Vendredi 1er février 1935
Syndicat des producteurs de fraises. – Le Syndicat des producteurs de fraises invite tous ses membres à assister à la grande réunion qui aura lieu dimanche prochain, à 15 h. très précises, au Café du Commerce. L’ordre du jour est extrêmement important. (LL)
Mardi 5 février 1935
Assemblée générale du Syndicat des producteurs de fraises. – Presque unanimement, les membres avaient répondu à l’invitation adressée par le comité du Syndicat des producteurs de fraises.
A 15 heures, M. Kopp, président actif, ouvre la séance. Il remercie le maire de Woippy, M. Sechehaye, qui avait bien voulu honorer l’assemblée de sa présence, et adresse ses plus vifs remerciements à M. de Ladonchamps, qui a apporté toute sa collaboration au Syndicat.
Après quelques paroles de bienvenue prononcées par MM. Kopp et de Ladonchamps, le trésorier donne le compte rendu financier. La gestion, au cours de l’année 1934, a été bonne, et l’assemblée approuve le bilan. Certains membres sont surpris de la démission de M. Michaux, qui indique les raisons pour lesquelles il quitte les fonctions de trésorier que, depuis douze ans, il assurait. Sur intervention de quelques membres, M. Kopp donne des précisions quant à l’organisation intérieure, puis la séance est suspendue pendant quelques instants.
Le plébiscite sarrois et ses conséquences pour les producteurs de fraises, figurait à l’ordre du jour. Le sujet sera traité par M. de Ladonchamps, qui parlera tant en qualité de producteur que de président de l’Union des Syndicats. Depuis plusieurs années déjà, M. de Ladonchamps traitait de la question sarroise et de ses conséquences sur l’économie mosellane et la production fraisière ; il relit entre autres le résumé paru dans la « Terre Lorraine » en 1931, sur une étude traitée par lui. M. de Ladonchamps rappelle qu’il n’est pas impossible que, cette saison, soient expédiées des fraises en territoire allemand, et que malgré les règlementations très strictes existant en Allemagne, les plus grosses difficultés peuvent être surmontées. C’est dans un sens favorable que les premières interventions ont été faites par la Confédération des Syndicats près l’Office national d’alimentation en Allemagne, qui, les questions douanières écartées, exigerait de l’importation des fraises, l’origine, la qualité, les garanties sanitaires et des conditions de prix.
M. de Ladonchamps insiste sur l’importance à conserver actuellement les débouchés sarrois tout en s’assimilant les marchés de l’intérieur.
Un appel à l’union de tous les producteurs termine cet intéressant exposé.
Vendredi 15 février 1935
Producteurs de fraises. – Que les producteurs de fraises, qui dans quelques mois vont se remettre à leurs travaux de culture, nous permettent ce petit avis. Celui-ci concerne les plants de fraisiers ; les solliciteurs sont de tous temps ; ceux dont nous voulons parler, n’ont même pas attendu les repiquages ; ceux qui se présentent aux producteurs de fraises et désirent obtenir des plants dans un but commercial surtout, doivent être refoulés par tous ceux qui considèrent que c’est grâce à un ardent travail et une sélection approfondie au cours de nombreuses années, qui ont permis d’obtenir des variétés à caractères distinctifs et appréciés.
Dans un journal édité en Alsace, un annonceur publie ses offres de plants de fraisiers qu’il garantit de Woippy d’origine. D’où viennent ces plants ? C’est ce que se demandait un producteur qui dans un catalogue avait été surpris de trouver en tête de liste une variété dite « Fraise de Bellevue » ; nous connaissons la « Belle de Woippy » mais pas celle-là. Une étude plus approfondie de ce dernier cas prouve qu’il s’agit ici d’une expédition faite par un producteur de Bellevue, village limitrophe de Woippy, et dont sans doute les quelques plants furent mis en pépinière pour multiplication et ainsi permettre, à Strasbourg, la vente de plants de notre localité.
Evidemment, la vente des plants de fraisiers est entièrement libre, mais si les résultats sont favorables en ce qui concerne la publicité, ils le sont aussi pour la concurrence ; que les membres du syndicat s’en remettent aux statuts quant aux réglementations concernant les plants de fraisiers, les autres producteurs devront s’en tenir à eux-mêmes.
Dimanche 3 mars 1935
Dans un calme impressionnant, les Producteurs de Fraises de la Moselle font le procès du laisser-aller et de l’incompétence
Aussi calme par l’attitude de ses participants que modérée dans l’expression de leurs sentiments, la réunion des délégués des Syndicats fruitiers et des Producteurs de fraises de la Moselle – qui s’est déroulée hier matin de 10 h. à midi à l’hôtel de la Sous-préfecture – n’en fut que plus impressionnante.
A trois semaines de la tumultueuse assemblée générale des Producteurs de blé à la salle Saint-Bernard, elle n’a pas réagi avec moins de force contre les causes profondes du marasme économique actuel, et nulle part celles-ci n’auront été plus pertinemment mises en évidence.
Les qualités de mesure et de clarté qui ont été comme la marque de ces très importantes assises sont celles mêmes, et nul ne s’y est trompé, de l’infatigable organisateur et défenseur de la production fruitière en Moselle : nous avons nommé – et tenons à nommer – M. de Ladonchamps, qui présidait cette réunion dont il avait eu l’initiative. L’assistance, digne de son dévouement, était d’une rare qualité et pouvait prétendre représenter avec le maximum de probité le vieux, l’admirable fonds terrien de notre contrée. On y reconnaissait en effet, MM. les maires d’Ancy-sur-Moselle, Arry, Corny-sur-Moselle, Jussy, La Maxe, Lorry-lès-Metz, Norroy-le-Veneur, Scy-Chazelles, Woippy et Mouilins-lès-Metz ; MM. les présidents des syndicats fruitiers et producteurs de fraises d’Ancy-sur-Moselle, Arry, Lorry-lès-Metz, Lorry-Mardigny, Marieulles, Novéant-sur-Moselle, Rozérieulles, Rustroff, Semécourt, Vezon et Woippy ; des délégations des producteurs de fruits d’Ancy, Arry, Ars-sur-Moselle, Augny, Dornot, Lorry-lès-Metz, Lorry-Mardignh, Marange-Silvange, Rustroff et Semécourt ; le président du Syndicat des fabricants de conserves de fruits, le président du Syndicat des expéditeurs, etc…
Au bureau, aux côtés de M. de Ladonchamps, avait pris place M. Moncelle, député de Metz, vice-président de la Chambre, que devaient rejoindre au cours de la réunion MM. Corbedaine, sénateur, président de la Chambre d’agriculture, et Thisse, directeur des Services agricoles du département, retenus au début par d’autres obligations de leurs charges.
Tout en faisant circuler une liste de pointage des présences, M. de Ladonchamps ouvrit la séance à 10 h. 15, s’excusant de la rapidité avec laquelle il avait lancé les convocations, par la rapidité avec laquelle les événements se précipitent : lui-même n’a pas été moins de trois fois à Paris depuis le 15 janvier et doit y retourner au cours de cette semaine. Il présente les excuses de M. le Préfet, empêché par les multiples devoirs qui lui incombent, mais qui recevra cet après-midi la délégation chargée de lui transmettre les vœux de l’assemblée. Il remercie M. Moncelle, annonce la présence de M. Corbedaine et de M. Thisse, et remercie aussi les présidents des expéditeurs et des « conserveurs ».
Puis aussitôt M. de Ladonchamps entre dans le vif du sujet.
Vous avez appris – dit-il- que par suite des récents accords franco-sarrois, les fraises ne pourraient plus rentrer en Sarre pour la récolte expirant le 30 juin, qu’à raison de 150 quintaux métriques, soit six (6) wagons, et encore en acquittant des droits de 10 marks au quintal, soit 60 francs – proportion insignifiante par rapport à celle que nous exportions aux Sarrois, et situation qui nous ferme pratiquement un débouché.
A ceux qui viendraient rétorquer qu’il est bien temps de se plaindre, M. de Ladonchamps conseille de faire un retour en arrière : ils se rappelleront que dès 1930, l’organe des producteurs battait le rappel des producteurs et les conviait au regroupement indispensable pour pouvoir utilement intervenir ; qu’en 1930, à la demande des producteurs du Sud et du Nord de Metz, il est venu à Novéant pour créer le groupement qui, en 1931, commença à fonctionner près des pouvoirs publics, des administrations et aussi près des producteurs. Récapitulant quelques manifestations importantes de l’activité de cette « Union des Syndicats de producteurs de fraises », puisque tel est son nom, M. de Ladonchamps rappelle que dès 1931 elle donna avertissement de la concurrence, qui s’ébauchait alors, de la production italienne ; qu’elle généralisa cette même année l’effort vers la qualité inauguré à Woippy en 1928, grâce à ce système de fiches-étiquettes qui est devenu obligatoire depuis le 1er juillet 1934.
Les producteurs avaient prévu…
Mieux encore – pour en revenir à la situation actuelle – M. de Ladonchamps relit un extrait du compte rendu de la réunion constitutive de Novéant, montrant que déjà en 1931 les intéressés avaient été rendus attentifs aux plantations intensives de fraisiers qui s’opéraient dans les régions de Perl et de Trèves : « Cela crevait les yeux – dit-il – que l’Allemagne s’organisait pour pouvoir éliminer la Moselle quand la Sarre lui reviendrait ». Il donne lecture ensuite du bulletin qui, en juin 1933 déjà, mettait les producteurs mosellans en garde contre la fermeture éventuelle du débouché sarrois.
… mais « gouverner, c’est prévoir »
Mais alors, après avoir jeté cette interrogation : « Les producteurs ont-ils fait le nécessaire pour être organisés quand viendraient les jours difficiles ? ». M. de Ladonchamps va prodiguer, sans emphase, sans colère, sans même hausser le ton, les preuves irréfutables de l’effroyable laisser-aller, de l’effarante incompétence des personnalités chargées, après le règlement du sort de la Sarre, d’aller à Berlin traiter la question des échéances avec l’Allemagne. Celle-ci, s’étant aperçu que ce serait mécontenter ses propres nationaux, avait renoncé à fermer purement et simplement ses frontières – on sait à quel point cela lui a réussi – et les délégués français conduits par M. Bonnefon-Craponne s’en furent s’aboucher avec l’Office d’alimentation du Reich. Là, souligne M. de Ladonchamps « les organes officiels français ont toujours décidé comme s’il n’y avait pas d’organisations de producteurs ». M. de Ladonchamps rend par contre hommage à la Chambre d’agriculture de la Moselle, qui resta en rapport avec nos délégués.
