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  Dernière mise à jour : 9 octobre 2015

Woippy et la Révolution française
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La vente des biens du clergé - L'assignat.

A la fin de l’Automne 1789,1a situation financière de la France est catastrophique ; crise économique et crise politique font que l'argent se dérobe.
Deux emprunts viennent d'échouer coup sur coup : le 4 1/2 % d’août et le 5 % émis quelques semaines plus tard. On ne peut compter sur les dons patriotiques, multiples sans doute mais de rapport dérisoire.
La contribution patriotique du quart du revenu votée le 6 octobre rapporte peu. Tous les moyens classiques de rentrée d'argent étant épuisés, il ne reste plus à la Révolution que les moyens révolutionnaires, elle va nationaliser les biens du clergé.
L’église possède dans les villes un opulent patrimoine d'immeubles et de terrains, mais l'essentiel est agricole et la redistribution présente un immense intérêt politique et social ; ce sera, sur le marché de la terre un afflux sans précédent d'offres à la disposition des acheteurs bourgeois et paysans. La défense du clergé est évidemment très forte sur le terrain du droit, des biens sont en sa possession depuis treize siècles au moins, il a géré, aliéné, obtenu des jugements. L’état lui-même a reconnu cette propriété depuis des décennies.

Le 2 novembre 1789, l'Assemblée met les biens ecclésiastiques « à la disposition de la nation ».

Sur ce fabuleux trésor de 2 à 3 milliards de livres, représentant 3 à 5 annuités du budget des dépenses, on peut tirer des bons, des titres et de nouveaux emprunts à court terme (décret du 19 décembre 1789). Mais, seule la vieille clientèle limitée des porteurs de rescriptions et d'assignations est touchée et l'expérience échoue. Et à l'assignat bon du trésor, se substitue l'assignat monnaie, les décrets des 17 avril, 29 septembre et 8 octobre 1790 lui donnent progressivement sa forme. A la fin 1792, début 1793, les biens du clergé ont été pour la plupart tous enlevés ; les ventes ont eu lieu aux enchères, la bourgeoisie qui payait comptant enlève tout de suite les gros morceaux difficilement partageables tels que des ensembles biens équilibrés de bâtiments, de terres labourables et de prés. Les lots pouvant être divisés permettaient les petites soumissions et les enchères touchèrent une très large clientèle.

L'acquéreur de lots agricoles bénéficie de facilités de paiement : 12 % comptant seulement pour les champs, prairies, vignes, bâtiments d'exploitation ; le reste en 12 annuités avec intérêt de 5 %.
L'opération n'est cependant pas à la portée de tous, mais le monde paysan jouira quand même plus de la terre en qualité de fermiers ou de métayers ; une des revendications première de la Révolution.
Quant à l'assignat, tout ne se passe pas comme prévu : mauvaises récoltes de 1791 (puis plus tard 1794), remboursement de dettes, événements politiques, hausses des prix agricoles, hausses du prix du blé et du pain, la misère...
L'assemblée abaisse le taux d'intérêt de l'assignat de 5 % à 3 % et décide que les assignats auraient non seulement cours légal, mais cours forcé. Mirabeau fit voter une nouvelle émission de 800 millions (la première avait été de 400 millions), peu après l'intérêt était supprimé. De 1790 à 1796, le total des émissions s'élèvera à 45 milliards 578 millions. La dépréciation des assignats devint telle qu'ils perdirent jusqu'à 97 %. Toutes les mesures destinées à maintenir au papier-monnaie une valeur factice échouèrent, même la création de mandats territoriaux, échangeables au pair contre des pièces de terre.
Après avoir renoncé au cours forcé, l'état dut abolir le cours légal et la planche aux assignats fut brisée le 23 décembre 1796.
 




