Afin de garder les traditions lorraines de prévoyance, tout le monde a pris en mains la bêche, fourche, pioche du pays commingeois, et travaille les quelques 240 ares mis à leur disposition. Replants de pommes de terre, topinambours, petites semences et même engrais, ayant été distribués à chacun par le service agricole de la Préfecture, les prévisions pour l’hiver prochain sont assez optimistes.
Les chères sœurs de l’Institution Sainte-Thérése ont, avec le concours des dames de la charité, créé une pension de famille à prix fort réduit ; aussi, les isolés les plus nécessiteux et les réfugiés de passage en profitent-ils largement.
Mme la Préfète de la Haute-Garonne, Mme Chéneaux de Leritz, amie des réfugiés, en tant qu’ancienne préfète de Strasbourg-Campagne, est venue aussi rendre visité aux réfugiés, et par la distribution de jouets et de friandises aux enfants, a su mettre le sourire sur ces petits visages, ca qui fut un réconfort pour les parents.
Fréquente aussi est la visite du docteur Humbert, messin d’origine et professeur à la Faculté de Strasbourg.
Grande joie encore pour les Lorrains, de voir arriver M. Hocquard, maire de Metz, notre maire tout court, comme disent les assistants d’une réunion cantonale organisée à son intention par le comité local. Le délégué, M. Blockausen, de même que Mme et M. Lanternier (à la lavallière légendaire) ; M. Lehmal, collaborateur de M. Hocquard et quelques autres, étaient venus prendre la maire à la gare. Après les visites faites à M. Lapeyrie, sous-préfet, et à M. Champol, maire de Saint-Gaudens (qu’il remercia pour tous les soins donnés aux réfugiés), M. Hocquard retint à déjeuner quelques intimes. La réunion commença vers 14 heures. Se défendant de faire un discours, le maire de Metz remercia le président, M. le commandant Schneller, qui lui avait souhaité la bienvenue. Puis se mêlant à la foule, et après avoir entendu les différents desiderata, il fit l’historique des mois écoulés, encourageant l’assistance par ses conseils tout amicaux et paternels, à persévérer dans l’espérance du retour et la foi en une France rénovée et plus belle que jamais, grâce à son génie éternel. Cette atmosphère de confiance réciproque fut un baume pour les cœurs des réfugiés, exilés momentanément, loin de la petite patrie.
Mais les plus belles choses de ce monde ont une fin, et M. Hocquard quitta les nouveaux Saint-Gaudinois, après avoir visité la belle église collégiale romaine aux splendides Gobelin. Il prit alors le train qui le mena vers Lourdes, vers la grotte d’où ses pensées allèrent à tous ses compatriotes.
Le dimanche de Pâques, une chorale composée des réfugiés débutait à la messe de 11 heures et espère continuer.
Une permanence fonctionnant quotidiennement est à la disposition des réfugiés. Le Comité est composé de la manière suivante :
Président : le commandant Schneller, d’Epinal ; vice-président : M. Comte Henri, comptable, de Metz ; délégué : M. Blockausen Joseph, représentant, de Ban-Saint-Martin ; secrétaire : M. Heib Marcel, étudiant, de Coin-lès-Cuvry.

PUY-DE-DOME
MARSAT-BOULANGE
LA LORRAINE AUX PIEDS DE LA « VIERGE NOIRE »
Aux pieds de la chaîne des puys, dans la banlieue de la ville de Riom, désormais célèbre dans l’histoire, se trouve niché au milieu des prés et vergers, le haut village de Marsat. Il y aura un an en mai que nos réfugiés lorrains y trouvèrent asile lorsque, au début des offensives de l’an passé, tout le village de Boulange se vit transplanté dans une douzaine de communes des environs immédiates de Riom.
Ils s’y sont installés, ils y ont passé un rude hiver, pendant lequel de nombreux arrivants de Woippy, Metz, d’Alsace même, sont venus grossir leurs rangs. Ils ne doivent pas être loin de deux mille nos compatriotes lorrains et alsaciens, réfugiés actuellement dans la périphérie de Riom.
Nombreux sont ceux qui ont déjà entrepris le pèlerinage à l’antique « Vierge Noire » de Marsat, célèbre depuis le 12e siècle. Rien d’étonnant que, pour le joli mois de mai, ils se soient donné rendez-vous pour un commun pèlerinage des réfugiés lorrains et alsaciens à la Vierge de Marsat.
Ce pèlerinage aura lieu l’après-midi de l’Ascension, 22 mai, à l’occasion de la fête annuelle de Notre-Dame de Marsat, qui sera présidée par S. Exc. Mgr Piguet, évêque de Clermont. Nos Lorrains et Alsaciens de la région de cette heureuse occasion de se rencontrer dans le cadre ensoleillé d’un charmant village auvergnat, à peu de distance de la gare de Riom et de se retremper dans le culte de leur « Reine Espérance ».