De son côté, la Confédération générale française des producteurs de fruits et légumes avait elle aussi envoyé une délégation à Berlin pour s’y aboucher avec les intéressés et passer des accords concrets.
Convoqué à Paris le 15 janvier, M. de Ladonchamps eut à documenter cette délégation sur la situation des fruits exportés durant les années précédentes, vu que les organismes allemands s’étaient révélés remarquablement documentés. La délégation de la Confédération générale retourna ensuite à Berlin. Ce fut entre autres choses pour s’y heurter, en ce qui concerne les fraises, à l’interdiction des autorisations de transit par l’Allemagne, prise par décret du 23 février 1932 et motivée par les précautions à prendre contre le… doryphore.
L’Allemagne veut s’affranchir de la production fruitière française
En fait, et M. de Ladonchamps en administrera mainte preuve – tout était préparé de longue main pour affranchir l’Allemagne de la production fruitière française. On voyait depuis 1928 ses importations diminuer considérablement : en 1931 elle ne prenait plus que le tiers de 1928…
Quand les délégués des organisations allemandes vinrent à Paris les 19, 20 et 21 février 1935
, la Chambre d’agriculture de la Moselle en fut avisée par la Confédération française des producteurs : M. de Ladonchamps, arrivé le 20 à Paris, y prit dès l’après-midi un premier contact avec les Allemands – les mêmes, notons-le bien, que nos délégués avaient rencontrés à Berlin. Ceux-ci déclarèrent froidement qu’ils ne seraient preneurs que de ce qui leur manquerait, et encore à condition que les prix ne soient pas inférieurs aux leurs afin de ne pas « deruttieren » leur marché. Ils précisèrent qu’ils seraient preneurs de pommes tardives et de pommes à boisson « pour 1935 encore… Quant aux mirabelles, la question se révélait avec « wenig Möglichkeit ».
Enfin, comme ils ne se décidaient pas à mettre la question des fraises sur le tapis, M. de Ladonchamps, stylant M. du Fretay qui présidait la délégation de la Confédération française, fit aborder celle-ci – et le premier mot du chef de la délégation allemande fut « keinerlei ».
Le digne porte-parole de la cause allemande ne se fit d’ailleurs pas prier pour commenter ce mot. « L’Allemagne, dit-il, s’est organisée pour assurer sa production ; en cas de déficit, elle pourrait prendre en France autant qu’elle prend en Hollande. Fixé sur les exportations hollandaises de fruits, M. de Ladonchamps suggéra d’en prendre autant qu’en Hollande et Italie réunies. A quoi le délégué allemand répondit : « Oui, mais à condition que vous soyez mieux organisés que les autres régions », et sans s’expliquer davantage.
Le lendemain 21, la question des fruits fut posée à nouveau. La dérogation que l’on envisageait aux entrées de fruits en Allemagne, dans les pourparlers officieux, haussait la quantité des fraises à… 350 quintaux (Une voix dans la salle : « C’est zéro pour nous ! »).
« Des pourparlers officiels, nous n’avons pu savoir absolument rien, dit M. de Ladonchamps ; nous n’avons pas su non plus comment on motivait ces 350 quintaux ».
Comme nos délégués exprimaient qu’après le rattachement de la Sarre il serait plus normal d’admettre, à titre transitoire, des facilités d’importation plus libérales, le représentant allemand déclara en français : « C’est déjà contre notre volonté que depuis deux ans les fraises de Hollande et d’Italie sont entrées en Allemagne, car l’Allemagne en produit suffisamment. Nos producteurs du Palatinat n’ont même pas pu écouler toute leur production ! Quand l’Allemagne n’aura pas assez de ses propres produits, l’Allemagne vous en prendra volontiers ».
Le même représentant expliqua ensuite que l’Allemagne prenait en Hollande, et en Italie des fraises plus précoces que les nôtres. A M. de Ladonchamps qui insistait sur les qualités plus propices de nos fruits, l’Allemand ne répondit (La « synchronisation » est donc aussi passée par là ?). Les délégués français ont d’ailleurs en l’impression très nette que les Allemands demeureraient intransigeants et ne céderaient pas… sauf s’ils obtenaient des avantages capitaux sur d’autres points.
M. de Ladonchamps exprime le regret que les négociateurs français, de leur côté, n’aient pas été en possession des arguments nécessaires : ils n’ont pas su répondre aux Allemands. Puis il fait lecture des précisions données sur les négociations économiques par une « personnalité autorisée » et reproduites par le « Lorrain » du 27 février.
Mercredi 27 février 1935
(.....)
Les négociations économiques
Fausses nouvelle allemandes
Le docteur Karl Ritter, chef de la délégation économique allemande venue à Paris pour poursuivre les négociations engagées à Berlin à la suite du plébiscite sarrois, a quitté paris pour rentrer en Allemagne. Une formule d’accord sur la question des payements commerciaux, qui n’a pu encore être résolue, sera recherchée simultanément par les négociateurs allemands et français avant le 1er avril, date de l’expiration de l’accord de compensation.
Au sujet de l’ajournement des pourparlers relatifs au clearing, une personnalité autorisée a donné les précisions suivantes au « Temps » :
« Le retard apporté à la signature d’un accord sur les payements commerciaux reste sans effet sur l’accord commercial signé ces jours derniers à Paris, qui reste acquis et qui fonctionne dans des conditions très différentes de celles qu’a exposées la presse allemande. Certaines appréciations publiées à Berlin tendraient, en effet, à laisser croire que l’Allemagne avait généreusement offert d’admettre en Sarre des quantités de produits agricoles beaucoup plus importants que celles qui sont, en réalité, admises dans la convention intervenue entre nos deux pays.
Ces commentaires ne sont que le prolongement des fausses informations répandues, au cours même des négociations, dans les départements frontières et qui ont malheureusement provoqué des manifestations qui n’ont guère aidé dans leur tâche les négociateurs français.
En réalité, l’Allemagne ne s’est, à aucun moment, déclarée prête à des concessions en faveur de l’agriculture lorraine en particulier, et de l’agriculture française en général. Ce qui est exact, c’est que, dès le début des négociations, il est apparu que l’Allemagne aurait facilement admis que la Sarre, ayant affirmé sa volonté d’être allemande, conservât cependant tous les avantages d’ordre économique que le traité de paix lui avait assurés à l’égard de la France. Une solution aussi manifestement contraire à la dignité et aux intérêts français ne pouvait, à aucun moment, être admise par nos négociateurs.
De son côté, la France a fait les plus louables efforts pour répondre aux recommandations de la Société des nations. Elle a donc maintenu, pour une période de transition, des courants d’échanges et a même consenti des sacrifices appréciables pour qu’une brusque modification dans nos relations économiques ne préjudicient pas gravement en particulier à l’agriculture française. Mais, elle s’est refusée à considérer comme des concessions ce qui ne pouvait être obtenu qu’au prix d’abandon des droits des producteurs et principalement de la main-d’œuvre nationale, déjà si durement éprouvée. C’est en conformité de ces principes qu’a été établi et signé l’accord commercial franco-allemand. Toute autre interprétation doit en être rejetée comme émanant d’une propagande qui est loin de tendre à servir la cause française ». |
Les Allemands vont, eux, nous approvisionner de confitures…
Mais il et dit qu’on ira de plus fort en plus fort. M. de Ladonchamps remâche à bon droit les désillusions amères des nôtres :
« On pourrait admettre – s’exclame-t-il – d’avoir des négociations difficiles ; de là à obtenir d’exporter six wagons de fraises et à accepter l’importation en France de gelées, marmelades et confitures et confiserie « sarroises », nous l’admettons difficilement : il y a un abîme !
Notre cause, à nous, peut être considérée comme ayant été pratiquement abandonnée. On pouvait atteindre le quart de ce qui a été obtenu pour le lait… Si nos délégués officiels n’ont pas su défendre nos intérêts, la Chambre d’agriculture de la Moselle avait fait passer ceux-ci en seconde ligne, immédiatement après le lait, avant tous les autres produits. Je n’aime pas beaucoup critiquer, mais il faut trouver des remèdes. Que faire ?
« Nous dirons ce que nous pensons. Il faudra se redresser. Exposer nos doléances aux pouvoirs publics dans un ordre du jour. Si d’aucuns pensent qu’il est trop tard, qu’ils sachent que nous sommes menacés encore d’un plus grave danger. Et d’abord organisons la production mieux et autrement qu’elle n’est, pour assurer le placement à prix raisonnable de la récolte malgré la disparition d’un marché important – la Sarre – après celle d’un autre marché important – l’Allemagne. Celui-ci avait été remplacé grâce aux efforts des expéditeurs et aussi à ceci qu’il n’y eut depuis que des récoltes peu importantes… »
Puis M. de Ladonchamps signale, notamment aux producteurs du Sud de Metz, l’intérêt qu’il y aurait pour décongestionner le marché, à adapter un quart de leur production à une variété très hâtive et un autre quart à une variété très tardive : « Je vous livre l’idée – dit-il – les variétés existent ».
« Nous demandons à l’Etat… de ne pas enrayer notre action »
« Il faut faire quelque chose – poursuit M. de Ladonchamps – mais nous demandons à l’Etat de ne pas enrayer notre action. Tandis qu’autrefois les droits de douane frappant les conserves de fruits entrées de l’étranger variaient de 275 à 900 fr., les droits de douane français actuels permettent à la pulpe d’abricots d’Espagne de par venir net de 160 à 200 fr. les cent kilos rendus à Paris ! »
« Au ministère du Commerce il doit y avoir des gangsters »
« Au ministère du Commerce, il me semble qu’il doit y avoir des gangsters », s’écrit M. Moncelle. Car, auteur avec M. Sérot des mesures heureuses prises naguère pour la défense de nos mirabelles – et à ce titre M. de Ladonchamps lui rend un éclatant et public hommage – M. Moncelle sait combien de nos conserveries ont été menacées de fermer sous la concurrence espagnole. Mais il montre toute la complexité d’accords où tout se tient : il faut que la France mange de l’abricot d’Espagne pour que l’Espagnol roule en automobile française.
M. de Ladonchamps expose qu’il fallut trois ans d’efforts pour qu’en 1934 l’Etat français élève de 25 à 90 fr. aux 100 kilos à 110 et 220 fr. les droits de douane sur les abricots d’Espagne – et de nouveau ces droits tutélaires de notre production nationale se trouvent mis en question : des démarches pressantes sont faites par l’Espagne pour en obtenir la suppression – et c’est à ce danger que M. de Ladonchamps faisait allusion tout à l’heure.
