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Fête des Fraises 1926

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Déjà ce dimanche 2 juillet 1911, on allait danser au bal de la fête des fraises
(Journal Le Messin du 1er juillet 1911)


Journal "Le Lorrain"
Mercredi 16 juin 1926
Fête des fraises
Profitant de la réunion des Producteurs de fraises de la vallée de la Moselle, le Syndicat et la Société « Union » organisent, de concert, pour dimanche prochain, 20 juin, une fête à laquelle la présence de plusieurs parlementaires et des autorités administratives du département contribuera à en rehausser l'éclat.
Le programme de cette fête a été élaboré comme suit :
De 15 à 16 heures : Concert par la fanfare de l’« Union ». A partir de 17 heures : Grand bal champêtre sur la place Nationale.
Jeux de quilles, de tir, de dés ambulants dotés de nombreux prix, carrousels, balançoires, etc. Il y aura de l'amusement pour tous.
Une grande vente de fraises aura lieu au profit de la Caisse d'amortissement, les amateurs pourront donc s'en régaler tout en faisant une bonne action.
Favorisée par le beau temps, cette fête sans aucun doute, remportera le succès le plus complet et les visiteurs sont assurés de passer quelques heures le plus agréablement du monde, dans une des plus charmantes et accueillantes localités de la Moselle.

Vendredi 18 juin 1926
Une fête des fraises à Woippy
Profitant de la réunion des Producteurs de fraises de la vallée de la Moselle, le Syndicat et la Société « Union » organisent de concert pour dimanche prochain 20 du courant, une fête à laquelle la présence de plusieurs parlementaires et des autorités administratives du département contribuera à en rehausser l'éclat.
Le programme de cette fête a été élaboré comme suit : à 12 h. 30, banquet amical du Syndicat ; de 15 à 16 h., concert par la fanfare de l’« Union ». A partir de 17 heures, grand bal champêtre sur la place Nationale.
Jeux de quilles, de tir, de dés ambulants dotés de nombreux prix ; carrousels, balançoires, etc. Il y aura de l'amusement pour tous.
Une grande vente de fraises aura lieu au profit de la Caisse d'amortissement ; les amateurs pourront donc s'en régaler tout en faisant une bonne action.
Favorisée par le beau temps, cette fête sans aucun doute, remportera le succès le plus complet et les visiteurs sont assurés de passer quelques heures le plus agréablement du monde, dans une des plus charmantes et accueillantes localités de la Moselle.
Un service d’autobus fonctionnera entre Metz et Woippy. Départ place d’Armes toutes des 30 minutes à partir de 14 heures.