TARN
M. GABRIEL HOCQUARD À RABASTENS
Une agréable surprise fut réserve, le mercredi 9 avril, à la colonie mosellane : la visite de M. Gabriel Hocquard, maire de Metz, accompagné de MM. Gallay, Folz et Narbonne, le sympathique chef de musique de l’harmonie musicale de Metz.
Ils furent reçus à leur arrivée dans les Allées du Maréchal-Pétain, par MM. Malric, maire de Rabastens et Billotte, président du groupement des expulsés et réfugiés de Rabastens. Etaient également présents à la réception, les représentants de notre commune voisine : M. le Maire de Liset-sur-Tarn et M. Henri Schmit, délégué du groupement des expulsés de Liste-sur-Tarn. Nos hôtes furent conduits au foyer lorrain où une nombreuse assistance les attendait avec la joie visible. M. Billotte prit la parole pour remercier M. Hocquard et ses adjoints d’être venus pour rendre visite à notre groupement, nous témoignant ainsi leur sympathie et nous prouvant qu’ils ne nous ont pas oubliés. Il retrace ensuite la vie de nos expulsés depuis leur arrivée, et souligne la compréhension et la sympathie que nous témoignent la population, et en particulier, la municipalité de Rabastens.
M. Hocquard, prenant à son tour la parole, remercia l’assistance pour la belle réception, il félicita le président Billotte et M. le Maire Malric pour le bon fonctionnement et la bonne entente entre le groupement, la municipalité et la population ; il adresse ensuite des paroles d’encouragement et de confiance aux expulsés et demande si quelqu’un aurait des doléances à formuler. Plusieurs personnes répondant par l’affirmative, M. Gallay prend note et assure les intéressés qu’il fera les démarches nécessaires.
Ce fut alors le tour de M. le Maire Malric. Remerciant MM. Hocquard et Billotte pour les éloges faits à l’adresse de la population de Rabastens, il les assure qu’il fera toujours son possible afin d’adoucir les conditions d’existence dans l’exil des expulsés, qui par leur travail donnent l’exemple de courage et de confiance en l’avenir.
On présente alors le doyen des expulsés, M. Arthur Brusseau, à M. Hocquard, qui le félicite. Ayant encore d’autres expulsés à visiter, les instants de nos hôtes étant limités, ils prennent congé de l’auditoire.

Samedi 31 mai 1941
ISERE
ROCHE – ROSSELANGE – WOIPPY
Fête de Jeanne d’Arc. – Les réfugiés de Roche (Isère), originaires de Rosselange et Woippy quoique tardivement invités par la municipalité eurent à cœur de bien célébrer la fête de Jeanne d’Arc. Aussi déposèrent-ils, le 11 mai, une magnifique croix de Lorraine en fleurs naturelles rouges et jaunes, confectionnée par plusieurs d’entre eux au pied du monument aux morts de la commune.
L’emblème de la Lorraine fut porté par deux jeunes réfugiés lorrains escortés de deux Lorraines en costume régional et M. François Laurent, doyen des réfugiés eut l’honneur de le déposer au monument.

TARN
GAILLAC – WOIPPY
Nous apprenons le décès de M. René Flachet, de Woippy. Ses obsèques auxquelles tous les Lorrains de la localité et des environs s’étaient fait un devoir d’assister, ont eu lieu à Gaillac, le 30 avril. Sur la tombe, M. Billotte, en quelques mots retraça la vie de son compatriote qui était décoré de la Médaille de la Fidélité Française. M. Flachet n’était âgé que de 37 ans. A sa veuve ainsi qu’à ses deux enfants nous présentons nos sincères condoléances.
Gaillac a fêté dignement la fête de Sainte Jeanne d’Arc, le dimanche 11 mai. Tous les groupements de jeunesse et les enfants des écoles, ainsi que le groupe de Lorrains de la ville assistèrent au salut aux couleurs, près du monument aux morts. Après cette cérémonie, chaque groupe se rendit individuellement au parc de la ville où un superbe reposoir était dressé pour la messe en plein air. En tête du groupe de Lorrains marchaient plusieurs jeunes filles et fillettes en costume régional, ainsi qu’un drapeau lorrain et le drapeau de l’U. [manque une ligne]…


TARN – LAVAUR
Football. – Le lundi de la pentecôte, 2 juin, au stade municipal, par un bel après-midi et sous les yeux de nombreux spectateurs, le F.C. Vauréen local rencontrait la très vaillante équipe Sélection Lorraine de Lavaur.
Les deux équipes d’à peu près égale valeur, se disputèrent énergiquement la première mi-temps. A la fin de celle-ci, le résultat était de 2 buts à 1 en faveur des jeunes du pays de Metz. La deuxième partie du jeu fut tout autre chose. Les athlètes lorrains jouèrent comme des lions et vers la fin du match, Tisaurin réussit plusieurs beaux buts. Au coup de sifflet final, Sélection Lorraine bat F.C.Vauréen par 5 à 1.
Pour leur belle tenue, tous les joueurs sont à féliciter. Mentionnons quelques Lorrains, l’ex-pro Tisaurin Ch. qui tira à merveille cinq boulets de canon dans la cage et admirons le pro A. Frey qui, avec Pierson défendirent vigoureusement les couleurs lorraines.
Voilà ci-dessous la composition de l’équipe de Lorraine :
Goal : Noisette R., ex-amateur du F.C. Trémery ; arrière-droit : Frey A., ex-pro du C.F.C. Metz, ici pro du F.C.Toulouse ; arrière-gauche : Pierson P., ex-amateur de l’A.S. Ay-sur-Moselle, ici sélectionné du Tarn (U.F.O.L.E.P.) ; demi-centre : Dumser M, ex-amateur de l’A.S. Ay-sur-Moselle, ici au F.C. Lavaur ; demi-droite : Dumser A., ex-amateur de l’A.S. Ay-sur-Moselle, ici au F.C. Lavaur ; demi-gauche : Munier X., ex-amateur du Red Star de Woippy, ici au F.C. Lavaur ; ailier droit : Pierre L., de F.C. Lavaur ; inter-droit : Pierson Ch., ex-amateur de l’A.S. Ay-sur-Moselle, ici au F.C. Lavaur ; avant-centre : Calderara B., ex-amateur du R. Sportif de Maizières-lès-Metz ; inter-gauche : Tisaurin Ch., ex-pro du C.S. Metz ; ailier-gauche : Nockels R., ex-amateur de l’A.S. Ay-sur-Moselle, ici à l’U.S. Gaillac. Entraîneur : M. Gitta J., ex-pro, ancien joueur de l’A.S. Villerupt.

