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Histoires de Woippy

Petite brochure retrouvée à l'école Saint-Exupéry par Mme BASTIEN, directrice.
L'auteur semble être un certain Henri BOCQUIER.
( Date de rédaction : après 1945 )

Woippy au lendemain de l'armistice du 11 Novembre 1918 était resté le même village bien français qu'avant 1871, malgré l'occupation allemande. Les chasseurs à pied y faisant leur entrée furent accueillis par des démonstrations d'une joie sincère, avec une profonde émotion patriotique, toutes les maisons pavoisées, les cloches sonnent à toute volée. Cet enthousiasme tout à fait spontané, vibrant, traduisait parfaitement les sentiments d'une population toujours très attachée à la France, parlant uniquement le français et vivant avec les mêmes mœurs que les habitants de la Lorraine voisine qui n'avait pas été annexée. Par la suite Woippy devait continuer à prouver combien ses habitants entendaient rester fidèles aux traditions de leur Patrie retrouvée. De 1919 à 1940 les fêtes locales, patriotiques et religieuses, toutes les manifestations qui furent organisées ont été toujours empreintes du caractère essentiellement français de sa vie publique et des habitudes des Woippyciens inséparables de leur terre qu'ils n'ont jamais cru pouvoir devenir allemande. Mais une fois de plus, le terrible fléau de la guerre a fait à Woippy d'horribles ravages qu'il convient de dénombrer aujourd'hui.

Ière partie.

Démographie
La population de Woippy, de 1500 habitants en 1918 était passée en août 1939 à 2204 dont 104 étrangers. Faubourg de Metz, ayant l'avantage d'être près de la cité sans en avoir les quelques inconvénients, le village attirait bon nombre d'employés, d'ouvriers, de retraités qui venaient y bâtir la modeste maison entourée d'un jardin, rêve de presque tous nos compatriotes. Et Woippy, sur la route des usines, des mines, des gros dépôts industriels voisins du bassin de Briey, devait forcément aussi retenir l'attention de ceux que leurs occupations professionnelles forçaient à circuler entre Metz et les centres d'affaires des entreprises métallurgiques du nord de la Moselle. De fait, les dernières années qui précédèrent la guerre, il se construisait à Woippy de 10 à 15maisons par an, surtout en bordure des routes et des chemins au sud de la localité. Mais la population restait semi-ouvrière, semi-rurale. La plupart des habitants travaillaient aux usines de Metz, Maizières, Hagondange, Rombas, aux arsenaux militaires, aux ateliers des chemins de fer, en ville dans les bureaux, mais rentrés chez eux, le soir, aux jours de congé ils aidaient les leurs à cultiver leurs potagers, leurs champs de légumes où ils passaient leurs loisirs. Inutile d'ajouter que la population était de souche française, avec une faible proportion de gens, de jeunes surtout, issus de quelques rares unions avec des Allemands restés en Lorraine après le traité de Versailles.

Géographie.
Woippy s'étend à 3 km au nord de Metz entouré des territoires des communes de Maizières-lès-Metz, Argancy et Norroy au Nord, La Maxe à l'Est, Saulny et Lorry à l'Ouest sur une longueur de près de 8 km du Nord au Sud, de chaque côté de la route nationale et de la ligne de chemin de fer de Metz à Thionville. D'Est en Ouest la largeur moyenne du "ban" est de 4 km environ et l'altitude du pays est à 200 m à peu près. Le village lui-même, agglomération de 1500 habitants environ avant 1940 est bâti au pied des collines abruptes du versant ouest de la vallée de la Moselle qui coule à 2 km du sud au nord, sur la territoire de la Maxe. Des terrains de cultures fruitières et maraîchères ont remplacé, autour de la localité, les vignes qui couvraient les côtes inclinées d'ouest en est ; ils sont cultivés en grande partie en fraises, groseilles, et de riches vergers y sont soigneusement entretenus, le terrain convenant parfaitement aux fruits. Mais dans la plaine, autour des annexes de Saint-Rémy, Maison-Neuve, Sainte-Agathe, des grosses fermes de Ladonchamps, Saint-Eloy, des Grandes et des Petites Tappes, des exploitations agricoles importantes cultivent les céréales, les plantes sarclées et pratiquent l'élevage des chevaux et des vaches Frisonnes. Quelques ruisseaux, bien répartis sur le territoire de la commune, coulant d'ouest en est arrosent tous les terrains ; le principal, venant de Saulny traverse l'agglomération de Woippy et, après maints détours, rejoint la Moselle en marquant la limite du ban de la commune et des territoires de la ville de Metz. Il y a quelques étangs sur Woippy ; les deux principaux, près de Saint-Rémy et de Maison-Rouge étant d'anciennes sablières alimentées par des ruisseaux, des sources sur leurs bords ou par des infiltrations d'eaux souterraines du niveau de la Moselle qui n'est qu'à 1 km environ de là.