Les représentants français songent à nous sacrifier
« Les représentants français – poursuit M. de Ladonchamps – songent à nous sacrifier une fois de plus. Nous ne pouvons pas laisser détruire systématiquement le produit de nos efforts. Nous voulons nous relever. Nous demandons au gouvernement d’avoir enfin une politique suivie de prévision et d’action que nous n’avons encore jamais vue. L’Etat allemand, dès 1928, demandait « Quel est le développement de plantations nécessaire pour pouvoir contrebalancer les produits étrangers et assurer nous-mêmes notre production ? En résumé, que faut-il que nous plantions pour pouvoir couvrir nos propres besoins ? »
Et de répondre : 10.800.000 pommiers.
Et les pommiers sont plantés…
M. de Ladonchamps, appuyé sur une documentation remarquable, montre que toutes les espèces de fruits ont pareillement été passées en revue. Le résultat est qu’aujourd’hui les Allemands disent qu’ils peuvent se suffire à eux-mêmes. Il en rappelle à nouveau à une politique suivie de prévision et d’action, tandis que nos marchés sont envahis par les produits étrangers ; il montre par exemple que de 1913 à 1931 l’importation en France des fraises et cerises est passée de 6000 quintaux à 51.000 ! Et de tout ainsi – aussi conclut-il : « Vous voyez que nous ne sommes pas protégées, que nous ne sommes pas défendus. Et pourtant, vous qui m’écoutez, vous n’êtes pas des pleurnicheurs, qui se présentent à l’Etat les mains vides, en solliciteurs : vous lui demandez seulement de ne pas vous casser les reins.
Producteurs, Expéditeurs, Conserveurs, nous sommes tous les soldats d’une même cause : il nous faut réagir pour la faire triompher ensemble ! »
L’ordre du jour
L’ordre du jour ci-dessous, lu par M. de Ladonchamps et mis aux voix, est adopté avec applaudissements à l’unanimité. Des interventions de MM. Guépratte pour les Conserveurs, Chatam pour les Expéditeurs, de MM. Corbedaine et Moncelle sont applaudies. Il est fait choix, pour finir, de la délégation qui, sous la conduite de M. de Ladonchamps, sera reçue à 15 h. par M. le préfet et lui remettra l’ordre du jour. La réunion est levée, dans la plus grand calme, quelques minutes après midi.
A. B.
* * *
Les maires, les présidents de syndicats fruitiers ou agricoles, les producteurs représentant les très nombreux communes de la Moselle où le fraisier est cultivé, l’Union des Syndicats de producteurs de fraises et autres fruits de la Moselle, la Chambre syndicale des Conserveurs de l’Est, faisant abstraction de son intérêt personnel et dont les délégués assistaient à cette assemblée, réunis à Metz le 2 mars 1935.
Constatant l’importance de la culture fraisière dans la région mosellane dont la statistique du ministère de l’Agriculture classe la production en tête de celle de tous les départements français,
Constatant que cette culture est la principale ressource de toute une contrée, et que par les nombreuses branches et professions qui lui sont connexes : industrie des emballages, des bois, des fers blancs et de la verrerie, profession des expéditeurs, des conserveurs et confituriers, main d'œuvre employée, transports ferroviaires et routiers, elle influe grandement sur une situation et une activité économique qui plus spéciales à la Moselle, dépassent aussi les limites de son territoire,
Considérant que le ralentissement ou la réduction de ces multiples activités aurait les plus fâcheuses répercussions pour tous,
Considérant qu’après la fermeture complète du débouché allemand en 1931, et étant donné les tonnages si importants que connaissaient les négociateurs officiels français et que la Sarre absorbait chaque année par voie de fer et par route, le maintien de leur situation acquise s’imposait au moins dans une très forte proportion pour 1935,
déclarent vivement déplorer que les quantités devant être admises cette année en Sarre en provenance de la Moselle aient été fixées au chiffre insignifiant et presque nul de 150 quintaux métriques, soit environ 6 wagons, correspondant pratiquement à un abandon de leur cause,
demandent instamment à M. le Préfet de la Moselle et à leurs représentants au Parlement, que le nécessaire soit fait pour réparer cette situation, avec effet dès l’année en cours et à tout le moins de façon certaine pour les années suivantes,
demandent aussi qu’une liaison étroite inexistante jusqu’ici soit établie entre les ministères comme les services intéressés d’une part, et les représentants qualifiés de la production, des expéditeurs et des industries des conserves d’autre part, chaque fois qu’il devra être débattu de leurs intérêts communs ;
Considérant d’autre part,
que de très pressantes démarches sont faites actuellement par l’Espagne près de la France pour obtenir l’abolition des tarifs douaniers établis en 1934 par la loi Sérot-Moncelle,
que les tarifs douaniers antérieurs étaient si faibles, qu’ils permettaient aux pulpes d’abricot espagnols d’arriver dédouanés, emballages, caisses de bois et bidons métalliques et transports compris, à raison de 160 à 200 francs les 100kg, soit à une moyenne de 180 francs, rendus à Paris, en 1932 ;
Considérant que cette situation détermine un prix que ne dépasserait pas 30 fr. les 100 kg. à la production,
que d’une façon générale le cours des pulpes de fruits français est fixé par le cours des pulpes d’abricots d’Espagne,
que par suite de cet état de choses, les pulpes françaises de fraises et de mirabelles ont dû, pour permettre leur écoulement, être livrées en 1932 par les fabriques, à raison de 240 à 260 francs les 100 kg. rendues à Paris, alors que le prix de revient était plus élevé,
Considérant qu’après la situation qui vient d’être exposée, une réduction si faible soit-elle, des droits de douane français sur les conserves étrangères de fruits, aurait des répercussions d’autant plus dangereuses sur une activité économique fruitière nationale et régionale aux multiples rameaux,
que ces droits de douane français doivent être considérés comme un minimum protégeant à peine la production nationale, et qu’il serait coupable de les réduire,
qu’il y a nécessité stricte de préserver nos fruits et entre autres la mirabelle, dont le prix à la culture est déjà tombé à 35 francs les 10à kg. en 1934,
que ce fruit peut d’ailleurs très bien remplacer l’abricot étranger dans l’usage qui en est fait par la pâtisserie,
considérant enfin que tous les pays étrangers, et spécialement l’Espagne, surchargent les conserves françaises de fruits de droits accablants variant de 275 francs les 100 kg. à 900 francs, et dépassant 500 francs à l’entrée en Espagne,
témoignant de tout leur émoi, après avoir appris que non seulement les demandes espagnoles n’avaient pas été écartées dès l’origine, mais encore que les sphères officielles françaises auraient même songé à sacrifier à nouveau les fruits français aux prétentions de nos voisins pour en obtenir en contrepartie l’entrée d’automobiles françaises à de meilleures conditions,
demandent avec calme, mais avec force, que le gouvernement français protège comme il convient les fruits nationaux, les professions, les industries qui en relèvent, et d’autant plus les fraises les mirabelles et les prunes de la Moselle, d’Alsace, de Meurthe-et-Moselle, et des Vosges, qu’elle viennent d’être plus particulièrement atteintes,
demandent entre autres à ce sujet que le chiffre d’affaire sur les fruits porté à 2% par le décret du 24 juillet 1934, puis réduit de 35% sur ce dernier taux et sous certaines conditions par arrêté du 19 janvier 1935, mais qui supporte encore en définitive une majoration d’environ 100% soit, au maximum, ramené à son taux antérieur de 0,55%,
prient M. le Préfet de la Moselle, leurs représentants au parlement, la Chambre d’agriculture et la Chambre de commerce de la Moselle, d’intervenir de tout leur pouvoir et d’extrême urgence près du Gouvernement pour lui transmettre ce mémoire de leurs doléances, et obtenir qu’il soit décidé selon leurs légitimes revendications. (LL)
Jeudi 23 mai 1935
DANS LA REGION
Pour la Défense du marché fruitier de la Moselle
A la veille de la récolte de fraises, il est à penser que la production se demande quel a été le résultat de la réunion organisée par l’Union des Syndicats des Producteurs de Fraises et autres fruits de la Moselle et en fin de laquelle avait été voté à l’unanimité un ordre du jour concernant en très grande partie les droits d’entrée en France sur certaines conserves d’abricots espagnols.
Avec M. le Préfet de la Moselle, les parlementaires de la Moselle ont bien voulu intervenir à ce sujet près du ministre de l’Agriculture.
M. Moncelle, vice-président de la Chambre, député de la Moselle, vient d’en recevoir, en date du 17 mai, la réponse ci-dessous.
M. Corbedaine, sénateur de la Moselle, président de la Chambre d’agriculture, a été également avisé dans le même sens et à la même date par le ministère.
Nous remercions vivement nos parlementaires qui sont intervenus dans la question.
« M. le Président,
Vous avez bien voulu appeler de nouveau mon attention sur la situation difficile dans laquelle se trouvent actuellement les producteurs de fruits du département de la Moselle et vous avez insisté sur l’intérêt qu’il y aurait, dans les négociations commerciales engagées avec certains pays, à ne faire aucune concession sur les demandes de réduction des droits de douane qui portent sur les cuites et pulpes de fruits d’origine étrangère.
J’ai l’honneur de vous faire connaître que les négociations commerciales franco-espagnoles sont actuellement suspendues en raison de la dénonciation de l’accord du 29 mars 1934 par le gouvernement espagnol ; dans ces conditions il est impossible à l’heure actuelle de préjuger des décisions susceptibles d’intervenir en vue de régler les rapports économiques des deux pays.
Veuillez agréer, M ; le Président, l’assurance de ma haute considération.
Le ministre de l’Agriculture : Signé : L. CASSEZ »
En l’état actuel des choses et par suite de la dénonciation par le gouvernement espagnol de l’accord du 29 mars 1934, les tarifs de douane français restent donc inchangés. Souhaitons qu’ils le demeurent. Restons vigilants et groupons-nous toujours davantage pour une action commune et forte.
H. DE LADONCHAMPS
Président de l’Union des Syndicats de Producteurs de Fraises de la Moselle.
Samedi 15 juin 1935
Premiers jours de cueillette des fraises à Woippy
Tant le syndicat des producteurs de fraises que les différents commerçants, par leur activité, ont écarté bien avant la récolte, le souci de trouver des débouchés et assureront selon toute prévision l’écoulement normal de la récolte.
