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  Dernière mise à jour : 9 août 2012

La gare de triage de Woippy
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Revue Générale des
CHEMINS DE FER
Octobre 1963
 LE  TRIAGE  DE  WOIPPY

  par
 
 
M. PETIT
Ingénieur Principal
Chef de la Subdivision des Études Générales
du Service de la Voie et des Bâtiments
et M. MATHIOT
Ingénieur
à la Subdivision Technique
du Service de l'Exploitation
de la Région de l'Est de la S.N.C.F.
 

(pages 517 - 530)


GÉNÉRALITÉS

BESOINS AUXQUELS RÉPOND
LA CRÉATION DU TRIAGE DE WOIPPY

La Région métallurgique et minière de Lorraine est caractérisée par une très forte concentration des établissements industriels.
La partie la plus active de cette région, qui comprend les zones industrielles de Thionville et de Longwy, ainsi que le bassin charbonnier de la Moselle, est entièrement desservie, du point de vue ferroviaire, par le 7e Arrondissement de la Région Est qui assure, en outre, des transits internationaux très importants avec la Belgique, le Luxembourg et l'Allemagne (fig. I).
Le trafic ferroviaire y est très dense et les tonnages expédiés par fer sur l'Arrondissement de Metz (gares locales et gares de transit avec l'étranger) représentent une part considérable du trafic ferroviaire français; en 1962, le nombre de wagons chargés sur cet Arrondissement (ou entrés chargés aux gares frontières) s'est élevé à 2 432 000, soit environ le 1/6 du trafic correspondant sur l'ensemble de la S.N.C.F. représentant un tonnage de 77 millions de tonnes, soit environ le tiers du tonnage transporté sur l'ensemble de la S.N.C.F.
Il est vrai qu'une proportion importante (près de 60 %) de ce trafic - en particulier, la presque totalité des transports par fer de minerai de fer et une partie des transports de combustibles minéraux - est assurée par trains complets. Mais le trafic par wagons isolés reste néanmoins considérable. Pour ce trafic, la S.N.C.F. disposait de 3 triages importants Metz-Sablon, Conflans-Jarny et Florange, aidés par quelques chantiers annexes.

Par suite de l'augmentation de trafic de ces années dernières, et malgré les quelques améliorations apportées à ces 3 triages, ceux-ci travaillaient en permanence très près de leur capacité maximum. Cette situation conduisait à utiliser, dans cette zone, divers chantiers secondaires mal équipés (Uckange, Valleroy, Audun-le-Roman). Or, les triages de Metz-Sablon et de Florange, le premier enserré dans l'agglomération de Metz, le second entouré d'établissements industriels, ne peuvent pratiquement pas être agrandis. D'autre part, le triage de Conflans-Jarny, seul encore susceptible d'amélioration au prix, certes, de dépenses importantes, est trop à l'écart de la zone industrielle de Metz et Thionville pour pouvoir soulager ou remplacer efficacement les triages de Sablon et de Florange.
Aussi, en raison de l'augmentation de trafic déjà constatée et des perspectives d'accroissement dans les années prochaines, est-il apparu indispensable de construire, à proximité des centres de Metz et de Thionville, un triage moderne capable d'absorber journellement 3 000 à 3 500 wagons.
Sur ce triage et sur celui de Conflans-Jarny, pourra être concentrée la quasi-totalité du trafic du régime ordinaire de la zone considérée, permettant, entre autres, d'affecter le triage de Metz-Sablon au trafic du régime accéléré ainsi qu'au rassemblement et au tri du matériel vide actuellement dispersé dans de nombreuses installations. Le triage de Florange, de conception ancienne, ne conservera, de ce fait, qu'un caractère local et suppléera, éventuellement, à l'insuffisance d'installations ferroviaires industrielles.

CHOIX DE L'EMPLACEMENT DU TRIAGE

Le seul emplacement pouvant convenir à la réalisation d'un triage de cette envergure était situé le long de la section de ligne de Thionville à Metz, à l'Est de celle-ci, entre les gares de Maizières-lès-Metz et de Woippy.
Le projet d'acquisition des terrains correspondant à cet emplacement fut, en conséquence, présenté dès 1957 et, après approbation Ministérielle, les opérations d'acquisition furent entreprises.
Etant donné l'importance de la circulation sur la section de Hagondange à Woippy (160 circulations avant mise en service du triage de Woippy) et en raison de l'augmentation à attendre de la création du triage, il est, en outre, apparu indispensable de rétablir sur ce tronçon le quadruplement existant avant guerre.