Historique.
Quand on veut étudier l'histoire de Woippy il indispensable de se reporter au livre fort documenté et très intéressant dont M. René Paquet est l'auteur. Cet éminent biographe et historien de la Moselle, habitant le village de son vivant, a soigneusement composé son ouvrage qui contient une synthèse parfaite des événements survenus à Woippy et dans les environs depuis les temps les plus reculés jusque vers 1880. II y relate notamment les événements politiques, militaires et religieux auxquels le pays fut mêlé, bon gré mal gré, depuis 1324, époque à laquelle les premiers documents précis permettent de suivre les destinées de Woippy. A ce moment en effet les troupes de Beaudoin de Trèves assiégeant Metz détruisirent le village. Inondation de Woippy en 1373, incendié le 13 Avril 1443 par les soldats de Philippe de Savigny au cours d'un raid vers Metz, batailles dans les rues le 10 novembre 1444 entre les Messins qui tentaient une sortie et les troupes de Pierre de Brézé, lieutenant de Charles VII et du duc d'Anjou assiégeant encore Metz, dont la garnison se vengea en brûlant Ladonchamps 7 jours plus tard. Période calme ensuite pour Woippy jusqu'en 1475 où il fut occupé du 15 au 25 juin par les troupes de Charles le Téméraire ; et nouvelle alerte en 1482, les hommes d'armes de Jean Ernst, de Cologne, en querelle avec le chapitre de Metz, ayant essayé d'incendier le village. Graves inondations encore en 1490 ; mais les plus dures épreuves étaient réservées à Woippy, avant-poste de Metz de temps immémorial et qui fut rasé par ordre du duc de Guise quand Charles Quint vint assiéger la ville en 1552. En 1554 brillant engagement près de Ladonchamps entre les troupes du maréchal de Vieilleville, gouverneur de Metz pour le roi de France, et celles du comte de Luxembourg qui dut se replier en grande hâte. Pillage de Woippy le 24 Octobre 1639 par les Bourguignons qui recommencèrent le 20 août 1642 ; et pour comble les soldats français y firent main basse, par la suite, sur toutes les réserves des paysans. En 1668 brillante défense de Woippy par ses habitants qui repoussèrent un escadron de cavaliers espagnols avec pertes ; mais, de nouveau, pillages par les troupes françaises en juin et août 1677 : le pays était ruiné !
De 1678 à 1789 on connaît mal l'histoire du village qui vécut la période révolutionnaire dans un calme relatif. En 1814 les cosaques pendant le siège de Metz ne commirent pas beaucoup de dégâts et il faut aller jusqu'en 1850, année où fut inaugurée l'église actuelle, pour noter un événement vraiment marquant dans l'histoire de Woippy. En 1870, l'armée française, battant en retraite après Gravelotte occupa Woippy sur le territoire duquel le 7 Octobre Bazaine livra la dernière bataille, dite de Bellevue, avec le célèbre combat de Ladonchamps, avant de capituler dans Metz. De 1871 à 1914 Woippy vécut assez paisiblement enfin ; mais souffrant moralement de l'occupation allemande beaucoup de familles quittèrent le pays pour s'établir à l'ouest de la nouvelle frontière. Leurs enfants s'engagèrent et servirent dans l'armée française dans la métropole puis aux colonies. Quelques Allemands vinrent habiter le pays mais furent trop peu nombreux pour gêner les vrais Woippyciens qui ne modifièrent en rien ou fort peu leurs façons de vivre, de parler et surtout de penser en vrai Français.

