Lundi 3 juillet 1922
La journée du Souvenir Français de Woippy.
La journée d'hier restera inoubliable dans le cœur des habitants de Woippy et de tous ceux qui ont pris part à cette fête patriotique, au cours de laquelle l'amour de la France a été proclamé hautement par une foule délirante d'enthousiasme , et sur laquelle un demi-siècle d'oppression n'a pas laissé de trace. En 1870-71, les habitants de Woippy ont lutté vaillamment et les champs de bataille de cette région sont restés célèbres.
Les préparatifs
Dès la pointe du jour, les habitants, avec un art bien français, pavoisent leurs demeures. Les drapeaux tricolores garnissent les fenêtres, les uns sont frangés d'or, les autres sont seulement ourlés, mais, les uns et les autres expriment les mêmes sentiments. Des guirlandes multicolores courent çà et là sur les façades, rompant la monotonie de la décoration. Toutes la matinées se passe en préparatifs, chacun voulant fêter de son mieux cette inoubliable journée. Les rues sont soigneusement entretenues, et la moindre critique ne pourrait être adressée à la municipalité.
Le cortège
A 11 heures, le Café de la Gare, tenu par M. Flérès, est envahi par une foule joyeuse de garçons et de jeunes filles, qui vont prendre une part active à la fête qui commence.
Les différentes Sociétés de musique et les divers groupements du « Souvenir Français » se rangent en bordure de la route, attendant l'arrivée du Sous-Préfet de Metz-Campagne . Sa venue ne tarde pas, et à 15 heures 15, l'auto qui le conduit et signalée par les cavaliers de l'escadron « Jeanne-la-Lorraine », qui l'escortent de l'entrée de la commune jusqu'à la Mairie. Le cortège se forme aussitôt et en un ordre parfait se dirige vers la Grande Place.
La réception
A sa descente de voiture, M. Geay est acclamé par de nombreux vivats ; M. Mangenot, le sympathique et dévoué maire de Woippy, vient, entouré de son Conseil municipal, recevoir le représentant officiel du Gouvernement de la République. C'est d'une voix émue que M. Mangenot adresse quelques mots de bienvenue :
« Monsieur le Sous-Préfet,
Au nom de la population de Woippy toute entière représentée ici par Messieurs les Conseillers, je suis heureux de vous souhaiter la bienvenue, d'autant plus que nous avons aujourd'hui l'honneur de recevoir votre visite officielle pour la première fois. J'ai la certitude, M. le Sous-Préfet, que la fête de ce jour vous fournira un éclatant témoignage de reconnaissance et d'amour envers la « Mère-Patrie » de la part des habitants de Woippy, et que vous nous quitterez édifié et pleinement satisfait. »
M. Geay a répondu par quelques mots aimables, laissant percevoir l'émotion qu'il a ressentie de l'accueil chaleureux qui lui est fait.
La cérémonie religieuse
Le cortège ne s'arrête que quelques instants devant la Mairie pour prendre les autorités. Il est ainsi composé : L'escadron « Jeanne-la-Lorraine », les sapeurs-pompiers avec leur chef M. le lieutenant Hennequin, six jeunes filles portant sur des brassières tricolores le « drapeau » renfermé dans sa gaine de moleskine, les autorités, les drapeaux des sections du « Souvenir Français » et des différentes Sociétés sportives ou de musique, les délégués de ces divers groupements, et enfin, une foule compacte et enthousiaste.
La bénédiction du drapeau a été faite par M. le curé Bigerel, de Woippy, et le sermon a été tenu par l'abbé Muller, du Collège St-Clément. La cérémonie a été suivie dans un profond silence. La nef et le chœur étaient décorés avec beaucoup de goût, de plantes vertes, de fleurs et de panoplies de drapeaux lorrains et français.
La remise du drapeau
A la sortie de l'église, le cortège se reforme et se dirige vers la Mairie, devant laquelle une tribune a été dressée pour les orateurs.