Les deux nouvelles voies empruntées, en principe, par tous les trains à marche rapide (voyageurs et messageries, en particulier), ont été établies tout le long du triage à l'Est de celui-ci.
Le triage de Woippy se trouve ainsi encadré à l'Ouest par les voies principales I bis et II bis (anciennes voies I et II de la ligne Zoufftgen-Bâle) et à l'Est par les nouvelles voies I et II. En fait, entre l'extrémité Sud du triage de Woippy et la bifurcation de Woippy où se séparent les 2 sections à double voie, l'une passant par Metz-Ville, l'autre évitant cette gare, une seule voie banalisée a été rétablie à l'Ouest des voies anciennes.
Le triage s'étend sur une longueur de 5,200 km (du PK 161 + 515 au PK 166 + 720) ; sa plus grande largeur atteint, au droit du faisceau de débranchement, 370 m, y compris la plate-forme des voies principales.

STRUCTURE DU TRIAGE


Le triage de Woippy comporte, en partant du Sud vers le Nord (fig. 2) :
- Un faisceau de réception de 14 voies de 790 m réparties en 2 groupes de 8 voies (côté Ouest) et de 6 voies (côté Est). Un emplacement a été réservé pour permettre éventuellement la pose ultérieure de 3 voies supplémentaires. Côté Sud, le faisceau de réception comporte un tiroir de 475 m.
- Un faisceau de débranchement de 48 voies de 860 à 920 m de longueur utile réparties en 6 pinceaux de 8 voies chacun. Chacun des 2 groupes de voies de réception est relié aux 6 pinceaux du faisceau de débranchement par une bosse de gravité. La tête de chaque pinceau est équipée d'un frein de voie à mâchoires du type Westinghouse.
- Un faisceau de formation de 8 voies de 775 à 800 m de longueur utile, sur le flanc Ouest du faisceau de débranchement. Un emplacement est réservé pour la construction ultérieure éventuelle d'un faisceau identique sur le flanc Est du faisceau de débranchement.
- Un faisceau d'attente au départ de 8 voies de 750 m (avec possibilité d'extension ultérieure à 16 voies), réparties en 2 pinceaux entre lesquels sont placées 2 voies servant de tiroir pour les manœuvres à effectuer côté Nord des faisceaux de débranchement et de formation. Le faisceau d'attente au départ ainsi que les 2 voies de tiroir ci-dessus sont reliés à toutes les voies des faisceaux de formation et de débranchement.

En outre, une voie de tiroir située à l'Ouest du faisceau d'attente au départ est reliée au faisceau de formation et aux deux pinceaux voisins (soit les 16 voies les plus à l'Ouest) du faisceau de débranchement par une bosse de gravité comportant 3 freins de voie type Saxby. Cette bosse de gravité est utilisée pour la formation des trains à lots multiples et, en particulier, pour la formation simultanée des trains omnibus de marchandises. Le faisceau d'attente au départ est prolongé au Nord par une voie de tiroir de 700 m de longueur utile.
A chacune de ses extrémités, le faisceau d'attente au départ comporte un gril pour le garage des locomotives en court battement.

ACCÈS AUX INSTALLATIONS DU TRIAGE
ET VOIES DE CIRCULATION

L'entrée au faisceau de réception s'effectue côté Sud par une voie reliée, d'une part à la voie principale II et à la voie banalisée par l'intermédiaire d'appareils franchissables à 70 km/h, d'autre part à toutes les voies du faisceau.
Côté Nord, l'entrée au faisceau de réception s'effectue à partir de la voie I bis pour les 8 voies Ouest, et à partir de la voie I pour les 6 voies situées à l'Est.
Le faisceau de formation est relié à chacune de ses extrémités aux 2 voies principales I bis et II bis.
Le faisceau d'attente au départ est relié à son extrémité Nord à la voie II bis.
Le départ vers le Sud s'effectue par une voie de circulation (voie I M) longeant la voie principale I et aboutissant à l'extrémité Sud du triage aux voies principales (voie I et voie banalisée).
C'est également par cette même voie, accessible en pointe depuis la voie 1, que s'effectue l'entrée des mouvements impairs aux 6 voies Est du faisceau de réception. Le triage comporte également 3 voies de circulation de machines
- 1 voie de sens pair (2 T) joignant l'extrémité Sud du faisceau de réception à l'extrémité Sud du faisceau d'attente au départ; cette voie, établie le long de la voie I M précitée, est empruntée par les locomotives allant au faisceau d'attente au départ (côté Sud) ou au gril correspondant ;
- 2 voies de sens impair (I T) et (I bis T) établies de part et d'autre du faisceau de réception pour l'évacuation des locomotives depuis l'extrémité Nord de ce faisceau.
Par ailleurs, la voie principale II bis est utilisée pour certains mouvements de machines de sens pair entre différents chantiers de triage situés le long de cette voie.
A l'extrémité Nord du triage, des liaisons sont réalisées entre voies principales de même parité.
A l'extrémité Sud du triage, les voies I bis et II bis sont reliées, d'une part respectivement aux voies I et II et, d'autre part, à la voie banalisée.
Par l'intermédiaire de ces liaisons établies entre les voies principales, les différents chantiers du triage se trouvent ainsi accessibles depuis chacun des groupes de voies principales.
Il y a lieu de noter qu'aucun saut-de-mouton n'a été réalisé, ni sur les voies principales, ni sur les voies de circulation; il en résulte, évidemment, un certain nombre de cisaillements qui n'ont toutefois pas été jugés incompatibles avec le trafic à assurer.
Néanmoins, a été réservée la possibilité de construction ultérieure d'une voie d'entrée au faisceau de réception, côté Sud à partir de la voie principale II, cette voie d'entrée devant franchir par un saut-de-mouton les voies principales II et I et les voies de circulation I M et 2 T.