Tourisme.
Woippy sur les routes de Metz à Thionville et à Briey ne pourrait attirer suffisamment l'attention d'un voyageur trop souvent pressé, surtout depuis que les automobiles de plus en plus rapides incitent leurs conducteurs à « faire des moyennes » élevées ; ou bien à entreprendre des randonnées lointaines avec arrêts seulement dans les grandes villes aux heures des repas somptueux. Néanmoins celui qui veut connaître la vie des cités du Val de Metz et se souvient des événements historiques souvent tragiques de son passé serait fort intéressé par un court séjour à Woippy ; ce voyageur averti ne pourrait contempler sans émotion les champs actuellement riants et cultivés de son ban où tant de sang fut répandu de tout temps pour la défense de Metz. La maison fortifiée, à 80 m environ du sud de l'église et le vieux Château datant de la fin du XIIème siècle, avec ses tourelles et le cachot ou l'on enferma tant de misérables coupables ou non de crimes et de « sorcellerie », sont les plus anciens témoins du passé militaire de Woippy. C'étaient d'antiques forteresses tenues en temps de guerre par des garnisons de soldats au service de la ville et par des paysans qu'ils encadraient. Bien entretenues et restées intactes malgré les guerres et les révolutions elles ont même résisté aux effets terribles de bombardements violents rapprochés en 1944 ; et elles ont gardé leur cachet guerrier. Il en est de même d'une vieille maison située dans la partie sud ouest du village dans le quartier de Nachy et où habitaient, dit la tradition, le célèbre orateur Bossuet enfant pendant ses vacances passées en partie à Woippy dans cette demeure appartenant à deux chanoines, ses oncles. Cette fois il s'agit d'une de ces demeures dites « bourgeoises » comme il y en avait plusieurs à Woippy et n'ayant aucun caractère militaire ; mais assez intéressantes par le pittoresque aspect de leur belle architecture pour retenir l'attention des touristes dignes de ce nom. La seule de ces habitations malheureusement qui n'ait pas été complètement brûlée ou détruite au cours de la guerre mondiale est le presbytère actuel ; c'est la maison dite « de Biche » dont la façade avec une tourelle proéminente pourra être sauvée. Par contre, tout près de Woippy, le château très connu de Ladonchamps, autour duquel se déroulèrent tant de combats violents au cours des siècles, forteresse gardant la grande route de Thionville, a été entièrement incendié. De même les belles maisons situées dans l'agglomération centrale de Woippy et qui sont actuellement en ruines. Les tombes de nombreux soldats français ou allemands tombés au cours des batailles de 1870 autour de Ladonchamps et des fermes des Grandes-Tappes et des Petites-Tappes, soigneusement entretenues par la commune, jalonnent la ligne de feu du combat dit de Bellevue à la fin du siège de Metz. D'autres, au cimetière même du village, en particulier celle du général Gibon, blessé mortellement devant Ladonchamps et mort au Rucher, belle propriété de Woippy, témoignent encore du respect des habitants pour les soldats tombés en combattant pour le pays. Enfin dans le village quelques vestiges d'anciennes décorations architecturales, des portes ou fenêtres vétustes conservées depuis des siècles attiraient l'attentions des érudits et des artistes. Malgré ses ruines, construit sur les pentes riantes des collines qui bordent la belle Moselle, avec ses bois, ses superbes vergers, ses célèbres fraises, Woippy accueillera encore beaucoup de visiteurs à l'avenir.