La vente de biens nationaux à Woippy
(Bibliographie ..., René Paquet, pages 1262 à 1276)

- MINET, habitant de Woippy, achète le 5 mars 1791, au prix de 3.050 livres (sur une mise à prix de 941 l. 6 s. 6 d.), une maison avec terres et jardins, le tout situé sur le territoire de Woippy, provenant des religieuses de Sainte-Claire de Metz.
- MELIN, ex-bénédictin de Mouzon, achète le 12 mars 1791, au prix de 21.000 livres (sur une mise à prix de 6.410 l. 5 s.), des vignes situées à Woippy, provenant du chapitre de la cathédrale.
- LAPOINTE, habitant de Woippy, achète, le 24 mars 1791, au prix de 15.100 livres (sur une mise à prix de 3.564 l.), des vignes, situées à Woippy, provenant des Trinitaires, de Metz.
- POULMAIRE, habitant de Woippy, et BERTIN, habitant de Mars-la-Tour, achètent le 29 mars 1791, au prix de 35.300 livres (sur une mise à prix de 16.400 livres), des terres situées à Woippy, provenant du chapitre de la cathédrale.
- POULMAIRE, habitant de Woippy, achète, le 29 mars 1791, au prix de 5.000 livres (sur une mise à prix de 1.320 l. 8 s.), des terres et prés situés à Woippy, provenant du chapitre de la cathédrale.
-DELATTE, laboureur à Woippy, achète, le 19 avril 1791, au prix de 41.100 livres (sur une mise à prix de 14.500 l.), des terres situées à Woippy, provenant du chapitre de la cathédrale.
- BOULAND, cafetier à Metz, achète, le 2 mai 1791, au prix de 1.650 livres (sur une mise à prix de 1.482 l. 5 s.), un pressoir, situé à Woippy, provenant du chapitre de la cathédrale ; le même, achète, le même jour, au prix de 650 livres (sur une mise à prix de 342 l. 12 s.), une grange, à Woippy, provenant du chapitre de la cathédrale.
- LAPOINTE, habitant de Woippy, achète, le 5 mai 1791, au prix de 19.300 livres (sur une mise à prix de 10.000 l.), le moulin à eau, de Woippy, provenant du chapitre de la cathédrale.
- GARRY, l’aîné, habitant de Metz, achète, le 14 mai 1791, au prix de 50.000 livres (sur une mise à prix de 20.854 l. 4 s.), des terres situées à Woippy, provenant du chapitre de la cathédrale.
- BOULAND, cafetier à Metz, achète le 19 mai 1791, au prix de 33.900 livres (sur une mise à prix de 14.975 l. 8s.), des terres situées à Woippy, provenant du chapitre de la cathédrale.

- FRONCIN Nicolas, curé de Kœnigsmacher, élu évêque constitutionnel de la Moselle le 13 mars 1791, achète le 26 avril 1792 la demeure « de Besse », chanoine et grand chantre de la cathédrale (en face du château, route de Briey), au prix de 14.852 livres (d’après un acte de vente du 10 floréal an 11 - 30 avril 1803, ADM 350 U 2).

- Jean-Baptiste Gossin et Anne-Rose Demarre, adjudication du 27 décembre 1791 réalisée par le district de Metz comme domaine national dépendant du trescens dit sous la Fontaine, de Claude Joseph Nicolas Fériet, ci-devant chanoine de la cathédrale de Metz.

- Albert Delatte et Anne Chamois, le pressoir et la maison en haut de Nachy, acquis le 1er août 1792. Appartenaient à Claude François Gossin, prêtre administrateur de la paroisse d’Osches, district de Verdun.



Les biens des émigrés ayant quitté la France depuis le 1er juillet 1789 étaient confisqués par le décret du 30 mars 1792. Quelques mois plus tard, la vente en était autorisée.
Voici un document daté du 8 thermidor de l'an 6 : vente d'un terrain d'une contenance de sept jours de terre ou environ, situé au Ban-Saint-Martin provenant de l'émigré P.?.

