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L'AUSTRASIE
REVUE DE METZ ET DE LORRAINE
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DEUXIEME VOLUME
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1854
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( Archives départementales de la Moselle )


Dom Calmet, dans sa Bibliothèque Lorraine1, ou Histoire des Hommes illustres de ce pays et des Trois-Évêchés, termine ainsi son article sur Philippe de Vigneulles2, l'intéressant chroniqueur de Metz au moyen-âge, marchand et citain en cette ville :
« Je ne sai précisément en quel tems il mourut. Je trouve dans les Annoblis de Lorraine, un Philippe de Vigneulle, citoyen de Metz, annobli en 1501. C'est apparemment notre auteur. »
Le laborieux bénédictin a commis une double erreur. Ce Philippe de Vigneulles qui reçut des lettres d'anoblissement, n'était point notre historien, mais son petit-fils. L'époque de la mort de Philippe de Vigneulles, premier du nom, est aujourd'hui fixée d'une manière certaine, à la fin de 1526 ou au commencement de l'année suivante3. Nous avons sous les yeux une copie en bonne forme de l'anoblissement accordé aux Vigneulles. Les lettres originales délivrées à ce sujet portent la date du dernier jour d'avril 1601.
En voici la teneur :
CHARLES. PAR. LA. GRACE. DE. DIEV. DUC DE CALABRE, LORRAINE, BAR, GVELDRES, MARCHIS, MARQVIS

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1. Page 1011.
2. Ainsi nommé du village où il naquit, situé à 6 kilom. N.-O. de Metz. Philippe, fils de Jean Gérard, paysan assez à l'aise, et de Magui, marqua sa naissance à un vendredi du mois de juin 1472 ; il eut pour parrain un cordonnier, Jehan de Vigneulles, et pour marraine Laurette Chapelle, notable dame de Metz. Celle-ci voulut que son filleul s'appelât Philippe comme son fils.
3. M. Henri Michelant, Mémoires de Philippe de Vigneulles.
 
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DU PONT A MOUSSON, COMTE DE PROUENCE, VAVDEMONT, BLAMONT, ZUTPHEN, etc. A Tous qui ces pntes verront, SALVT. Comme originellement et de droict naturel, toutes personnes en gnal soient libres, franches, et non sujetes a aucune seruitude, et suiuant le propre instinct de leur nature s'enclinent à cette fin et tendent à s'y maintenir et conseruer leur ingenuité noblesse et liberté innée et à eux donnee de leur naissance et premiere origine, et neantmoins depuis par le droict des gens et instituons ciuiles, ceste franchise ait esté restraincte en la plus grande partie. De sorte qu'aujourd'huy le nombre de ceux est petit qui ne soient redigez en ordre inferieur, tenus en estats bas humbles et mecaniques, et en subiection de seruices, imposts, exactions, tailles, et redebuances, seruiles et ignobles. Toutesfois l'excellence des Princes naturellement s'esjouit à exalter et authoriser ceux qui par leurs vertus, sçauoir, sagesse et actes prudens, nobles et vertueux, se sont addonnez à choses loüables et longuement conduits et exercités en icelles singulierement en experience, traictement et expeditions des hauts et principaux affaires de la chose publique. Donc a plus juste tiltre ils ont merité et meritent de preeminer et exceller par dessus les autres et destre libres, francz, exempts et non sujets à telles loix de basse et vile seruitudes, et par consequent sont dignes et capables d'impetrer et obtenir les benefices et gratificöns desdicts Princes qui à ces fins, facilement et liberalement les leurs concedent et octroyent, tant pour la recognoissance, et renuneraön de leurs vertus, cognuës et de longue main esprouuées que pour mouuoir et accroistre les courages d'aues qui par tels moyens pourroient s'efforcer, et tendre à meriter de paruenir de condition inferieure, à plus haut estat noble et superieur au bien profit et utilité de toute la Republiqne.
POUR CES CAUSES et autres justes consideraöns à ce nous mouuants, mesme pour la bonne et certaine experience et cognoissance que nous auons des vertus, integrité, pru-