M. le capitaine de Ladonchamps, président de la section du « Souvenir Français » de Woippy, ouvre la série des discours :
Monsieur le Sous-Préfet, Mesdames, Messieurs,
Ce m'est un bien agréable devoir que celui dont je désire m'acquitter en ce moment en venant remercier au nom du Souvenir Français de Woippy l'immense concours de ceux qui, répondant à notre appel, ont bien voulu se joindre à nous aujourd'hui pour commémorer ensemble, d'un seul et même cœur, dans l'emblème du drapeau, le souvenir de tous ceux qui tombèrent en soldats et dont, nous a dit le poète Lamartine, la cendre créa la Patrie.
Vous voudrez bien me permettre, M. le sous-préfet, me tournant vers vous le premier, comme vers le représentant du gouvernement de la république française, dont ce demeurera la gloire prestigieuse dans les siècles, d'avoir arraché la Lorraine et l'Alsace des serres de l'aigle prussien, vous voudrez bien me permettre de vous témoigner ici notre indéfectible confiance en l'énergie et la sagacité de ceux qui ont assumé la tâche de présider aux destinées de notre pays.
Et à vous-même, M. le sous-préfet, dont les instants sont précieux, nous le savons, mais dont nous savons aussi les multiples occupations, loin d'entraver un inlassable dévouement, semblent au contraire décupler une rare activité, je le permets de dire, au nom de la population toute entière, la joie que nous éprouvons de votre présence parmi nous et la respectueuse gratitude que nous vous conserverons d'avoir bien voulu nous l'accorder.
Je ne saurais séparer ensuite dans mes remerciements M. le chanoine Muller, le prédicateur de talent, toujours prêt à venir à nos cérémonies patriotiques nous apporter le réconfort de son ardente parole, et M. Lucien François, délégué général du Souvenir en Lorraine, dont je suis à me reprocher de priver plus longtemps cet auditoire du bonheur de l'entendre.
Tous deux, dès les origines, étaient tout au Souvenir Français, tous deux, depuis 4 ans qu'enfin la parole nous est rendue, se multiplient à l'envi, répondant à tous les appels ; et c'est pourquoi, au prêtre-citoyen, au citoyen-apôtre, tous deux intrépides soldats de la cause de la France, je dis notre plus sincère, notre plus vive reconnaissance.
Et Messieurs, devant ce concours de tant et tant de Sociétés, devant cette imposante réunion de drapeaux assemblés, c'est à chacun que je voudrais pouvoir dire un plus spécial merci.»
Après avoir adressé à chaque groupement un cordial merci, l'orateur rappelle l'amour du peuple lorrain pour la France, et salue le Drapeau, emblème de la Victoire du Droit sur la barbarie.
De nombreux applaudissements remercient l'orateur.
M. Lucien François, délégué général du « Souvenir Français », s'excuse de prendre la parole après le beau discours de son prédécesseur à la tribune, mais il tient à redire que le cœur de Woippy bat à l'unisson de celui de la France. Il remercie tout particulièrement M. Geay, de son dévouement inlassable. Parlant ensuite de M. le capitaine de Ladonchamps, il vante sa valeur et lui adresse un remerciement public.
Avant de terminer, il parle longuement du Drapeau, de cet emblème sacré, qui a conduit les armées françaises à la Victoire, et qui restera toujours l'emblème du courage et de la vaillance.
M. Geay prend le dernier la parole pour remettre entre les mains de M. de Ladonchamps le drapeau du « Souvenir Français » de Woippy. Cette cérémonie est courte, mais poignante, et les assistants en ont été très impressionnés. La président remercie, et passe à son tour le drapeau à celui qui aura l'honneur de la porter, à M. Félix Lapied.
On sonne « Au Drapeau », puis les fanfares exécutent la « Marseillaise ».
Pour finir, les enfants des écoles chantent quelques poésies patriotiques ; ils sont très chaudement applaudis.
Le défilé - Le vin d'honneur
Le cortège se reforme, à l'exception des personnalités, et fait un imposant défilé dans toutes des rues, pendant que les musiques font entendre des airs patriotiques.
Un vin d'honneur est servi dans la salle de la Mairie, et les vins des coteaux de Plappeville sont appréciés hautement.