ADJUDICATION
DE
DOMAINES NATIONAUX

Cejourd'hui huitième jour du mois de thermidor de l’an six de la République française, une et indivisible, neuf heures du matin. Nous Administrateurs du département de la Moselle, étant dans la salle ordinaire des adjudications des domaines nationaux, dont la vente est ordonnée par les lois des 16 brumaire an 5, 16 et 24 frimaire an 6, pour y procéder, au nom du Commissaire du Directoire exécutif près le département de la Moselle, avons annoncé qu’en exécution desdites lois, il alloit être procédé aux secondes publications et à l’adjudication définitive des Biens ci-après désignés, dont les premières publications ont été faites le 3ème du présent mois et qui sont contenues en l’affiche qui a été publiée et apposée à cet effet dans tous les lieux prescrits par la loi, ainsi qu’il est justifié par les certificats représentés par le Commissaire du Directoire exécutif, lesquelles publications et adjudications seront faites à l’extinction des feux et aux clauses, charges et conditions qui suivent.
A R T I C L E  P R E M I E R
Conformément aux articles XI, XII, XIII et XIV de la loi du 16 brumaire an 5, les acquéreurs payeront le prix de leur adjudication de la manière suivante : un dixième en numéraire, moitié dans les dix jours et avant la prise de possession, et moitié dans six mois ; quatre dixièmes en quatre obligations ou cédules, payables une, chaque année, dans les quatre suivantes et produisant cinq pour cent ; ces cinq dixièmes, en valeur numéraire, seront réglés par le montant de la première offre ou de la mise à prix, tellement qu'un domaine estimé 2.000 francs de revenu mis à l'enchère sur une première offre de 30.000, l’acquéreur payera 1.500 francs dans les dix jours, 1.500 francs dans les six mois, et les 12.000 fr. restans en quatre obligations de 3.000 francs chacune, payables avec les intérêts à 5 pour 100 d’année en année, le tout en numéraire ; quant aux 15.000 francs restans et à la somme qui excédera la première mise de 30.000 francs, ils pourront être acquittés avec des ordonnances des Ministres, délivrées jusques au jour de loi du 2 fructidor an 5, pour fournitures faites à la République, ou en bordereaux de liquidation de la dette publique ou des émigrés, en bons de réquisition, bons de loteries et ordonnances, ou bons de restitution des biens des condamnés, ou d'indemnité de pertes occasionnées par la guerre dans les départemens frontières, et dans ceux de l'Ouest ; bons de trois quarts d'intérêts ou en inscriptions sur le grand-livre de la dette perpétuelle, calculées sur le pied de vingt fois la rente. La partie du prix payable en effets de la dette publique, sera remise à la trésorerie nationale dans les trois mois de la vente, et incontinent après cette remise les acquéreurs en justifieront au receveur des domaines de Metz, en lui remettant les récépissés de la trésorerie pour valeur desquels ce receveur leur délivrera des quittances comptables.
Les quatre obligations ou cédules à fournir par les acquéreurs seront souscrites par eux au département avant la délivrance de l'expédition du procès-verbal d'adjudication, sans laquelle les acquéreurs ne pourront entrer en possession.
Conformément à la loi du 2ventôse an 5, les récépissés de la trésorerie nationale, motivés pour le quart du second semestre de l’an 4 des arrérages de rentes et pensions, payables en numéraire, pourront être admis des acquéreurs en paiement comme numéraire.
Après le premier germinal an 6, les récépissés de la trésorerie, motivés pour le quart des rentes et pensions du premier semestre de l’an 5, seront également reçus des acquéreurs comme numéraire.
II
Les acquéreurs feront successivement les fonds de chacune de leurs obligations aux époques fixes de leur échéance entre les mains du receveur des domaines de Metz, qui ne pourra s'en dessaisir qu'en celles du porteur de chaque obligation, à peine de revente du bien à la folle enchère desdits acquéreurs soumis au surplus aux autres dispositions de la loi.
III
Indépendamment du prix de l'adjudication, les acquéreurs seront tenus, suivant l'article II de la loi du 16 frimaire an 6, d'acquitter en numéraire le droit d'enregistrement, à raison de 10 centimes (2 s numéraire) par 100 fr. sur le prix entier de l'adjudication, et de consigner entre les mains du secrétaire général du Département un millième en numéraire ou un franc par chaque mille francs du prix total de l'adjudication, suivant l'art. III de lad. loi ; ils payeront, en outre, entre les mains du secrétaire général, les vacations, tant des experts que des Commissaires du Pouvoir exécutif près des Administrations municipales, qui ont coopéré aux estimations des biens, suivant la taxe qui en sera faite par les Administrateurs du Département, et ils feront le remboursement des frais d'enregistrement et de papier timbré des procès-verbaux d'estimation, de ceux des premières séances d'enchères et des adjudications définitives, ainsi que les frais de ports des affiches.
IV
Les acquéreurs de maisons, usines, bois de futaie et bois taillis et d'étangs, ne pourront faire aucune démolition, coupe de bois ni pêche d'étangs, avant d'avoir soldé le prix entier de la vente, et ce à peine d'exigibilité de ce qui restera dû, à moins qu'ils n'en aient obtenu l'autorisation de l'Administration de Département, sur l'avis de l'Administration municipale, auquel cas ladite autorisation sera à la charge de donner bonne et valable caution.
V