INSTALLATIONS POUR LA TRACTION

En raison de la proximité des dépôts de Thionville et de Metz, où seront effectuées les réparations importantes, il n'a été prévu, en plus des voies d'entrée, de sortie et de stationnement, qu'un minimum de moyens pour réparations urgentes :
- quatre fosses d'entretien, dont deux couvertes,
- des bâtiments annexes,
- un stockage de 37,5 m3 de carburant liquide avec distribution pour l'alimentation des diesels de manœuvre.
L'ensemble du dépôt est électrifié, sauf la voie desservant la sablerie.

INSTALLATIONS POUR LE MATÉRIEL ROULANT

Le chantier du Matériel Roulant est installé à l'Ouest du faisceau d'attente au départ. Il n'est pas électrifié.
En raison de la proximité des Ateliers de Metz-Montigny qui effectueront les révisions, ce chantier est chargé exclusivement des réparations accidentelles, évaluées à 70 wagons par jour. Il comprend, notamment :
- quatre voies de travail, dont deux couvertes,
- une station de compression et de distribution d'air comprimé, qui alimente également les prises d'air pour essais de freins au faisceau d'attente au départ et à la tête nord des faisceaux de formation,
- des locaux pour bureaux, salle d'instruction, magasins, ateliers,
- un chantier de rectification des chargements, desservi par un portique roulant de 10 tonnes.
Ainsi conçu, le projet pour la construction du triage fut présenté en décembre 1958 et approuvé en juin 1959.

ÉTUDES ET PROSPECTIONS
AVANT TRAVAUX


ÉTUDES PRÉPARATOIRES

Lors de l'étude d'avant-projet, sur le vu des résultats de sondages et compte tenu de la proximité de ballastières en exploitation fournissant d'excellents agrégats, on avait pensé que, moyennant mise en dépôt d'un découvert peu important, les matériaux extraits en déblai seraient réutilisables en remblai. L'altimétrie des lieux avait conduit à prévoir en déblai notable le faisceau de formation et la moitié Ouest du faisceau de débranchement, où la cote du rail devait se situer à environ 3 mètres en contrebas du terrain naturel. Dans ces conditions, l'avant-projet prévoyait une solution réalisant sensiblement l'équilibre des terres (480 000 m3 de déblai pour 500 000 m3 de remblai).
En vue de la préparation du marché de terrassement, une campagne systématique de sondages a été entreprise pour reconnaissance du sous-sol, avec analyse de quelques échantillons. Il a été constaté que, dans une notable partie de la zone du faisceau de débranchement prévue en déblai, le plan d'eau se situait à un niveau très voisin de la cote prévue pour les voies, parfois même à un niveau supérieur cela tient à ce que le sous-sol comporte une importante couche d'argile dont la face supérieure présente des formes très irrégulières, d'où résulte la présence de poches d'eau à un niveau supérieur de plusieurs mètres à celui de la Moselle. Il n'était donc pas possible de maintenir le projet dans sa version première et il a fallu relever systématiquement le niveau envisagé pour les voies.
D'autre part, les échantillons prélevés ont donné, à l'analyse des résultats très décevants graves plastiques et limons argileux, dont la teneur en eau à l'extraction dépassait sensiblement les teneurs correspondant à l'indice Proctor optimum de ces terres. Ces matériaux se révélaient donc en grande partie inutilisables en remblai. En outre, de sérieuses difficultés étaient à prévoir lors de l'exécution des déblais dans cette zone par temps de pluie.
On a donc étudié un nouveau profil d'ensemble. Compte tenu des impératifs existants, le niveau du plateau de débranchement fut remonté de 1,25 mètre, le raccord s'effectuant par une légère modification de la déclivité sur toute la longueur du faisceau de réception côté Sud et du faisceau d'attente au départ côté Nord : ces deux faisceaux furent conçus exactement en palier, alors qu'ils étaient prévus primitivement avec des déclivités respectives de 0,6 et 1 mm/m. Cependant, il devint nécessaire de prévoir un réseau de collecteurs d'assainissement dans le faisceau de formation et la zone en déblai du faisceau de débranchement (fig. 3) ; on reviendra sur ce point.
Sur ces nouvelles bases, se posait alors le problème de la fourniture des matériaux de remblai. Or, à 3 km environ au Nord du centre de gravité du triage, existait un ancien crassier abandonné depuis de longues années, dont la Société propriétaire autorisait l'exploitation. L'appel d'offres pour l'exécution des travaux de terrassement prévit l'utilisation du matériau de ce crassier, mais laissa aux entrepreneurs la possibilité de proposer des variantes comportant l'extraction de matériaux naturels, sous réserve de contrôle suivi de la qualité. Finalement, la solution utilisant le laitier du crassier s'est révélée la plus économique et a été adoptée.
En fin de travaux, les différents cubes traités ont été les suivants (en chiffres arrondis) :
- apport de laitier
- terre extraite et réutilisée
- terre extraite inutilisable
900 000 m3
90 000 m3
120 000 m3