En ces derniers jours, les expéditions eurent surtout lieu en direction de la Suisse, Bâle notamment, en direction de Strasbourg pour les marchands alsaciens. Bien que les fraises du sud de Metz soient surtout dirigées sur le marché nancéien, la fraise de Woippy y trouve place. De même que l’année précédente, la production fraisière de la région de Sierck suffit à l’approvisionnement du Luxembourg. Les expéditions des fraises de Woippy sur Paris sont à leur début ; d’autre part, lorsque la production sera plus forte, les grands centres du Nord, Lille notamment, seront approvisionnés par les fraises de chez nous. En gare de Woippy, furent chargés 6 wagons mardi dernier, 11 wagons mercredi dernier et les expéditions d’hier et d’aujourd’hui montrent une légère augmentation dans la production. Il ne faut pas négliger de citer les quelques milliers de kilos qui chaque soir sont expédiés par la route. (LL)
Lundi 24 juin 1935
Importante réunion du Syndicat des producteurs de fraises. – Les producteurs de fraises, membres du Syndicat, furent invités samedi soir à assister à une réunion organisée salle du café du Lion d’Or. Les producteurs de fraises répondirent presque unanimement à l’appel qui leur fut fait. A 211 heures, M. Kopp Jean, président du Syndicat des producteurs de fraises de Woippy, ouvrit la séance pour remercier les personnes présentes. M. Kopp tint immédiatement les membres au courant des faits importants survenus en deux jours, 6 wagons de fraises furent perdus, et M. de Ladonchamps, président de l’Union des Syndicats des producteurs de fraises et autres fruits de la Moselle, en expliqua les raisons avec forces détails. M. de Ladonchamps exposa les négligences coupables dont s’étaient rendus grand nombre de producteurs, notamment la cueillette des fruits trop mûrs ; la livraison des fraises aux heures de grosse affluence, 12 h. et 6 h. ; la cueillette des fraises dans la soirée pour la livraison du lendemain. En raison de la forte récolte, M. de Ladonchamps propose une solution immédiate : Augmentation et surveillance du personnel. La récolte terminée, devra être réduite la culture du fraisier, ce qui aura pour effet chez certains producteurs de fournir des fruits de meilleure qualité et en général de maintenir les prix.
Puis après un très précis exposé de M. de Ladonchamps que la question des débouchés intéresse au tout premier plan, M. Kopp répondit à quelques questions d’organisation intérieure et insista près les membres pour que les paniers fussent moins remplis et la variété dite « tomate » cueillie dans des paniers neufs. A l’issue de la séance, il fut décidé unanimement que même les paniers étiquetés pouvaient être transvidés par les mandataires du Syndicat, afin que le contrôle de la marchandise fusse plus efficace. (LL)
Mercredi 3 juillet 1935
La cueillette des fraises tire à sa fin
Une chaleur torride aura avancé d’au moins huit jours la fin de la cueillette des fraises pour la saison 1935. Une petite promenade faite dans le pays messin nous a donné cette confirmation. Cependant on n’est pas mécontent de l’année. Si le fruit n’eut peut-être pas le sucre habituel, il ne fut pas dédaigné pour cela. La fraise passant trop vite, ces jours derniers, les prix en ont ressenti la répercussion par une sensible dégringolade.
Un petit arrêt en gare de Novéant nous a permis de prendre contact avec plusieurs personnalités du monde des expéditeurs de fruits. Il y a là MM. Amard et Chatam qui expédient principalement sur Paris et dans le Nord. Ils constatent que le marché de Paris n’absorbe pas de très grandes quantités de fraises ; c’est l’argent qui manque, nous disent-ils. Le Nord de la France est un tout nouveau débouché pour les fraises du pays messin et MM. les expéditeurs s’en montrent satisfaits. Aucun d’eux ne regrette l’Allemagne comme acheteur de nos produits, et aucun ne voudrait fournie à nos peu conciliants voisins. D’ailleurs à quoi bon aller chercher le débouché dans ce pays, puisque les marchés français et suisse absorbent tout ce que l’on veut.
Pour ce qui est du marché suisse, c’est M. Zimmermann qui semble s’y être spécialisé. La Suisse est fort intéressante pour nos producteurs. Nous avons voulu savoir à combien allaient revenir les fraises que M. Zimmermann était occupé à charger dans différents wagons, à destination de Zurich, Berne, Bâle, etc. Les fraises rendues sur wagon à 115 fr., nous dit l’expéditeur, coûtent à Bâle 180 fr. les 100 kilos, si l’on possède une licence de contingentement ; sans licence d’exportation, les droits de douane sont décuplés et les 100 kilos reviennent à 270 fr. à l’arrivée.
Précisons que la gare de Novéant groupe les fraises de Novéant, Fey, Arry, Dornot, Marieulles, Vezon, Lorry-Mardigny, Ancy, Corny, La Lobe, Jouy et la vallée du Rupt de Mad. Une trentaine de wagons sont encore expédiés chaque jour de cette gare, mais la plus grosse journée fut certes le lundi 24 juin, où 110 wagon sont quitté Novéant.
Nous avons encore voulu pousser jusque dans la charmante bourgade de Marieulles où la fraise et le bon vin sont à l’honneur. Marieulles n’est certes pas un très gros centre de production, mais M. Charpentier, l’aimable secrétaire du Syndicat, nous assure qu’on cultive environ un hectare de fraises sur le ban de la commune, et que chaque jour on y cueille une moyenne de 1.500 paniers. La chaleur a été trop forte, constate M. Charpentier, et hâte la maturité du fruit sans lui donner la saveur voulue. Les prix pratiqués en ces derniers jours de cueillette ne satisfont certes pas tout le monde, mais à Marieulles on n’est pas plus royaliste de le roi et on est content tout de même de la saison des fraises. (LL)
Lundi 11 mai 1936
La Fraise et les exigences nouvelles de la consommation
Il faut rendre au Syndicat des expéditeurs en fruits de la Moselle ce témoignage qu’il sait prévoir. Devant la récolte de fraises 1936, qui s’annonce moyenne, il est une foule de problèmes qui méritent d’être examinés attentivement. La belle réunion d’hier, à laquelle participèrent plus de 200 personnes, tant producteurs qu’expéditeurs, avait pour but d’initier les producteurs sur les exigences toujours croissantes des acheteurs dans les centres de consommation. Ce fait étant retenu, il s’agit pour le producteur de valoriser toujours davantage ses produits, pour faciliter la tâche de l’expéditeur, qui se trouve placé entre le producteur et le consommateur.
M. Flérès avait mis gracieusement sa grande salle des fêtes à la disposition des intéressés, et dès 3 h., toutes les places étaient occupées.
A la table du comité, on remarquait la présence de M. Maurice Chatam, président du Syndicat des expéditeurs en fruits de la Moselle, entouré de MM. Le Bouder, inspecteur principal des chemins de fer A.L. ; de Ladonchamps, président de l’Union des Syndicats des producteurs de fraises de la Moselle ; dans la salle on remarquait de nombreux maires de la région, notamment MM. Duval, maire de La Maxe ; Girard, maire de Fèves ; Lamorre, représentant M. Sechehaye, maire de Woippy.
La conférence de M. Chatam
A 15 h. 30, M. Chatam ouvrit la séance, que préside M. Lamorre.
Il déclare que c’est une prise de contact qui constitue un réel bienfait. Il souhaite que la réunion se déroule dans la plus parfaite harmonie et que la discussion qui s’ouvre soit fructueuse.
Parlant au nom des Syndicats des expéditeurs, M. Chatam rend hommage au travail des producteurs. Mais il faut compter avec l’évolution dans les centres de consommation ; les exigences des acheteurs sont de plus en plus difficiles. La clientèle a sans cesse des exigences nouvelles et il faut y répondre au mieux des intérêts de tous.
Il faut que les producteurs puissent garder et conserver tous leurs débouchés. Jusqu’à présent, l’on a pu écouler tous les fruits. Il faut qu’il en soit de même dans l’avenir.
Puis M. Chatam développe sa conférence.
IL FAUT SÉLECTIONNER LA FRAISE
La qualité de la fraise doit être excellente. IL faut y apporter tous les soins. Il ne faut pas mélanger, par exemple, les fraises printanières avec les fraises tardives.
Car cela crée chez l’acheteur une impression pénible.
Il faut donc veiller à la sélection et donner des ordres en conséquence aux cueilleuses.
LA CUEILLETTE
joue un très grand rôle. Pour Woippy, on peut livrer la marchandise jusqu’à la dernière minute. Mais cela n’est pas le cas dans les villages environnants. Une fois les ramasseurs passés, il y a l’inconvénient que les fraises cueillies l’après-midi restent jusqu’au lendemain. La marchandise reste bonne, sans doute, mais n’a plus la fraîcheur d’un fruit nouvellement cueilli.
LA PRÉSENTATION DE LA MARCHANDISE
est un grand élément de succès dans la vente. La présentation doit être soignée, c’est dans l’intérêt même du producteur, qui voit sa marchandise bien plus facilement écoulée.
M. Chatam souligne que ce sont là des conseils profitables à tous les intéressés. Il serait hautement souhaitable, dit-il, que les premières marchandises soient expédiées dans des paniers neufs.
Car les premières expéditions, au moins dans les premiers huit jours, doivent faire la meilleure impression. D’autres centres soignent d’une façon méticuleuse leur présentation et peuvent ainsi nous menacer de leur concurrence. En Bretagne, dans le Rhône, à Carpentras, par exemple, on sait remarquablement présenter la marchandise mais dans des paniers qui reviennent assez cher.
Les paniers de la région messine ne peuvent être changés, ajoute M. Chatam, pour des raisons de tarification à la frontière suisse, la Suisse restant pour l’instant notre principal débouché. Dans tous les cas, il faut soigner l’emballage et limoger les paniers usagés. Il faut nous imposer une discipline ; ne pas remplir les paniers au-dessus des bords.
Le conférencier donne des précisions sur la confection de cadres nouveaux, qui évitent la détérioration et l’écrasement de la marchandise à l’arrivée sur le marché.
M. Chatam souligne un autre fait. Au moment de la cueillette, on attend généralement qu’un grand nombre de paniers soient cueillis pour être transportés au poste de ramassage. Là encore on aura soin de ne pas exposer les fraises cueillies au soleil, car le fruit est terni par les rayons.
L’orateur souligne la bonne collaboration des expéditeurs avec les Chemins de fer A.L., qui ont sans cesse, depuis quelques années amélioré les conditions de transport, tant au point de vue aménagement que dans la rapidité d’acheminement.
Puis le conférencier vient à parler de la mirabelle. Il déplore que certains fruits apportés pour l’expédition étaient rouillés et ne pouvaient être expédiés. Il s’agit, pour le producteur, de soigner les arbres, ce qui nécessite pas mal de travail et aussi une dépense. Mais le problème mérite d’être examiné de très près.
