raconte-moi-woippy Retour menu

Histoires de Woippy

Extrait du Bulletin Officiel Municipal n° 1, Woippy, 4ème trimestre 1966.

Histoire de WOIPPY
Par M. Paul Séchehaye, ancien maire deWoippy.

LIMINAIRE
Deux rues, l'une à Metz, l'autre à Woippy portent des plaques au nom de René PAQUET, ne en 1845, mort en 1927.
La cité lorraine a tenu à rendre hommage au chroniqueur érudit dont les ouvrages sur le pays sont très appréciés. Woippy, qui lui doit une histoire documentée des événements dont le village fut le théâtre jusqu'en 1875, garde le souvenir de cet éminent écrivain qui habita de très longues années dans sa propriété du Rucher, sur une route vers Metz.
Ses livres deviennent malheureusement difficiles a trouver. Nous ne pouvons donner que des résumés, bien trop brefs à notre gré de ce que nous avons de son Histoire du village de Woippy en Moselle.

ORIGINES JUSQU'AU XVe SIÈCLE
Dans un fort lointain passé, Woippy, petit hameau n'est mentionné pour la première fois que dans un Bref de Calixte II, Pape, du 9 avril 1123, donnant au Chapitre de la Cathédrale de Metz des biens dans la région. Auparavant, rien de certain...
Cependant, dès les premiers temps de notre ère, certainement, nos ancêtres avaient des chaumières près des pistes et sentiers allant de Metz vers le Nord. Leurs habitants, des marchands, suivaient ces chemins ; et plus tard, comme les Légionnaires de Rome, des autochtones et des étrangers plus nombreux, sont passés sur la « Via Appia », allant vers Trèves ou bien en revenant.
II est possible que des fouilles soient entreprises à Woippy pour de grands travaux dans l'avenir. On pourrait alors peut-être trouver avec des fossiles, des objets anciens, des documents gravés sur pierre ou même des vieux parchemins nous renseignant sur les temps vécus avant le XVe siècle par nos aïeux.
En attendant, suivons les chapitres du livre qui reste pour nous le meilleur des informateurs, en classant des souvenirs plus récents des anciens de Woippy, à la mémoire desquels nous avons eu recours.
Notons en passant que, vers la fin du XIVe siècle, la population du village pouvait être de 170 habitants environ ; elle en comptait 450 en 1700, 660 en 1800, 1250 en 1844 ; mais seulement 1000 en 1867, le décret impérial du 5 février ayant séparé Thury et ses dépendances de la commune pour créer celle de La Maxe.
Par la suite Woippy compta 1 500 habitants en 1900, 1 800 en 1940, 4 000 en 1962 et approche des 5 000 en 1964. En 1965 la population est de 5 580 ; actuellement, elle est de l'ordre de 8 000 (8 245 en octobre 1966).

JUSQU'AU XVIIe SIÈCLE
En suivant les annales du village depuis 1324, on se rend compte de ce qu'il a souffert.
Le 30 septembre de cette année-là, il fut pillé et brûlé par les troupes de Beaudoin de Trèves, de Jean, Roi de Bohème, son frère, de Ferry, Duc de Lorraine, et du Comte de Bar, coalisés contre Metz ; depuis, après une grave inondation en 1373, il fut de nouveau incendié et ravagé par des soudards de Robert de Commercy en même temps que Tignomont et Lorry.
Le 10 septembre 1444, le Roi Charles VII et René d'Anjou commencèrent le siège de la ville, occupant les villages que la garnison n'avait pu garder. L'un de leurs capitaines, Pierre de Breze, retranché au Nord, notamment dans les châteaux de Ladonchamps et Woippy, repoussa tous les assauts des Messins jusqu'au 17 du même mois. Enfin, ses hommes de Ladonchamps, durement attaqués, s'étant rendus, ceux de Woippy s'enfuirent dès le lendemain. Le traité du 28 février 1445 permit aux habitants de réparer leurs ruines après les hostilités jusqu'en 1475.
A ce moment la guerre éclata entre Frédéric II et Charles le Téméraire et les troupes lorraines occupèrent la banlieue de Metz, ravageant et pillant encore du 15 au 25 juin. Et puis, dès 1482, il en fut de même. Des soudards d'un Comte de Vernenbourg s'en chargèrent, appelés au secours de Jean-Ernest de Cologne, héritier d'un Chanoine du Chapitre avec lequel il avait des discussions financières. En fin de janvier 1490, les eaux envahirent encore Woippy.
En 1500, Metz fut interdite aux villageois plusieurs jours à l'occasion d'un conflit entre le Chapitre et Renault de Gournay, auquel le titre de châtelain avait été refusé avec les avantages y afférents. Et voilà qu'en 1507, une nouvelle querelle ayant opposé le Curé et le Maire, au sujet d'une escroquerie compliquée, des gens de Metz furent appelés en renfort pour mâter ceux du village qu'ils malmenèrent brutalement ; ayant coupé la gorge à un poulain pour finir, ils de retirèrent.
De 1508 à 1552, le calme régna à Woippy. Mais alors Metz étant investie par Charles Quint, le Duc de Guise, Gouverneur, fit abattre bois et maisons dans 27 villages de la banlieue, n'épargnant que les châteaux de Ladonchamps et de Woippy et la Haute-Maison fortifiée. Au jour de la Saint-Michel 1554, importante bataille aux confins Nord du village, le maréchal de Vieilleville repoussa les troupes du comte de Mesgue arrivant en force de Luxembourg pour prendre Metz par surprise.
Le feu inattendu des « harquebuziers », dont les tambours battaient sur l'ordre de Vieilleville, décima la cavalerie luxembourgeoise, chargée aussitôt par les escadrons du maréchal. Tout ce monde reflua sur l'infanterie luxembourgeoise qui s'enfuit, laissant beaucoup de tués et blessés sur place. Un trompette parlementaire s'en fut dire aux assaillants vaincus qu'ils pouvaient venir sans crainte les chercher le lendemain.

