Une introduction en cinq points
Vierge de la cour d'Honneur du centre |
Première surprise, à laquelle nous étions loin de nous attendre. Invitée à donner au Centre de Plappeville une conférence en mars 1957 sur la Mission des Sœurs de la Providence de Peltre de Lomé-Nyékonakpoé, Sœur Marie-Rosalie, qui a bien fait les choses, y vint avec sa « boîte à surprises ». Deux cent cinquante vues en couleur, l'une plus belle que l'autre, ont fait passer devant nos yeux émerveillés, pendant deux heures et demie, la vie de ses chers protégés du Togo. L'attention des spectateurs fut des plus soutenue et un triple ban traduisit, à la fin, leur enthousiasme.
Deuxième surprise : Avant de commencer la conférence, la Révérende Sœur réussit comme il faut, mais respectueusement, à mettre « en boîte » le pauvre abbé, si timide de nature et que l'on dit « directeur » de l'établissement. Quoi d'étonnant que les pensionnaires, à ce moment, aient manifesté bruyamment leur joyeuse approbation... C'est peut-être à la suite de cet échec, que l'abbé a exprimé le désir de laisser sombrer son nom dans un bienfaisant anonymat tout le long de ces pages anecdotiques et véridiques.
Troisième surprise : Après la conférence officielle, moult histoires sérieuses et gaies furent racontées par la Sœur devant un cercle plus restreint. Rien ne pouvait la faire démordre de son cher Togo ; la Métropole, en dehors des amis et de sa famille, ne présente plus beaucoup d'intérêt pour elle.
Quatrième surprise : Le lendemain, la sœur-missionnaire fit sa tournée dans les ateliers et même au grand réfectoire où elle pénétra contrairement à tous les règlements, sans l'autorisation de la direction... Celle-ci fut cependant indulgente en apprenant que les pensionnaires avaient manifesté le même intérêt que la veille, bien plus, avaient demandé, si au Togo on n'avait pas besoin de menuisiers et de cordonniers ! Tous tenaient au moins à offrir spontanément leur obole, le sou du pauvre.
Dernière surprise : Nous avons cependant eu le malin plaisir d'une dernière revanche en jetant dans l'étonnement la sœur. Pensez donc ! Elle a avoué en toute candeur s'être imaginé trouver à Plappeville une petite maison avec une petite clôture entourant un petit jardin ; et voilà que le Centre se révélait être un institut couvrant 3 hectares sur lesquels étaient répartis, comme par hasard, mais en formant un bel ensemble, quatorze pavillons, dont trois avec un étage et quelques-uns mesurant jusqu'à 60 et 70 mètres de long. La surprise fut mutuelle ; nous sommes quittes !
Mais voilà ! La sœur ne l'entendit pas ainsi ; elle nous fit marcher quand même ! Froidement elle décréta : « Je désire un article sur le Centre pour mon bulletin « Sous les Palmiers du Togo ». Il ne nous reste qu'à nous exécuter et à lui en servir suffisamment..., pour ne pas avoir à recommencer une autre fois ! Disons encore tout bas que la Sœur ajouta : « Et moi, je serai quitte d'écrire un article » !
Quel but poursuit le Centre ?
Il héberge entre 90 et 100 anciens tuberculeux, tous stabilisés. Désemparés dans la Société moderne qui souvent ne sait que faire des handicapés physiques, ils viennent, avec l'intention d'apprendre un métier par la rééducation professionnelle dans un centre comme celui de Plappeville qui est un des premiers en date en France.
Environ 30 % de l'effectif, originaires en particulier des pays industriels de nos trois départements du Rhin et de la Moselle, sont inscrits dans la
Réadaptation progressive à l'effort, sans formation professionnelle, pour être replacés à leurs anciens postes, mais dans des conditions de travail moins pénibles.
La plupart des pensionnaires, après une opération chirurgicale (lobectomie, thoracoplastie etc.) n'ont plus qu'une partie de leur poumon. Un médecin spécialiste vient deux fois la semaine pour les décisions à prendre en vue de la progression dans le travail, qui se fait par étapes régulières de 2, 4, 6 et finalement 8 heures par jour. Il est surtout chargé de la surveillance médicale qui tend à une stabilisation définitive de l'état de santé des stagiaires.
Les Ateliers
Les stagiaires, âgés de 18 ans et plus, sont placés dès leur arrivée et pour la durée d'un an dans un des ateliers de la maison. Ils peuvent devenir des relieurs sachant même faire la dorure des livres ou des cordonniers avec l'obligation de confectionner une paire de chaussures neuves après 6 mois de présence. Ou bien encore, c'est la menuiserie qui leur ouvre les portes et où le secret de la fabrication de meubles de tout genre leur est enseigné. Il y a même un atelier de monteurs-électriciens, vaste et clair, comme chaque atelier d'où ils sortent ouvriers qualifiés avec des connaissances très approfondies de tous les moteurs électriques, des installations compliquées de lumière, de sonneries électriques, de téléphone, etc... Enfin une section où les comptables, attirés vers une tâche plus intellectuelle, ont l'occasion d'aligner des chiffres, de faire des bilans, d'apprendre les lois concernant les impôts, le commerce et autres bonnes choses de ce genre.
Un effort intense d'intelligence
Venez visiter les ateliers, où vous êtes toujours les bienvenus ; mais ne soyez pas offusqués, si personne ne prend garde à votre présence. C'est qu'on n'a pas une minute à perdre. Le bagage des connaissances pratiques et intellectuelles à assimiler n'est pas mince. Dans chaque atelier, vous trouvez plusieurs tableaux noirs avec des dessins et des chiffres mystérieux. Il y a la théorie et la technologie comme ils l'appellent ; il y a encore les lois sociales et ouvrières à caser, sans aucune pitié, dans un cerveau d'ouvrier qui depuis des années n'a plus goûté aux études. Il y a des cours de français et de calcul à suivre où on ne badine pas.
Chaque trimestre, les notes dans toutes ces matières, établies par les moniteurs et le hyper-sévère et pourtant très bon « adjoint-technique », M. Marcel, sont envoyées aux collectivités, aussi bien Sécurité Sociale que Préfectures assurant les prix de journée.
Origine des pensionnaires
Les « élèves » dont quelques-uns aux cheveux gris, viennent de plus de 50 départements ; parmi eux se trouve une vingtaine de Nord-Africains. Ces derniers se signalent souvent par leur sérieux et leur conscience professionnelle, au point que certains d'entre eux l'emportent sur leurs camarades de la Métropole. Le Centre depuis sa création à ce jour, a hébergé 2.200 pensionnaires.
Examens
Les examens que les adultes, touchés sérieusement par les épreuves de la vie, exigent eux-mêmes rigoureux, se font au printemps et en automne. Ils sont présidés par un jury de la Chambre des Métiers et de la Direction du Travail et de la Main d'Œuvre. Un double certificat est remis à ceux qui réussissent à l'examen de fin d'apprentissage : le Brevet de Compagnon et le Certificat de Formation Professionnelle pour Adultes du Ministère du Travail, équivalents tous les deux au C.A.P. Jusqu'à présent, sur 357 candidats, il n'y a pas eu un seul échec aux examens ; bien plus, la plupart des candidats récoltent des mentions.
Ce succès s'explique par le choix auquel sont soumis les candidats et par le sérieux avec lequel ils se mettent au travail, vu leur âge et leur expérience ; enfin, ils sentent que l'enjeu du problème devant lequel ils sont placés, engage tout leur avenir.
Diplômes
Il s'agit aussi de faire connaître à l'opinion publique le grave problème de la rééducation professionnelle au travail des anciens malades et surtout d'y intéresser les employeurs, patrons, directeurs d'usines etc... Pour cette raison, le Centre s'est présenté aux Expositions Artisanales et Internationales à Metz, Forbach, Thionville, Nîmes, Vichy et Luxembourg. À ces occasions, le Centre et les pensionnaires exposants ont récolté 300 diplômes et médailles de toutes sortes.