ÉXÉCUTION DES TERRASSEMENTS
ET TRAVAUX CONNEXES

La disposition des lieux imposait impérativement d'exécuter d'abord la déviation sur 1 800 mètres de longueur de la route nationale 53 Metz-Thionville (schéma fig. 2). Le remblai nécessaire a été exécuté sans aucune difficulté, même par très mauvais temps, avec le laitier provenant du crassier. En accord avec le Service des Ponts et Chaussées, la qualité du remblai a été contrôlée par des mesures du module de Westergaard ; s'agissant d'une route à chaussée souple, le Service des Ponts et Chaussées a demandé un degré de compactage correspondant à un module de Westergaard compris entre 6 et 7. Ces valeurs ont été aisément obtenues (on est arrivé jusqu'à 9) par 10 passages de cylindre de 15 tonnes.
Près de l'extrémité Sud de la déviation de la RN 53, dans l'espace compris entre l'ancien et le nouveau tracé, se trouvait un pavillon d'habitation. Une entreprise spécialisée a été chargée du déplacement de cette maison et s'en est acquittée dans d'excellentes conditions, en dépit de la nécessité d'établir les voies des chariots en courbe de faible rayon (de l'ordre de 90 m), sur une amplitude de déplacement de 105 mètres. L'ensemble du travail a duré un peu moins de 2 mois.
Les photographies des figures 4 et 5 montrent la préparation effectuée et la maison en cours de déplacement.
D'autre part, tout au long de la déviation de la RN 53, il a fallu aussi réaliser le déplacement d'une conduite d'eau Ø 600 de la Ville de Metz.
Les terrassements du triage proprement dit ont présenté deux aspects totalement distincts.

Remblais en laitier.
La partie à exécuter en remblai avec le laitier n'a, à aucun moment, présenté de difficulté. Le chantier a commencé à fonctionner mi-novembre 1960, par temps sec ; l'entrepreneur a, d'emblée, constitué à l'avancement une piste de circulation depuis le débouché Est du passage supérieur du CD 153 d, jusqu'à l'extrémité Sud du triage. Dans ces conditions, les intempéries n'ont jamais apporté aucune gêne à l'exécution du travail.
L'extraction du laitier au crassier a été menée à l'aide de rippers (fig. 6), travaillant sur le flanc du crassier, selon une pente de l'ordre de 400, la dent de l'engin désagrégeant le matériau de façon irrégulière, mais produisant des éléments de dimension maximum rarement supérieure à 180 mm, tandis que la lame poussait vers le bas les matériaux désagrégés par les passages précédents. Le matériau se trouvait ainsi amoncelé en énormes tas au pied du crassier, où il était repris et chargé sur camion par des pelles mécaniques ou des chargeurs.
Le laitier déchargé en œuvre était alors cylindré par les camions eux-mêmes ; il n'a été réalisé de compactage, outre la déviation de la RN 53 dont il a été parlé plus haut, que pour la plate-forme des nouvelles voies principales et des voies de circulation contigus et pour les têtes de faisceau jusqu'à 50 mètres au-delà des garages francs. Dans ces zones, comme pour la RN 53, on a procédé à un certain nombre de mesures de module de Westergaard.
A titre indicatif, des mesures successives effectuées aux mêmes points ont donné les valeurs suivantes pour le module de Westergaard :
- 2 après une demi-journée de circulation de camions,
- 3 après une journée de circulation de camions,
- de 7 à 9 après achèvement du cylindrage (en général, une dizaine de passes du cylindre de 15 tonnes).
La figure 7 montre un aspect du remblai terminé, avant pose des voies.