Le carnet familial
Une petite Luce-France est née au foyer de M. Lucien Brice, de Woippy, réfugié à Anglès (Tarn). Nos sincères félicitations aux parents et les meilleurs vœux pour l’enfant.

Samedi 28 juin 1941
TARN
UN FOYER À GAILLAC-SUR-TARN
Le 16 juin dernier a été inauguré, sous les auspices du Secours national, un foyer à l’intention des familles lorraines, résidant à Gaillac.
Assistaient à la cérémonie du côté des autorités locales : M. Garraud, maire ; l’archiprêtre Goffre, président de la Légion ; Lacroux, délégué d’arrondissement du Secours national. Du côté lorrain, le comité au complet sous la présidence de M. Portenseigne, de Woippy.
Chaque famille lorraine était représentée à cette manifestation d’entraide et du souvenir. Au cours de la cérémonie d’inauguration, M. Lacroux adressa des paroles réconfortantes aux Lorrains. M. Portenseigne, président, remercia, en termes émus, les notabilités et les organisateurs du nouveau foyer. La cérémonie se termina par un vin d’honneur du réputé crû de Lorraine. Le nouveau foyer a été dénommé Lorraine-France. Il accueillera tous les Lorrains de la cité et ceux de passage, et d’une manière générale, tous les réfugiés. Nous lui souhaitons bonne chance.
Les coupes furent levées à la France et à Gaillac.

MAZAMET – RETONFEY – WOIPPY
De nouveau la colonie lorraine de Mazamet est plongée dans la tristesse par le deuil cruel qui s’est abattu sur la famille Beauchat, originaire de Retonfey.
Terrassé par une insolation, M. Beauchat est décédé le 20 juin, alors qu’il aidait un cultivateur à rentrer son foin. Le défunt n’était âgé que de 45 ans et laisse une veuve et une petite fille de 7 ans en pleurs.
L’enterrement a eu lieu à Mazamet et a été un témoignage de profonde sympathie pour la famille éprouvée. Toutes les familles lorraines, auxquelles s’étaient joints de nombreux mazametains, suivaient le cortège funèbre précédé par les enfants de l’école lorraine sous la conduite de leur instituteur. Sur le cercueil une magnifique croix, offerte par les camarades du défunt, fut déposée. Ce fut un enterrement tout à fait lorrain. Puissent toutes ces marques de sympathie adoucir un peu la douleur de la famille et que la terre mazametaine lui soit douce en attendant son transfert en terre lorraine. R.I.P.
– D’autre part, nous sommes heureux d’annoncer la naissance d’une petite Lucie au foyer de notre ami Schlouppe Robert, employé aux contributions directes. Nos sincères félicitations aux parents et nos meilleurs vœux pour l’enfant.

Samedi 12 juillet 1941
Le carnet familial
Mariages
Nous apprenons avec plaisir le mariage de M. Paul MANGENOT, agent manipulant des P.T.T. de Woippy, replié à Lyon, avec Mlle Adeline DUPONT, de Marange-Silvange, récemment arrivée. Le mariage a été célébré le 24 mai.
De Rabastens (Tarn) nous parvient l’annonce du mariage de M. René GUSSE, expulsé de Woippy, avec Mlle Marie-Thérèse BILLOTTE, également de Woippy, fille de M. Albert BILLOTTE, le sympathique président du groupement des expulsés de Rabastens, qui aura lieu samedi 12 juillet, en l’église de Saint-Pierre-le-Blanc, à Rabastens (Tarn).

Samedi 19 juillet 1941
HAUTE-GARONNE
LES GENS DE L’EST À TOULOUSE
(…) Le général Bonvallot franc-comtois, le général Matha, de Woippy, les colonels Noettinger et Schmitt, délégués des Ardennes, docteur Ramonet, délégué de Champagne, …

Samedi 2 août 1941
Le carnet familial
Naissances
Bernard-Paul-marie TILLEMENT, fils de Marcel Tillement et de Marie-Louise Schwartz, de Woippy, réfugiés à Castelnau-Barbarens (Gers), né à la maternité d’Auch le 8 juillet 1941. Mariages
Le 19 juillet a été célébré à Millau le mariage de Mlle Claire BOUSQUET, de Montady (Hérault) avec M. Henri Munier, de Woippy.