Les fermages des propriétés rurales et les loyers ou canons de tous autres biens seront acquis aux adjudicataires proportionnellement, et à compter du jour de l'adjudication, en conformité de la décision du Ministre des finances, du 3 ventôse an 6, les sommes payées d'avance par les locataires, avec imputations sur les six derniers mois de leurs jouissances, sont à restituer au propriétaire actuel. La République ne peut être tenue de restituer que les seules valeurs reçues ; en conséquence la liquidation doit s'en faire au cours du jour où les payemens par anticipation ont eu lieu. Cette clause n'aura son effet qu'à compter du 9 floréal an 6. L'année relative aux canons de biens ruraux se précomptera par récolte du 12 nivôse au 11 nivôse suivant.
Lorsque l'adjudication aura lieu dans les six premiers mois de l'année, c'est-¬à-dire, avant le premier germinal, la contribution entière de l'année sera acquittée par l'acquéreur ; au contraire, lorsque l'adjudication se fera postérieurement au premier germinal, c'est-à-dire, dans les six derniers mois, la contribution de l'année restera en totalité à la charge de la République.
VI
L'expédition entière de l'acte d'adjudication ne sera délivrée aux acqué¬reurs qu'après qu'ils auront justifié par certificat, soit de leur municipalité, soit du percepteur des contributions de la commune ou de l'arrondissement, qu'ils ont fait la déclaration de la nature et de la contenance des immeubles à eux vendus, afin que lesdits immeubles se trouvent compris, sous le nom des nouveaux propriétaires, dans les états de section, et par suite au rôle de la contribution foncière, pour l'année courante, si l'adjudication leur a été faite antérieurement au 1er. germinal ou pour l'année suivante, si elle n'a eu lieu que postérieurement à cette époque.
VII
Les déclarations d'amis ou de commands qui ne seront pas faites dans les 24 heures et les reventes, seront assujéties à la perception ordinaire du droit d'enregistrement fixé par la loi du 14 thermidor an 4.
VIII
Les acquéreurs laisseront jouir les fermiers actuels aux conditions de leurs baux, sauf l'action en résiliation accordée par la loi du 13 frimaire an 2.
IX
Ils prendront les biens dans l'état où ils sont, sans pouvoir par eux exiger aucune indemnité pour défaut de mesure, dégradations et détériorations quelconques, sinon contre le fermier, ainsi que la nation aurait pu le faire elle-même aux droits de laquelle ils sont subrogés, mais sans aucun recours, à cet égard, contre la République.
X
Les biens sont vendus avec leurs servitudes actives et passives, francs de toutes dettes, rentes foncières, constituées ou hypothéquées, et de toutes ¬charges et redevances quelconques.
XI
Ils ne pourront exiger d'autres titres de propriété que ceux qui pourront leur être remis amiablement, pareillement sans aucun recours contre la République, pour raison desdits titres, ou pour erreurs dans les tenans et aboutissans, mesure et contenance énoncées en la présente vente ; lesdits biens étant vendus tels qu’en ont joui ou dû jouir les précédens fermiers ou ceux dont ils proviennent.
XII
Tout citoyen qui voudra enchérir, justifiera qu'il est imposé au rôle des contributions, ou à défaut de pouvoir faire cette justification, il déposera entre les mains du secrétaire général du Département le premier terme de paiement d'après la première mise à l'enchère.
XIII
L'enchère ne pourra être moindre de 5 francs, lorsque l'objet sera de 100 francs, de 25 francs, depuis 1.000 francs jusques à 10.000 francs, et de 100 francs au-dessus de 10.000 francs.
XIV
En conséquence des dispositions de 1'Arrêté de l'Administration centrale du 4 ventôse dernier, les acquéreurs, indépendamment du prix de leurs adjudications et frais accessoires, seront tenus de payer comptant à l'instant de la signature de l'adjudication qui leur sera faite, la somme de trente-quatre sols pour les frais de l'opposition qui doit être formée par le Commissaire du Directoire exécutif, en exécution de l'art. V de la loi du 16 brumaire an 5.
XV
Suivant l'art. CIII de la loi du 9 vendémiaire de l'an 6, et l’art. 89 de la loi du 24 frimaire même année, tout propriétaire de rente, soit perpétuelle, soit viagère, pourra payer le prix de son acquisition à dater du jour de la publication de ladite loi de la manière suivante :
La portion dudit prix payable, tant en numéraire qu'en obligations pourra être acquittée avec le tiers de l'inscription conservée par la présente loi, mais dans le mois de l'adjudication, et le surplus, tant avec les bons de remboursement provenant de ladite inscription, qu'avec tous bons semblables et tous autres effets de la dette publique, suivant qu'il est expliqué article premier du présent procès-verbal.
Dans les trois mois du jour où le remboursement des bons de deux tiers se fera à bureau ouvert, tout acquéreur autorisé à payer en effets de la dette publique ne le pourra que dans ces termes.
Suivant les articles 26, 27, 31 et 72 de ladite loi du 24 frimaire an 6 , les créanciers de la République pour le service de l'an 5, et les porteurs d'ordonnances, délivrées par les ministres et autres ordonnateurs pour le même service de l'an 5, jouiront du même droit d'en employer le tiers pour la première partie payable en numéraire et obligations , et les deux autres tiers pour la partie payable en effets publics, sous les mêmes délais, en les convertissant en récépissés ou bons de la trésorerie, et sous les autres conditions de ladite loi.
CONDITIONS PARTICULIERES.