Le placement
Jusqu'ici tout est très bien et des visiteurs félicitent les responsables de la Maison et les moniteurs ; cependant ceux-ci restent insensibles devant les effluves de sentiments, même sincères. C'est qu'il y a un autre problème, le principal, dont on parle peu, celui du placement des anciens du Centre. Si le placement était un échec, il serait normal de fermer la Maison. Mais, grâce à Dieu, il n'en est pas ainsi. Les possibilités de placement sont déjà étudiées avant l'admission. Un certain nombre d'anciens ont pu être placés par l'intermédiaire du Centre même.
Une grande famille
Il faudrait pouvoir transcrire quelques-unes des 350 lettres des anciens, reçues pour le Nouvel-An, sans parler de celles qui nous parviennent dans le courant de l’année. Les anciens disent leur reconnaissance, en des termes parfois émouvants, de pouvoir occuper aujourd'hui une place honorable dans la Société ou d'avoir été en mesure de fonder un foyer, tout cela, grâce à leur passage au Centre.
Ils ne manquent jamais de nous faire partager leurs joies et leurs peines familiales. Leurs lettres sont publiées chaque année dans une brochure « LE LIEN ». - Oui ! Le Centre avec ses chers anciens, forme une grande famille ! et en 1957, pour la première fois pendant les vacances, une « journée d'amitié » a été organisée. Nombreuses ont été les inscriptions enthousiastes d'anciens qui ont voulu revoir leur Centre.
Les Sœurs de Peltre
La vaillante communauté compte huit sœurs. Elles se dépensent sans compter entre autre à l'infirmerie, à la cuisine - et quelle cuisine, - à la lingerie et à la buanderie, entraînant par leur exemple un nombreux personnel qui compte 35 personnes. Leur modestie nous interdit de chanter les louanges de leur vie généreuse, faite de dévouement, de travail, d'effacement et de prières.
Le Conseil d'Administration
Les responsables de la Maison peuvent se présenter avec assurance devant leur Conseil d’Administration et devant leur président, le Vicaire Général, Mgr A. LOUIS, qui a pris la succession du vénéré Mgr ERMAN, auprès duquel l'abbé a trouvé, dès la première heure, le plus fidèle soutien. Ils trouvent d'ailleurs le plus vif encouragement auprès des vingt membres de ce conseil qui sont tous des directeurs d'administrations, pour lesquels et avec lesquels le Centre travaille. La T. Rév. Mère fait également partie du Conseil. Elle vous dira comment les choses se passent dans ces séances.
Les responsables sont fiers de ne pas avoir trompé l'attente de la Municipalité de la Ville de Metz qui a offert, par un bail de 99 ans, tout l'ensemble de l'établissement à l'Association du Centre.
Le concours des Services Municipaux dont le premier responsable est notre ami M. Ch. GAILLOT, secrétaire général, est des plus précieux, quand des responsabilités sont engagées. En effet, la bienveillance du Député-Maire actuel, M. Raymond MONDON, ne se démentit pas un instant.
Son prédécesseur, M. Gabriel HOCQUARD, ancien Sénateur, a guidé les premiers pas du Centre, à des moments où de graves décisions étaient à prendre. Touché lui-même par la maladie, il est venu chercher sa guérison au Centre à la suite d'une grave opération ; il se dit avec fierté le doyen des pensionnaires auxquels il n'hésite pas à donner régulièrement des cours favorisant leur formation civique.
Les constructions
Avec l'aide des administrations citées, l'aménagement intérieur du Centre a été récemment modernisé ; de nouvelles constructions ont été érigées, si bien qu'à l'heure actuelle, l'établissement répond à toutes les exigences fixées par les différents buts qu'il poursuit.
L'ancien architecte en chef de la Ville de Metz, le Maire de Plappeville, Monsieur Roger BERRIER, a élaboré gracieusement les plans de ces multiples constructions, dont il a accepté également la surveillance. C'est un ami de longue date du Centre et de l'abbé ; mais il est équitable de dire quelques mots d'une troisième figure qui a joué un rôle de premier plan au Centre :
Monsieur Lucien Poinsignon
ancien secrétaire général de la Ville de Metz, et Maire de Ban St-Martin. Il convient d'évoquer la mémoire de ce cœur généreux, qui considérait les pensionnaires du Centre, grands et petits, un peu comme ses enfants ; il avait « adopté » le Centre. Chaque semaine, deux ou trois fois, le soir, il montait au Centre discuter avec compétence des problèmes qui se posaient. Il animait, avec notre célèbre « Arthur », les soirées offertes aux malades. Chaque semaine il achetait les fleurs nécessaires pour orner chaque dimanche la chapelle. D'une constitution forte comme celle d'un chêne, il a été rappelé auprès du Bon Dieu, après quelques jours de maladie seulement.
Inutile de relever combien son souvenir reste vivant parmi nous. Il ne se passe d'ailleurs guère un jour sans qu'il ne soit chargé « d'une commission » ou d'une démarche à faire au Ciel, lui qui en a tant fait en faveur du Centre durant son séjour parmi nous.
Que Madame POINSIGNON ne nous en veuille pas, si nous trahissons ce qu'elle voudrait garder comme un secret ; qu'aujourd'hui encore elle continue la tradition, établie par ce très regretté « Frère » et ami d'orner de fleurs, à l'occasion de chaque « Jour du Seigneur », notre petite chapelle.
L'origine du Centre
Il faut avoir vécu dans un sanatorium de tuberculeux après les années de 1920 ! Les organismes de la Sécurité Sociale n'existaient pas encore, ni les antibiotiques, ni les interventions hardies de la chirurgie pulmonaire tuberculeux mouraient !
Quels pouvaient être, dans ces conditions, les sentiments d'un aumônier de sana, malade lui-même, qui voyait revenir au sana, pour y mourir, ses anciens camarades de souffrance, ou qui recevait des lettres d'une maman, d'une jeune épouse éplorées lui annonçant que son fils, son mari était décédé ! il était réduit à se dire : il manque quelque chose à la lutte antituberculeuse.
D'autre part, les malades, plongés dans une sorte de désespoir permanent, venaient, la veille de leur départ du sana, le supplier de leur procurer une place en rapport avec l'état de leur santé, refusant, trop fiers d'accepter, des sommes parfois importantes, parce qu'elles ne leur assuraient pas un travail honorable ! Devant de tels faits, il y avait de quoi être ébranlé.
Et quand, l'un ou l'autre, indigné, dans un sursaut, lançait le défi : « Mais, êtes-vous curé, oui ou non ? Puisque personne ne peut quelque chose pour nous : c'est à vous de nous sauver ». Il ne lui restait plus, dut-il y laisser la vie, que de tenter l'impossible pour répondre à un tel cri de détresse.
Coûte que coûte, il fallait arriver à mettre sur pied une œuvre qui offrirait une transition entre le séjour au sana, où le repos intégral était de rigueur, et la reprise du travail dans une Société qui ne pardonne pas aux retardataires ; une œuvre où serait offerte aux anciens malades la possibilité d'apprendre un métier, conforme à leur état de santé stabilisée, mais non rétablie.
L'abbé doit avouer aujourd'hui ce qu'il cachait nécessairement alors à son entourage ; qu'il n'était pas rassuré du tout, humainement parlant, quant à l'avenir d'une telle œuvre ; celle-ci débuterait, sans conteste, très misérablement ; par ailleurs, il n'avait pas un sous vaillant en poche ; ne connaissait rien aux secrets de l'administration d'un tel établissement et, par dessus tout, savait d'avance que lui-même jouerait, toute sa vie, au malade chronique ; un séjour de près de 12 ans au sanatorium d'Abreschviller (Moselle) où, jour par jour, il avait fait de la chaise-longue, laisserait passablement de traces.
Le Fondateur du Centre
Ce fut le père de l'abbé. Qui l'eût cru ? Lorsque, petit garçon encore, le futur abbé demanda à son père l'autorisation d'étudier pour devenir prêtre, il eut une réponse d'un homme de caractère et de foi : « Je n'ai pas le droit de te le refuser, mais je te demande d'accomplir ton devoir sérieusement. Ta décision m'oblige à travailler dix ans de plus que je ne l'avais escompté ; je reste seul pour nourrir la famille. Un mot encore, - tout en parlant, des larmes coulaient le long de la figure fatiguée de ce père pourtant inébranlable devant les épreuves de la vie. - À cause de toi, mon nom sera éteint ».