TARN
GAILLAC- SEMÉCOURT – WOIPPY
Le jeudi 26 juin ont eu lieu les examens du certificat d’études primaires pour les enfants de l’école lorraine. Tous les élèves présentés ont passé avec succès. Ces ont : Monique Aubert (Semécourt), Gabriel Hugy (Norroy-le-Veneur), Yvon Paulin, Christian Gérard et Angèle Vagner, tous trois de Woippy. Nos sincères félicitations aux lauréats et à leur dévouée maîtresse Sœur Lucie-Elisabeth, de Woippy.

MAZAMET – PIERREVILLERS – FAILLY – WOIPPY
Nous sommes heureux d’annoncer le succès remporté par notre école lorraine. Les six élèves présentés au certificat d’études ont été reçues. Ce sont : Calba Bernadette, Linel Marie-Thérèse, Paulin Marie-Thérèse, Pelte Marie-Laure, Pister Fernand, Wilbois Martin.
En outre, quatre élèves ont reçu une lettre de félicitations du Maréchal. Ce sont : Pelte Marie-Laure, Paulin Marie-Thérèse, Wilbois Martin, Schlouppe Annie.
Nous félicitons de tout cœur ces braves élèves, ainsi que leur dévoué maître M. Marlier, du résultat obtenu.
– D’autre part nous sommes heureux de vous annoncer la naissance d’une petite Hélène, au foyer de notre compatriote M. Masson, de Pierrevillers. Nos sincères félicitations aux parents et nos meilleurs vœux pour l’enfant.

(De notre envoyé spécial, par téléphone)
Sur l'incomparable Esplanade que longe le Gave et que domine cette perpétuelle invocation qu'est la Basilique de Lourdes, la Foi Lorraine, en ce samedi 9 août 1941, venait, en participant à l'impressionnante procession du Saint-Sacrement, exprimer ce que respirent les âmes. Et pendant que sur le parvis du Sanctuaire l'ostensoir d'or traçait le signe de la Rédemption sur la multitude agenouillée, une femme de Metz, prosternée à nos côtés, rompit le silence pour murmurer avec ferveur et amour : « Est-elle belle notre Lorraine ! »
Chers amis, qui, de loin, avez assisté par le cœur au pèlerinage diocésain des Lorrains à Lourdes, c'est de cette belle, de cette splendide Lorraine, que nous voudrions vous parler. Mais comment faire traduire par une plume nécessairement disciplinée les sentiments qui débordent, qui s'échappent, non pas en désordre, mais dans un tumulte du cœur, que ne comprennent que les âmes décidées à pratiquer l'Amour jusqu'au sacrifice ?
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« Est-elle belle notre Lorraine ! »
C'est là le résumé de quatre jours de récollection auprès de la Vierge qui ne guérit pas les corps seulement ; c'est l'impression dominante que garderont tous ceux qui viennent de vivre si intensément de très grandes journées de Confiance et de Foi. Ces échos, nous voudrions les voir se répercuter dans la France entière, au-delà même de toutes les frontières, afin qu'éclatât mieux la Vérité que recherchent les hommes et la Justice, dont les peuples ont un si pressant besoin.
La Lorraine de 1941 à Lourdes est un événement d'une portée historique. Ces mots, nous les écrivons avec le calme que requièrent les moments graves dans l'existence. Vraiment, événement historique, parce que l'Histoire de France, si elle a été façonnée de main d'homme, n'a jamais été grande et vraie qu'en tant qu'expression de la volonté d'En-Haut.
Aux contemporains de Clovis, le baptême du roi des Francs a pu apparaître comme une conversion isolée, et les exploits d'une Jeanne d'Arc ont pu se présenter, pour ses compagnons, comme des faits d'armes prodigieux, mais limités dans le temps. Il était réservé à la postérité d'enregistrer la signification véritable de l'acte de Reims et des apparitions de Domremy. Est-il téméraire, à la lumière de l'expérience et de la foi, d'accorder au pèlerinage lorrain de 1941 une portée incalculable et de lui reconnaître une influence sur les destinées futures de la France ?
« Pénitence » a dit la Vierge dans de multiples apparitions sur le sol de France. Au pied de la grotte de Massa bielle ce sont les souffrances et les épreuves de toute une province que les Lorrains ont offertes pour la rédemption et la résurrection d'une patrie passionnément aimée.
- - -
Combien nous étions ? Nous ne pouvons évidemment compter les dizaines de milliers de cœurs qui, dans toutes les zones, s’étaient associés à nos prières et à nos supplications. Il y avait présents à Lourdes quinze mille hommes et femmes de chez nous. – Quinze mille Lorrains devant la Grotte, dans la Basilique, devant la Vierge couronnée ou sur l'Esplanade. Les figures tannées et ridées de nos paysans et nos ouvriers, les mamans des villes et des campagnes, la belle et ardente jeunesse dont les yeux parlaient déjà d'avenir... ce n'était plus Lourdes, c'était la Lorraine entière, reconstituée, solidaire, forte dans sa foi et dans sa confiance, qui, pour quelques jours, avait élu domicile auprès de Celle qui transmet les vœux légitimes et fait exaucer les prières ardentes.
C'est le grand format et la périodicité de notre ancien « Lorrain » qu'il faudrait pour relater en détail les manifestations grandioses auxquelles nous venons de participer. Demandons aux cœurs de lire ce que les yeux ne verront pas imprimé.
Jusque tard dans la nuit de vendredi les cinq trains spéciaux, venus de tous les horizons de la zone non occupée, déversèrent les flots toujours renouvelés de nos pèlerins. Mais, malgré les fatigues du voyage et une nuit blanche pour beaucoup, c'est la totalité des pieux voyageurs qui se retrouve, dès le samedi matin, auprès de la Grotte et dans la Basilique.
La veille au soir, Monseigneur l'Evêque de Metz a présenté le traditionnel hommage de ses diocésains à la Vierge Couronnée. Aujourd'hui, ce sont les milliers de communions, la foule débordant sur le parvis et l'Esplanade, pendant que se célèbre le Saint-Sacrifice.
A 11 heures, nos Lorraines de l'Action Catholique se réunissent à la salle Jeanne-d’Arc pour entendre et saluer la vice-présidente nationale, Mme la vicomtesse de Curel et leur dévouée présidente départementale, Mme Guy de Wendel.
Le soir, c'est aux maires et conseillers municipaux d écouter et d'applaudir leur Préfet, M. Bourrat, leur président du Conseil général, M. Robert Sérot, M Guy de Wendel et M. Gabriel Hocquard, le maire de notre vieille cité messine.
L’après-midi, à l'issue des vêpres, Mgr Heintz avait confirmé 350 enfants de chez nous, dont les parrains et marraines étaient M. Robert Sérot, Mmes de Curel, de Wendel et plusieurs dames de nos paroisses réfugiées.
Et comme une éblouissante broderie traversant ces quatre journées de Foi et d'Espérance, voici la célèbre et si impressionnante procession du Saint-Sacrement, où les jeunes filles costumées en Lorraines parlent de Fidélité, où l'interminable file des hommes témoigne d'une France qui veut vivre ; où l'uniforme vert des Chantiers de la Jeunesse est comme une vivante image du printemps français ; où les chants et les prières traduisent une confiance justifiée, parce que chrétienne.
Quand, à la nuit tombante, la procession aux flambeaux déroule ses immenses anneaux de feu, il nous semble voir précédant et suivant les bannières de Notre-Dame de Metz et de notre Cathédrale, courir la flamme ardente de l'amour qui purifie et conquiert.
Paul DURAND