Desquelles charges, clauses et conditions nous avons fait donner lecture aux curieux assemblés.
Lecture également faite de l’affiche, avons fait publier
Sept jours de terre ou environ en une pièce, située Ban-St-Martin, commune de Devant-les-Ponts, canton de Lorry-lès-Metz, provenant de l'émigré P.?.., par procès-verbal du 28 ventôse an 6, valeur de Quatre mille deux cent francs, dont le quart déduit, il reste pour première mise Trois mille cent cinquante francs. Ladite vente faite à la folle enchère du Sr A.?. père, résidant à Metz, déclaré déchu du bénéfice ... l'adjudication qui lui a été faite le 25 germinal dernier par notre arrêté du 11 messidor aussi dernier, après 1ère sommation prescrite par la loi, à lui faite, les 8 et 27 prairial dernier,
et personne n’ayant enchéri, avons fait allumer le premier feu, pendant lequel le prix du bien ci-dessus désigné, a été porté à la somme de Cinquante mille francs par le citoyen Beaudouin,
ledit feu éteint, nous avons fait allumer un 2ème et dernier feu, lequel s’étant éteint sans enchère, l’Administration centrale a adjugé et adjuge audit citoyen François Beaudouin comme dernier enchérisseur les biens ci-dessus spécifiés et désignés, moyennant le prix et somme de Cinquante mille francs, formant le montant de la dernière enchère, aux charges, clauses et conditions ci-dessus, et celles portées par les lois ; laquelle adjudication ledit citoyen
François Beaudouin, demeurant à Metz, a dit être pour et au profit du citoyen Pierre Charles Lajeunesse, secrétaire en chef dudit département, résidant à Plappeville, lequel présent, en a accepté la propriété tant pour lui, que pour la citoyenne Elizabeth B.?. son épouse, chacun pour moitié, pour eux et leurs héritiers ou ayant cause, moyennant la susdite somme de Cinquante mille francs, qu'ils se sont soumis solidairement à payer conformément aux lois.
Fait à Metz lesdits jour, mois et an.
Signatures



Que se passe-t-il lorsque les émigrés rentrent en France et découvrent que leurs biens ont été vendus et que les nouveaux propriétaires occupent les lieux ???
 