Le jeune homme ne comprit que plus tard toute la portée d'un tel aveu ; mais il fallait répondre n'importe quoi : « Père, ne pleure pas, le Ciel te donnera d'autres fils, ils seront nombreux ».
Aujourd'hui, le fils est convaincu que le Ciel a accepté le sacrifice du père et que tous ceux qui passent au Centre acclameront un jour un tel père. Le fils éprouve un sentiment de bonheur de publier ces faits, extraits d'un petit livre, écrit pour honorer sa mémoire.
Il y a davantage. Lorsqu'en 1933, le fils-prêtre, la veille de son départ définitif du sana, s'adressa, accompagné de son frère, prêtre lui aussi, au Maire de Metz, le regretté M. Paul VAUTRIN, le suppliant de faire quelque chose pour sauver les tuberculeux, il eut la réponse bien surprenante : « Ce que vous m'expliquez sur la nécessité de créer une œuvre est l'écho d'une grande détresse. Cependant, comment emporter l'adhésion de mon Conseil Municipal, puisque vous n'offrez aucune garantie de réussir... ? Mais, j'ai trouvé ! Votre père, simple ouvrier, a su gagner l'estime et l'admiration de notre Conseil dont il fut membre pendant de longues années ; c'est à lui que nous faisons confiance ».
Effectivement, huit jours plus tard, l'abbé fut convoqué : « Choisissez, lui dit Monsieur le Maire, entre le château de Landonvillers et l'ancienne caserne de Plappeville ; mais je vous préviens, celle-ci se trouve dans un triste état ». - Le contrat fut signé quelques jours après.
« Merci, cher père ; du haut du Ciel tu travailles encore pour les pauvres », c'est tout ce que l'abbé put sortir de son cœur qui jubilait.
Le choix fut vite fait. Les casernements étaient situés, sur le mont St-Quentin dans un site merveilleux, à proximité de la Ville de Metz, qui fera vivre l'œuvre.
Nombreuses furent les personnes sages qui appelaient ce choix un acte de folie. La réplique fut facile ; elle est la paraphrase d'une maxime connue : « Plaie de briques, n'est pas mortelle ».
Plus de vingt années d'existence ininterrompue de l'œuvre
Travaux d'approche
C'est en octobre 1936, il y a plus de deux décades, que l'œuvre a débuté. Mais auparavant pendant une durée de trois ans, il s'agissait de déloger de l'ancienne caserne une quarantaine de familles vivant dans de véritables taudis. Les responsables se refusèrent à faire appel aux offices d'un huissier. Avec l'aide de Sœur Geneviève, des Sœurs de la Maternité de Metz, « la sœur des pauvres », et Mademoiselle Bauerschmitt du Dispensaire, ils arrivèrent à trouver dans les villages environnants de la Ville de Metz, des logements proprets ; ils payaient le déménagement, quand il y avait quelque chose à déménager, ainsi que le premier loyer. L'opération se passait ainsi en paix.
Il y eut cependant un intermède ; l'abbé a failli se faire fusiller par un des derniers locataires, malade des nerfs. C'est presque dommage ; la terre n'aurait rien perdu et il doit faire bon vivre chez St Pierre, puisque toutes celles et tous ceux qui très rarement sont revenus de là-Haut, s'empressent d'y retourner...
Les débuts
Ils furent quelque peu pénibles ; cependant « METZ LA CHARITABLE », une fois de plus n'a pas failli à sa renommée. Pendant plusieurs années, le Centre ne vécut que de dons. À aucun moment, on ne manqua du nécessaire. Très souvent, alors que placards et caisses étaient vides, arrivèrent, comme envoyés par un message invisible, les bienfaiteurs apportant ce dont on avait besoin.
Petit à petit, la cuisine et quelques chambres se meublaient, pauvrement encore, mais la gaieté régnait dans cette république libre. Il fallait voir les premiers pensionnaires, et cela dura plus longtemps qu'on l'eût désiré, faisant eux-mêmes leur popote et leur lessive... Ils vivaient sans souci. Pourquoi s'en faire ? Le ciel pourvoit à tout. Ce fut une aventure, un défi au bon sens, mais non pas à la Providence.
Ces années furent les plus belles aux dires des premiers pionniers, et pourquoi ? Parce que le « directeur » n'était pas sur place !... il était retenu à un autre poste, chez les Petites Sœurs des Pauvres, et ne pouvait faire, chaque jour, qu'une courte apparition à ce « camp d'heureux bohémiens ».
L'essai qui avait duré deux ans ayant été concluant, il était temps de mettre un peu d'ordre à la situation et de partir à la recherche d'une congrégation, de religieux de préférence, qui prendrait l'œuvre en main et assurerait ainsi sa stabilité. On frappa à la porte de… quatorze maisons congréganistes, mais en vain.
Il serait trop long de raconter par quelles circonstances inattendues et extraordinaires on fut amené à faire appel à la Maison-Mère des Sœurs de Peltre, à laquelle personne n'avait songé auparavant. L’idée d'avoir recours à Peltre vint de Mademoiselle M. L. WINSBACH, ancienne monitrice de l'Ecole des Infirmières des Sœurs de Peltre. Les voies de Dieu sont mystérieuses, mais toujours, Dieu veut notre bien. Le Ciel avait, en effet, son plan à Lui.
La Maison-mère de Peltre
L'acceptation des Sœurs de cette intrépide Congrégation d'envoyer à Plappeville une communauté, tient du miracle. Ce fut au printemps 1938, l'année où plusieurs petites communautés durent être supprimées, faute de vocations. La T. Rév. Mère Antoine-de-Jésus, encouragée par Mère Thérèse-Aloyse et Mère Eugène-Joseph, a fait parler pendant plus de deux heures, lors de sa première visite, le pauvre abbé quémandeur, accompagné de son ami, M. POINSIGNON. Les bonnes Mères voulaient tout savoir, c'est compréhensible, mais ne démentirent pas que les filles d'Eve sont naturellement curieuses. Le résultat fut d'autant plus beau.
Finalement, il fut décidé de constituer une communauté à Plappeville. Vous ne devinerez pas la raison déterminante ? Une grande dame était intervenue pour plaider notre cause : Dame pauvreté qui régnait au Centre. La Rév. Mère-Générale se plaisait à le souligner avec force, en ajoutant que les paroles les plus diplomatiques n'auraient pu réussir à la fléchir.
N'oublions pas, qu'à l'époque, les quelques pavillons existants étaient plutôt à l'état misérable de demi-ruines. Ah ! Cette scène inoubliable, lorsque six mois plus tard, au moment de l'installation des sœurs, le 1er août 1938, la Très Rév. Mère manifestait son désespoir d'avoir placé ses filles dans une maison où s'étalaient non pas la pauvreté, mais la gêne et l'indigence la plus absolue. La Révérende Mère cependant ne pouvait plus retirer sa parole ; ses protestations « posthumes » à son acceptation restaient sans effet. L'abbé s'en amusait ; c'est que le bon Dieu a été plus fort.
La Chapelle
Son aménagement tient aussi du merveilleux. Notre-Seigneur avait tenu à installer Lui-même Sa demeure qui peut contenir environ 150 personnes. Tout ce qui s'y trouve, Il l'a fait offrir gracieusement par des bienfaiteurs.