Une initiative nouvelle
M. Chatam vient ensuite à parler d’une initiative nouvelle : il s’agit de développer la plantation des pommiers et des poiriers.
Jusque maintenant il n’existe que des productions isolées, qui ne trouvent pas une rémunération adéquate. Une plantation généralisée de pommiers et de poiriers permettrait de créer dans notre centre un troisième courant de production et débarrasser le marché national de grandes importations venant de Suisse, Hollande, etc.
Le producteur mosellan pourrait largement y trouver son profit. M. Chatam voudrait qu’un comité d’organisation régionale soit appelé à examiner les variétés de pommes et de poires qu’il faudrait introduire. Ces variétés doivent être réduites, peut-être à une, tout au plus à deux unités. Pour les poires : la variété Léginan conviendrait davantage à notre climat. La Belgique et la Tchécoslovaquie cultivent cette variété sur une grande échelle.
Pour les pommes on pourrait prévoir deux variétés : le Chasseur de Menznau et la « pomme cloche ». Ce sont des qualités qui perdent peu de leur poids et se conservent facilement.
M. Chatam fait un long exposé sur ces variétés et en souligne tout l’intérêt qu’elles comportent pour la région messine.
Suit une intéressante discussion, à laquelle prirent par M. Duval, maire de La Maxe ; M. Chatam, et qui a trait au ramassage de la tomate à La Maxe.
M. de Ladonchamps
M. de Ladonchamps prend ensuite la parole et remercie M. Chatam de son exposé, ainsi que M. le Bouder, qui témoigne d’un grand intérêt pour nos exportations de fruits.
L’orateur parle au nom de l’Union des producteurs de fraises et revient sur les principaux points de l’exposé de M. Chatam. Il constate que de grands efforts ont été faits, mais que la perfection n’est pas encore réalisée.
L’orateur se permet de poser quelques questions à M. Chatam. Il faudrait d’abord, dans la mesure du possible, unifier les prix dans les différents villages et centres de production. Car l’écart des prix casse l’élan des acheteurs et le producteur risque de vendre sans bénéfice ou à perte. D’autre part, il se lance des bruits de hausse ou de baisse qui indisposent les intéressés.
Enfin, dans l’intérêt général, il serait désirable de prévenir les producteurs, lorsque la fraise printanière ne peut être expédiée, de façon à en retarder la cueillette.
M. de Ladonchamps donne encore quelques conseils aux producteurs, il demande que l’on ne cueille pas le fruit lorsqu’il est trop vert, car l’acheteur boude cette marchandise.
Quant à l’initiative prise par les expéditeurs d’organiser la plantation des pommiers et des poiriers, M. de Ladonchamps fait remarquer qu’il a déjà envisagé cette question dont il a fait un large exposé au cours d’une assemblée générale du comice agricole de Metz en 1934. L’initiative en revient donc au Syndicat des producteurs. Il en est de même de l’initiative des étiquettes qui revient également aux producteurs.
M. de Ladonchamps est d’avis qu’il faut faire de la publicité pour nos produits, non point parce que ces derniers ne s’écoulent pas, mais précisément pour assurer à ces fruits qui sont si recherchés, des débouchés encore plus larges, et qu’ils soient introduits dans tous les centres de consommation.
Cette publicité va d’ailleurs commencer.
Le conférencier évoque le problème de la standardisation et déclare qu’il faut à tout prix que la fraise de !! soit agréée comme fruit standard.
M. de Ladonchamps fait un appel à la collaboration de tous, car les intérêts de tous les producteurs, expéditeurs, etc., sont solidaires, dit-il.
Puis M. Chatam répond aimablement aux diverses questions posées par M. de Ladonchamps.
L’uniformisation des prix répond absolument à notre désir, déclare M. Chatam. Mais sa réalisation s’avère difficile. Au fait, c’est le but de la réunion. Ce que nous envisageons, c’est d’obtenir un rendement uniforme pour obtenir un prix uniforme.
Quant aux bruits de hausse et ou baisse, ils existent. Ces bruits sont parfois fantaisistes et l’on doit se demander quels en sont les auteurs. En tout cas, producteurs et expéditeurs en sont, pour la plupart du temps les victimes.
Quant aux écarts de prix, ils sont provoqués par l’acheteur qui tient à dissocier les prix pour obtenir la marchandise le meilleur marché possible. M. Chatam dit qu’il apporte à cette question toute sa bonne volonté, car plus les risques, en l’espèce les écarts de prix sont éliminés, plus il est facile de travailler.
Quant à la question de la plantation des pommiers et des poiriers, M. Chatam reconnaît entièrement que l’initiative en revient à M. de Ladonchamps, mais que sa réalisation a été entreprise par le syndicat des expéditeurs. Le syndicat des expéditeurs a également l’intention de lancer un film sur les fraises. Des prises de vue ont déjà été faites et il faut souhaiter que ce film devienne un chef-d’œuvre de propagande et serve nos intérêts communs.
M. Le Bouder
parle en dernier lieu et démontre la nécessité, par mesure d’hygiène, d’une bonne présentation de la marchandise, ainsi que de paniers neufs. M. Le Bouder remercie MM. Chatam et de Ladonchamps de la collaboration de leurs groupements avec les chemins de fer A.L. Vos intérêts sont les nôtres, dit-il, et il relate tout le programme que se sont assigné les chemins de fer A.L. pour promouvoir la culture des fruits, la plantation du vignoble, des arbres, la production du greffon et assurer à tous les centres un rapide écoulement.
M. le Bouder parle ensuite de l’affiche de propagande pour les fruits de la Moselle et de l’Alsace et qui, d’ici quelques jours, figurera dans toutes les grandes gares de la Moselle, de l’Alsace, du Nord, le Luxembourg, la Belgique et la Suisse. Elle viendra donc à point pour la période de la récolte.
Enfin, M. le Bouder parle de l’entente pour les prix et suggère la création d’une bourse des fraises, comme il existe à Nancy une bourse des mirabelles.
Quant aux films, il va relater les beautés du val de Metz, les faciles communications dans tous les grands centres depuis Metz, la récolte des fraises, etc. M. Le Bouder remercie l’auditoire de son attention et M. Lamorre lève la séance à 18 heures. Cette réunion fut empreinte de la plus grande cordialité et permet d’augurer de la confiante collaboration des différents syndicats et le plus grand bien de tous les intéressés. R.J. (LL)
Jeudi 4 juin 1936
DANS LA REGION
La saison des fraises est commencée
Depuis quelques jours les premières fraises ont été cueillies au pays messin. Mais on ne peut encore se prononcer sur la quantité et la qualité de la récolte, ceci en raison de l’incertitude du temps.
En effet, la récolte, qui s’annonçait sous un jour assez prometteur, se trouve entravée par la sécheresse et le froid. Vendredi matin, le thermomètre est descendu à 1 degré ½ à Woippy ; dans certains endroits il est tombé en-dessous de zéro. D’autre part, le manque d’eau se fait sentir vivement. Il serait à souhaiter que la pluie intervienne au plus vite, et vigoureusement. Hier, vers la fin de la journée, il en est tombé quelque peu, ce qui fut accueilli avec joie par les producteurs de fraises.
Souhaitons également avec les bienfaits des célestes écluses ceux du soleil, sagement dosé. Dans ces conditions, la récolte serait assez belle.
D’ailleurs, dans toute la France, la récolte fruitière souffre des mêmes conditions atmosphériques. On signale que dans la Côte-d’Or, les arbres fruitiers ont été considérablement gênés par le froid et la sécheresse. Cette situation est générale dans toutes les régions de production fruitière.
Espérons en un retour à des conditions meilleures pour amener chez nos producteurs la juste récompense de leurs efforts tenaces et persévérants. (LL)
Dimanche 14 juin 1936
DANS LA REGION
Syndicat des Producteurs de Fraises de Woippy
Sous la présidence de M. de Ladonchamps, président de l’Union des Syndicats de producteurs de fraises et autres fruits de la Moselle, se tenait vendredi soir une grande réunion de producteurs de fraises de Woippy, salle du Lion d’Or. M. Jean Kopp, président du Syndicat local, prit le premier la parole pour insister sur la nécessité d’union des producteurs, afin de faire face à de nouvelles difficultés de débouchés occasionnés en partie par l’état de grève sévissant dans la région parisienne et s’étendant maintenant sur tout le pays et en particulier dans les gros centres acheteurs. Puis le président fait part à la nombreuse assistance que d’une façon générale les commerçants suisses se plaignent de l’envoi de paniers trop pleins. Aux producteurs donc de ne pas trop remplir les paniers et d’éviter, dès ce début de la saison, de cueillir des fruits trop mûrs. La présentation des fruits étant une des premières nécessités pour la bonne vente, le président insiste sur plusieurs communications qui ont été données aux membres depuis les premiers jours de cueillette.
Concernant la fourniture de marchandises invendable, l’assemblée décide que les sanctions prévues aux statuts soient strictement appliquées par le comité en fonction et que le nom des fauteurs soit affiché à l’intérieur du dépôt. M. de Ladonchamps prend à son tour la parole pour souligner les efforts du comité du Syndicat des producteurs de fraises et insiste également sur la nécessité des membres de fournir une bonne marchandise et aussi régulièrement que possible, pendant toute la saison, puis exprime tous ses remerciements à l’assemblée. La séance est levée à 22 heures, après une discussion amicale et les échanges de vues des producteurs sur la récolte de cette année, qui s’annonce satisfaisante. (LL)
Dimanche 6 décembre 1936
Syndicat des producteurs de fraises. – Les membres du Syndicat sont invités à assister à l’assemblée générale extraordinaire qui aura lieu le dimanche 13 décembre, à 15 h., au café Natier.
Ordre du jour : Remplacement d’un membre au comité ; Modification aux statuts ; Réduction de la cotisation annuelle.
Il est rappelé que, conformément à l’article 17 des statuts, les membres qui désireraient porter devant l’assemblée générale des questions ne figurant pas à l’ordre du jour, doivent les soumettre et en faire la demande, par écrit, au président du Syndicat, cinq jours au moins avant la réunion.
Mardi 15 décembre 1936
Réunion des Producteurs de Fraises. – Dimanche dernier a eu lieu, au Café Natier, une assemblée générale extraordinaire du Syndicat des producteurs de Fraises.
La séance est ouverte à 15 h. 30, par M. Kopp Jean, président du Syndicat, M. Demange, membre du comité, ayant donné sa démission pour raison d’âge et de santé, l’assemblée décide à l’unanimité de la nommer président d’honneur en récompense des longs et loyaux services qu’il a rendus au Syndicat.