Remblais en terre.
L'extraction des terres, avec réutilisation en remblai pour les parties utilisables et mise en décharge pour les autres, a présenté, au contraire, de très lourdes sujétions, en raison des pluies abondantes. A de nombreuses reprises, la circulation des engins de terrassement a dû être arrêtée, dans l'intérêt même du chantier, en raison des ornières extrêmement profondes que creusaient dans le limon argileux les chenilles des bulldozers et les roues des scrapers.
Il était courant, par exemple, qu'une demi-journée de pluie entraînât l'arrêt des engins pendant 3 à 4 jours.
Les figures 8 et 9 montrent des aspects de la zone de déblai avec les ornières pleines d'eau ; sur la figure 9, on aperçoit l'un des collecteurs (regards et tranchée remblayée en gravier).
L'ensemble du chantier de terrassements avait fait l'objet d'un marché comprenant, en outre, la construction des 3 ouvrages supérieurs devant donner passage au nouveau tracé du CD 153 d, dont il sera parlé plus loin. Les travaux ont commencé le 15 novembre 1960. En raison des sujétions exposées ci-dessus, les travaux de terrassement n'ont été terminés que le 20 Août 1962.

ASSAINISSEMENTS

Ainsi qu'il a été dit plus haut à l'occasion de l'étude de l'économie générale du projet, il s'était révélé nécessaire au stade de l'étude de prévoir, dans le faisceau de formation et la moitié Ouest du faisceau de débranchement, un réseau de collecteurs pour drainer les eaux de la plate-forme.
Il a été réalisé (voir fig. 3) :
- un collecteur principal pour recueillir, d'une part, les eaux des plates-formes de 2 groupes de 4 voies qui l'encadrent, d'autre part, les eaux provenant des collecteurs secondaires et acheminer l'ensemble de ces eaux dans un aqueduc existant ;
- une série de 3 collecteurs secondaires destinés à recueillir les eaux des plates-formes de groupes de 3 ou 4 voies et à les rejeter, par des buses transversales, dans le collecteur principal ;
- un collecteur au pied du talus des anciennes voies principales, évacuant les eaux vers le Nord, dans un ruisseau.
Un autre assainissement s'est révélé nécessaire en cours de travaux, dans la zone Sud du triage, où les nouvelles voies principales présentent un point bas, réservant la possibilité de réalisation ultérieure d'un saut-de-mouton qui éviterait le cisaillement des nouvelles voies principales par les mouvements en provenance de Metz et entrant au faisceau de réception. Dans cette zone, le sous-sol est constitué d'un limon argileux sans aucune tenue ; il a été nécessaire de réaliser un collecteur d'entrevoie débouchant dans un aqueduc.
Ces travaux d'assainissement, tout comme les terrassements de déblai, ont été fortement contrariés par les intempéries, en raison de la très mauvaise qualité du sous-sol.

OUVRAGES D'ART

La réalisation du triage a nécessité le maintien de l'écoulement des eaux et l'aménagement des voies routières.
11 aqueducs ont dû être construits, pour une longueur totale de 1 350 mètres.
Trois voies routières traversaient les terrains intéressés par le triage et franchissaient déjà les anciennes voies principales par des passages supérieurs (fig. 10 et 11). Il s'agit, du Nord au Sud : d'un chemin départemental (153 d), d'un chemin vicinal, d'un chemin rural.
En ce qui concerne les deux derniers, l'ouvrage existant par-dessus les actuelles voies principales a pu être maintenu et il a suffi de construire les tronçons complémentaires nécessaires au-dessus de nos nouvelles installations. Par contre, l'emplacement primitif du chemin départemental, qui se situait au droit du chantier de l'entretien et du faisceau d'attente au départ, aurait exigé la construction d'un viaduc d'environ 250 mètres. En accord avec le Service des Ponts et Chaussées, la route a été déplacée d'environ 350 mètres vers le Sud, ce qui a permis de construire 3 ouvrages de moindre longueur totale, les deux ouvrages extrêmes franchissant respectivement les voies principales nouvelles et les voies principales anciennes, l'ouvrage central franchissant l'étranglement qui relie les faisceaux de débranchement et de formation et le faisceau d'attente au départ.
Selon une technique maintenant bien au point, le tablier de l'ouvrage franchissant les voies principales anciennes, déjà électrifiées en courant 25 kV - 50 Hz, a été construit en position surélevée, puis descendu sur ses appuis après prise.
Tous les passages supérieurs ont été fondés sur pieux : pieux Franki pour les ouvrages du chemin vicinal et du chemin rural, pieux West pour le chemin départemental. Le battage des pieux n'a donné lieu à aucune remarque particulière et les pieux d'essai ont fourni des résultats excellents.