Activité économique.
Au village, exclusivement agricole autrefois, les habitants de Woippy, par tradition ancestrale étaient tous des travailleurs de la terre, vignerons surtout. Mais dès l'introduction de la fameuse « herbe de Nicot » ils avaient appris à cultiver aussi le tabac et apportaient à ces travaux les mêmes soins minutieux qu'à leurs fruits et à leurs légumes. Ils tiraient de leurs champs, en plaine ou sur les côtes, le plus clair de leurs ressources. Cependant, quelques années avant 1939, des industries diverses commençaient à se développer sur le ban de Woippy. Une fabrique de conserves de fruits et de légumes d'abord, puis une fonderie, une fabrique de grillage métallique, et différents dépôts d'industries importantes s'étaient peu à peu agglomérées autour de la ligne de chemin de fer. Deux établissements horticoles dont l'un commençait la culture des orchidées, fort bien installé, s'y développèrent aussi. Malgré tout, ce qui constituait la meilleure source de richesse pour les habitants de Woippy c'étaient leurs fruits et avant tout leurs fraises. Depuis 1890 environ la culture des fraises avait remplacé celle de la vigne toujours aléatoire en Lorraine et qui tend à disparaître parce qu'elle demande trop de soins et que les vendanges sont rarement satisfaisantes. Deux cent cinquante hectares peut-être étaient plantés en fraises à Woippy même et très soigneusement cultivés. De sorte que la localité était devenue un centre important de production fruitière où, depuis le 15 mai jusqu'au cœur de l'automne d'énormes quantités de fruits se négociaient ; mais surtout en juin, au moment des fraises, le village avait un aspect très singulier et pittoresque quand les innombrables petites voitures de fraises étaient amenées aux dépôts de ramasseurs par les paysans et leurs femmes et leurs filles en « halette » blanche. A ce moment-là, déjà avant la guerre de 1914-1918 partaient souvent 100 et quelques wagons par jour de la gare de Woippy emmenant des tonnes de fraises vers les marchés de grandes villes, en Sarre, vers Lille, Paris, Lyon, la Suisse ou vers les grosses fabriques de conserves. Par la suite, de 1920 à 1939, les plus gros tonnages de fraises produits par Woippy même et les communes environnantes, atteignirent des chiffres encore plus impressionnants pour les amateurs de statistiques, aux bonnes années surtout. Après les fraises les Woippyciens récoltaient et négociaient leurs groseilles, leurs framboises, leurs prunes ; et surtout leurs mirabelles et leurs quetsches ; dont ils mettaient cependant de côté, avec quelques cerises, de quoi distiller ces excellentes eaux-de-vie si appréciées des fins gourmets. Les chiffres d'affaires de Woippy au moment de la récolte des fraises dépassaient beaucoup ceux des plus grands pays producteurs de toute la France. Aussi les fêtes locales, surtout celle des fraises, avec le cortège de la reine entourée de musiciens, de sociétés voisines, escortée de cavaliers, dans un char magnifique et pittoresque, attiraient de grandes foules à Woippy. La fête patronale, au dernier dimanche d'août, avec ses aimables traditions locales, la distribution des rubans, l'appel des couples au rendez-vous pour le bal, la tournée des musiciens avec la jeune fille désignée pour la quête à la messe solennelle et enfin le grand bal, était connue dans toute la contrée comme l'une des plus amusantes et des plus agréables à suivre. Elle attirait une foule d'amis ou de curieux et l'accueil qui leur était réservé était cordial et bien plantureux.