M. de Ladonchamps parle des modifications à apporter aux statuts ; modifications qui sont discutées et adoptées par vote à main levée. M. Kopp annonce que les cotisations sont portées de 6 à 5 fr. ; mais il fait remarquer qu’il doit les faire augmenter si la Chambre syndicale en éprouve le besoin.
Au sujet de différentes réclamations de membres concernant des pénalisations données dans le courant de l’année, M. de Ladonchamps met en garde les membres contre de récentes lois très sévères en ce qui concerne les fruits et légumes frais, et en particulier, contre le fardage, qui constitue un délit très grave quand la mauvaise foi du vendeur est établie. Un membre propose qu’une commission d’arbitrage, composée de un ou deux contrôleurs, fonctionne pendant la saison des fraises. Le président fait savoir que ce contrôle existe déjà. Un autre membre, qui demande la parole, se la voit refusée étant donné qu’il ne s’est pas conformé à l’article 17 des statuts.
La séance est levée vers 17 h. 30. (LM)
Mercredi 16 décembre 1936
Assemblée générale des producteurs de fraises. – Dimanche dernier s’est tenue à Woippy, à 15 heures, au Café du Commerce (veuve Natier), la réunion des membres du Syndicat des producteurs de fraises.
M. Jean Kopp, président, ouvrit la séance. M. Demange, ancien instituteur de notre commune, membre du Comité, donna sa démission vu son âge et son état de santé. En raison des éminents services qu’il a rendu au syndicat, l’assemblée, à l’unanimité, lui conféra le titre de président d’honneur.
M. de Ladonchamps proposa des modifications aux statuts, ce qui fut adopté. M. Kopp annonça la diminution des cotisations de 6 fr. à 5 fr.
Puis un échange de vues s’engagea jusqu’à 17 h. 30. (RL)
Vendredi 12 mars 1937
Syndicat des producteurs de fraises. – Les membres du Syndicat sont priés d’assister à la réunion générale ordinaire qui aura lieu dimanche 14 mars, à 15 heures, salle Natier. Ordre du jour : Relevé des comptes 1936. Compte-rendu de la récolte 1936. Fermeture des Halles de Paris. Renouvellement partiel du comité.
Lundi 15 mars 1937
La réunion générale ordinaire du Syndicat des Producteurs de fraises de Woippy
(De notre correspondant particulier)
Les membres du Syndicat des Producteurs de fraises se sont réunis hier, dimanche, en assemblée générale ordinaire, au café du Commerce.
M. Kopp, président, ouvre la séance à 15 h. 30 et souhaite la bienvenue à tous les membres présents.
M. de Ladonchamps, président de l'union des Syndicats de la Moselle. rappelle que seules les personnes inscrites et payant leur cotisation ont droit de voter.
On passe à l'ordre du jour :
1° Vérification des comptes. M. Guiot, qui a été désigné pour la vérification, affirme que toutes les opérations, écritures et bilan sont très exactes. M. Le Clec'h donne le rapport financier : dépenses, 78.033 fr. 85 ; recettes, 171.703 fr. 08 ; bénéfice 93.669 francs 23. A l'unanimité, ces comptes sont acceptés.
2° Loi du 29 juin 1934. M. de Ladonchamps donne lecture de la loi du 29 juin 1934, concernant le fardage, la fraude, etc., dans là vente des fruits. Tout colis contenant de la marchandise expédiée ou vendue doit porter le nom et l'adresse de l'expéditeur, sous peine d'un procès-verbal.
3° Fermeture des Halles de Paris. Les ouvriers des Halles ayant décidé d'appliquer la loi de 40 heures, ont décidé la fermeture des Halles le lundi et le jeudi. Si aucun arrangement n'intervient, cela présentera un grand inconvénient pour l'expédition et la vente des fraises. En 1936, la récolte de fraises en France a été d'environ 17.000 tonnes ; en Moselle, elle a été d'environ de 4 à 5.000 tonnes, soit 25 à 30 % de la production totale de la France.
4° Renouvellement partiel du Comité. On passe ensuite au renouvellement partiel du comité ; sont élus ou réélus : M. Stef Jules, vice-président sortant ; de Ladonchamps Henry, directeur honoraire sortant ; Lapied-Tillement Félix, Schwartz A., Thiriet J., Conrad F., Stef J, Natier L.
L'ordre du jour: étant épuisé, M. le président remercie tous les membres de leur attention et lève la séance à 18 heures. (LM)
Mardi 16 mars 1937
Réunion du Syndicat des Producteurs de Fraises
Avant-hier dimanche, les membres du Syndicat se sont réunis en assemblée générale au café du Commerce. Le président souhaita la bienvenue aux membres présents et M. de Ladonchamps, président de l’Union des Syndicats de la Moselle, donna lecture de la loi du 29 juin 1934 concernant la fraude dans la vente des fruits.
Il rappela que tous les colis ou paquets contenant des fraises doivent porter le nom et l’adresse du producteur, sous peine de procès-verbal. Il rappela en outre qu’à la suite des nouvelles lois sociales, en particulier la loi de 40 heures, les Halles de Paris ont décidé la fermeture les lundis et jeudis. Cette mesure aura une répercussion sur l’expédition et la vente des fraises, marchandises très périssables. La vente des fraises de Moselle est facile dans la capitale, car les produits messins sont très recherchés. D’ailleurs, la production de notre région constitue environ 30 p. cent de la production de la France. La fermeture des Halles risque donc de gêner considérablement le marché des fraises.
La caisse de la société est actuellement en bon état, puisqu’elle accuse un excédent de 93.669 francs.
Il restait à renouveler une partie du comité. Furent élus ou réélus : MM. Jules Stef, Henri de Ladonchamps, Félix Tillement, A. Schwartz, J. Thiriet, Conrad et Natier. La séance fut levée à 18 heures.
Vendredi 19 mars 1937
Précisions au sujet de l’assemblée générale du Syndicat des Producteurs de Fraises de Woippy
Les précisions suivantes sont à apporter au sujet du compte-rendu de l’assemblée générale du syndicat des producteurs de fraises de Woippy, qui a paru dans le « Messin » du 16 mars.
En ce qui concerne la loi du 29 juin 1934, il y a lieu d'ajouter, comme je l'ai dit à l'assemblée générale, que le nom et l'adresse de l'expéditeur peuvent être remplacés sur les colis et paniers, par des initiales et des numéros de désignation de région qui sont déterminés par le service de la répression des Fraudes, à Paris, sur demande qui lui en est faite par les intéressés.
Relativement aux conditions nouvelles de fermeture des halles à Paris, je n'ai pas indiqué que les ouvriers y travaillant avaient décidé l'application de la loi de 40 heures ; cette décision ne pouvait dépendre que du Gouvernement, celui-ci l'ayant prise, et trois modalités de réalisation étant prévues :
- semaine de 5 journées de 8 heures,
- semaine de 6 journées de 6 h. 40,
- semaine de 5 ou 6 journées de durée inégale ;
j'ai exposé que les ouvriers des halles avaient, non pas « décidé » de fermer le jeudi et le lundi, mais que, parait-il, l'ensemble des travailleurs de l'alimentation n'acceptaient pas la formule de la semaine de 6 jours, mais demandaient la fermeture d'un second jour et que l'on avait envisagé pour les halles de Paris, la fermeture du jeudi, en plus du lundi qui était jusqu'ici le jour de repos habituel.
J'ai tenu à insister sur ce que rien n'était encore fixé et j'ai ajouté qu’il était à espérer que la solution de travail par roulement permettant de maintenir 6 jours d'ouverture, pourrait être finalement adoptée. IL est à rappeler à ce sujet que lors du vote de la loi de 40 heures, le Gouvernement a pris l'engagement, devant la Chambre et le Sénat, que les modalités d'application tiendraient compte des droits et des intérêts des producteurs.
D'autre part, les chiffres de la production totale de fraises que j'ai indiqué pour la France et la Moselle et qui sont extraits des statistiques du Ministère de l'Agriculture, se rapportent non pas à la récolte de l936, mais à celles d'années antérieures de rendement plus élevé, tandis que certaines années, comme en 1934, la récolte de la Moselle fut trois fois plus faible.
Enfin, les deux débouchés principaux que j'ai mentionnés, ne sont pas particuliers au syndicat de Woippy, mais ils sont approvisionnés par toutes les localités de production et par tous les expéditeurs de la Moselle, et d'ailleurs aussi par plusieurs départements français.
H. de Ladonchamps, Président de l'Union des Syndicats de Producteurs de fraises de la Moselle. (LM)
Lundi 22 mars 1937
Le forçage des fraisiers
Vous avez transplanté en pépinière en fin d’été les plants de fraisiers que vous destinez au forçage. Pour que le forçage réussisse, vous avez dû prendre quelques précautions dans le choix des plants et lors de leur transplantation.
Toutes les variétés de fraisiers ne se prêtent pas aussi bien les une que les autres au forçage. Pour vous donner des fruits de bonne heure, la variété doit avoir déjà une grande précocité, précocité que vous n’avez plus qu’à accentuer par le forçage. Choisissez donc une variété non remontante, à gros fruits, comme le Docteur Morère, à beaux fruits rouges, de chair ferme et savoureuse, variété qui est une des meilleures pour le forçage. Ensuite vous avez « Général Chanzy », gros fruits allongés, bien rouges et bien juteux : « Marguerite », qui fournit beaucoup de fruits mais à chair molle, et qui sont peu faciles à transporter ; « Noble », gros fruits ronds à chair blanche et à épiderme rouge qui, malheureusement comme la précédente, supporte fort mal les voyages et les manipulations.
La variété choisie, l’emplacement où vous avez disposé vos plants influe sur la végétation, partant sur le forçage. Autant que possible, plantez ces fraisiers dans un sol qui n’a pas encore porté de fraisiers, ils viennent mieux, ils ont plus de vigueur quand ils se sont développés dans les terrains vierges de fraisiers.
Le forçage
Vous avez donc des plants convenablement traités que vous voulez faire produire très précocement. Installez des couches que vous couvrez ensuite de châssis. Composez-les, conseille M. Cuisance, moitié fumier de cheval, moitié feuilles sèches, de manière à obtenir une température douce et uniforme de 15 à 18°. Couvrez le fumier d’une bonne couche de terre de jardin n’ayant pas porté de fraisiers et plantez ceux-ci en les espaçant d’environ 25 centimètres.