Plus tard, l'historien essayera de fixez les différentes étapes du calvaire lorrain. Pour être vrai et complet, il lui faudra remonter bien avant ce fatidique mois de juin 1940, alors que la tragédie française ne fût réellement vécue que par les victimes pantelantes de chez nous.
Mais cet historien, fût-il natif des bords de la Moselle, ne pourra que brosser un tableau à gros traits. Il devra nécessairement négliger une multitude de détails qui, pour importants qu'ils soient, allongeraient à l’infini le tableau.
Villages détruits et lueurs d’incendies ? Qu’est-ce que tout cela à côté des cœurs broyés qui, dans les carcasses meurtries, continuent, malgré tout, de battre à se rompre ?
La Lorraine, c’est cette horde-là, sans foyers, sans clochers, n’ayant même plus ses cimetières où les morts, après avoir recueilli le pieux « Requiescat » du dimanche renvoient à leur tâche les vivants : « Fais ce que tu dois ».
Ni l'écrivain, ni l'artiste ne pourront léguer à la postérité l’image exacte de ce cortège de misères morales et physiques, car la détresse des âmes échappe à l’œil le mieux exercé.
- - -
Sera-t-il plus facile de dire ce que fût cet extraordinaire pèlerinage à Lourdes, en ce mois d'août 1941 ?
En relisant notre compte rendu paru dans ces pages, il nous semble n'avoir rien dit. Nous voudrions l'annuler, le recommencer, le compléter par des colonnes entières, pour essayer de faire comprendre à tous nos amis la ferveur exceptionnelle qui, pendant quatre jours, assiégea la Grotte de Massa bielle.
Mais à quoi bon remplir des pages ?
Nous resterons au-dessus de la vérité. Il ne nous serait pas possible de faire comprendre, à d’autres qu’à des Lorrains, la solennelle grandeur des ces assises où des gueux dépouillés de tous biens matériels et torturés dans leurs plus chères affections, ont dit leur bonheur de posséder, malgré tout, un trésor inestimable : leur foi en un Dieu de justice, leur foi en une France dont Pie XII, alors cardinal Pacelli, a souligné la séculaire vocation et toujours actuelle mission dans un monde désaxé.
Cette seule, cette principale constatation doit nous suffire. Alors qu’un peu partout on cherche, discute et propose, la Lorraine, à Lourdes, a montré le chemin que demain, les peuples devront suivre. Mieux : elle a manifesté sa volonté d’instaurer l’ordre chrétien sans lequel nulle paix n’est viable.
L'image de la France de demain n’a pas été évoquée par d’habiles discoureurs. Sur les bords du Gave, on ne camoufle pas les plaies, et quand guérison il y a, c’est une reconstitution complète et définitive des tissus.
Là-bas, ce bout de France qu'est la Lorraine s'est pleinement reconstitué. Nous ne nous lasserons pas de le répéter : certes, il y avait là le premier pasteur tant aimé du diocèse de Metz. Mais à cette émouvante manifestation de nos populations catholiques, il y avait aussi - tous venus spontanément - un préfet de la Moselle, en grand uniforme, un président du Conseil général de la Moselle, un maire de Metz, des élus de nos cantons, de nos arrondissements, du département, des représentants des corps de métiers, de la campagne et des villes, de Metz à Sarreguemines, de Thionville à Château-Salins, en passant par Forbach...
Tout et tous étaient là, pour manifester non pas une vague union entre le spirituel et le temporel, mais pour faire éclater aux yeux de tous, cette vérité qui aveugle : sur la terre de France, les âmes et les corps sont attelés à une même tâche.
- - -
Cette fierté de retrouver la Moselle reconstituée et raffermie à l'ombre de la Grotte, nos compatriotes n'ont cessé de la proclamer pendant les quatre jours de pèlerinage. Leurs prières de chrétiens et leurs vœux de patriotes se sont exprimés cent fois, mille fois, par ce vieux cantique, déjà chanté par nos anciens, les conquérants de jadis :
Entends du haut du ciel
Ce cri de la Lorraines :
Catholiques et Français toujours.
Ces accents étaient une supplication. Ils ont traduit aussi une volonté, cette inébranlable volonté des apôtres que des obstacles peuvent retarder, mais non pas arrêter dans l'accomplissement de leur mission.
« Catholiques et Français toujours » est un cri tellement lorrain, c'est-à-dire tellement vrai, qu'il ne peut être qu’entendu. C'est cette confiance en demain qui nous rend si forts et nous permet, dès maintenant, de travailler avec un joyeux entrain, au relèvement de la France reconstituée.
Paul DURAND.