IIème Partie

Guerre en 1939
Woippy en 1939 connut encore une année paisible malgré les menaces de guerre.
Successivement toutes les cérémonies et fêtes locales se déroulèrent sans accrocs, depuis la Sainte Barbe avec son banquet des sapeurs pompiers toujours impeccables, en tenue comme au feu, jusqu'à la Fête patronale, sans oublier les réunions théâtrales de l'Union de Woippy, société de musique, de sports et de préparation militaire, les soirées du Patronage des jeunes filles, les diverses assemblées générales de « l'Espérance », des « Anciens Combattants », du « Souvenir Français »; en 1939 furent célébrées toujours avec solennité les grandes fêtes religieuses marquées par des offices très suivis et les processions traditionnelles des Rogations, de la Fête-Dieu, de l'Assomption. A chaque occasion, au jour même ou le lendemain de ces cérémonies, les habitants de Woippy, fidèles au culte des morts, se réunissaient autour du monument aux soldats tombés en 1914-1918 ou autour des sépultures du cimetière.
Hélas ! Au moment où la fête patronale allait battre son plein, la France commençait à mobiliser son armée et les échecs des premières salves se terminèrent en appels de clairon.
Dès le début des rassemblements militaires, le pays où il existait deux forts, deux grands dépôts d'essence et d'huiles, un de matériel du génie et où devaient se masser plusieurs formations de l'armée vit affluer et passer dans ses rues une quantité de mobilisés et de matériel de guerre.
Cependant la population y vécut en excellents termes avec les soldats pendant les premiers mois de la guerre sans trop connaître les alertes angoissantes et les nouvelles alarmantes des opérations. Elle ne devait les apprendre que plus tard et de plus en plus précises.
Les Woippyciens assistèrent à l'arrivée des premiers contingents anglais qui avaient, près de Sainte-Agathe, leur dépôt principal et dont la population admira la belle tenue et la discipline.
Quoique les hommes furent presque tous mobilisés, les chevaux réquisitionnés et que chacun travaille avec moins de cœur peut-être les champs des grandes fermes, les vergers, les fraises furent cultivés ; et l'on ne manqua pas de distiller encore les cerises, les quetsches et surtout les mirabelles et le marc de raisins. Il fallut la retraite, la débâcle, le recul ordonné des divisions d'appui de la ligne Maginot et enfin l'annonce de l'avance allemande pour que Woippy commence maintenant à vivre la même vie pénible que les régions frontalières de Lorraine et d'Alsace.
C'est le 17 juin que la célèbre Division Standart Adolf Hitler occupe le village de Woippy sans difficultés, sans combats, sans brutalité d'ailleurs car il n'y avait plus aucune résistance française dans la région.
Le grand dépôt d'essence avait brûlé pendant quelques jours, les autres dépôts avaient été détruits tant bien que mal ; et les arrière-gardes de nos armées très menacées avaient quitté les environs en hâte.

Woippy occupé
La population, inébranlable dans sa confiance et dans ses espérances, supporta l'occupation allemande sans trop en souffrir au début; personne ne pensait à ce moment-là que les derniers nazis ne devaient abandonner Woippy que le 16 novembre 1944, fuyant devant les Américains cette fois !
Peu à peu cependant les difficultés commencèrent au fur et à mesure que l'intention bien arrêtée des Allemands de germaniser le pays apparut plus claire à ses habitants.
La répression de tout ce qui avait un caractère de manifestation de fidélité à la France devint de plus en plus brutale après avoir été assez tolérante au début.
Dès septembre 1940, les expulsions commencèrent : Français nés dans d'autres départements, Alsace ou en Moselle, patriotes notoires ou réputés tels, engagés volontaires des armées françaises, membres des sociétés en France, furent d'abord envoyés en France, passant l'ancienne frontière rétablie.
D'autres leur succédèrent par la suite, curé, sœurs enseignantes, vieillards, femmes, enfants, prirent le même chemin que les premiers exilés avec 2 000 francs et 30 kilogrammes de bagages mis à la porte de chez eux en deux heures et remplacés aussitôt par des Bessarabiens, des Russes déportés, des Allemands des régions sinistrées. Puis des patriotes Lorrains suspects ou dénoncés, réputés anti-nazis ou simplement victimes d'un espion ou d'une vengeance personnelle, furent incarcérés et déportés en Allemande, en Sibérie, en Pologne. Les plus durement maltraités furent les malheureux parents des braves petits Lorrains fuyant en France pour s'engager dans l'armée ou les chantiers de jeunesse, pour ne pas servir dans la Wehrmacht. Il y en eut 42 !
A cause de leurs enfants ils subirent les plus dures épreuves, les coups et les privations les plus pénibles pendant 2 et 3 ans parfois ; et plusieurs de leurs autres enfants, filles et garçons, n'échappèrent que par miracle à la mort parce qu'ils refusaient de se reconnaître allemand et de servir dans les formations hitlériennes!