Lundi 21 juin 1926
LA FÊTE DES FRAISES A WOIPPY
Des milliers de personnes ont assisté à la fête, mais les producteurs avaient tenu dans la matinée une importante réunion.
Le ciel, dans lequel perçait un soleil timide, engageait les Messins et les habitants de tous les villages environnants à se rendre à Woippy, la ville des fraises. Woippy est, en effet, le centre d'une région qui, chaque année s'agrandit et gagne de nouveaux villages. La culture des fraises couvre, pour la commune de Woippy seulement, une superficie de 250 à 260 hectares, c'est-à-dire l'indéniable importance de cette production régionale.
Or, la fête des fraises à Woippy se mesure à l'importance de la culture, et nous ne fûmes pas surpris en apercevant les autos, les camions, les voitures qui circulaient à vive allure, en dépit des prescriptions municipales qui obligent tout véhicule à ne point dépasser la vitesse de 15 kilomètres à l'heure.
Mais en arrivant dans le village, automobilistes consciencieux ou chauffards casse-cou étaient bien obligés de ralentir, car la place qui s'étend de l'église à la mairie et qui se prolonge vers la poste était encombrée de forains et d'une foule compacte, joyeuse, prête à s'amuser comme nos jeunes filles et nos jeunes gens de la campagne savent le faire, c'est-à-dire sainement.
Et pour bien commencer la journée, tout Woippy, les vieux comme les jeunes, assistèrent à la grand'messe que célébra M. l'abbé Guénot, curé de la paroisse, un de ces bons curés que tout le monde aime, parce qu'il aime tout le monde.
RÉUNION DES PRODUCTEURS
Il était presque midi lorsque, après l'office, on se réunit devant la nouvelle mairie, qui fait honneur à la commune. M. le député Sérot avait tenu, par sa présence, à prouver l'intérêt qu'il porte, ainsi que ses collègues des deux Chambres, aux agriculteurs.
M. Mangenot, le sympathique et dévoué maire de Woippy, fondateur du Syndicat des producteurs de fraises, ouvrit la séance par une allocution de bienvenue. Il le fit au nom du Syndicat, de la municipalité et de la population toute entière. Il émit l'espoir que cette manifestation se poursuivrait durant de longues années encore et qu'elle laisserait dans l'esprit de ceux qui y participaient la meilleure impression.
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M. Marchal, délégué du Syndicat des producteurs de fraises, après des remerciements, fit part du triste état des récoltes ; non seulement il y eut la gelée du 10 mai, mais encore un froid durable et la pluie incessante, et les insectes de toutes sortes. Tenant compte de tout cela, c'est à un prix raisonnable que nous livrons notre marchandise, et il faut nous grouper pour défendre nos intérêts menacés.
Puis M. Marchal rend compte du voyage d'études que fit en Angleterre M. de Ladonchamps, et des questions très intéressantes qui en ont découlé. En terminant, il demande à tous de s'unir au cri de : « Vive le Syndicat de Woippy ».
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M. de Ladonchamps, producteur lui-même, était bien placé pour procéder à l'étude des différents points qui faisaient l'objet de cette réunion. Il les développa avec aisance et dans un style très clair.
Tout d'abord, il tint à préciser par un exemple : On a écrit dans un journal de Metz qu'une brave femme avait montré un petit champ de trois à quatre ares et avait déclaré y avoir récolté l'année dernière pour 2 000 francs de fraises. Mais ce prix, s'il est réel, ne peut être donné comme exemple, il ne faut jamais généraliser et l'on ne peut comparer ce petit jardin bien soigné, bien cultivé, avec des hectares plantés en fraisiers et le rapport de ces hectares.
Un journal de Paris a dit que le département de la Moselle était le département où la vie était la plus chère de toute la France. Or, ceci est absolument faux ; le lait, par exemple, vaut 1fr. rendu à domicile à Metz ; à Paris, il vaut 15 à 20 centimes de plus. Il en est de même pour d'autres denrées.
Semblables affirmations erronées font le plus grand mal à notre département, et M. de Ladonchamps rend hommage au travail du Syndicat d'initiative de Metz, qui, par tous les moyens, attire du monde et favorise le commerce.
En ce qui concerne plus spécialement les producteurs de fraises, l'orateur fait savoir qu'une réfutation a été faite dans la presse au sujet d'erreurs parues dans des articles de journaux. La fraise, dit-il, augmente comme tout parce que les prix de revient ont augmenté. Comme M. Marchal, il demande aux producteurs de s'unir.
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M. l'abbé Ritz, conseiller général, après avoir déclaré qu'il était producteur, puisque comme chacun le sait, il a une vache, et fait partie du conseil d'administration de la coopérative laitière, dit aussi qu'il est journaliste.
Vous ne renseignez pas suffisamment la presse, dit-il aux producteurs, d'où une mauvaise interprétation ou des on-dit qui sont susceptibles de vous causer une mauvaise presse. Le public bien renseigné n'est pas contre l'exportation, mais il s'élève contre les intermédiaires sarrois. Soutenir qu'il faut arrêter l'exportation serait méconnaître l'esprit de nos agriculteurs, qui connaissent fort bien leur intérêt. Ils vous répondront à cela : « On arrêtera la production ». Ils savent ce qu'un are de terrain doit rapporter, ils n'en cultiveront pas deux pour un même bénéfice.
Envisagez carrément l'exportation vers l'Allemagne, leur dit M. l'abbé Ritz, nous sommes patriotes, mais la guerre est finie et les affaires sont les affaires. Si vous n'exportez pas vos fraises vers le débouché qui s'offre à vous, ce sont celles du Lyonnais et du Vaucluse qui vont déjà en Suisse et iront en Allemagne.
Et en terminant, le conseiller général suggère au Syndicat d'imiter la coopérative laitière et de créer une « masse de manoeuvre » qui lui servira à faire la propagande pour écouler et faire connaître ses produits.
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M. Claire, inspecteur au service commercial de la Compagnie des chemins de fer d'A.-L. répondant à une question qui lui a été posée au sujet des cageots, reconnaît que le règlement est formel. On ne peut expédier les fraises dans les autres départements français que si les paniers sont eux-même placés dans des cageots fermés. Et c'est ainsi que cette année les producteurs de la Moselle, qui ont trouvé cette prétention arbitraire, n'ont pas livré de fraises au chemin de fer à destination des autres départements, même pas pour Liverdun, fait-on remarquer.