VOIES ET APPAREILS

Le schéma reproduit figure 2 explicite la structure des diverses parties du triage. Les têtes de faisceau de débranchement et de formation sont réalisées selon les dispositions habituelles à la S.N.C.F. en branchements symétriques tg 0,167 ; les autres têtes de faisceau comportent des branchements en déviation.
Afin d'éviter les sauts de cale dans les zones d'enrayage et de permettre l'emploi d'un seul type de sabot d'enrayage (à semelle de 72 mm), les voies de débranchement ont été armées en rails homogènes (50 kg VG triés pour éliminer ceux à surface de roulement défectueuse ou présentant des bavures, ainsi que ceux présentant plus de 2 mm d'usure latérale), à l'exception, toutefois, de la zone centrale sur 200 mètres, où le calage ne présente qu'un caractère exceptionnel et où l'on a admis du rail VG sans défaut grave (46 kg S.33 ou 50 kg U.36). Dans le faisceau de formation et relais, seule la tête côté Nord, sur environ 350 mètres, a été armée de rails 50 kg VG triés comme ci-dessus ; le reste des voies a été équipé comme la zone médiane du faisceau de débranchement.
Pour le ballastage des voies principales nouvelles, on a utilisé, comme il est d'usage dans cette région métallurgique, du ballast de laitier de haut fourneau répondant aux spécifications habituelles. Par contre, pour toutes les voies de service, on a utilisé un ballast de laitier également, mais de second choix, où la granulométrie est beaucoup plus dispersée, ce qui a permis d'obtenir un prix avantageux.

BÂTIMENTS

L'ensemble du triage comprend divers bâtiments, d'importance très inégale :
- bâtiment central (chef de gare, PCT, etc.), avec le PRS qui commande les itinéraires intéressant les voies principales (fig. 12),
- postes d'aiguillage D (débranchement), F (formation), dont la figure 13 montre un aspect, A (extrémité côté Thionville), B (extrémité côté Metz),
- remise à machines et sablerie dans le dépôt,
- atelier de l'entretien,
- sous-station signalisation,
- divers bâtiments pour Chefs de secteur et personnel.
En raison de la nature du sous-sol, chaque bâtiment a demandé une étude précise pour les fondations. Pour certains bâtiments, notamment le bâtiment des services généraux et le poste D, les pluies persistantes de l'automne 1961 ont compliqué et retardé l'exécution de ces fondations.


INSTALLATIONS DE SÉCURITÉ

Les installations de sécurité (aiguillages et signalisation) situées tant sur les voies principales que sur les voies de circulation intérieures et les voies de service sont commandées à partir de 5 postes (I – A - B - D - F).

Le poste I, du type P.R.S., installé au 1er étage du bâtiment principal du triage, télécommande les installations des bifurcations extrêmes, côté Metz d'une part et côté Hagondange d'autre part. Il commande directement toutes les liaisons situées sur voies principales reliant ces voies aux divers chantiers du triage.
Pour certaines installations dont le rattachement direct au P.R.S. n'a pas été reconnu nécessaire, une solution plus économique a été adoptée, en l'espèce la manœuvre à pied d'œuvre de ces installations après que le poste I en a donné l'autorisation.
L'action du poste I s'étend ainsi sur une longueur d'environ 8 kilomètres entre signaux extrêmes.
Le poste comporte, répartis en 5 zones, 67 boutons d'itinéraire (dont 17 de tracé permanent) et 10 boutons d'autorisation.

- Le poste A, implanté à la tête Nord du faisceau d'attente au départ, comporte :
Une table enclenchée type « Mécanique unifié 1945 » de 35 leviers (dont 9 réservés) avec tableau de contrôle optique (T.C.O.) pour la commande des appareils enclenchés de la tête Nord du faisceau d'attente au départ, du gril voisin et des 2 appareils d'accès sur la voie II bis.
Une table de 20 leviers libres type V (dont 13 réservés) pour la commande mécanique des aiguilles de la tête Nord du faisceau.

- Le poste F, implanté à l'extrémité Nord du faisceau de formation, est équipé de :
- Un combinateur type Descubes à leviers d'itinéraires simples avec T.C.O. comportant : 23 leviers d'itinéraires simples permettant le tracé de 46 itinéraires, et 5 leviers individuels dont 2 commandent électriquement les aiguilles d'accès au gril des locomotives électriques et les 3 autres les indications « carré » de 3 panneaux lumineux. En outre, 6 manettes libres sont utilisées pour la manœuvre électrique individuelle des aiguilles de tête du faisceau d'attente au départ.
- Une table géographique de triage de 30 manettes libres pour la manœuvre électrique des aiguilles de la tête Nord des 4 pinceaux Est du faisceau de débranchement (voies 9 à 40).
- Une table géographique de triage de 24 manettes libres pour la manœuvre électrique des aiguilles de la tête Nord du faisceau de formation et des 2 pinceaux voisins du faisceau de débranchement (voies 41 à 64).
- Une table de manœuvre des 3 freins de voie Saxby.