XVIIe ET XVIIIe SIÈCLES
En 1635, guerre entre la France et l'Espagne qui s'empare de Trèves. De la Valette poursuivant le comte de Gelles qui vient d'être battu à Mayence, le pays messin, sans troupes, fut ravagé par des bandes ennemies. C'est ainsi que les Croates d'un aventurier, Huaux, s'attaquèrent à Woippy le jour de Pâques 1636. Bravement les villageois les repoussèrent et leur chef avant été blessé mortellement mourut à Richemont peu après. Son lieutenant, Gaspar, ayant voulu le venger eut le même sort.
Le 24 octobre 1639, les Croates, avec des Bourguignons, emmenèrent tous les bestiaux de Woippy et, le 24 août 1642, ils prirent tous les chevaux et ceux de Lorry. Une grande tranchée commencée en décembre 1642 en travers de la plaine, sur l'ordre du Gouverneur de Metz, M. de Lambert, fut insuffisante pour empêcher encore le pillage et des ruines dans les villages environnants le 2 février 1643.
Le jour de la fête de Woippy, en 1646. M. de La Ferté, qui assiégeait Longwy, envoya vers Metz un fort détachement pour en ramener des munitions et du matériel ; il fallut loger, nourrir et abreuver les troupes. Provisions pour la fête et toutes les réserves y passèrent !
De 1647 à 1667, période sans drame. Mais dès 1668, au moment où l'armée française entrait en Franche-Comté, un fort parti de cavalerie espagnole mit le feu à vingt-quatre maisons et huit granges à Woippy. Courageusement les habitants prirent les armes et sept d'entre eux, barricadés dans la Haute-Maison, tuèrent le chef des cavaliers qui s'enfuirent, laissant quarante-trois officiers et soldats sur place. En 1677, les troupes du maréchal de Crequi, lors de la campagne contre les Impériaux, firent de grands dégâts dans le village qu'ils pillèrent à deux reprises.
De 1678 à 1789, rien de très grave n'est relaté dans les annales de Woippy où l'on ne semble pas avoir été trop inquiété par la Révolution dès ses débuts. La plupart des gens paraissaient persuadés que le nouveau régime ne pouvait durer. De fait, Napoléon ayant pris le pouvoir, le calme revint et les guerres qu'il entreprit, si elles inquiétèrent la pays, ne lui furent pas très néfastes dans l'ensemble. Après l'abdication de l'Empereur, l'occupation, notamment par des Cosaques Russes assez calmes, ne donna lieu ni a malveillances ni a pillages dont on ait gardé un très mauvais souvenir.

XIXe SIÈCLE
De la Restauration à la fin du Second Empire, le pays jouit d'une heureuse tranquillité. Il fut très ému des tristes désastres de 1870 cependant et, le 7 octobre, Woippy connut les anxiétés d'une grande bataille quand les troupes françaises sortant de Metz, investie, furent rejetées au Nord du village et notamment à Ladonchamps. Dernière manifestation de l'activité de l'Armée de Bazaine, avant une lamentable capitulation, cette opération inutile coûta la vie de 1 200 Français et 1 700 Allemands dont les tombes sont encore dans les campagnes et les cimetières des localités voisines.