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dence, loyauté, diligence, fidelité et autres bonnes parties estants en la personne de nostre cher et bien amé PHILIPPES DE VIGNEULLE, citoyen de Metz, lequel des son jeune aage par ses labeurs et diligences auroit cherché tous moyens de se rendre digne et capable d'estre utile pour seruir au publique, comme de fait il auroit fait paroistre non seulement en ce qui touchoit le bien publique, mais en tout ce qu'il a recongnu estre de nostre seruice, s'y estant monstré fort affectionné, ayant tousiours vescu par tous les pays ou il a hanté et fréquenté noblement en honneur, et de sorte que l'aurions iustement recongnu digne d'honneur, joinct qu'il est issu de parenté vertueuse et honnorable. AUONS à iceluy PHILIPPES DE VIGNEULLE de nostre certaine science, grace speciale, pleine puissance et auctorité, annobly et annoblissons, et du tiltre de Noblesse decoré et decorons par ces presentes. Voulons, et nous plaist, et octroyons, que luy et ses enfans masles et femelles nez et à naistre, descendants de luy en loyal mariage leur posterité et lignée soient à tousiours - mais, tenus, traittés, et reputés pour nobles en jugement et dehors, jouissent et usent de tous honneurs, libertés, franchises, droicts, priuileges et prerogatiues dont jouissent et ont accoustumé jouir et user tous aues Nobles. Qu'ils puissent prendre et receuoir Ordre de Cheualerie, acquester chasteaux, forteresses, Seigneuries, hautes justices, basses et moyennes, et tous autres fiefs, arriere fiefs et nobles tenemens de quelque authorité et dignités ils soient pour par eux et leur posterité et lignée les tenir et posseder noblement, et mesme ceux qu'ils ont ou peuuent ia auoir acquis par eux et leurs predecesseurs, en iouir pleinement et paisiblement et en faire tout ainsi que si d'ancienneté ils estoient nez et extraicts de noble lignée, sans qu'ils soient tenus ne puissent estre contraincts de les vendre, laisser, aliener, et mettre hors de leurs mains en quelque maniere que ce soit, ni de nous en payer, ni à nos successeurs aucune finance, laquelle denre grace speciale auons quitté remise et don-
 
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née, quittons, remettons et donnons par cesd. Pntes audit DE VIGNEULLE, en faueur et comtemplaön des seruices et raisons dessus dites. Et en signe de les porter. D'or à un triangle ou poincte de diamant de sable enuironné de trois raisins de pourpre fueilles de Sinople, Tymbré du triangle de l’escu, le tout porté d’un Armet couuert d’un Lambrequim au metal et couleur de l’Escu.


VOVLANS qu'icelles ils puissent porter ensemble sade. posterité et lignée, et en vser desormais en tous lieux comme tous autres vsent et ont accoûltumé vser de leurs armes. Si DONNONS en mandement par ces nesmes pntes a tous nos Mareschaux, Seneschaux, Presidents, Gens des comptes, Baillifs, Capitaines, Procureurs, Receueurs, Preuosts et à tous autres nos Officiers et Justiciers presents et aduevir, leurs Lieutenans et chacun d’eux en droict soy, si comme à duy appartiendra, Que le dit DE VIGNEULLE et sade. posterité et lignée nez et à naistre, ils facent, souffrent, et laissent iouyr et vser de nos presentes graces, dons et octroys d’annoblissement et choses dessus dictes pleinement et paisiblement, et perpetuellement tout ainsi et en la forme et manière que cy deuant elles sont declarées et spécifiées,