Le banquet
A 18 heures 30, un banquet est servi au Café du Commerce. M. Jean, député de la Moselle, empêché d'assister à la cérémonie, avait réussi à prendre part à ce banquet. Il fut des plus cordiaux et les mets délectables firent les délices des convives ; des vins généreux mirent la gaîté dans tous les cœurs. |
Mercredi 28 juin 1922
Le dimanche 2 juillet, à 15 heures, aura lieu, à Woippy, sous la présidence de M. Geay, sous-préfet de Metz-campagne, la cérémonie solennelle d'inauguration et de remise du drapeau à la section locale du Souvenir Français. Woippy et ses abords ont vu se dérouler les glorieux épisodes des derniers combats sous Metz en 1870. Nombreuses y sont restées dans les sillons, les petites croix abritant ceux qui tombèrent pour nous, et les commandants toujours par delà la mort, c'est aussi la tombe du général Gibon, qui repose sur le territoire de la commune. Dès lors, la cérémonie ne doit-elle pas se développer avec une ampleur particulière ? Les souvenirs évoqués seront, sans aucun doute, un motif très spécial à tous ceux qui le pourront, de vouloir bien prendre part à cette fête patriotique, à laquelle très cordialement ils sont invités et à laquelle aussi, de nombreuses sections du Souvenir Français et Sociétés de musique ont bien voulu assurer leur concours. (Grandes facilités de communication assurées dans toutes les directions par la gare de Woippy et le terminus du tramway).
Mardi 4 juillet 1922
Bénédiction et remise du drapeau au Souvenir Français à Woippy.
Dimanche, à Woippy, avait lieu la remise solennelle du drapeau à la section locale du S. F. Dès midi, dans les rues joliment décorées et pavoisées, se pressait une foule nombreuse pendant que débarquaient de la gare, venues par Metz et Thionville, les Sociétés invitées à prendre part à la fête. Et sur les routes de Devant-les-Ponts, Lorry et Norroy, drapeaux déployés, musiques en tête, le sections du S. F. des pays voisins se hâtaient pour répondre à l'appel de la section de Woippy.
A 14 heures 15, l'auto de M. le sous-préfet de Metz-campagne stoppe à l'entrée du village, où M. Lavezzari, instructeur à l'escadron " Jeanne la Lorraine ", lui présente aussitôt le peloton d'escorte. Encadrée des jeunes cavaliers, au grand trot, l'auto repart ensuite pour s'arrêter devant la mairie, où, M. le Maire et les conseillers municipaux, M. de Ladonchamps, capitaine de réserve et président du S. F. de Woippy, et M. François, maire de Moyeuvre et conseiller général, lui souhaitent la bienvenue. De part et d'autre de la Mairie, les sapeurs-pompiers, sous le commandement de M. Hennequin, et « La Lyre » de Woippy, dont M. Ladaique est le distingué président, rendent les honneurs, cependant que l'Union Saint-Etienne de Woippy, dans une tenue impeccable, présentaient les armes au commandement de M. Séchehaye, chargé des réceptions et des cortèges.
M. Geay remercie la municipalité et félicité tous ceux qui ont organisé la journée. Puis, de la Mairie, enroulé dans sa gaine et porté par six jeunes filles habillées de blanc avec des rubans et des cocardes tricolores, le drapeau est ensuite conduit au-devant des Sociétés invitées par les Sociétés locales de P. M., précédées des cavaliers et des pompiers, et, musique en tête, tout le monde se rend à l'église, trop petite pour contenir les gens qui se pressent sur les marches pour entendre la parole éloquente de M. le chanoine Muller dont l'allocution vibrante trouve un écho chaleureux dans le cœur de tous les assistants. Puis M. l'abbé Bigerel, curé de Woippy, bénit d'un geste large le nouveau drapeau, pendant que s'inclinent les emblèmes des Sociétés présentes, massées à droite et à gauche du chœur.
A la sortie, malgré le zèle des organisateurs, des commissaires et des pompiers, la foule met une telle ardeur à s'approcher de la tribune adossée à la Mairie, que c'est à peine si la place nécessaire peut être dégagée pour les porte-drapeaux présents et pour les membres du S. F.