XXe SIÈCLE
Le XIXe siècle se terminant sans graves difficultés pour Woippy sous l'occupation allemande, sa population se consacra surtout à ses travaux champêtres, notamment aux cultures de fruits et, avant tout des fraises, sur de grands territoires.
Les débuts de la Grande Guerre ne firent pas craindre le pire pour le pays messin. Ce n'est que vers 1917 que l'aviation alliée, ayant effectué quelques bombardements, fit naître des appréhensions dans la région. Un appareil français fut abattu à Woippy. La population entière manifesta sa joie patriotique à l'arrivée du premier bataillon de Chasseurs à pied après l'Armistice de 1918, clairons sonnant, au carillon des cloches ; le drapeau français flotta partout avant que l'armée vaincue n'ait terminé sa retraite. Et dans la paix, le travail reprit, ainsi que les fêtes traditionnelles, au sein de la patrie retrouvée.
Hélas, dès le printemps 1939, l'anxiété fut grande encore ! Puis la guerre éclata, qui devait durer jusqu'en 1945, très pénible pour les populations lorraines. La plupart durent se réfugier en France plus ou moins occupée, expulsées ou même déportées par ailleurs dans les camps de concentration, leurs enfants souvent séparés d'elles. Les braves gens vivaient sans espoir certain d'un avenir meilleur, très aléatoire.
En fait, les allées et venues des troupes françaises, anglaises, américaines et allemandes occasionnèrent déjà de grands dégâts. Le bombardements sur les industries, les voies ferrées, sur des rassemblements allemands furent à l'origine de ruines et d'incendies terribles. Puis, en septembre 1944, le village fut entièrement évacué, portes ouvertes, sur l'ordre des autorités nazies.
Les combats d'arrière-gardes, livrés contre les éléments américains convergeant vers Metz, firent de nouvelles ruines ; et la population ne peut revenir qu'après l'hiver 1945, retrouvant les maisons saccagées et pillées pour la plupart. L'église et plus de soixante-dix immeubles étaient gravement endommagés et quarante environ irréparables. Ladonchamps était complètement brûlé. Les dégâts s'aggravaient chaque jour faute de matériaux, de transports et de fonds !
Prévenus de cet état de choses lamentable, à trois ou quatre exceptions près, tous les Woippyciens revinrent en hâte dans leurs foyers, sans literie, sans objets ménagers ou presque, sans meubles en bon état indispensables. Ils se mirent au travail avec ardeur, alors que la pluie traversait encore leurs toitures ! En 1947, une grosse inondation coupa la route de Metz, mais l'agglomération fut épargnée.
La vie avait repris. Les réfugiés du Sud-Ouest, d'Auvergne, du Limousin, regardant avec tristesse la liste des enfants du pays tués dont les noms étaient plus nombreux, rendaient hommage aux combattants restés sur les champs de bataille, à ceux de la Résistance, aux Déportés des camps de concentration ou des geôles allemandes. Mais ils affirmaient tous leur foi dans la renaissance de la France.

EN DEHORS DES GUERRES
Il ne suffit pas pour faire connaître notre cité, d'évoquer son rôle passé d'avant-poste de la ville de Metz au temps des guerres.
Comme l'a fait René Paquet, il faut rapporter ce que nous savons, par exemple de la légende du Graouli, monstre aux « horrificques maschôires », dit Rabelais dans une de ses savoureuses descriptions. La bête hantait les marais aux abords de Woippy. Saint Clément en débarrassa la contrée en lui passant son étole autour du cou et en le précipitant dans la rivière avec cinq de ses affreux rejetons.
En souvenir de cet exploit, le Maire de la commune au Moyen-Age portait une effigie du Graouli lors d'une procession qui montait de Metz au Saint-Quentin et faisait un long trajet pour en revenir. Le digne magistrat municipal se faisait sans doute aider par les quatre échevins qui l'accompagnaient et portaient des bannières rouges, qui recueillaient aussi les pains qu'on leur remettait en récompense de leurs bons offices.
Il ne faut pas omettre de rappeler les navrantes aventures des sorciers et sorcières - ou soi-disant tels - arrêtés, enfermés au cachot du château qui existe encore et qui furent questionnés, torturés et brûlés sur les bûchers. On connaît le détail des procès du premier en 1519, de deux autres en l59l, d'un quatrième en 1593 et d'un cinquième en 1622. Une seule femme fut sauvée par Cornélius Agrippa, célèbre avocat et juriste, à Metz ; ses détracteurs furent châtiés.
Notons qu'on ne peut trop accuser de cruauté à cette époque ni les juges qui pensaient remplir leur mission ni même la plupart des témoins à charge, tant les légendes, les superstitions et la crédulité des populations étaient stupides. Elles réclamaient la mort de ceux qu'elles pensaient faire des sabbats avec le Diable la nuit ! La foi sincère du pays est plus éclairée de nos jours. Elle se manifeste sincèrement quand il s'agit de commémorer le souvenir des défunts des familles, des officiers et soldats tombés au champ d'honneur et des bienfaiteurs de la Commune.
Citons parmi ceux-ci Mlle Rose Marcus qui fit don à Woippy d'une très belle église, dont la première pierre fut posée en 1848, le 12 juin, et qui fut consacrée le ler mai 1850 au cours de cérémonies impressionnantes, car on faisait déjà fort bien les choses dans le village au siècle dernier.
La journée du 12 juillet 1868, par exemple, fut vraiment sensationnelle à l'occasion de la fête du Comice agricole de Metz et de la Moselle. Arcs de triomphe avec inscriptions « Vive l'Empereur ! ». Gendarmes à cheval, musique de Woippy, sapeurs-pompiers portant le Drapeau de la Mairie, le Secrétaire général de la Préfecture entouré du Conseil municipal et du Comité du Comice, quantité de notabilités avaient donné un bel éclat à cette imposante réunion. Elle commença par un office et fut suivie d'une remise de prix... et d'un copieux banquet de cinquante couverts au moins, avec discours éloquents et toasts chaleureux.