La conduite du forçage ne demande pas beaucoup de soins mais surtout de la surveillance. Le fraisier craint, en effet, l’air confiné ; aussi aérez fréquemment chaque fois que la température le permet, sans pourtant refroidir les plants. Arrosez le matin, de préférence, enlevez les feuilles sèches ou pourries, les pétales des fleurs qui se détachent mal. Soutenez les jeunes fruits qui se forment au moyen de petits tuteurs circulaires en fil de fer, analogues à ceux qu’employent les fleuristes pour soutenir les calices des œillets.
Cueillez les fruits eu fur et à mesure qu’ils mûrissent, les premiers cueillis sont les plus gros, ensuite la taille des fraises diminue. Le forçage commence généralement vers mi-décembre pour se terminer vers mi-mars, sa durée est d’environ deux mois et demi à trois mois. Ainsi vous pouvez échelonner la mise sous châssis pour avoir une production continue pendant plusieurs semaines.
Vous pouvez également forcer les fraisiers en pots : pour cela, empotez-les vers le mois de septembre en comptant, pour les pots de 15 cm, 2 pieds bien constitués. Additionnez la terre, préconise M. Vercier, de corne tapée, de tourteau et de terreau. Placez les pots sous châssis puis, quand les ont bien repris, laissez-les en plein air pour les endurcir.
Quelques jours avant de commencer le forçage, remettez les pots sous châssis pour ne pas les transporter brusquement dans une atmosphère chaude ; lorsqu’ils sont de nouveau habitués à une température plus douce, rentrez-les en serre chauffée. Une température de 15° suffit au début du forçage, ensuite augmentez-la pour la porter au moment de la maturité des fruits à 25° environ. Arrosez avec des engrais liquides jusqu’à floraison ; veillez à ce que la terre este humide sans l’être trop ; une humidité trop grande provoque le jaunissement des feuilles, la sécheresse les fait flétrir.
Enfin vous pouvez, sans forcer positivement, avancer de trois semaines la maturation des fruits en couvrant les plants de châssis, dès le début de l’hiver. Couvrez de paillassons et même entourez les châssis de paille pendant les très grands froids. Aérez souvent, surtout au moment de la floraison. Ainsi les plants sont à l’abri des gelées tardives, s’ils ne sont pas réchauffés, mais ils se trouvent pourtant dans une atmosphère suffisamment adoucie pour que la végétation en soit hâtée. GIREAUDOT. (RL)
Mercredi 9 juin 1937
La saison des fraises est inaugurée officiellement depuis lundi. En effet, le syndicat a ouvert ses portes depuis ce jour. La saison de cueillette se présente dans de bonnes conditions et il est à espérer que les Woippyciens seront récompensés des efforts de toute une année.
Dimanche 13 juin 1937
Les fraises au Pays Messin
Woippy au travail sous le soleil de juin
Il part jusqu’à 70 wagons par jour à destination de Paris, Lille ou Zurich
Au détour du chemin, une femme pousse une petite voiture. Sous le chaud soleil, monte et s’épand l’odeur des fraises.
A quelques kilomètres de Metz, dans la plus riante des campagnes, le plus grand centre de production de fraises de France, l’un des plus grands d’Europe. Partout sur les routes et les chemins bordés de haies, des femmes coiffées de halettes blanches, poussent les petites où s’entassent les paniers remplis à ras-bord des beaux fruits rouges piqués de vert.
A perte de vue s’étendent les champs, de ce beau vert sombre où chaque feuille cache une baie. D’un bout à l’autre les rangées de cueilleuses parcourent les parcelles, agenouillées sous le soleil, emplissant les petits paniers où chaque fruit prend la place qu’il ne quittera qu’entre les mains du détaillant à Paris, Lille et Zurich.
On croit souvent qu’une région est prédestinée à faire telle ou telle culture. Sans doute, Woippy possède une terre, une insolation, un climat propices, mais c’est surtout à la volonté de deux hommes, des Lorrains d’avant 1870, les frères Vion, que la Moselle et Woippy doivent cultiver la fraise. Ils furent les premiers. Leur exemple entraîna peu à peu les habitants du bourg à se spécialiser dans cette culture savante et l’on sait aujourd’hui, d’autres parties de la Moselle ont été gagnées, elles aussi, par la contagion.
Il n’est pas aventuré de penser que la métier difficile de producteur de fraises, comme celui de vigneron, façonne et modèle ceux qui le pratiquent. Sous l’apparente confusion, rien de plus net, de plus soigné qu’un champ de fraises. Woippy lui-même est un modèle de propreté, de coquetterie riante. La fraise a créé un type humain.
Aussi, ne faut-il pas s’étonner que dès les années 1900, un syndicat des producteurs de fraises s’y soit constitué. Au début ce n’était qu’un groupement de défense. Un curé de Woippy, l’abbé Laurent, avait lancé cette idée pour donner aux producteurs un moyen d’améliorer les prix. Le syndicat ne vendait pas lui-même. Dix ans plus tard, il fut assez audacieux pour le faire. Il n’a cessé depuis, pour le plus grand bien de ses membres, tout en perfectionnant ses méthodes.
Pendant ce temps le Nord de Metz (Norroy, Semécourt, Marange-Silvange, Pierrevillers, puis le Sud de Metz, Novéant, Coincy, Ancy, etc.), se mettent à produire eux aussi, ne tardant pas à s’organiser en syndicats.
La plupart des syndicats est groupé dans l’ « Union des Syndicats de Producteurs de fraises et autres fruits de la Moselle », dont le président aimé et respecté est M. de Ladonchamps.
A la maison syndicale de Woippy, nous le trouvons dans son P.C., en compagnie de M. Kopp, président du syndicat de Woippy. De bon matin, ils sont sur la brèche où ils resteront jusqu’au soir.
Sous sa direction, nous assistons à l’arrivée et au départ des fraises, tandis qu’avec l’enthousiasme extraordinairement jeune qui l’anime, il retrace pour nous l’histoire des beaux fruits parfumés qui commence à quelques centaines de mètres du bourg, dans les champs clôturés de feuillage où le soleil s’acharne sur les nuques des cueilleurs.
Les paniers arrivent, portant tous la petite étiquette jaune et rouge qui est la trouvaille de M. de Ladonchamps, puisqu’elle permet de certifier l’origine des fruits et de retrouver, grâce à un numéro d’ordre, le producteur au nom de qui chaque panier a été vendu par le syndicat.
Ajoutons que cette ingénieuse trouvaille se complète dans l’esprit de M. de Ladonchamps d’une deuxième étiquette, bleue celle-là, réservée aux fruits de premier choix, et qui serait prête à entrer en service si la concurrence sur le marché devenait trop intense et obligeait à cette discrimination. Pour le moment, il n’en est encore rien, heureusement.
Les petits paniers de bois de peuplier déroulé, s’entassent sur la bascule ; leur poids est noté ainsi que le nom du producteur ; puis ils vont rejoindre sur de grandes claies en étage, tous les arrivages du matin. Jusqu’à 11 heures, ce sera ainsi l’engrangement de la belle récolte odorante, logée dans les emballages blancs qu’elle ne quittera que pour être mangée.
Deux fois par jour, à la fin de la matinée et vers six heures du soir, la cueillette accumulée est menée à la gare où s’affairent autour des wagons vides les ouvriers.
Les unes après les autres, les portes à glissières se referment et derrière les flancs noirs ou roux des wagons, deux ou trois tonnes de fraises bien arrimées se préparent à gagner leurs lointaines destinations.
Les Halles de paris, nous dit le président de l’Union, absorbent environ 45 % de la récolte, depuis que la Sarre nous est fermée. Grâce aux compagnies de chemins de fer qui facilitent notre tâche, les trains de fraises partant avent sept heures du soir, arrivent avant une heure et demie du matin. De sorte que les dernières fraises cueillies vers 4 heures de l’après-midi, sont au carreau des Halles avant quatre heures du matin !
Depuis cette année, le trajet Metz-Bâle a été raccourci d’une heure. Ainsi les trains de fruits peuvent être aiguillés sur d’autres villes de Suisse de manière à y arriver aux premières heures du matin. A 6 heures 14 Zurich, à 7 h. 45 Winterthur reçoivent leur ration de fraises. Au plein de la saison, des trains spéciaux sont constitués dès que huit wagons sont chargés, à destination de la Suisse. Pour le Nord de la France, il en est de même dès cinq wagons que sont prêts, Lille est servie à trois heures du matin.
- Mais demandons-nous, s’il reste des paniers le soir, si l’orage menace que faites-vous des invendus ?
- Il n’y a pas d’invendus, s’écrie M. de Ladonchamps. L’approche des orages ne nuit pas à la conservation du fruit, contrairement à la légende.
D’autre part, nous faisons partir tous les jours la cueillette entière de la journée. Il n’y a jamais de fruits de la veille.
Naguère, Berlin nous achetait beaucoup de fraises que ne pouvaient parvenir là-bas que le jour C, c’est-à-dire le troisième jour (A étant le jour de la récolte). Et pourtant les commandes affluaient. C’est vous dire que les fraises n’étaient pas plus gâtées au bout de trois jours.
Le gros problème pour le vieux centre de Woippy n’est pas celui de la quantité. C’est celui de la qualité ! Pratiquer comme dans certaines régions de Moselle la monoculture de la variété « tomate », c’est risquer la mévente. Etendre trop les plantations, c’est risquer la chute des cours. Aussi depuis de longues années, Woippy n’augmente pas ses surfaces plantées et toujours la récolte se vend malgré la disparition des marchés allemands, malgré l’extension (très faible, il est vrai) de la production de fraise en Meurthe-et-Moselle et dans d’autres régions de France.
Les cueilleurs au travail. - En médaillon, M. de Ladonchamps, président de l'Union des Syndicats de la Moselle (à gauche) ; M. Kopp, président du Syndicat de Woippy (à droite). |
Sur 17.000 tonnes produites pendant les meilleures années en France, de 4 à 5.000 tonnes proviennent de la Moselle (20 à 25 %).
Que l’on songe à l’effort que représente l’écoulement de telles quantités de fruits périssables, en quelques semaines ! Dans le petit bureau du Syndicat de Woippy, le téléphone retentit sans arrêt, les prix se discutent tout au long de la journée et changent d’heure en heure, les arrivages s’empilent, sont comptabilisés, les départs qui atteignent jusqu’à 70 wagons par jour s’organisent, afin que les milliers de tonnes de beaux fruits parfumés quittent sans accroc les quelques hectares de terre lorraine, où toute une année une population énergique a travaillé dans l’attente de ce moment.
Et la merveilleuse machine coopérative et syndicale à distribuer les wagons de fraises à l’Europe, tourne sans anicroche.