Des restes de
vitraux provenant des greniers de trois églises : de Goin, St-Maximim et surtout de Knutange ont été rassemblés bénévolement par un vitrier d'art de Montigny-lès-Metz ; ce travail fut une véritable réussite. Les visiteurs de la chapelle trouvent dans ces cinq vitraux, d'heureuses inspirations pour leur piété. - L'
harmonium, une autre œuvre d'art, a coûté 50 francs... avec une quittance en règle ! - Les
bancs, provenant de la chapelle d'un établissement appartenant aux Sœurs de Peltre, se plaisent bien chez nous. Une fois amenés à Plappeville - ce voyage se fit pendant la guerre - ils y restèrent, et ce fut normal. - Le
chemin de Croix est un sujet d'admiration et de véritable piété ; il a été offert par un des camarades de classe de l'abbé. - L'
autel, de pur style Louis XV, a sa propre histoire. Cinq jours avant l'arrivée des religieuses qui marquait l'ouverture officielle de la maison, la Rév. Mère Générale de Ste-Chrétienne à Metz fit venir l'abbé. Quelle ne fut pas son étonnement en entendant une voix calme lui annoncer : « Nous sommes obligées de fermer un pensionnat, rue Toison, avec la chapelle, dite de la « Propagande » qui a été fondée par Bossuet ; tout ce qui s'y trouve est pour vous ».
Il est des moments dans la vie, où on est comme écrasé par le sentiment de la présence bienveillante de Dieu qui, Il l'a promis, se plaît manifestement à faire la volonté de ses enfants, à condition que ceux-ci sachent appeler de leurs vœux l'heure que Dieu s'est fixée.
Mais pour la date d'ouverture, il n'y avait pas encore d'
ornements. C'est alors que la Révérende Mère des Sœurs de Ste-Blandine s'empressa d'intervenir. En l'espace de cinq jours, la chapelle et la sacristie furent donc aménagées ; presque rien n'y manquait.
Notre-Seigneur sera donc très dignement logé et cela, dès le jour, où pour la première fois, le 31 juillet 1938, il descendra au Centre. Et quand la première Sainte Messe fut dite en cette nouvelle chapelle, dans d'inexprimables sentiments de gratitude, le Seigneur-Jésus a été nommé officiellement le « Directeur» de la maison. L'avenir de celle-ci était dorénavant assuré, puisqu'il se trouvait entre Ses mains toutes-puissantes et infiniment bonnes.
Quelques mois plus tard, la nouvelle supérieure, Sœur Jean-Etienne - « il n'y en a pas une pareille dans la Congrégation », affirmait la Très Révérende Mère - s'ingénia à trouver ce qu'il y avait de plus beau, afin qu'absolument rien ne fasse défaut. Sa grande joie a été de contribuer à rendre les offices religieux aussi solennels que possible.
Un calvaire, grandeur naturelle, placé aujourd'hui dans le vestibule d'entrée de la chapelle, un véritable chef-d’œuvre, a été offert à son vicaire, pour le Centre, par le Curé de St-Maximim, dont la grande piété était universellement connue, Monsieur l'abbé PERQUIN.
Au-dessus de l'autel est placé un autre
calvaire très précieux datant du XIVe siècle. Mère Thérèse-Aloyse l'avait déniché - (est-ce possible !) - au grenier du Centre. Elle aurait voulu l'emporter (pas mal cela !), mais elle dût évidemment en faire son deuil.
Ce calvaire rappelle au prêtre qui dit la sainte Messe à ses pieds, une loi bien consolante : « Si nous savons souffrir en union avec le Christ, Il ne manquera pas de nous faire régner avec Lui », à la cour céleste, qui est constituée par des « rois ».
Relisez les Saintes Ecritures et dites-moi si j'exagère.
«
Si tamen compatimur, ut et glorificemur », St Paul nous invite à compléter la passion de Notre-Seigneur, (Col. 1, 24), c'est-à-dire à l'appliquer par des prières aux dimensions du monde et par des sacrifices offerts « in ipso et cum ipso » pour l'extension du Royaume de Dieu sur la terre. Par la suite, en vertu d'une promesse du divin Maître, nous partagerons le Règne avec Lui, puisque nous recevons « de sa main un royaume de gloire et un diadème éclatant ». (Sag. 5,17). D'innombrables âmes, des hommes de toute couleur, nous appelleront leurs « rois et leurs reines », ils le feront parce que nous avons été leurs pères et leurs mères, en leur procurant la VIE éternelle par nos prières et nos sacrifices.
« J'ai encore le temps de faire de la mystique » s'écria devant nous, il y a quelque temps, une âme pourtant privilégiée. Que faut-il entendre par faire de la mystique ? Ce n'est autre chose que d'être « dévoré de l'amour de Dieu et d'esprit apostolique. »
« Si vous ne vous mettez pas en peine, dès maintenant, vous risquerez de connaître un jour de durs réveils. » Le Saint-Père lui-même, tout récemment, a fait pour nous ce grave examen de conscience, en parlant de nos responsabilités envers les peuples moins fortunés.
Une histoire plus ancienne
On a parlé plus haut du séjour dans un sanatorium. De cette époque date une petite histoire qui a le Ciel pour auteur.
Don Bosco avait un double secret que personne n'ignorait : l'Eucharistie et Marie-Auxiliatrice. De là, ses succès qui étonnent encore aujourd’hui.
Au sana d'Abreschwiller, on vit quelque chose de semblable, en plus petit. Dans l'espace de quatre ans, une vingtaine de jeunes filles, sorties d'un petit groupe d'employées, des « aides aux sœurs » dans les travaux de ménage, partirent en religion dans toutes les directions, vers huit congrégations différentes. L'explication en est très simple ; ces enfants qui ne chômaient pas au travail, avaient introduit une double dévotion.
En premier lieu, elles mettaient en honneur l'
Archiconfrérie du Sacré-Cœur ; chaque heure, au signal de l'horloge, elles offraient aux grandes intentions de Notre-Seigneur et de l'Eglise, leur travail ainsi que les oraisons jaculatoires récitées pendant leurs occupations. Chacune avait retenu une heure de son choix qui était consignée sur un tableau et devenait, pendant cette heure, connue de toutes ses camarades de travail, chef de groupe dans la prière.
Quelques brefs instants, au début de chaque heure, suffisaient pour cette entreprise et le travail reprenait avec entrain, entrecoupé de rires, dans une ambiance de détente ; mais le coup avait été porté au Malin.
D'autre part, elles se réunissaient librement chaque semaine, de préférence le dimanche. L'aumônier n'avait pas le droit d'assister à ces réunions « secrètes » qui se tenaient à la chapelle, autour de l'
Image de N.-D, du Perpétuel-Secours. Elles appelaient cette heure « monter à l'assaut du Ciel. »
Voilà l'explication des nombreuses vocations religieuses, sorties en si peu de temps d'un cercle restreint ; elles sont d'ailleurs, excellentes. Toutes ces sœurs « fraîchement émoulues », voulant se montrer reconnaissantes, ont accepté de ne pas oublier durant leur vie religieuse, dans leurs prières et leurs sacrifices, le Centre de Plappeville. Un ange a probablement dû être engagé spécialement au Paradis pour tenir la comptabilité des grâces qui, sans cesse, depuis, descendent comme une rosée bienfaisante sur cette maison.
Avons-nous mérité le grief qui nous fut fait, d'insérer dans ces pages cette histoire « ancienne » qui intéresse la vie du Centre aujourd'hui autant qu'hier !
Une vente de charitê
Quel supplice ! Quelques mois après l'installation des Religieuses au Centre, vint à Plappeville de la part de la Rév. Mère, une messagère pour signifier au responsable du Centre qu'il avait à rembourser une somme assez importante, mise à sa disposition pour les frais d'installation. Si vous aviez vu la tête qu'il faisait... Pour une fois, il n'était pas fier ! et à ce moment, il apprit à bé-bégayer... !
Son interlocutrice s'en amusa : « Allons ! doucement ! dit-elle posément. Voici ce que nous ferons : Nous mobiliserons toutes les communautés de nos sœurs pour la confection d'articles à offrir à l'occasion d'une Vente de Charité que nous organiserons nous-mêmes. Ensuite, les stands de vente seront tenus par les anciennes élèves de nos pensionnats ; nous aurons le groupe des dames de généraux, celui des dames de médecins, celui de la Croix-Rouge et ainsi de suite ».
C'était à vous donner le vertige : « Fichtre, pensa l'abbé, les bonnes Sœurs ont le bras long et des re-la-ti-ons ; - tu n'as qu'à laisser faire ». Mais il fut un peu navré du rôle qui lui fut assigné : « Quant à vous, lui fut-il dit, vous n'aurez qu'à montrer votre tête... c'est tout ce que nous vous demandons ». (Vous avez deviné que seule Mère Thérèse-Aloyse fut capable d'une pareille mise en scène touchante).