Les Cahiers Lorrains
Mai 1931 (p.80-83)
 
RATIFICATION D'UNE VENTE DE BIEN D'ÉMIGRÉ PAR LA FAMILLE DÉPOSSÉDÉE
(Metz, rue d'Asfeld)

Quand Louis XVIII et ceux des émigrés qui lui étaient restés fidèles rentrèrent en France en 1814, ils s'imaginèrent pendant quelques mois - ou du moins quelques semaines - recouvrir sans peine leurs biens vendus. Les craintes des acquéreurs, pensaient-ils, étaient si vives que ces détenteurs du bien mal acquis ne songeaient qu'à restituer ou du moins à transiger avec les anciens propriétaires.
Ceux-ci se flattaient de voir se multiplier les accords de ce genre, dont quelques-uns avaient été signés, en effet, dans la période d'effarement qui suivit la chute de l'Empire. Dès le milieu d'avril, par exemple, le Journal de la Moselle insérait une proclamation ou plutôt une sorte d'ordre du jour publié par le gouvernement royal :
« A l'égard des propriétés, le roi, qui a déjà annoncé l'intention d'employer les moyens les plus propres à concilier les droits et les intérêts de tous, voit les nombreuses transactions qui ont eu lieu entre les anciens et les nouveaux propriétaires, rendre ce soin superflu. Il s'engage maintenant à interdire aux tribunaux toutes procédures contraires aux dites transactions, à encourager les arrangements volontaires, et à donner lui-même, ainsi que sa famille, l'exemple de tous les sacrifices qui pourront contribuer au repos de la France, et à l'union sincère des Français. » (1)
Jusqu'alors, en effet, les anciens propriétaires n'avaient pu vendre que clandestinement leur désintéressement aux acquéreurs de biens nationaux : il était interdit de faire enregistrer de tels actes toujours suspects d'avoir été extorqués par le chantage ou la menace. Ce n'était donc pas seulement les rachats que le roi entendait favoriser, mais tous les accommodements entre anciens et nouveaux propriétaires : la justice allait, par ordre, fermer les yeux sur des transactions naguère encore prohibées. En fait, jamais des instructions officielles ne furent données aux magistrats pour satisfaire au désir royal, jamais non plus les acquéreurs de biens d'émigrés ne consentirent en masse, soit à restituer, soit à revendre, soit à acheter la renonciation de l'émigré dépouillé. Les ultras firent grand bruit de quelques gestes qui répondaient à leur désir, mais l'ébranlement général qu'ils escomptaient ne se produisit pas. Les publicistes royalistes, alors fort bruyants, tentèrent aussi de faire de la restitution une obligation de conscience pour l'acquéreur : « Si tous..., dit l'un d'eux, obéissant volontairement à cette loi universelle (la conscience), qui leur parle à eux comme à nous, se déterminaient, comme on en voit tous les jours des exemples, à transiger avec les anciens propriétaires, rien de mieux pour la société : toute chose se replacerait dans l'ordre et la conscience se réconcilierait avec la possession. S'ils refusent d'accomplir ce que leur prescrit la morale, nul n'a le droit de les y contraindre ; leur possession est inattaquable devant la justice humaine. Dieu seul est leur juge. Voilà les vrais principes. Jamais de telles maximes ne troubleront la tranquillité publique. »
(1) Journal de la Moselle, 1814, n° 4, p. 3.
(2) Il est possible, il est vrai que souvent, derrière la promesse de telle ou telle somme, mentionnée dans les actes de l’enregistrement, il y ait des clauses de cession ou de ratification qui nous échappent. Un dépouillement complet des registres de l’enregistrement avec étude de tous les cas litigieux exigerait un effort disproportionné au résultat probable.
(3) Arch. dép. Moselle 72 Q 23, Bureau de Metz : actes sous seing privé, 1er octobre 1813 au 17 décembre 1814, fol. 179 v.-180 r. – Reçu 12 francs.

Ces objurgations ne rencontrèrent en général que des oreilles sourdes et des cœurs hostiles. Les premières semaines de la Restauration une fois passées, les acquéreurs, rassurés par l'absence de mesures officielles dirigées contre leur sécurité, n'écoutèrent plus qu'avec dédain les discours intéressés qui leur conseillaient le renoncement : très rares sont les transactions postérieures au mois de juin ou juillet 1814. Le nombre de celles qui sont connues se chiffre, pour toute la France, par quelques unités (2). Celle que nous publions et qui concerne une maison de la rue d'Asfeld, à Metz, est parmi les plus tardives (11 août 1814). Mais elle nous paraît surtout intéressante en ce que ses auteurs invoquent les intentions du Roi auxquelles ils se disent heureux de satisfaire. Cet acte fut d'ailleurs régulièrement enregistré et tout indique que les deux parties en furent également satisfaites. En voici le texte intégral, extrait du registre des actes sous seings privés enregistrés au bureau des Domaines de Metz (3) :
 