TARN
LAVAUR – WOIPPY – NORROY – FÈVES
Le groupe des expulses de Moselle a toujours sa place dans les manifestations religieuses et civiles de Lavaur.
Témoin la belle fête de Sainte Jeanne d’Arc, où un chœur parlé retraça les vertus et l’élan de la sainte de la Patrie que représentait une jeune Lorraine, Mlle Madeleine Zimmer, de Woippy. A cette occasion, comme à toutes des manifestations patriotiques, le drapeau du Souvenir français de la section d’Ay-sur-Moselle, rapporté en zone libre par M. Pelte, conseiller d’arrondissement de Vigy, était à l’honneur.
Plusieurs de nos compatriotes s’étaient déjà rendus à Lourdes individuellement ; mais le départ du 8 août revêtit une splendeur inaccoutumée tant à cause du nombre des partants (109) que par le joyeux au revoir que leur criaient ceux qui restaient. Malheureusement, le retour fut marqué par une peine que ressentit bien vivement la famille lorraine de Lavaur. La petite Yvette Reinhardt, âgée de 10 ans et originaire de Fèves, qui relevait d’une grave maladie, avait tenue à aller prier N.-D. de Lourdes avec sa famille. Mais au retour, son état s’aggrava au point qu’elle succomba au matin du 14, après s’être préparée pieusement à la mort. Une nombreuse assistance, tant de Lorrains que de Vauréens apporta le réconfort de ses prières à ses parents éplorés. Les petites filles du groupe des âmes vaillantes et de la Croisade eucharistique portant d’innombrables bouquets entouraient le corbillard et les grandes filles de la Chorale lorraine apportèrent à la cérémonie, le concours de leur chant.
L’officiant était M. l’abbé Holveck, curé de Fèves, tandis qu’à l’orgue ; son père et son frère, professeur au Petit Séminaire de Montigny, remplissaient l’office de chantres.



Samedi 30 août 1941
Le carnet familial
Nous apprenons le mariage de M. Paul SEIGNERT, de Borny, réfugié à Livron (Drôme), avec Mlle Denise TOURNOIS, de Woippy. Le mariage a été béni à Lyon par le R.P. Alphonse, ami de la famille.

Samedi 27 septembre 1941
Le carnet familial
M. et Mme Marcel KLEMAN, de Woippy, réfugiés à Rabastens, rue Colombano (Tarn), sont heureux de faire part de la naissance de leur fille Nicole-Bernadette-Agnès, née le 31 août 1941.

Samedi 18 octobre 1941

TARN
MAZAMET – WOIPPY – FAILLY – RETONFEY – PIERREVILLERS – NORROY
Les Lorrains résidant à Mazamet ne doivent pas rester dans l’oubli. Aussi nous servons-nous de notre ami de toujours « Le Lorrain » pour envoyer quelques nouvelles à nos amis dispersés un peu partout.
C’est avec un serrement de cœur que nous ressentons les premiers froids, car ils nous rappellent les veillées de chez nous, au coin du feu. Mais loin de nous laisser abattre par le découragement, nous essayons de nous organiser pour parer aux difficultés de la mauvaise saison. Des réunions fréquentes sont prévues pour faire le « Carnaval » comme chez nous. Notre amicale se préoccupe déjà de différentes questions : chauffage, vêtements chauds, logements. La municipalité et le Secours national ont compris nos besoins. Nous les en remercions par la voie de notre journal.
Tous nos compatriotes travaillent soit aux Eaux et Forêts, soit dans les fermes. Certaines familles ont préféré les avantages de la vendange.
Nos enfants ont passé d’excellentes vacances à la montagne, et depuis la rentrée notre école lorraine a ouvert ses portes. Elle groupe 32 élèves qui, nous espérons, obtiendrons autant de lauriers que l’an dernier.
Malheureusement, un nouveau deuil nous a frappés en la personne de Mme veuve Dodenval, expulsée de Norroy-le-Veneur ; Comme sa mère Mme veuve Huguet, décédée peu de temps après notre arrivée, elle repose ici en attendant son transfert en terre lorraine. Que la famille trouve ici nos condoléances émues. M.M.