Epreuves de la population
De ce fait, et du fait des expulsions, beaucoup de Woippyciens manquèrent à l'appel quand la population fut revenue au village. Encore ne peut-on comprendre difficilement dans ce nombre les personnes malades ou âgées qui ne supportèrent pas bien l'épreuve de vivre loin de chez elles plusieurs années, dans l'angoisse de n'y pouvoir rentrer un jour, au fur et à mesure des victoires allemandes. Beaucoup de tombes se sont ouvertes dans les lieux de refuge pour des Lorrains qui n'ont pas connu la grande joie du retour et celle de la libération, si profonde, si émouvante malgré ses ruines ! En tous cas, dès 1941 on comptait 830 expulsés vers l'intérieur de la France et en 1944, 120 déportés en Allemagne.
Quatre jeunes gens n'ayant pu s'échapper furent tués dans la Wehrmacht et six civils, par représailles, dont deux à Oradour et qui avaient quitté récemment Woippy pour un village voisin avant les hostilités.
Deux autres civils furent tués lors des bombardements, dont un déporté. Enfin un disparu ne reviendra probablement jamais. Il y a lieu d'ajouter malheureusement à ces listes une quinzaine de Woippyciens déportés, dont on n'a pas de nouvelles depuis la Libération.
Les rigueurs des camps de concentration et du régime nazi en Allemagne et en Pologne furent moindres à juste titre que le nombre des victimes de la guerre à Woippy n'augmente encore.
Et beaucoup de ses braves enfants servant actuellement aux armées, en occupation ou prêts à partir pour les théâtres d'opérations où la guerre n'est pas terminée, sont encore en danger chaque jour.