« Je soussigné François-Philippe-Gaston, comte de Rosières, tant en mon nom qu'un qualité de fondé de pouvoir de dame Marie-Thérèse de Raigecourt, mon épouse, du moi autorisée, héritiers pour un cinquième de Mme Marie-Joséphine de Saint-Ignon, veuve de M. de Raigecourt (4) suivant sa procuration du 27 juillet dernier reçus par Mre Lacretelle et son collègue, notaires royaux à Pont-à-Mousson,
« De M. Louis-Emmanuel-Alexandre, comte de Saint-Maurice, et Mme Marianne-Gabrielle de Raigecourt, son épouse, de lui autorisée, pareillement héritier pour un cinquième de ma dite dame Marie-Joséphine de Saint-Ignon, veuve Raigecourt, suivant la procuration susdite, « De M. François-Florent, comte de Valoris, et dame Marie-Lothaire de Raigecourt, de lui autorisée, aussi héritiers pour un cinquième de ma dite dame Marie-Joséphine de Saint-Ignon, veuve Raigecourt, comparant par Marie-Magdelaine-Sophie Gouvion, veuve Saint-Hilier, leur fondé de pouvoir suivant les actes publics des 14 avril et 2 août dernier et du présent mois,
« De M. Charles-Joseph de Raigecourt, aussi héritier pour un cinquième de ma dite dame Marie-Joséphine de Saint-Ignon, veuve Raigecourt, suivant sa procuration publique du 15 juin dernier, toutes lesquelles procurations ont été remises à M. Joseph Vaultrin, conseiller à la cour royale de Metz, suis convenu avec mon dit sieur Vaultrin que désirant nous conformer réciproquement aux proclamations de S. M. Louis XVIII par lesquelles en approuvant les arrangements pris entre les anciens et les nouveaux propriétaires, elles recommandent aux Français des sacrifices réciproques (5) ; au moyen de la somme de 2.400 francs qui m'a été remise comptant, tant pour moi que pour mes commettants ci-dessus nommés, dont quittance, j'approuve et ratifie solidairement, tant en mon nom qu'en celui de mes commettants pour les quatre cinquièmes à nous appartenant dans la dite succession relativement à une maison appartenant à Mme veuve de Raigecourt, notre auteur, située à Metz, rue d'Asfeld, n° 222, vendue à raison de son émigration au district de Metz, le 11 prairial an III (6), la revente qui a été faite de la dite maison à mon dit sieur Vaultrin par Mme Marie Miroménil, épouse divorcée du sieur Jacquin, par acte public du 13 frimaire an XIII (7), déclarant renoncer à tous droits et prétentions sur la dite maison, garantissant que mon dit sieur acquéreur ne sera jamais inquiété au sujet de la dite acquisition du chef de nos auteurs au sujet des dits quatre cinquièmes, le subrogeant à tous les droits et actions qui peuvent ou pourront nous appartenir, ainsi et de même que si nous avions fait la vente de la dite maison, promettant de lui remettre tous les anciens titres qui pourraient parvenir entre nos mains. Je promets en outre lui remettre les ratifications du présent acte incessamment, lequel sera déposé entre les mains d'un notaire aux frais de mon dit sieur Vaultrin.
« Fait en double à Metz, le 11 août 1814. »