La Vente de Charité fut un plein succès ; une somme rondelette (la censure interdit de la faire connaître) fut prestement sortie des poches des visiteurs, qui s'y prêtèrent d'ailleurs de bonne grâce ; mais le plus beau dans l'affaire fut que le produit de la vente a été offert au Centre... où l'on montra, à ce moment-là encore, une bien drôle de tête...
La dite Vente eut lieu les 9 et 10 juillet 1939. Quelques jours plus tard, ce fut la guerre - et la somme offerte si gracieusement a servi à faire vivre le Centre pendant de longs mois, alors qu'il n'y avait aucune recette à escompter. Aujourd'hui encore la question se pose : « Les chères Sœurs, en cette histoire, ont-elles fait marcher l'abbé, ou bien le Bon Dieu a-t-il roulé les chères Sœurs ? » Qui de vous pourrait résoudre cette énigme ?
N'empêche que depuis, avec plus de raison encore, puisqu'il avait déjà eu d'autres leçons de ce genre, l'abbé a pris l'habitude de dire chaque jour à la Sainte Messe « ubique et semper, partout et toujours, à Toi Père infiniment bon, un grand Merci » ; mais aussitôt, tombant dans son vieux défaut de mendiant, il continue : « N'oublie pas de bénir nos bienfaiteurs ».
Mais changeons de tableau et disons quelques mots d'un événement qui, aujourd'hui encore, nous fait « frémir ».
Une Supérieure
Sœur Jean-Etienne |
La Maison-Mère de Peltre envoya en 1939 une « terrible » Supérieure au Centre ! J'ai parlé de Sœur Jean-Etienne que nous vénérons un peu comme « notre sainte ». Elle fit des choses peu ordinaires, en collaboration avec celle qu'elle avait formée, Sœur Victor-Joseph du Foyer des Infirmières des Sœurs de Peltre à Metz. Toutes deux se sont particulièrement dévouées pour le Centre et se réjouissent aujourd'hui au Ciel, où nous les comptons parmi les protectrices de marque.
Un trait parmi bien d'autres. Sœur Jean-Etienne, la « terrible » avait un petit défaut ; elle allait jusqu'à deux fois pour exprimer une demande ou formuler un vœu ; elle n'y revenait jamais une troisième fois.., faisant alors elle-même le travail, ou bien recommandant l'affaire à la Providence... Ainsi, un jour, au début de l'année de grâce 1940, elle vint trouver l'abbé, pour lui annoncer qu'il n'y avait plus que pour huit jours de pommes de terre dans les caves : « Veuillez en commander ». Mais le pauvre abbé avait d'autres soucis et, de plus, il n'avait pas un sou vaillant ; aussi s'empressa-t-il d'oublier ! Après huit jours, même scène et, évidemment, même oubli...
Au mois d'août, donc huit mois plus tard (il lui en fallait du temps pour comprendre), l'abbé se souvient de la commande de sa Supérieure. Il bondit : « Seigneur qu'ai-je fait?» Tout contrit, il va trouver la chère Sœur. « Vous souvenez-vous, etc... » - « Eh oui ! » - « Eh bien, avez-vous fait une commande de pommes de terre ? » - « Non » - « Moi non plus ». Silence de la Sœur, accompagné d'un bon sourire entendu. « Mais alors ? », dit-il.
À vous de nous donner une explication ! Toujours est-il que nous n'avions jamais manqué de patates ces huit mois...
La Vie de Sœur Jean-Etienne était faite de prière et de travail ; elle ne reculait pas devant les tâches les plus humbles; à chaque moment libre on la voyait s'adonner à des travaux de jardinage. - Que de fois, à notre grande stupéfaction, l'avons-nous surprise, tenant d'une main un parapluie ouvert, jouant le rôle de bouclier, et de l'autre main continuant à sarcler et à repiquer ses plants, restant insensible à toute protestation la priant de se ménager.
Il est possible qu'elle n'ait pas prononcé une seule parole contre
la charité, ne se donnant d'ailleurs pas le temps matériellement nécessaire pour le faire.
Voulez-vous un trait qui projette une vive lumière sur sa vie intérieure intense, en même temps que sur
sa haute conception du devoir d'état. La boutade, mainte fois entendue, de la part des religieuses, placées sous ses ordres, nous le fournira : « On est tenté de croire, s'écriaient-elles, espiègles, que le Saint-Esprit lui a donné des ailes ; elle se trouve toujours présente là, où on ne l'attend pas !... »
La première debout, elle se couchait la dernière de toute la communauté, ayant l’œil à tout, maternelle et ferme à la fois ; ce n'est qu'au moment du repas qu’elle se permettait un court instant de repos.
Enfin, un dernier trait de sa vie la caractérisait tout spécialement : sa totale soumission envers les Supérieurs et en particulier,
son profond respect envers le prêtre. Elle ne voyait que le représentant de Dieu dans le prêtre. À longueur de journée, ce n'est pas trop dire, elle lançait le même mot d'ordre qui suscitait l'admiration unanime, alors même qu'il provoquait parfois des scènes d'une gaîté de bon aloi, à laquelle elle ne se dérobait nullement. Ce leitmotiv qui sonnait comme un acte de foi et de docilité filiale envers Dieu, le voici : Quiconque s'adressait à elle obtenait invariablement la même réponse :
- « Avez-vous demandé l'autorisation à M. l'abbé ? »
- ou bien : « Il faut d'abord demander son autorisation »,
- ou bien encore : « Je vais demander l'autorisation à Monsieur l'abbé ».
Au prêtre, devant une telle attitude, il ne reste plus qu'à prendre une claire conscience de ses lourdes responsabilités.
Sa mort fut la fin logique de sa vie. Pretiosa in conspectu Domini, mors Sanctorum ejus. Arrachée quasi subitement à sa vie active, elle fut terrassée par une maladie très douloureuse. Jamais la moindre plainte ne fut proférée et cela pendant de longs mois. Et quand, sous le coup de suffocations violentes, alors qu'aucune goutte de salive ne parvenait à passer l’œsophage, un faible « oh » lui échappait, elle s'en excusait aussitôt. Mais, à peine la respiration était-elle devenue plus libre, elle s'écriait avec force : « Encore, Seigneur, encore », en fixant d'un regard plein d'affection les deux grands tableaux du Sacré-Cœur et du Saint-Cœur de Marie qu'elle avait fait placer, pour la durée de cette longue agonie, à ses pieds, sur le bord de son lit.
Un de ses derniers désirs, peu de jours avant son départ pour le Ciel, fut de revoir une dernière fois sa chapelle. Après quelques hésitations, on décida de l'y porter dans un fauteuil. La scène fut poignante. Elle y demeura longtemps, promenant son regard lentement sur tous les objets pour s'arrêter finalement sur le tabernacle. Aucune des personnes présentes n'osa l'arracher à sa contemplation. - La scène eut un dernier tableau des plus touchants ; à la chapelle, le personnel prit congé de sa Supérieure ! Sœur Jean-Etienne est pieusement décédée, le 12 octobre 1946, à l'âge de 77 ans.
Nous n'avons jamais bien réussi à prier pour cette âme d'élite ; au contraire, depuis, nous l'invoquons et nous discutons avec elle les problèmes que la vie de tous les jours nous donne à résoudre.
Heureuse la Congrégation qui forme des âmes de cette trempe.
La guerre
Désirez-vous d'autres preuves de la bonté infinie du Père qui est aux Cieux, de connivence toujours avec le Sacré-Cœur, à moins que la bonne Sainte Vierge ne s'en mêle à chaque coup ? D'ailleurs, nous ne lui laissons guère de répit et pour cause : Elle est notre Maman. Voici les faits tels que les Annales du Centre les rapportent fidèlement, en garantissant leur véracité.
Première phase :
Une nouvelle Administration
Quatre médecins allemands, à des échelons différents, étaient devenus les responsables de l'établissement. Ce serait manquer d'équité que de prétendre qu'ils n'aient pas fait tout leur possible pour sa prospérité.