Samedi 1er novembre 1941
ISERE
ROCHE – WOIPPY
Service du bout de l’an. – La samedi 22 novembre, à 9 h. 30, sera célébré en l’église de Roche, un service du bout de l’an pour le repos de l’âme de M. Arnould, expulsé de Woippy et mort pour la France, en gare de Mâcon.
Avis aux expulsés de Woippy de s’y unit par leurs prières.

Samedi 15 novembre 1941
Nouvelles de chez nous
Construction de 150 habitations à bon marché dans la banlieue de Metz
Depuis quelques semaines a commencé la construction de 150 habitations à bon marché qui d’élèveront des deux côtés de la route entre Devant-les-Ponts et Woippy. On compte achever le gros œuvre avant le début de l’hiver. Le style de ces maisons est purement allemand, nous apprend la « Metzer Zeitung ». Il s’agit de logements à quatre pièces et couvrant 100 mètres carrés. Chaque habitation comprend en outre un jardin d’environ six ares, une cave, une mansarde, etc., un abri contre les bombardements. Les plans de cette colonie sont dus à la « Heimatstaette Westmark », à Neustadt, qui exécute également les travaux.

Le carnet familial
Décès
Mme veuve Achile GERARD, née Alice Michel, réfugiée de Woippy, est décédée à Mirepoix-sur-Tarn (Haute-Garonne) le 8 novembre 1941 à l’âge de 76 ans.

Samedi 2 novembre 1941
Le carnet familial
Mariages
Le 25 octobre a été béni en l’église Notre-Dame de Bon-Secours à Lyon, le mariage du maréchal des logis chef Benoît BADE, fils de M. et Mme Lucien Badé, expulsé de Secourt, actuellement à Ribérac (Dordogne), avec Mlle Marie-Thérèse GIGLEUX, fille de M. et Mme Charles Gigleux, expulsés de Woippy, actuellement à Lyon.

Samedi 29 novembre 1941
Le carnet familial
Décès
M. Eugène CHARAUX, réfugié de Woippy, résidant à Castelnau-Barbarens (Gers), est décédé à Auch (Gers), le 18 novembre 1941, à l’âge de 70 ans.

Samedi 6 décembre 1941

Saint Nicolas

TARN
LAVAUR – AY-SUR-MOSELLE – FÈVES – NORROY-LE-VENEUR – WOIPPY – METZ
Dimanche 16 novembre 1941… premier anniversaire de notre départ de Lorraine ! N’était-ce pas suffisant pour que cette journée fût choisie par le groupement des expulsés lorrains de Lavaur pour la célébration de la fête du Souvenir :
- Souvenir … mentable que nous vécûmes là-bas, dans nos villages, il y a un an exactement, jour pour jour.
- Souvenir de nos morts bien-aimés, sur la tombe desquels nous n’avons pu prier à la Toussaint, et qui, dans les modestes cimetières de nos coteaux et de nos vallées, gardent la terre et veillent, en attendant patiemment l’heure de la relève.
- Souvenir surtout de nos morts glorieux, tombés pour la défense du sol sacré de la patrie, héros, dont les mausolées et les plus humbles croix se dressent si nombreux sur notre terre de Lorraine.
Donc, ce dimanche, jour du Souvenir, les fidèles, Lorrains et Vauréens se rendent à l’office religieux célébré en l’honneur de nos morts, à l’Eglise Saint-François. Une foule imposante et recueillie a déjà pris place quand la cérémonie commence.
Au premier rang de l’assistance, on remarque M. le Commandant de Saint-Salvy, maire nommé de Lavaur, entouré de MM. les adjoints, des membres du Conseil municipal, des délégations importantes de la Légion et de la Croix-Rouge, et de nombreuses personnalités. Leur présence est un témoignage de profonde sympathie à l’égard de nos expulsés lorrains. La messe est dite par M. le chanoine Chabbert, curé de Saint-Françoais. M. l’abbé Holveck, curé de Fèves, prononce le sermon de circonstance. En un langage vivant et persuasif qui émeut jusqu’aux larmes nos Lorrains et impressionne vivement tout l’auditoire, il évoque les cimetières de nos villages, nos nécropoles militaires, les croix de ceux qui sont tombés loin du sol natal dans l’accomplissement du devoir. Avec éloquence, il tire des souffrances et du sacrifice de tous nos morts, la leçon d’abnégation, de courage civique, de foi en Dieu, vertus qui nous mènent à pratiquer la devise du Maréchal : « Travail, Famille, Patrie », par laquelle la France renaît. La quête est faite par deux charmantes jeunes filles, Mesdemoiselles Luce Junck et Hélène Dumser, costumées en Lorraine et Alsacienne. L’office se termine par le psaume « des Morts abandonnés » chanté par un chœur mixte de Lorrains.
Au sortir de la messe, un émouvant cortège se déploie et s’organise derrière le drapeau de la Section du Souvenir Français d’Ay-sur-Moselle, porté par M. Pelte et entouré d’une garde d’honneur. Seize petites Lorraines faisant un tableau touchant suivent le drapeau, puis viennent les enfants de la paroisse, les autorités, le groupe des expulsés Lorrains au grand complet et une foule nombreuse qui a tenu à se joindre à nous.
Le cortège se dirige par les Allées du Maréchal-Pétain vers le Monument aux Morts de la ville. Le temps sans être maussade, est tout de même triste.
Le drapeau et son escorte s’arrêtent bientôt, face au Monument, les fillettes lorraines se partagent de chaque côté en deux groupes charmants, la foule afflue. M. Junck Ch., président du groupement des expulsés, dépose une magnifique gerbe de chrysanthèmes au pied du monument et tandis qu’il le salue en un impeccable garde à vous, dans un silence solennel, la sonnerie aux Morts retentit. Le président invite les assistants à prier pour nos morts, pour ceux tombés au Champ d’Honneur, puis, dans un geste d’hommage et de reconnaissance, il prononce une noble et émouvante allocution.
Devant le monument, ses paroles sont poignantes, les cœurs serrés battent avec intensité, les yeux chargés de larmes contenues brillent. Mais ce ne sont point des larmes de miséreux dont on vient de rappeler les longs jours de souffrance. Non ! Ce sont des larmes de fierté : fiers d’être Lorrain, fierté de ceux qui ont prouvé au monde que l’amour de la patrie n’est pas un vain mot, fierté d’être de ces Français qui proclament leur foi ardente en Dieu et dans la France éternelle.
Une vibrante « Marseillaise » clôture cette belle manifestation du Souvenir. Le couplet du Maréchal est chanté par les enfants de l’école lorraine, sous la direction de leur dévoué instituteur, M. Valentin, et le refrain repris avec ferveur par toute l’assistance.
En cette douce matinée d’automne, les expulsés lorrains, plus solidaires et plus unis que jamais, auront puisé dans cette cérémonie grandiose le courage nécessaire pour affronter les rigueurs de l’hiver déjà proche et l’espoir certain d’un avenir meilleur.