D'ailleurs, précise M. Claire, le point de vue de la compagnie est bien connu, le système par cageots économise du temps et de la main-d'œuvre. Pour Paris, ce système évite le vol, car le transport de paniers aux halles n'est d'aucune garantie ; voler un cageot est beaucoup plus difficile. En ce qui concerne le transport, la Compagnie est prête à créer des trains directs sur Paris, comme elle le fait pour Berlin, à raison de 7 wagons au moins par jour; ainsi le train partant à 6 heures du soir pourrait arriver à 3 heures du matin à Paris, et la marchandise pourrait être, dans la même matinée, vendue aux halles.
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M. le colonel Deville, maire de Plappeville et président de l'Association des maires de Metz-Campagne, demande au Syndicat de Woippy s'il ne pourrait envisager la création d'un groupement de syndicats de producteurs de fraises et de fruits pour renforcer cette union que l'on a demandé et qui est indispensable pour l'intérêt de tous.
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M. Sérot, député de la Moselle, se déclare très sensible à l'invitation du Syndicat ; il est venu, dit-il, pour s'instruire, et non pour parler. Il se déclare d'accord avec ce qui a été dit jusqu'ici. Le sympathique député de la Moselle conseille aux producteurs de fraises de faire connaître leurs doléances, afin que soient dissipés certains malentendus et que le public soit mieux informé, ainsi d'ailleurs que ceux qui ont à régler certaines questions les concernant.
La commission des douanes, par exemple, a entendu les explications des industriels et des fabricants de conserves, mais les producteurs ne sont pas parvenus jusqu'à elle. Qui n'entend qu'un son est mal informé, estime avec juste raison M. Sérot, et dans beaucoup de cas la solution amiable n'est pas trouvée parce que certains arguments n'ont pu être exposés.
Le député de la Moselle est d'accord sur la nécessité de l'exportation vers l'Allemagne. En ce qui concerne la question des transports vers l'intérieur de la France, il se range à l'avis de M. Bertrand, conseiller général, qui est contre les cageots, et dit qu'à la résistance cordiale, mais très ferme des chemins de fer, les intéressés opposeront une résistance cordiale, mais très ferme aussi.
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M. le colonel Deville parle ensuite de la situation désavantageuse qui est faite aux producteurs de fruits sur le marché de Metz. On oblige ceux-ci à ne vendre les pommes et les poires d'une même espèce que par minimum de dix kilos et de trois kilos pour les fraises, et que d'autres part les producteurs doivent avoir déblayé le terrain pour 9 heures.
Certains producteurs font savoir que devant ces exigences, ils ne viennent plus sur le marché de Metz, d'où vente plus restreinte et prix plus élevés.
M. Bertrand parle à nouveau des cageots et demande que les envois par paniers puissent s'effectuer comme jadis.
En fin de séance, les syndicats susceptibles d'adhérer au groupement se font inscrire.
LE BANQUET
Il est plus de 13 heures lorsque, quittant la salle de la mairie, les producteurs, les délégués des syndicats de producteurs, les maires de communes voisines, les conseillers généraux, la presse et les invités, parmi lesquels M. le docteur Chevalot, se rendent dans la grande salle du Café du Commerce, que tient Mme veuve Humbert. Un déjeuner exquis y fut servi par un personnel charmant et les mets furent arrosés de vins généreux du pays.
Au champagne, plusieurs discours furent prononcés et, après de nouveaux remerciements de M. Mangenot, la parole fut donnée à M. de Ladonchamps.
Après avoir présenté les excuses de plusieurs personnalités et remercié M. Sérot et les invités, M. de Ladonchamps fait l'historique de la culture des fraises dans la région messine. Elle remonterait à 1868 et aurait été lancée par les frères Vion et continuée par les familles Zengen (Zennezenne), Lapied, Barrière-Brône (Braun), Marchal, Trinel, Galleron, et bien d'autres encore. A tous ces anciens, il rend hommage.
L'orateur, qui s'exprime dans un langage littéraire, parle ensuite du syndicalisme, dont les producteurs doivent s'imprégner. Il est partisan de l'idée du groupement dont la fondation est décidée.
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M. le colonel Deville, toujours spirituel, entretient à nouveau les producteurs de la question des marchés. M. Bertrand ajoute quelques précisions à ce qu'il a dit précédemment, et enfin la parole est à M. le député Sérot, qui explique l'esprit d'équité qu'il désirerait voir régner lorsqu'il s'agit de régler des questions importantes, et fait appel à l'esprit particulièrement éclairé de nos agriculteurs.
QUESTIONS DIVERSES
On règle ensuite la question du groupement des syndicats de producteurs de fraises et de fruits du département. La présidence en est confiée à M. de Ladonchamps, qui connaît admirablement la question.
On fait savoir ensuite que la vente de fraises sur le marché de Metz, devant la Cathédrale, vente au profit du franc, a rapporté 1 070 F. Une vente semblable eut lieu dans la soirée à Woippy.
* * *
Lorsque nous quittons Woippy pour rentrer à Metz, la fête bat son plein, la fanfare l' « Union » fait le bonheur des amateurs de musique, tandis que les manèges, avec leurs orchestres discordants, font la joie des bambins. Les marchands de sucreries feront une bonne journée. En un mot, tout le monde sera content.
Dans la soirée, les bals battront leur plein et gaiement les couples tourbillonneront sans souci des heures et des fatigues du lendemain.

Mardi 22 juin 1926
Après la journée des fraises
Par une amusante coïncidence, ce même dimanche 20 juin, où Woippy fêtait la fraise ; avec le succès qu'on a vu, une semblable cérémonie se déroulait aux portes de Paris, à Bièvre, qui est la-bas un centre réputé de production de fraises.
Bien entendu, la journée a fini par un cortège où des boeufs ont promené sur un char précédé de fanfare une reine des fraises. Ce qui est à retenir, c'est que fanfare et chanteurs avaient ressuscité pour la circonstance une vieille chanson française des inoffensifs cafés-concerts de 1880 :
« Ah ! qu'il fait donc bon !
Qu'il fait donc bon
Cueillir la fraise ! »
Ce refrain d'une musique facile et accessible aux clairons - on le retrouve dans des refrains régimentaires et notamment dans la marche du 110e RI, où servent tant de nos jeunes gens - pourrait dans l'avenir rehausser également la fête de Woippy.


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