M. le capitaine de Ladonchamps, dans une allocution admirablement composée, remercie tous ceux qui sont venus assister à cette belle fête et tout particulièrement M. Geay, le si sympathique sous-préfet de Metz-campagne, dont le nom est acclamé chaudement par tous les spectateurs. Il termine en saluant au nom du S. F. de Woippy tous les drapeaux dont les jolies couleurs flottent gaiement au vent. Après cette allocution, la musique de Maizières exécute le Salut au drapeau et la Marseillaise ; puis M. François monte à la tribune et en sa qualité de délégué du S. F. rappelle à tous l'œuvre du S. F. en Moselle ; il parle de tout ce que doit représenter le drapeau aux yeux de chacun et fait appel au patriotisme de tous et à l'union indispensable qui doit régner entre tous pour le plus grand bien de la France. Applaudi vigoureusement, M. François cède la place à M. Geay.
Celui-ci sait, dès les premiers mots, conquérir le cœur de tous et tenir sous le charme ses auditeurs qui l'interrompent à chaque instant par leurs applaudissements, surtout quand il rappelle quelques souvenirs d'après la guerre de 70, parlant de l'ironie narquoise des Lorrains têtus, qui se moquaient des ordonnances allemandes les plus sévères et pavoisaient de leur mieux aux couleurs françaises, au grand désespoir de leurs oppresseurs. M. Geay saisit ensuite le drapeau et le remet à M. de Ladonchamp qui le donne aussitôt à M. Félix Lapied, à qui incombe désormais la tâche honorifique de le porter, entouré de MM. Demoncel et A. Munier. Après une reprise de la Marseillaise, les enfants des écoles chantent un chœur très réussi et, sous la menace d'un gros orage, les Sociétés s'apprêtent pour le cortège dans le village. Celui-ci se déroule dans un ordre parfait et défile devant la Mairie où ont pris place, à côté des personnalités déjà désignées, M. Vogel, du S. F. de Woippy, M. le commandant Guénot, de Lorry, MM. les Maires des communes voisines, M. Bertrand, conseiller général, etc, etc.
En tête les cavaliers ouvrent la marche, bien en selle, dans leur jolie tenue bleu, sur leurs chevaux très vifs, piaffants et énervés par le bruit des musiques. Puis viennent les pompiers, souvent à la peine et ce jour-là à l'honneur; derrière le nouveau drapeau tous ceux des sections des musiques invitées et, successivement, la musique de Devant-les-Ponts, celle de Maizières, celle de Vitry-sur-Orne, celle de Plappeville, les cliques sonores de Saint-Julien et de Châtel-Saint-Germain, les sections du S. F. de Devant-les-ponts, Lorry, Maizières, Norroy, Rombas, Saint-Julien, Saint-Privat, Châtel-Saint-Germain, Vitry-sur-Orne, Plappeville, Longeville, Moyeuvre-Grande, Vallières, etc, etc, et, fermant la marche, La Lyre de Woippy et l'Union Saint-Étienne, dont la belle tenue fait l'admiration de tous et dont les armes étincellent au soleil.
Après avoir parcouru les rues, le cortège s'arrête face à la Mairie et, au commandement de M. de Ladonchamps, les Sociétés saluent les drapeaux et se rendent aux cafés qui leur ont été désignés. A la Mairie, un vin d'honneur pour tous les présidents et directeurs ; puis tombola très réussie où une foule de gagnants a vu récompenser leur obole généreusement donnée sans grand espoir de gain !
Cette belle journée se termina par un banquet magnifique, servi à l'hôtel du Commerce par Mme Humbert et auquel prennent part plus de 100 convives. M. Jean, député, arrive à temps pour assister avec M. Geay, revenu en hâte d'un autre coin de l'arrondissement. A leurs côtés prennent place à la table d'honneur : MM. François, Mangenot, maire de Woippy, le curé de Woippy, Vogel, président du S. F., M. Séchehaye, le toujours dévoué président de l'Union Jeanne la Lorraine et de l'Union Saint-Étienne ; Ladaique, président de La Lyre ; M. Lavezzari, instructeur à l'escadron Jeanne la Lorraine ; M. Dubar, ingénieur, cependant que tous les membres du S. F. de Woippy s'empressent de placer au mieux leurs invités autour des tables. Et, au champagne, après M. François et M. Jean, le dernier toast est porté par M. Geay, qui lève son verre à la santé des jeunes filles de Woippy, porteuses du drapeau, et à tous les habitants de la commune -au moment où l'un des plus anciens membres du Souvenir Français de Woippy entonne un refrain patriotique et que tous les assistants écoutent avec plaisir avant de se séparer.
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