Samedi 13 décembre 1941
Le carnet familial
Mariages
On nous annonce le mariage de M. Raymond LANG, fils de M. et Mme Alphonse Lang, expulsés de Woippy, avec Mlle Marie-Claire MEYRARD, résidant à La Condamine-Châtelard (Basses-Alpes). La bénédiction nuptiale leur a été donnée en l’église des Piennes-Mirabeau le 6 décembre 1941.

GERS
LECTOURE – SAULNY
Il y a longtemps que Saulny, « le pays des fraises par excellence », n’avait plus donné de ses nouvelles à ses amis par la voie de notre cher « Lorrain ».
Il y a un an que nous avons quitté notre petit village pour venir nous réfugier à Lectoure, après avoir passé plus d’un mois dans des baraquements enfumés à l’Isle-Jourdain. Maintenant, tout le monde s’est déjà refait un petit « chez soi » à peu près semblable (!) à celui que nous avons quitté avec tant de peine.
Ici à Lectoure, nous sommes environ 140 personnes de Saulny ; le reste est disséminé à St-Gervais d’Auvergne, l’Isle-sur-Tarn, Masseube, Albi, Aix-les-Bains, et un groupe de sept ou huit familles s’est installé à Saint-Etienne et aux environs ; le reste se trouve à Beaulieu (Ardèche).
(…)

Samedi 27 décembre 1941
Le carnet familial
Naissances
M. et Mme André HAMES, expulsés de Woippy, sont heureux d’annoncer la naissance de leur seconde fille, Josette-Marie-Marguerite, à Thoram-Haute (Basses-Alpes).


Petits souvenirs du Sud-ouest

Date et lieu inconus.
A gauche, le drapeau du Souvenir Français de la section d'Ay-sur-Moselle, à droite, celui de Hagondange.



Lavaur (Tarn), devant le Palais de justice. Sans date.


Gaillac (Tarn) - Année scolaire 1941-1942.
Soeur Lucie -Elisabeth avec des enfants d'Ay-sur-Moselle, de Norroy-le-Veneur, Hagondange et Woippy.

(Document ASCOMEMO-Hagondange)

(1) Jeanne BOLSIGNER, (2) Yvette DUMONT, (3) Lucette MANSUIT, (4) Soeur Lucie-Elisbeth, (5) Yvonne BIHR, (6) Monique CHEVREUX, (7) Yvonne PETIT, (8) Jean DUMONT, (9) - HUGY, (10) Colette PILLA, (11) Jean-Marie VALENTIN, (12) Eliane GÉRARD, (13) Marie LOCATELLI, (14) Geneviève WAGNER, (15) Paulette HUGY, (16) Suzanne DEISS, (17) Georgette HUGY, (18) -?-, (19) René HELLER, (20) Marcel TAILLEUR, (21) Bernadette PAULIN, (22) Monique AUBERT, (23) Maurice DUMONT, (24) Claude DELLINGER, (25) Roland MANSUIT, (26) Ginette HELLER.
 

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