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Dimanche 7 septembre 1930
Remise du drapeau aux Anciens Combattants

Journaux Le Lorrain et Le Messin du Lundi 8 septembre 1930

Journal Le Lorrain

Au Pays des Fraises.
Bénédiction et remise du Drapeau des Anciens Combattants à la Section de Woippy.
Les manifestations patriotiques qui se poursuivent chaque dimanche dans le Pays messin et lorrain, les unes ayant pour but d’honorer les Morts de la guerre de 1870 -comme la cérémonie de Noisseville-, les autres, celui de resserrer les liens d’amitié et de camaraderie qui unissent les anciens combattants. Au nom de cette union, tout un peuple s’enrôle sous le même drapeau, tendu vers une commune volonté : la désir de la paix. Mais les anciens combattants savent trop bien que cette paix ne peut être, sans une force, une cohésion de tous les esprits, pour en jeter les bases solides et durables.
Comme les autres villages naguère, Woippy était hier en fête et en rumeur. Des drapeaux flottaient devant les demeures ; les arcs de triomphe, décorés de verdure et pavoisés aux couleurs nationales, étaient dressés à l’entrée du village ; des jeux de toutes sortes, cirque, lapinodrome, concours de tir et de quilles, avaient été prévus pour le plaisir des invités et des amateurs. Bref, rien ne manquait pour rehausser l’éclat de cette cérémonie patriotique qu’était la remise du drapeau des Anciens Combattants à la section de Woippy.

LA CEREMONIE RELIGIEUSE
A la grand’messe, chanté par M. l’abbé Guénot, curé de Woippy, la belle église gothique était remplie de monde. Les chants et les motets grégoriens, chantés par le groupe des hommes et de jeunes filles, firent l’édification des fidèles, en particulier les cantiques à deux voix, exécutés par ces dernières. Le chœur de l’église était amplement fleuri, illuminé et pavoisé de drapeaux. A l’avant-chœur, le drapeau de l’U.N.C. reposait sur une crédence, encadrée de fleurs.
M. le curé de Semécourt, chargé du sermon de circonstance, alla droit au cœur des combattants, en leur rappelant la nécessité de l’union de tous les patriotes, pour la défense et la grandeur de la France. Evoquant les grandes vertus d’ordre spirituel et matériel que symbolise notre drapeau à travers les âges, il exhorte les anciens combattants de la section de Woippy à la servir avec amour et fidélité.
A l’issue de la messe, M. le curé de Woippy procède à la bénédiction de l’emblème, selon la cérémonial d’usage, tenu par quatre jeunes filles habillées en Lorraines, et portant écharpes tricolores. Le chant triomphal du cantique « marchons au combat » termina cette cérémonie.

RECEPTION DES AUTORITES
Dès 14 heures, une nombreuse population se concentre à l’entrée du village, dans l’attente des autorités. Arrivent successivement des délégations avec leurs drapeaux du Souvenir Français et des Anciens Combattants, venant des quatre coins du département. Ce sont celles de Lorry, Woippy, Hauconcourt, Maizières, Saulny, Châtel, Amanvillers, Hagondange, Scy-Chazelles, Longeville, Algrange, Courcelles, Clouange, Moulins, Norroy, Gravelotte, Devant-les-Ponts, Plappeville, Corny. Ajoutons a celles-ci : la fanfare du 8e bataillon de chasseurs, les sapeurs-pompiers de Woippy, les Sociétés de musique « La Lorraine », de Rosselange, et la « Jeanne d’Arc », de Saulny.
La fanfare du 8e bataillon de chasseurs annonce l’arrivée des autorités par la sonnerie « Au Drapeau » : MM. le général Brion, chargé de présider la cérémonie ; le lieutenant-colonel du 2e génie, représentant le général gouverneur ; Moncelle, député de la Moselle ; Bertrand, conseiller général ; Castin, délégué de l’U.N.C. ; Séchehaye, le sympathique président de la section de Woippy, etc…
Aussitôt le cortège se forme, en tête duquel prennent place les porte-drapeau, et les délégations des différentes sociétés, pour se rendre sur la place de l’église.