DES TEMPS PLUS RÉCENTS À WOIPPY
Si l'on faisait tout ce qu'il fallait à Woippy autrefois pour le bon renom du village et l'accueil des visiteurs, l'habitude est restée de donner le plus d'éclat possible aux manifestations de la commune.
Apres 1918, les sociétés locales d'Anciens Combattants, d'élevage, de culture, de musique, d'éducation physique et sports, de préparation militaire - entre deux guerres - et bien d'autres comme la Caisse de Crédit Agricole Mutuel et le Syndicat des Producteurs de Fraises donnèrent à la petite ville une animation de bon aloi et furent florissantes. Il y eut expositions, congrès des anciens combattants avec visite d'un ministre suivant un décorum officiel et escorte de dragons, soirée théâtrales avec revues à grands spectacles dont deux furent jouées à Metz, au théâtre municipal. Journées sportives avec défilés et, naturellement, banquets et bals très animés.
Après la Fête patronale dont l'origine remonte au Moyen­Age, les plus belles journées furent celles des Fêtes des Fraises. Actuellement encore, il y a à cette occasion à Woippy des musiques et fanfares, des chars fort bien décorés, des groupes folkloriques et attractions, un long cortège à la fin duquel la Reine des Fraises et ses demoiselles d'honneur saluent gracieusement la foule encombrant les rues et qui, bien entendu, ouvrent le soir un grand bal.
Il fallait cela dans le pays où la culture des fraises est pratiquée depuis 1868 environ, à l'époque où deux frères Vion abandonnèrent la vigne, trop compliquée à soigner, pour ce fruit qui fit tant d'heureux à Woippy. Surtout depuis que M. Henri de Ladonchamps sut en organiser la production et le marché avec un dévouement qui lui valut la reconnaissance de ses concitoyens. L'une des principales rues porte son nom.
Apres 1945, il fut très difficile dans le désarroi des esprits, avec la pénurie de moyens se prolongeant inévitablement, de retrouver des animateurs pour rendre à la vie de Woippy le même rythme qu' auparavant. C'est fait cependant maintenant.
Une vraiment fraternelle amitié s'est même développée entre tous les groupements si divers du pays. Il n'est pas une cérémonie, de manifestation communale auxquelles ils ne tiennent à donner leur concours autant qu'il est possible, pour les journées traditionnelles surtout. Musique en tête, pompiers, anciens combattants de toutes origines, déportés, éleveurs, sportifs, scouts entraînent la population avec eux. Les instants les plus émouvants qu'ils vivent ensemble, pour le plus grand bien des jeunes dont il convient de faire l'éducation à ce sujet, sont ceux des offices à la mémoire des morts, notamment devant le monument rappelant le souvenir des braves tombés pour la France et dont le Souvenir Français, gardien fidèle, entretient les tombes avec un soin touchant.
Tout en devenant plus grand, plus prospère, plus moderne au meilleur du mot, que Woippy garde ses traditions les plus dignes, les plus nobles, au sein de la Patrie à laquelle ses enfants furent toujours tellement attachés.


| Retour menu : Histoires de Woippy | Haut de page |

raconte-moi-woippy Retour menu