Nous voudrions tout d'abord citer Monsieur le Dr. OBE, aujourd'hui président de l'Ordre des médecins à Sarrebruck. Il a laissé le souvenir d'un homme de caractère, droit et loyal, aussi bien au Centre de Plappeville que dans les établissements qui, pendant la guerre, furent étatisés et parmi lesquels se trouvaient nos couvents et nos orphelinats.
À Monsieur le Dr HOFFMANN avait été également confiée la surveillance du Centre, en sa qualité de directeur des Services de Santé de la Ville de Metz. Il était connu pour ses sentiments de justice. Le frère de l'abbé ayant été expulsé dans la Province des Sudètes, le Docteur, pourtant protestant, multiplia ses démarches pour ce prêtre, en ce jour terrible, comme Metz en a connu beaucoup, se faisant renvoyer d'un bureau à l'autre, sans obtenir le retrait de l'arrêt d'expulsion. L'autorité compétente, on s'en doute bien, était introuvable...
Monsieur le Dr. DE VRIES, aujourd'hui domicilié à Emden, fut, pendant les années de guerre, le médecin du Centre. Un fait seulement pour le caractériser : après la guerre, les malades du dispensaire de Metz ont projeté sérieusement une démarche pour obtenir le retour de ce praticien à Metz...
Le quatrième médecin, un professeur de Faculté, a employé tout son pouvoir pour sortir le Centre de son dénuement et lui donner un essor valable. Nous ne pouvons taire son nom ; il s'agit du Professeur EWIG, médecin-chef de l'hôpital de Göttingen. Ce qui l'attirait, c'était la formule de la rééducation professionnelle au travail que le Centre commençait à réaliser, d'autant plus qu'il n'existait aucune œuvre similaire en Allemagne.
Achats de literie, mobilier, aménagement de pavillons, installation de conduites électriques, de machines ; tout cela fut fait sur son instigation. Non seulement il releva la Maison de Plappeville de ses ruines, mais il lui conféra un essor qui, depuis, est allé en augmentant.
À plusieurs reprises, l'abbé eut des démêlés avec la police secrète « pour avoir parlé le français et pour d'autres méfaits de ce genre » ; le professeur a su empêcher des suites fâcheuses. Bien davantage, il sauva de nombreuses religieuses, sur le point d'être arrêtées et contribua, en mettant toute son autorité sur la balance, à la libération de la Très Rév. Mère Antoine-de-Jésus et de plusieurs religieuses qui avaient été incarcérées. Il ne tolérait pas davantage qu'un médecin lorrain demeurât emprisonné et obtint la mise en liberté rapide de ceux qui avaient été jetés en prison. Pour tous ces faits existent des documents. Toutes ces questions, d'ailleurs, et bien d'autres, où lui-même, autant que l'abbé, couraient de grands risques, furent débattues au Centre.
En un mot, non seulement le Ciel, pendant l'occupation protégeait visiblement la Maison, ses habitants et ses amis, mais envoyait encore des hommes, qui travaillaient à son développement.
Une âme délicate
La femme du professeur que les habitués du Centre appellent aujourd'hui « la bonne Maman » accompagna, à deux reprises son mari à Plappeville, alors qu'il relevait d'une grave blessure. Lors d'une de ces visites, profitant de l'absence momentanée du professeur, elle dit à l'abbé : « Je vous remercie de nous aider à éviter aux Religieuses catholiques d'être persécutées ou mises en prison. Il ne faut pas qu'un tel malheur arrive ; mon mari, par tous les moyens en son pouvoir, cherche à l'écarter ».
Interloqué, l'Abbé ne put que répondre : «
Mais, Madame, c'est bien à nous à vous remercier ».
Que nous soit permise aussi cette indiscrétion, de révéler combien cette dame se signala par un généreux esprit de devoir et de charité délicate que l'on rencontre rarement.
Dernière phase de la guerre :
la libération
Elle nous coûta cher. Les obus vinrent démolir en grande partie ce qui, péniblement, avait été mis sur pied. Mais là où se manifeste avec éclat la protection du Sacré-Cœur dont l'image, en témoignage de notre confiance, se trouvait discrètement placée un peu partout, ce fut dans le fait qu'il n'y eut ni morts ni blessés parmi les pensionnaires et le personnel du Centre. Ceux-ci, au nombre de soixante, étaient répartis en trois caves, où ils devaient vivre pendant les trois mois que dura l'encerclement de Metz.
La bataille s'installe
Souvenir de la guerre |
Subitement, semblable à une tempête, la guerre avec toutes ses horreurs se déchaîna sur le Centre. Pendant la nuit qui précéda le 8 septembre 1944, vers 2 heures du matin, les premiers obus tombèrent à proximité des dortoirs, occupés par 25 pensionnaires. Le jeune Wuillaume, aujourd'hui père de famille à Pont-à-Mousson, par sa présence d'esprit - le langage chrétien aimerait une autre terminologie - sauva ses camarades du carnage. Il leur lança comme un ordre : « Jetez-vous tous à terre ». Les éclats d'obus traversèrent le pavillon dit d'acier dans tous les sens ; les vies furent épargnées.
Au même moment, un autre obus éclata dans une chambre où avait été logées la veille au soir, trois personnes, dont la maman, gravement malade depuis des années, de Monsieur le Curé de Plappeville, l'abbé Rohmer. Deux lits furent littéralement fracassés ; mais une fois de plus, personne ne connut même une égratignure.
En souvenir de cette protection visible de la Très Sainte Vierge dont c'était la fête, la NATIVITÉ, ce jour fut retenu comme FÊTE PATRONALE du Centre. Chaque année, en témoignage de notre gratitude filiale envers Marie, les bienfaits de notre Bonne Mère du Ciel sont solennellement rappelés aux pensionnaires de la Maison, dont les effectifs, constamment, se renouvellent.
Après cette première et chaude alerte, la vie du Centre se passa comme indiqué plus haut, pendant trois longs mois dans les caves. Presque chaque jour apporta la visite de quelques obus, en attendant la bataille finale qui fut horrible.
La dernière bataille
Neuf dixièmes de l'établissement occupant trois hectares ne furent pas touchés. Le village de Plappeville, de son côté, ne connut guère de destructions, sauf l’église paroissiale qui fut gravement mutilée. Mais environ cinquante obus tombèrent dans l'espace d'une demi-heure sur le coin du Centre où se trouvaient les trois caves dans lesquelles étaient installés les pensionnaires de la Maison, la communauté des Religieuses, plusieurs habitants de Plappeville et quelques personnes des villages environnants. Les obus pénétrèrent jusqu'à l'intérieur de ces abris dont les briques en laitier n'offraient qu'une protection dérisoire.
Cinq soldats allemands, après la première bataille de l’après-midi du 16 novembre 1944, s’étaient réfugiés dans nos caves où nos Sœurs infirmières pansèrent leurs blessures. Dispersés au milieu de nous, ils furent blessés grièvement une deuxième et une troisième fois.
L’abbé eut la surprise de se voir tout couvert de sang ; un soldat eut l’artère du poignet déchirée par un éclat d'obus pendant qu’il lui montrait une autre déchirure grave de la même main, reçue quelques instants auparavant. Sans ce geste du soldat dont la main faisait écran, c’est certainement l’abbé qui aurait été blessé.
Et ce qui suit n'est pas davantage une parabole ; au Ciel nous en aurons l'explication. Voici : quelques secondes avant l'arrivée du dernier obus et voyant s'approcher de lui le soldat dont il vient d'être question, l'abbé se dit (à moins que l'ange gardien le lui souffla) : « Il n'y aura plus qu'un obus, ce sera le dernier ; il sera pour nous » ; et il traça trois signes de Croix sur la maison en les accompagnant d'une prière, une sorte d'exorcisme contre les puissances de l'enfer ; « Des briques, fais-en ce que tu veux, mais je t'interdis de toucher aux vies », et aussitôt éclata, en pleine cave, le dernier obus, blessant donc pour la troisième fois, et gravement, les soldats, mais il ne put rien sur les personnes appartenant au Centre.