LA CÉREMONIE DE LA REMISE DU DRAPEAU
Le général Brion résume, en quelques mots, le sens de cette cérémonie qu'est la remise du drapeau. Cérémonie toujours émouvante quand elle s'adresse à des anciens combattants, et quand cet emblème représente toute la somme des souffrances et de gloires de tout un peuple. Il exhorte les anciens combattants de Woippy à rester unis sous ses plis, comme jadis au front, à continuer d'aimer la France et à avoir foi en l'avenir. En remettant ce drapeau, il espère qu'il sera honoré, respecté et bien gardé.
La « Marseillaise » jouée, M. Castille, au nom de l'U.N.C., développe, en présence de cette belle couronne de drapeaux, le rôle et le but de l'association. L'union de tous les citoyens d'une même patrie a été comprise dès la première heure. C'est pourquoi, que ce soient ceux du Souvenir Français, qui furent les apôtres de la cause française pendant les années de l'annexion, que ce soient ceux des « Malgré Nous », obligés de porter l'uniforme allemand avec un cœur français, tous ont compris la nécessité de s'allier, de s'unir dans un bel élan de patriotisme, pour mieux travailler à la grandeur de la France.
A la suite des applaudissements que récoltèrent ces discours et sur le désir de M. Séchehaye, président de la section de Woippy, le cortège se rendit auprès du monument aux Morts, au pied duquel une magnifique gerbe de fleurs est déposée par une Lorraine, au nom des A. C. de Woippy.
Là, M. Moncelle, remercie les autorités de l'avoir invité à cette cérémonie, à laquelle il s'est fait un plaisir de prendre part. Après avoir insisté sur la. nécessité d'une cohésion, d'une union de tous les cœurs pour la défense du drapeau, s'il se trouvait un jour en danger, il s'incline, en signe de reconnaissance et de respect, devant les cendres des soldats morts.
Et la cérémonie se termine par le défilé, au son des cuivres, des sociétés, à travers le village, et un vin d'honneur, offert par la section de Woippy, pendant lequel de vieux souvenirs sont évoqués par les anciens combattants, réunis en famille.

Journal Le Messin

La remise du drapeau de l’U. N. C. de Woippy.
Avec un éclat splendide, Woippy, la cite des Fraises, a fêté hier la remise du drapeau à la section locale de l'U.N.C. Non seulement la population tout entière partagea la joie des Anciens Combattants de Woippy, braves défenseurs de notre sol mais nombreux sont leurs camarades venus de près et de loin assister à la fête. Et nombreux sont ceux qui fouillent de leurs yeux le ciel nuageux, car le drapeau flottant fièrement sur la vieille forteresse du Saint-Quentin disparaît dans un voile noir de nuages, et chacun craint que la pluie vienne gâter la cérémonie. Phébus paraît ne pas vouloir être de la partie, mais il ne boude pas longtemps ; bientôt quelques rayons de soleil traversent les nuées, et soudain le soleil brille radieux, souriant du haut du ciel aux organisateurs de cette belle manifestation patriotique. Quel air de fête partout, des drapeaux, des guirlandes et des fleurs, et la masse des hommes que nous rencontrons dans les rues du coquet village. Ce ne sont pas les figures et les mines froides des commerçants et revendeurs de fruits, discutant le prix des fraises des temps ordinaires. Gaîté et joie nous accueillent dès notre arrivée...

LA BENEDICTION
Une imposante foule de fidèles, composée en grande partie d'anciens combattants, assista le matin à la bénédiction du drapeau, qui eut lieu à l'église paroissiale. Le sermon de circonstance fut prononcé par M. le curé de Semécourt, qui mit toute sa foi patriotique dans ses chaudes et vibrantes paroles.

LA RECEPTION
Un bel arc de triomphe est dressé à l'entrée du village, orné de fleurs et de drapeaux tricolores. Vers 13 h. 30 arrivent les premières délégations des sections de l'U. N. C. et du Souvenir Français, parmi lesquelles nous notons : les sections de l'U.N.C. de Metz, Moulins, Hagondange, Gravelotte, Courcelles-sur-Nied, Courcelle-sur-Chaussy, Corny, Peltre, Pange, Richemont, Gorze, Plesnoy, Saulny, Herny, Pierrevillers, Norroy-le-Veneur, Hauconcourt, Maizières-lès-Metz, Clouange, Rosselange, Algrange, Longeville-lès-Metz, Ancy-sur-Moselle, avec drapeaux et conduites par leurs présidents ; les délégations du Souvenir Français de Rosselange, Hagondange, Woippy, ainsi que le drapeau du groupement de la Moselle de l'U.N.C., la fanfare du 8e bataillon de chasseurs à pied, les Jeunes Ouvriers de Metz, l'Harmonie de Rosselange, la musique de Saulny.
A 14 heures arrivent le général Brion, qui remettra le drapeau à la jeune section ; le lieutenant-colonel Percond, du 2e régiment du génie, représentant le général Lacapelle ; M. le député Moncelle, vice-président de la Chambre des députés ; Me Castin, président d'honneur du groupe de la Moselle de l' U.N.C. ; M. Desprez, vice-président du groupement, salués par MM. Séchehaye, président, Mangenot, maire et vice-président, Callerin, secrétaire, et Weber, trésorier de la section de Woippy, et par un groupe de jeunes filles en costume lorrain.