- Le poste D, implanté à la tête Sud du faisceau de débranchement, est équipé de :
- Un combinateur type Descubes à leviers d'itinéraires simples avec T.C.O. comportant 16 leviers d'itinéraires simples (permettant le tracé de 26 itinéraires) et 7 leviers individuels dont 4 permettant la commande électrique des 4 jonctions reliant les voies du faisceau de réception aux 2 voies de la bosse ou aux 2 voies d'évitement de la bosse et 3 assurant des autorisations de manœuvre d'installations à pied d'œuvre.
En outre, 17 manettes libres sont utilisées pour la manœuvre électrique individuelle des aiguilles de tête des faisceaux de réception d'une part et de formation et relais d'autre part.
- Un combinateur à billes (Système R. Lévi) pour le débranchement automatique sur les 48 voies du faisceau de débranchement, avec table géographique pour la manœuvre manuelle des aiguilles de ce faisceau.
- Une table de commande des 6 freins de voie Westinghouse.

- Le poste B, implanté à la tête Sud du faisceau de réception, comporte :
- Une table enclenchée type « électromécanique réduit » de 75 leviers (dont 26 réservés) avec tableau de contrôle optique; cette table commande les mouvements s'effectuant à l'extrémité Sud du triage (entrées au faisceau de réception, manœuvres dans cette zone, entrées et sorties du dépôt).
- Une table de 25 leviers libres type V (dont 11 réservés) pour la manœuvre mécanique des aiguilles de la tête Sud du faisceau de réception.

ÉQUIPEMENT
POUR LA TRACTION ÉLECTRIQUE

Les lignes de la région de Metz-Thionville étant électrifiées (monophasé 50 Hz - 25 kV), il a été nécessaire d'équiper, pour ce type d'électrification, toutes les voies du triage susceptibles d'être empruntées par des locomotives électriques.
Les manœuvres dans le triage (débranchement, formation, desserte des chantiers annexes) étant effectuées par locomotives Diesel, cet équipement a pu être limité aux installations suivantes :
- liaisons avec les voies principales,
- voies de circulation trains et machines,
- totalité du faisceau de réception,
- totalité du faisceau de formation (ce faisceau peut, en effet, être utilisé également pour la réception de trains de passage relayant et remaniés à Woippy),
- têtes Nord et Sud du faisceau d'attente au départ,
- dépôt et grils d'attente de machines.
L'alimentation des installations de traction électrique du triage de Woippy est assurée par l'intermédiaire de 2 interrupteurs branchés respectivement sur la barre omnibus des postes de traction électrique dits de « Maizières » et de « Woippy » qui permettent le sous-sectionnement et la mise en parallèle des voies principales au droit des liaisons réalisées entre ces voies aux extrémités Nord et Sud du triage.
Il convient de noter que, si les travaux de toute nature (et notamment la pose des voies, des appareils de voie et des caténaires) ont été effectués sans aucune sujétion en ce qui concerne le triage et les nouvelles voies principales, par contre le rétablissement du quadruplement entre Hagondange et l'extrémité Nord du triage, y compris les nouvelles bifurcations de Maizières et de Woippy, a nécessité, du point de vue des installations de traction électrique, 13 phases successives. Cela montre, une fois de plus, tout l'intérêt qu'on trouve à réaliser de nouvelles installations plutôt qu'à aménager des installations existantes, chaque fois que c'est possible.

INSTALLATIONS DE TÉLÉCOMMUNICATIONS

L'équipement télécommunications réalisé au triage de Woippy comporte :
- 1 autocommutateur à 200 directions avec prise directe du Réseau PTT,
- des relations téléphoniques manuelles entre postes d'aiguillage et certains chantiers et postes téléphoniques en campagne, certaines de ces relations comportant la réception en haut-parleur de petite puissance.

Le « Poste central de triage » (P.C.T.) dispose, par ailleurs, de circuits spécialisés lui permettant de toucher rapidement les divers chantiers et postes du triage ; il est, en outre, relié aux circuits de régulation Exploitation et de permanence du Poste de Commandement de Metz, ainsi qu'au circuit de régulation Traction (Central sous-stations de Metz).
A proximité immédiate du P.C.T. et du Bureau central du Matériel, deux téléimprimeurs, reliés au réseau automatique S. N.C.F., sont utilisés pour la transmission et la réception des relevés de trains.