La réponse du Seigneur
Notre Gardienne pendant la guerre |
Pour mieux comprendre, combien il est vrai que Dieu est avec nous, pourvu que notre « troisième œil », l'esprit de foi, le dépiste, voici un autre fait qui doit être publié pour la gloire de Notre-Seigneur.
Pendant les trois jours que dura la bataille, la Sainte Messe fut dite dans une des caves, avec une émotion difficilement contenue. Le premier jour coïncida avec la fête de saint Grégoire le Thaumaturge (le 17 novembre). Le texte de l'Evangile de la Sainte Messe fut bouleversant ; «
Ne pas douter dans son cœur » (jamais ce passage n'avait tant frappé l'esprit) « et alors tout ce que vous demanderez, vous l'obtiendrez ». Ce fut plus fort que lui ; après une telle lecture, à un tel moment, l'abbé se tourna vers l'assistance et adressa quelques paroles à ce petit troupeau si peureux : « Rien, absolument rien ne pourra nous arriver. Vous savez maintenant pourquoi. - Ayons une confiance telle que le divin Maître l'attend de nous ». La bataille se déclencha, terrible, mais comme le Seigneur-Jésus venait de nous le faire dire, nous en sommes sortis indemnes.
Que les murs fussent par terre, ce fait ne nous empêcha pas, le lendemain, toujours dans nos catacombes, de fêter la Dédicace des Basiliques des Saints Apôtres Pierre et Paul.
Cette fois-ci ce fut l'Epître qui nous apporta le mot d'ordre. « Assis sur son trône, le Seigneur dit : Ecce nova facio omnia. ». «
Je vous ferai toutes ces choses à neuf ». Une fois de plus, l'abbé, très ému par cette réponse, s'adressa à ceux qui entouraient l'autel. Un merci s'imposait et un témoignage de la gratitude commune. Le meilleur moyen d'honorer ce bon Maître était d'honorer sa bonne Maman, la Très Sainte Vierge. Il fit une promesse.
Son Exc. Monseigneur HEINTZ, Evêque de Metz, a daigné venir bénir en personne la gracieuse statue de «
Notre-Dame du Centre », portant l'Enfant Jésus. Marie est la Maman des malades. Elle accueille de son sourire, dans la cour d'honneur, les habitants et amis de la Maison.
Cette statue, sculptée en plein chêne, est l'œuvre de l'artiste messin bien connu, M. Albert THIAM.
Le bon Père Gapp à Plappeville
Avec cette assurance qui nous étonne nous-mêmes aujourd'hui, la table du bon Père GAPP, le vénéré fondateur des Sœurs de la Providence de Peltre, fut laissée tranquillement, pendant la bataille, dans une pièce qui servait de bureau à l'abbé. Cette table avait servi comme autel au Serviteur de Dieu, pendant la Grande Révolution.
La Maison-Mère de Peltre nous l'avait confiée au début de la guerre, parce qu'au Centre elle serait en sécurité. Or, cette précieuse relique, n'était peut-être nulle part moins en sécurité qu'à Plappeville où l'Occupant était le maître et où la bataille s'était acharnée tout particulièrement sur le Centre.
Au moins 5 à 6 obus avaient éclaté à quelques mètres de la table du vénéré fondateur, sans la toucher, mais en brisant presque tout ce qui se trouvait au bureau de l'abbé.
Hélas ! La guerre avait à peine quitté nos parages que la table reprit le chemin de Peltre ; comme si on n'avait pas pu nous la laisser... Nous espérons par contre, que le bon Père GAPP nous laissera son esprit ; un échange « confraternel » du moins existe entre lui et le Centre.
Après la guerre
Un pèlerinage à Rome
Une amitié sincère, basée sur un sentiment de gratitude mutuelle, liait depuis la guerre l'abbé au médecin allemand dont il est question plus haut, et qui fut le chef du Centre durant les hostilités, Monsieur le Professeur EWIG. Il invita, en septembre 1955, l'abbé et son ami Marcel Holler, à le rejoindre à Florence, où, contrairement au programme préalablement fixé, de longues heures furent réservées à la visite des chefs-d’œuvre de Fra Angelico et de son couvent, devant lequel on s'arrêta « comme par hasard », dès la sortie de l'hôtel.
En admirant les tableaux de cet artiste inspiré et délicat, la femme du professeur nous dit, avec les larmes aux yeux : « Pourquoi, nous qui sommes protestants, n'avons-nous pas une Madone comme vous ? » - Il ne fut plus question de visiter d'autres musées.
Mais comment résumer en quelques mots ce que nous avons vécu à Rome : Visite réitérée de la Basilique Saint-Pierre, des grandes églises, de la chapelle Sixtine, des Musées du Vatican et ensuite pèlerinage à Castel Gandolfo où le Saint-Père donnait sa deuxième audience, après sa longue et pénible maladie.
Les pèlerins de Rome répètent tous la même chose : le Souverain Pontife, c'est vraiment « le doux Jésus sur terre » ; sa bonté est un reflet de la bonté du Père qui est dans les Cieux.
L'autel de la Chapelle |
À entendre parler le Pape en six ou sept langues, avec un accent qui n'est pas de cette terre, sans donner un signe de fatigue, sans manifester une hésitation, le cœur déborde de joie et de fierté d'être un enfant de l'Eglise et d'avoir un tel Père pour Chef.
Or, après l'audience, le professeur, comme ses deux amis, était demeuré longtemps silencieux, tellement l'impression pendant l'audience avait été profonde. Il dit à brûle-pourpoint à l'abbé : « Je suis venu à Rome pour voir de mes propres yeux ce qu'est le cœur de l'Eglise catholique : dites-moi, après cette heure inoubliable, que dois-je penser du catholicisme, moi qui ne suis pas catholique ?
« Seigneur, que répondre ? Dépêche-Toi ».
« Eh bien voici : La seule réponse possible à votre question, après ce que nous venons de vivre si intensément ensemble, est celle-ci :«Voulez-vous posséder le Christ en entier ou en partie seulement ? - C'est tout ».
Le professeur comprit fort bien le sens et la portée de ces paroles.
Un autre pèlerinage à Rome
L'enthousiasme du professeur fut tel que, quelques mois plus tard, il vint, pour la première fois depuis la guerre, revoir son Centre qu'il avait tant aimé pendant l'Occupation. Il tenait à présenter lui-même les nombreuses vues en couleurs qu'il avait prises à Rome. Les projections sur Rome et ce qui avait été raconté aux pensionnaires au sujet du professeur avaient déclenché de vibrants applaudissements.
Son enthousiasme concernant Rome s'était transmis également aux membres de sa famille. Sa sœur et son beau-frère, médecin, se décidèrent à leur tour à faire le pèlerinage de Rome, où ils furent reçus par le Saint-Père, lors d'une audience publique.
Ils partirent pour Naples. Au retour, non loin de Rome, ils furent victimes d'un accident d'auto. Sur les huit personnes se trouvant dans la voiture, le médecin fut tué et la sœur du professeur gravement blessée. Elle mourut subitement, quatre semaines plus tard, à la maison, en présence de sa maman, âgée de plus de 80 ans. Cette admirable mère ne proféra aucune plainte, mais invita ses enfants et petits-enfants à ne pas demander « le pourquoi » de telles épreuves. Il faut ajouter qu'elle passe ses journées à lire la Bible et à prier.
Mais « pourquoi » ai-je raconté tout cela ? Pour vous demander avec instance, chers Lecteurs, de prier pour ces amis qui sont certainement devenus aussi les vôtres.
Des événements importants
Grâce à l'intervention de M. Gabriel HOCQUARD, ancien Sénateur-Maire de Metz, qui se dit volontiers le doyen des pensionnaires du Centre, celui-ci possède aujourd'hui un précieux document.
Dans une lettre signée de sa main,
M. René COTY, Président de la République Française, a daigné adresser ses félicitations aux stagiaires de la Maison qui avaient confectionné, en un temps record, un objet offert par la Municipalité de Pont-à-Mousson, lors de la visite officielle du Chef de l'Etat.