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Sans en ce leur faire mettre ou donner, ne souffrir estre fait mis ou donné ores ni pour l’aduevir aucun trouble destourbier ou empeschement, lequel si fait mis ou donné leur estoit ou auoit esté, le reparent et mettent ou facent reparer et mettre incontinent et sans delay à pleine deliurance, et au premier estat et deu, CAR TEL EST NOSTRE PLAISIR.
PRIONS en outre, et requerons tous Roys, Princes, Comtes, Barons, et autres Seigneurs nos amis, allies, et bienvueillans que de l'honneur et priuilege de noblesse, ensemble de nosd. presentes graces et octroy, ilz facent, et souffrent, et laissent jouir et vser entièrement et paisiblement a perpetuité, comme tous autres nobles, ont accoustumé faire, sans qu'ils y soient aucunement troublés ou empeschez, ainsi que si aucune chose pour le temps aduenir se faisoit au contraire, incontinent et sans delay ils le reparent ou facent reparer, nonobstant quelconques loix, statuts, coustumes, vsages de Pays, ordonnances, restrictions, mandemens ou deffences a ce contraires. Et afin que ce soit chose ferme et stable à tousiours, nous auons à cesdites presentes signées de nostre propre main, fait mettre et appendre nostre grand scel.
DONNÉES en nostre ville de Nancy le dernier jour d'apuril Mil six cents et ung. Ainsi signé CHARLES. Et sur le reply est escrit PAR SON ALTESSE le Sr. de HARAUCOURT Gouverneur de Nancy pnt, et contresigné M. Bonnet avec paraffe, et a costé Rega. Bonnet auec paraffe et scellé du grand sceau de sad. altesse de cire verte, sur double lacs de soye pendant.
Coppie prinse et collaönnee à son original escrit en parchemin signée Charles et sur le reply par son Altesse le sieur de Haraucourt, gouverneur de Nancy pnt contresignée M. Bonnet et a costè registrata Bonnet et scellée du grand sceau de saditte Altesse sur cire verte à double lacs de soye meslée pendant, et y rendue conforme par les tabellions jurez au duché de Lorraine residans à Nancy soubsignez leurs seings cy mis pour tesmoings.
GUILLAUME      PERIN
 
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Les lieutenant ciuil particulier et coners aux Bailliage et siege de Nancy ville capitalle du duché de Lorraine, font sauoir à tous qu’il appartiendra, que Mes Jean Guillaume et Jean Perin qui ont signé la pnte coppie sont rabellions jures audit duché de Lorraine et residans aud. Nancy et qu’aux actes par eulx passé ou signés en lad. Qualité foy pleine et entiere et adjoustée par tous en jugement et dehors. En tesmoing de quoi auons faict soubsigner la presente legalisaön par Mr Nicolas François Letondeur greffier ordinaire auxd. Bailliage et siège et fait apposer le cachet duquel ils ont accoustumè vser en tels et semblables cas, aud. Nancy le cinquième jour du mois de juillet mil six cent soixante quatre.
Signé LETONDEUR.

Scellè par nous Lieutenant civil et criminel aux Bailliage et siege de Nancy le 6. juill. 1664.
Signé MAHUET.

Ce qui précède a été transcrit par nous, sur l'expédition même ci-dessus rappelée, prise et collationnée à son original. Un de nos amis, M. Charles Purnot, avocat près la cour impériale de Metz, à qui ce document curieux appartient, a bien voulu nous le communiquer. M. Roubis, substitut du procureur du roi au bailliage de cette ville, en avait été possesseur au siécle dernier. La copie est d'une très belle exécution et sur parchemin. Elle est intitulée : Copie figurée des lettres de noblesse du sieur Philippe de Vigneulles du dernier avril 1601. La lettre capitale du nom du souverain est fortement enluminée : au centre ont été dessinées les armes de Lorraine surmontées de la couronne ducale. Les mots Charles, par la grâce, etc., sont écrits en caractères d'or.
Ajoutons que les lettres de noblesse qu'il avait plu au duc Charles d’octroyer au citoyen de Metz, Philippe de Vigneulles, furent taxées le 3 mai 1601, par modération, en vertu d'une grâce spéciale, à la somme de mille francs.

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Sur la récépissé délivré par le trésorier général des finances de Son Altesse, du paiement entre ses mains, de ces mille francs, la Chambre des comptes de Lorraine ordonna, le 5 de ce mois de mai, l'enregistrement au greffe desdites lettres de noblesse, après avoir acquiescé à tout leur contenu, en tant qu'il pouvait la concerner.
Ce Philippe de Vigneulles qui mérita pour lui et sa postérité, par d'importants services, une si haute faveur du duc de Lorraine, fut fait bientôt écuyer. Il devint avocat au parlement de Metz, quelques années après l'établissement de la Cour souveraine dans la métropole des Trois-Évêchés. Le savant biographe M. Emm. Michel rapporte que l'avocat Philippe de Vigneulles signa en 1651, en qualité de tuteur de Suzanne Ferry, une transaction passée entre le célèbre ministre protestant Paul Ferry et ses enfants.

F.-M. CHABERT.
 

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