Les sinistres
Les bombardements ont fait à Woippy de grands dégâts, surtout au moment où les Alliés, bousculant les armées allemandes de plus en plus désorganisées, les refoulèrent dans leur pays.
Mais dès le 4 avril 1944 de grosses opérations d'aviation causèrent d'importants ravages sur le territoire de la commune ; et ce fut bien pis en fin d'année, lors des combats rapprochés qui succédèrent à la prise de Maizières-lès-Metz, quand les Américains avancèrent vers la ville.
280 maisons furent très gravement atteintes et des quartiers entiers, rue de l'Église, rue de Metz partie centrale, Ladonchamps, Saint-Remy ne sont plus que ruines.
L'église, les deux écoles, le presbytère, la mairie, ancienne chapelle, ont été fort endommagés.
Les obus, les tirs d'armes automatiques puissantes et les éclats des bombes des avions d'accompagnement poursuivant d'attaques incessantes les Allemands réfugiés dans les forts et casemates voisins ont crevé les toitures, les murs, cinglé les façades, allumé des incendies. Du coup 50 à 60 familles ne devaient plus rien retrouver de leurs biens, ni maisons, ni mobilier, 120 autres devaient aussi être privées de leurs objets ménagers, literie, provisions, vêtements ! Du reste la population ayant été évacuée de force dès le début de septembre vers Metz, vers l'Allemagne, un pillage systématique fut entrepris et mené à bien par les Allemands sous le contrôle d'enragés nazis SS qui démolirent complètement ce qu'il croyaient ne pouvoir emporter ou consommer sur place.
Woippy connut alors, avant la libération et quelques jours après, dans le feu de la bataille qui se prolongeait vers Metz, les mêmes vicissitudes qu'au cours des siècles précédents !
La population refoulée d'un endroit à l'autre au fur et à mesure des ordres, contre-ordres, des affolements de l'ennemi en pleine désorganisation cette fois enfin, ne devait rentrer que fin décembre, par très petits groupes et même en fraude dans la localité dévastée. Entre temps les maisons avaient été pillées plus à fond encore si possible ; et des éléments troubles de la population civile des cités ouvrières voisines, en particulier des étrangers, avaient raflé ce qui restait encore !
L'hiver fut rigoureux. Les pommes de terre qui n'avaient pas été récoltées gelèrent, et les choux, les pommes, en grande abondance en 1944, furent perdus pour tous.
Dès que les autorisations nécessaires furent accordées, les ponts rendus à la circulation, les malheureux sinistrés rentraies de partout, rejoignant les quelques audacieux qui avaient réussi a se glisser dans le pays encore encombré de cadavres, de débris et de détritus de toutes sortes ; et les champs autour de l'agglomération étaient abondamment minés encore.
Puis la vie reprit peu à peu. Dès le 5 décembre en plus des quelques soldats, des F.F.I. rassemblés dans leur village et qui s'efforçaient d'y faire la police, 4 ou 5 femmes et 12 à 15 hommes étaient déjà rentrés.
De tous les coins de France bientôt, avec ou sans autorisations, avec ou sans bons de transports, avec ou sans bagages, les Woippyciens revinrent habiter leurs demeures en ruines, et s'acharnèrent à cultiver leurs terres.
Entassés dans les seules pièces plus ou moins habitables épargnées par les obus et les intempéries, ils préférèrent souffrir du froid, de la faim, sans eau, sans lumière que de rester plus longtemps exilés de leur petite patrie enfin libérée.
Sur la paille, sans fourneaux de cuisine, sans matelas, sans ravitaillement presque, ce furent les premiers pionniers de la reconstruction de leur pays.

Woippy veut renaître
Peu à peu la vie reprit. Le boulanger, (un jeune de 19 ans, aidé de sa sœur) a pétri la farine que le Ravitaillement envoyait en quantités malheureusement mesurées.
Deux épiciers et même deux « cafés » ont reçu les clients, et les services de la mairie ont repris leur activité, accueillant les demandes innombrables de secours, de matériaux de construction, de vivres, d'outils, de bicyclettes, de pneus et de tout ce qui est indispensable à la vie d'une commune rurale.
Malheureusement trop peu de ces demandes peuvent encore être satisfaites. Les ressources du Ravitaillement, de la Reconstruction, du Génie rural, de toutes les administrations et des services agricoles en particulier, sont encore trop insuffisantes. Plus d'infirmerie au pays, plus de consultation de nourrissons, les sapeurs-pompiers n'avaient plus ni casque ni matériel et les ordures s'accumulaient cependant que dans les ruines, sous la neige, sous les pluies, les derniers bois de constructions béantes pourrissaient définitivement.
Que d'efforts il a fallu pour remettre dans chaque foyer, ou plutôt dans les abris rudimentaires et misérables qui en tiennent lieu, un semblant de vie familiale !
Que de journées de travail pour remettre en culture les potagers, les célèbres fraises, et pour ramener dans les écuries et les étables les premières bêtes indispensables à remonter un cheptel complètement disparu !
Les premières basses-cours vont cependant reprendre un peu de leur vie, les récoltes vont donner quelques maigres ressources pour sauver d'une demi-famine la population réellement affaiblie. Par le labeur acharné, patient, inlassable des Woippyciens le pays veut renaître.
Cette résurrection si nécessaire commencée dans le chaos et la misère, sous le signe d'une libération très désirée, sera d'autant plus large, plus rapide et plus féconde en heureuses conséquences que l'on pourrait aider Woippy, village Lorrain du beau pays de France !

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