Pour les trains au départ, les relevés sont confectionnés directement par le Bureau du Matériel, à l'aide des renseignements transmis à celui-ci par radio par les pointeurs qui, sur le terrain, disposent, à cet effet, de postes émetteurs-récepteurs portatifs.
Enfin, c'est également par liaisons radiotéléphoniques bilatérales que sont assurées les relations entre les bosses (et postes) de débranchement et de formation, d'une part, et les machines de manœuvre correspondantes, d'autre part.

DISPOSITIFS DIVERS
D'ANNONCE ET DE TRANSMISSION

Les différentes annonces à transmettre aux agents répartis dans les faisceaux sont faites par haut-parleurs à partir des postes correspondants ; sont ainsi sonorisés les faisceaux de réception, de débranchement, de formation et d'attente au départ. Dans le plan de débranchement, toutefois, on a utilisé, dans le même but, le dispositif de la boucle inductive à basse fréquence type « Redal », dans lequel la réception des annonces est assurée sur un appareil récepteur de très petite dimension dont est muni chaque agent intéressé (caleur).
Pour l'annonce au freineur (et à l'aiguilleur) des numéros de voies de destination des wagons débranchés, il existe, au poste D et au poste F, un tableau lumineux d'annonce type Mors à 6 cellules en ligne.
Enfin, un réseau de liaisons pneumatiques permet la transmission rapide des documents de service entre les divers chantiers du triage.

INSTALLATIONS POUR LE PERSONNEL

Le triage se situant en dehors de l'agglomération messine, il a été nécessaire de réaliser diverses installations pour le personnel : cantine, chambres d'hébergement et foyer d'agents de conduite.
La cantine est installée dans un bâtiment construit à proximité immédiate du bâtiment des Services généraux de l'Exploitation, près duquel travaillera une partie importante des agents de l'Exploitation ; elle est ainsi à faible distance du chantier de l'entretien. Elle est prévue pour 120 repas simultanés.
Les chambres d'hébergement sont d'une nécessité vitale dans cette Région fortement industrialisée, où le recrutement local est quasi nul depuis une quinzaine d'années. Elles représentent, pour la S. N.C.F., le seul moyen permettant de recruter au loin du personnel.
Un bâtiment d'hébergement, comprenant 71 chambres à 2 lits, a été construit à l'écart du triage, afin d'assurer aux agents de meilleures conditions de repos.
Le foyer des agents de conduite, nécessaire pour les équipes de conduite que leur roulement amènera à prendre leur repos à Woippy, a dû, obligatoirement, être aménagé à proximité du dépôt. Afin de réduire le plus possible la gêne apportée à ces agents par le bruit des trains, ce bâtiment a été construit à l'Est de la ligne, au pied du remblai du passage supérieur du chemin rural. Ce foyer (fig. 14) comprend, outre les installations sanitaires habituelles, la cuisine et le réfectoire, 45 chambres à un lit. Il est tout à fait semblable dans sa conception et sa réalisation, aux foyers aménagés ces dernières années dans la région (Metz-Sablon, Thionville et Conflans-Jarny).

CITÉS

Pour loger le personnel affecté au triage de Woippy, la construction de logements s'imposait.
Il a été décidé de construire :
1) 27 logements de cadres (5 pièces) ;
2) 375 logements, dont 188 logements de 3 pièces et 187 de 4 pièces, répartis en 6 bâtiments (3 de 5 niveaux et 3 de 8 niveaux) ; ces logements ont été financés par la Société d'HLM « Ardennes et Lorraine ».

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EXÉCUTION DES TRAVAUX
MISE EN SERVICE

Les travaux d'infrastructure ont commencé dans l'été 1959, sitôt après l'approbation du projet, en ce qui concerne les petits ouvrages sous voies.
La construction des passages supérieurs a commencé au printemps 1960.
Les travaux de terrassement se sont poursuivis de novembre 1960 à août 1962.
La construction des bâtiments a commencé au fur et à mesure de l'achèvement des travaux de terrassement, ainsi que la pose des voies, suivie des travaux caténaires et de signalisation.
La mise en service a été prévue en trois phases :
- en mai 1963, une phase exploitable comprenant le faisceau de formation avec ses 8 voies, les faisceaux de réception, de débranchement et d'attente au départ limités respectivement à 8, 24 et 4 voies ;
- en octobre 1963, une phase transitoire dans laquelle les faisceaux de réception et d'attente au départ sont amenés à leur consistance définitive (respectivement 14 et 8 voies) ;
- en mai 1964, l'achèvement du projet, portant à 48 le nombre des voies du faisceau de débranchement.



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