Le message, adressé au Centre, impressionne fortement aujourd'hui encore, les stagiaires nouvellement arrivés. Le contenu de cet écrit, soulignant l'idéal à réaliser et les principes de vie que leur offre le Centre, ne reste pas sans écho dans ces esprits, avides de reprendre leur place parmi les bien portants.
Le Centre exprime ses très respectueux remerciements à Monsieur le Président de la République qui ne dédaigne pas à encourager les humbles.
La lettre du Chef de l’Etat a trouvé un pendant dans un autre document très précieux qui, lui aussi, se trouve à une place d'honneur de la Maison.
Récemment, un Révérend Père, capucin de l'obédience de Paris, avait exprimé le désir qu'un livre, rédigé par lui, soit relié dans les ateliers du Centre, en maroquin blanc, avec les armoiries du Souverain Pontife. Ce livre, que vous méditerez avec le plus grand profit, a comme titre « St Bonaventure : l'Itinéraire de l'âme en elle-même ».
Or, peu de temps après, nous parvint de la Secrétairerie d'Etat de
Sa Sainteté Pie XII la nouvelle nous annonçant la délicate attention du Saint-Père qui avait daigné envoyer « aux auteurs de l'élégante reliure et aux pensionnaires, ainsi qu'aux responsables du Centre, Sa Paternelle Bénédiction Apostolique ».
CONCLUSIONS
« Enfin », direz-vous, puisque nous avons dû abuser de votre patience.
Nous ne pourrions mieux résumer l'histoire du Centre de Plappeville qu'en répétant le bon mot entendu un jour : « Le Bon Dieu semble être heureux quand Il peut nous rouler en générosité ». En employant un langage plus choisi, cela revient à dire : « Si nous Lui offrons un denier de confiance et d'amour généreux, Il nous le rendra, en gentillesse, au centuple ».
Nous prenons la liberté d'adresser cette consigne en guise de «
bouquet spirituel » à la si vaillante communauté des Sœurs Missionnaires de la Providence de LOME-NYEKONAKPOE et à leur Supérieure, « la Sœur aux surprises », à moins que l'on veuille bien nous faire la « surprise » de nous inviter à venir au Togo pour « prendre de la graine » en matière de confiance illimitée et filiale en la Divine Providence.
« Dieu est le plus fort »
Avec une telle devise, les Pères missionnaires et nos vaillantes religieuses réussissent, en mettant toutes les ressources de leur bonne volonté au service de Dieu, à créer autour d'
eux une vie religieuse intense, inconnue chez nous. Dans une agglomération importante d'infidèles se trouve disséminée une petite paroisse catholique de Noirs, comptant 3 à 4.000 fidèles, avec une assistance quotidienne à la sainte Messe d'environ cinquante personnes et une présence à la sainte Communion, dimanches et fêtes, d'environ 300 à 500 fidèles.
Les modestes chapelles
sont beaucoup trop petites
Les Noirs, vieillards, femmes et enfants tiennent bon, imperturbables, sous un soleil implacable, pendant deux heures - durée normale de l'Office divin - pour accomplir leur devoir religieux, le jour du Seigneur. Quoi d'étonnant qu'une Sœur missionnaire de notre communauté de LOME ait poussé ce cri de détresse : « C'est dans les pays de mission que nous voudrions pouvoir transporter nos églises et chapelles de France, dont un trop grand nombre restent vides, tombent en ruines, où poussent des orties et nichent les oiseaux. »
Que les Sœurs missionnaires se consolent ! Le Saint-Père a prononcé les paroles qui sauveront tout. Il nous indique qu'il est dans notre pouvoir de
construire nous-mêmes (s'il nous est permis de nous exprimer ainsi) d'ores et déjà
spirituellement des églises dans nos missions, c'est-à-dire dans le monde entier.
Nous devrions nous faire un devoir de lire et de relire
l'appel pressant du Souverain Pontife dans son Encyclique de Pâques 1957, sur les Missions. Il s'agit d'un appel très grave, un véritable cri d'alarme du Souverain Pontife. Il semble bien que jamais la conscience chrétienne n'ait été placée devant d'aussi lourdes responsabilités. Le Pape n'hésite pas à inviter tous les chrétiens d'ouvrir leur vie spirituelle sur des perspectives aux dimensions du monde, c'est-à-dire du règne de Dieu. Depuis, le Saint-Père est revenu souvent, dans ses allocutions, sur ce grave devoir qui nous incombe.
La destinée religieuse des immenses pays des missions se jouera dans les années qui viennent et dans dix ans ce sera fait.
Les besoins matériels des Missions sont grands. Sans rougir, nous acceptons que le Pape, que l'Eglise demeurent comme des mendiants, devant se contenter souvent de quelques pauvres oboles que nous versons, et nous croyons avoir été généreux.
Une autre arme, plus puissante, qui nous permet de venir en aide aux missionnaires qui forment l'avant-garde du rude combat qui se livre entre les deux Cités, celle de Dieu et celle de l’Enfer, c’est la
prière accompagnée d’un vrai esprit de sacrifice.
La Sainte Messe est le centre de la vie spirituelle du catholique. Le passage de l'Encyclique démontrant que les
prières de la sainte Messe sont axées sur cette grande pensée est particulièrement frappant. Un exemple : « En union avec le Souverain Pontife : avec nos évêques, nos prêtres, les religieuses et le peuple chrétien, nous vous offrons, Dieu Tout Puissant, par Notre-Seigneur, ce Saint sacrifice, pro Ecclesia, quam... regere digneris toto orbe terrarum et le saint calice
pro totius mundi salute (Canon de la Messe).
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Que nos vaillantes missionnaires sachent, puisque
l'avenir de la catholicité et de la chrétienté est en jeu dans le monde entier, que nous nous acquitterons avec empressement de la noble et grave « mission » de porter, dès maintenant, la Sainte Eglise jusqu'aux confins de la terre.
Nos missionnaires n'ignorent pas, d'autre part, que les chrétiens, de plus en plus, se mettent à l'école de la
Petite Thérèse de l'Enfant-Jésus. Cette aimable sainte a été héroïque dans ses efforts, « pour œuvrer en faveur des prêtres, des missionnaires et surtout de l'Eglise tout entière « ut tolique Ecclesiae opem offeret ».
Inversement, nous devons pouvoir compter sur les mêmes efforts généreux, voire même héroïques, des pays de missions afin qu’à nouveau nos églises et chapelles ne désemplissent plus de fidèles et deviennent même, à leur tour, trop petites...
Enfin, nos missionnaires doivent savoir - et il en sera ainsi pour elles-mêmes - que nous réciterons dorénavant le
Pater avec un accent nouveau. En effet, l'engagement que nous prenons par le « Fiat voluntas tua » se confond avec le vœu adressé au Père infiniment bon : « Adveniat regnum tuum ». Il est impossible de dire : «
Mon Dieu, je Vous aime » sans faire tout son possible pour porter remède à la détresse spirituelle et temporelle d'un si grand nombre de nos frères. Plus de deux milliards d'êtres humains nous attendent...
«
Les perspectives universelles de l'Eglise ne pourront ne pas être les perspectives normales de notre vie et spiritualité chrétienne. » Nos Sœurs missionnaires n'en attendent pas moins de nous.
Un rédacteur anonyme du Centre de Plappeville
qui demande une prière pour lui aux lecteurs et une aumône, s'il vous plaît, pour les Missions, sous la forme peut-être de quelques nouveaux abonnements. Le rédacteur y verrait une récompense, n'ayant reçu aucune rétribution de la « chère Sœur ».
Plappeville, en automne 1957
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(Gérante : Sœur Marie-Rosalie) à l'adresse suivante :
Les Religieuses Missionnaires de la Providence
LOME-NYEKONAKPOE (Togo)
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Sœur Anne-Hélène nous dit :
« Pour mes débuts en Afrique, j’ai fait une belle capture »
Imprimerie des ORPHELINS-APPRENTIS
GUENANGE (Moselle)
1958 |
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Adresse : Centre de Réadaptation à PLAPPEVILLE (Moselle) Téléph. Metz 68.21.31
C.C.P. Strasbourg 213.20 |