LE CORTEGE
Un cortège se forme alors dans l'ordre suivant : la compagnie des sapeurs-pompiers, la fanfare du 8e B.C.P., quatre jeunes Lorraines portant, lié de rubans, le nouveau drapeau, les autorités, la fanfare des Jeunes Ouvriers, le groupe des drapeaux des sections de l'U.N.C, et du Souvenir Français, l'Harmonie de Rosselange, les Anciens Combattants et la musique de Saulny. A travers le village richement pavoisé, on gagna la place de l'Eglise, où allait être remis le drapeau par le général Brion.

LA REMISE
Une foule immense se presse sur la place devant l'église à l'arrivée du cortège et applaudit les autorités qui prennent place sur l'estrade officielle. Dès que chacun est placé, les jeunes Lorraines avancent au pied de l'estrade, et l'une d'elles remet l'emblème national au général Brion.
Celui-ci déclare que ce lui est une grande joie de remettre un drapeau aux A.C. de Woippy, qui durant un demi-siècle furent séparés de la mère-patrie. Ceci dit, d'une voix forte il commande d'ouvrir le ban et remet au porte-drapeau le nouvel emblème, certain qu'il sera en bonnes mains. La fanfare sonne au drapeau, ferme le ban et exécute « La Marseillaise », qui est écoutée dans un religieux silence.

LES DISCOURS
Lorsque ces mâles accents sont éteints, Me Castin, président-fondateur de l'U.N.C., prend la parole pour saluer ses camarades de la section de Woippy, et il réclame pour les « Malgré-Nous », forcés d'endosser le feldgrau abhorré et le casque inesthétique, les mêmes droits que leurs camarades kaki ou bleu horizon, car il n'y a pas deux sortes de Lorrains ni de Français, et les peuples ne sont pas responsables des dénis de justice des chefs d'Etat.
Ce discours est très applaudi.

DISCOURS DE M. BOUCHEREZ
Le drapeau, on vit, on meurt pour lui, débute le président de la section de Clouange, et de ce symbole, il trace une poétique paraphrase.
« Pour comprendre le drapeau, dit-il, il faut avoir été soldat, il faut avoir passé la frontière et marché sur des chemins qui ne sont pas ceux de la France ! Il faut s'être dit, pendant les journées d'étapes et de fatigues, que tout ce qui reste de la Patrie absente, c'est le lambeau de soie aux trois couleurs françaises qui flotte au centre du bataillon, pour comprendre, pour sentir ce que renferme dans ses plis cette chose sacrée qu'on appelle le drapeau.
« Le drapeau, c'est tout ce qui fut, tout ce qui est la vie de chacun de nous, le foyer où l'on naquit, le coin de terre où l'on grandit, le premier sourire d'enfant, la mère qui nous berce, le père qui gronde, la première larme, les espoirs, les souvenirs.
« Le drapeau, c'est aussi l'honneur du régiment, ses gloires et ses titres flamboyant en lettres d'or sur ses couleurs fanées, avec les noms des victoires. C'est enfin le devoir dans ce qu'il a de plus sérieux et de plus fier, représenté dans ce qu'il a de plus grand (une idée flottant dans un étendard).
Et ce drapeau, il nous le montre faisant le tour du monde, des légions de la 1ère République aux poilus de la Grande Guerre, et il termine :
« Quand vous verrez passer nos trois couleurs, saluez-les et inclinez-vous bien bas devant leurs plis majestueux, pour lesquels 1.500.000 Français sont tombés, pour que vous restiez Français, et vous, Lorrains, pour vous avoir délivrés du joug teuton. « Vive la France! » « Vive la France! ».
Ce cri est repris par tous.

AU CIMETIERE
Là, M. Séchehaye prend à son tour la parole pour rendre hommage à nos morts et invite la population à se recueillir sur leurs tombes.
Puis, M. le député Moncelle, en quelques mots pessimistes, déclare la situation grave, mais il espère que le nation italienne, hier à nos côtés, ne se laissera pas entraîner dans des revendications sacrilèges inspirées par Treviranus.
Cette brève allocution terminée, il dépose au pied du monument aux Morts une gerbe de fleurs naturelles.

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