(4) Cf. GAIN (A.) : Liste des émigrés de la Moselle, n° 3075. Les personnages cités dans l’acte sont énumérés dans la notice. Mais l'acte contient plusieurs mentions dont l’orthographe est défectueuse : St Maurice pour St Mauris, Valoris pour Valory. On croirait lire aussi Vaultrier, alors qu'il s’agit manifestement de Vaultrin.
(5) On peut remarquer que le comte de Rosières, fondé de pouvoir des autres héritiers et peut-être instigateur de la transaction, était secrétaire du préfet de la Haute-Saône. Crut-il devoir faire un acte de zèle monarchique ? C’est possible. D'ailleurs, le zèle était ici fructueux.
(6) Arch. dép. Moselle Q 130, fol. 115 verso-116 recto : « Une belle et grande maison située à Metz, n° 222, 4e section, faisant angle sur les rues d'Asfeld et des ci-devant Augustins, et composée d’une grande porte cochère, cour, pompe, écurie, remise, hallier, cuisine, garde-manger, cabinets de domestique ; appartements plafonnés, lambrissés et parquetés en partie ; à l’étage plusieurs autres appartements de même, avec croisées à échelles et persiennes ; beaux greniers, cave coûtée et caveau, fruitiers ; et laissée par bail passé devant le directeur du district le 23 avril 1793 v. s., pour 3 ou 6 années, au citoyen Bertrand Jacquemin, moyennant un loyer annuel de 600 livres ; appartenant ci-devant à l’émigrée Marie-Joséphine Saintignon, veuve Raigecourt, résidente ci-devant à Metz, publiée… sur l’estimation à la somme de 50.000 livres ; il a été successivement allumé douze feux, le douzième s'est éteint sur l'enchère du cit. Guépratte à 125.100 livres et un treizième feu allumé, puis éteint sans enchères, le dit François Guépratte, demeurant à Dormot, a été déclaré adjudicataire définitif de la maison dont s’agit, qu’il a dit être tant pour lui que pour les citoyens Dominique Humbaire, marchand de bois à Metz, Jacques Nicolas, marchand de bois à Longeville-lès-Metz, et Claude Mangin, demeurant à Metz, rue des Huilliers, lesquels en ont accepté la propriété chacun pour un quart à titre de gagière, moyennant la dite somme de 125.100 livres, qu’ils se sont soumis solidairement à payer dans les termes et de la manière réglée par les décrets relatifs à la vente des biens des émigrés. »
Ont signé sur le registre, fort lisiblement : Guépratte, D. Humbaire, Claude Mangin, (Audience des criées du 13 prairial après-midi).
Cette maison, autant qu’on peut en juger, existe encore : elle porte à l’angle même des deux rues le millésime 1739. Elle a maintenant une entrée sur la rue des Augustins, et la porte cochère, rue d’Asfeld, contigüe à l’entrée du n° 2, n’est pas numérotée.

Ainsi, c'était un acquéreur de seconde main qui acceptait de payer la ratification de son achat à la famille dépossédée. Evidemment, le conseiller Vaultrin avait une très haute idée du droit de propriété et son geste était d'un juriste autant que d'un galant homme. Grâce à une notice de Bégin (8), le conseiller Vaultrin n'est d'ailleurs pas pour nous un inconnu. Né en 1747 et avocat au Parlement de Metz, il consacra au remembrement des terres un mémoire demandé par l'Académie de Metz et que François de Neufchâteau a tiré de l'oubli. Juge suppléant au district de Metz, plus tard magistrat de sûreté, il mourut à Metz conseiller honoraire à la Cour d'appel le 21 janvier 1831. La ratification, qu'il avait sans doute sollicitée, augmentait d'environ 16 % le prix de son acquisition (9). Même considérée comme simple mesure de prudence, elle n'était pas particulièrement onéreuse. Elle ne s'en avéra pas moins inutile quand onze ans plus tard l'indemnité vint désintéresser les émigrés.   A. GAIN
 
(7) Arch. dép. Moselle 71 Q 65, Bureau de Metz, Actes publics. Du 25 thermidor an XII au 19 nivôse an XIII, fol. 143 r. Du 14 frimaire an XIII. Enregistrement d’ « une vente par Marguerite-Madeleine Meromeny (sic), épouse divorcée de Nicolas Jacquin, rentier à Metz, à Joseph Vautrin, magistrat de sûreté à Metz, d’une maison rue d’Asfeld, n° 222, moyennant 13.800 francs, passé devant Mathieu, notaire à Metz, le 13 frimaire an XIII ». N° 122 Reçu 552 francs. D’après cette revente, c’est l’un seulement des quatre premiers acquéreurs, le marchand de bois Jacquin, qui avait gardé la maison.
C’est sans doute à cette famille Miroménil qu’appartenait Jean Miroménil, dessinateur des Ponts et Chaussées, qui nous a laissé une précieuse carte du département de la Moselle, divisée en districts.
(8) Biographie de la Moselle, tome IV, p. 385-388.
(9) Prix d’achat 14.352 (13.800 + 552 francs de droits), ratification 2.400 = 16,16 pour cent.

Sur le sujet, voir : « La Restauration et les Biens des Émigrés » par André GAIN, Professeur Agrégé d'Histoire au Lycée de Nancy, 1928.
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