Il faut admirer le splendide effort humain que représente la protection de cette riche production lorraine et sa conquête des marchés lointains. Il faut admirer la ténacité des hommes avisés grâce auxquels cet effort traverse le temps sans perdre sa vigueur. Aussi y a-t-il lieu de penser qu’une baisse des prix et un encombrement du marché ne pourront être que passagers. L’ingéniosité et l’expérience des dirigeants des syndicats de producteurs sont garants du succès qu’ils ne manqueront pas de remporter dans cette nouvelle bataille. J. G. (RL)
Vendredi 18 juin 1937
Enquête au pays des fraises
LA SURABONDANCE DE LA RÉCOLTE correspondant avec la fermeture d’importants débouchés a provoqué un profond malaise parmi les producteurs
Les échos alarmés des pays producteurs de fraises arrivaient hier jusqu’à Metz. Il y avait du mécontentement, un vif mécontentement, dans les villages du Pays Messin qui cultivent le fruit savoureux. La fraise étant une industrie locale de première importance, on ne saurait s’en désintéresser. Nous sommes allés sur les lieux pour voir exactement de quoi il s’agissait. La situation, comme il résulte de notre périple, n’est pas brillante. La surproduction provenant des faveurs du temps, s’ajoutant à la fermeture des principaux débouchés, a fait tomber les cours au-dessous d’un chiffre normal correspondant à l’effort fourni par le producteur. Par surcroît, la main-d’œuvre nécessaire pour cueillir ces fruits dépréciés est augmentée d’un tiers sur l’an passé.
Voilà où on en est au milieu de la saison. Et la cueillette n’est pas terminée. Laissons parler les producteurs les plus qualifiés.
M. Mondon, maire d’Ancy.
Le Pays messin est un immense dessert, un pays des plaisirs. Apparence seulement. Nous trouvons le maire d’Ancy, qui est aussi vice-président du syndicat des producteurs, occupé parmi les paniers vides ou pleins.
« Depuis le commencement de la récolte, nous dit-il, nous allons de déception en déception. Voici comment se situé le problème. Nos principaux débouchés sont fermés. C’étaient la Sarre, l’Allemagne, la Suisse. Celle-ci nous est interdite depuis le 15. Par ailleurs, la Meurthe-et-Moselle n’achète plus, car on a planté de la fraise aux environs de Nancy.
La main-d’œuvre est augmentée. Une cueilleuse se payait l’an passé 10 fr. par jour, plus la nourriture. Cette année, ces prix ont été portés jusqu’à 16 fr. Et les fruits se vendent moins cher. Au début de la récolte, nous vendions 2 fr. 50 à 3 fr. le kilo. Aujourd’hui, on parle de 80 centimes. Nous ne couvrons plus nos multiples frais, cueilleuses, engrais, travail, etc. Cette situation est presque tragique pour certaines familles de la commune dont la fraise était l’unique ressource et qui ne savent comment elles feront pour vivre cette année.
Je dois vous dire que la surproduction n’est pas uniquement le fait d’une année exceptionnellement favorable. On a trop planté de fraises à l’époque des débouchés nombreux et faciles. Ceci au préjudice de la vigne. J’ai toujours lutté, nous dit M. Mondon, pour la reconstitution du vignoble messin. Je regrette doublement, dans les circonstances présentes, de ne pas avoir été suivi.
Toutefois, je considère que le gouvernement se désintéresse du producteur. Il est inadmissible en effet que nos débouchés extérieurs se trouvent fermés. Nous avons dû faire face à la suppression des marchés allemands et sarrois. C’est maintenant la Suisse qui nous fait défaut. Le gouvernement ignore les producteurs de fraises, comme il a ignoré les viticulteurs, et en n’est pas pour rien dans l’abandon du vignoble messin.
Voilà où nous en sommes. Ce matin, nous avons reçu du syndicat des expéditeurs l’ordre de suspendre la cueillette. Ce fut un mouvement de stupeur dans tous les villages. Nos populations sont très mécontentes et il serait urgent de trouver une solution à la situation. »
Mais on appelle le maire d’Ancy, il doit retourner à ses paniers.
En nous quittant, il nous rapporte le diction de l’aïeule :
« C’est quand on arrache qu’il faut planter, quand on plante qu’il faut arracher ».
On ne saurait mieux résumer une des raisons du déséquilibre actuel.
Samedi 19 juin 1937
La situation du marché de la fraise
Ce que dit M. de Ladonchamps, Président des Syndicats de producteurs
Nous nous sommes fait, dans notre précédent numéro, l’écho fidèle des doléances des producteurs de fraises du sud de Metz. Pour compléter notre enquête, nous sommes allés hier à Woippy, autre centre producteur, où nous avons trouvé M. de Ladonchamps, président des syndicats de producteurs, qui nous a reçu avec son habituelle courtoisie et renseigné avec compétence.
Comme on peut le penser, les producteurs de Woippy, comme les autres, s’alarment du fait de la chute des cours.
Nous avons questionné M. de Ladonchamps sur un point précis, le débouché suisse. On sait qu’une convention commerciale est intervenue à la date du 31 mars entre la France et la Suisse. Or l’article 3 de cette convention précise « ce que les Hautes Parties contractantes s’engagent à ne pas entraver le commerce par des restrictions ou prohibitions quelconques des importations et des exportations ». Ce qui laisse place à l’équivoque.
En effet, jusqu’à hier matin on a importé en Suisse. Huit wagons sont partis hier de Metz à destination de la Suisse et un de Lyon. Jeudi, Metz avait fourni 18 wagons aux consommateurs helvétiques.
Mais un élément nouveau intervient, en l’espèce la circulaire qui a été adressée à tous les importateurs suisses.
En voici le texte :
Cette circulaire était datée du 16 courant. Elle fut accueillie à Metz avec une vive émotion, puisqu’elle signifiait la fermeture pure et simple de la frontière.
Il est probable toutefois qu’il n’en sera rien.
De renseignements tenus de source sûre, on a appris en effet hier que cette circulaire avait été prise dans des conditions qui la rendaient nulle et non avenue.
Voilà où en était hier la situation.
Mais nous avons également demandé à M. de Ladonchamps comment il entrevoyait l’avenir et quelles mesures il préconisait pour éviter le retour d’une situation analogue à celle qui fait peser sur le marché mosellan 1937 une vive menace.
« Mon point de vue, nous répondit M. de Ladonchamps, n’a pas varié depuis longtemps. En effet, le 2 mars 1935, au cours d’une réunion qui s’est tenue à la Maison de l’Agriculture, j’ai fait observer que les producteurs messins cultivaient à tort des variétés analogues et j’ai préconisé la culture de variétés mûrissant à des époques différentes, de manière à produire un échelonnement de la production.
Ce point de vue rejoint celui qui nous fut exprimé jeudi par les producteurs du sud de Metz. Le marché se trouve encombré par des envois massifs.
Ajoutons encore, et ceci a son importance, que les producteurs concurrents de Metz, Lyon et Saint-Rambert, arrivent actuellement à la fin de la cueillette, tandis que Metz produit encore à plein rendement. Cette circonstance va dégager le marché dans une certaine proportion.
Nous avons laissé M. de Ladonchamps affairé dans cette fourmilière qu’est le centre du Syndicat. Les paniers entrent et sortent à une cadence accélérée. Tous portent une étiquette de contrôle et de garantie. Pendant quelques jours encore, la fièvre règnera en ces lieux d’ordinaire si tranquilles.
Il faut souhaiter maintenant que des vents favorables soufflent dans les voiles des producteurs. La chute légère de la température retarde à propos la maturité. Si, comme il est probable, le marché suisse continue à recevoir nos fraises, l’année n’aura pas été mauvaise. Mais on aura eu chaud et, dès maintenant, il faut songer à la saison prochaine et écouter les sages directives dispensées par des gens compétents et dévoués. Il faut limiter et étager la production. D.R. (LL)
Mardi 22 juin 1937
Le prix des fraises à la production
Réouverture du marché suisse
Plusieurs journaux de Metz ont écrit dernièrement que le prix payé au producteur pour le demi-kilogramme de fraises était tombé à 0 fr. 40 et l’un de ces journaux a même spécifié que jeudi et vendredi, il en était ainsi « à Woippy et ailleurs ».
Nommer Woippy, est toujours parler du drapeau de la production fraisière, puisque c’est dans cette localité qu’elle y a été créée en Moselle et que se trouve le syndicat de producteurs l e plus important et le plus agissant.
Citer Woippy seulement et lorsqu’il s’agit de prix extrêmement bas, doit produire immanquablement cet effet dans l’esprit des producteurs de toutes les localités, que c’est le syndicat de Woippy qui a mis les prix à la baisse et a déclenché celle-ci, et que par suite il serait le grand responsable des bas prix dont souffre toute la région.
C’est ainsi que la nouvelle a été propagée il y a quelques jours, qu’à Woippy on ne vendait la fraise que 1 fr. 25 le kilogramme. Aujourd’hui, nous tenons donc à préciser ce qui suit :
Lorsque des fraises ont été vendues à Woippy au prix ci-dessus, il s’agissait d’une variété hâtive qui, arrivée à la fin de sa récolte et devenue très petite, n’était plus expédiée sur les marchés et ne pouvait plus être destinée qu’à des usagers qui conditionnaient un bas prix. Mais il aurait été grave et répréhensible d’avoir allégué ce prix ou d’en avoir parlé dans des conditions telles que l’on en eût tiré argument et motif pour la fixation du prix concernant, tant dans le Nord que la Sud de Metz, la variété dite « tomate », il ne pouvait absolument pas s’y rapporter, ni le conditionner.
Et puisque, lorsqu’il a été parlé du bas prix de 0 fr. 40 la livre à la production, Woippy a été mis en avant et seul nommé, nous tenons à renseigner toute la production fruitière et à lui dire que jamais jusqu’à ces tous derniers jours, jamais le Syndicat des producteurs de Woippy n’aura payé moins de un franc le kilogramme à ses membres pour la « tomate » et qu’il aura été plus d’un jour nettement au-dessus de ce prix.
Nous demandons très instamment que l’on de déduise pas de ces indications que le Syndicat de Woippy ferait la hausse des prix vis-à-vis du consommateur, il n’a fait que tenter de les maintenir à un niveau en dessous duquel ils auraient pu et dû ne pas descendre, afin que le producteur puisse se procurer le minimum de ce qui lui est nécessaire afin de gagner le pain pour lequel il travaille. Nous estimons que dès maintenant, les prix doivent remonter partout à la production et que le producteur doit recevoir au moins un franc au kilogramme.
En terminant ce communiqué, nous sommes heureux d’annoncer la nouvelle que nous avons reçue ce matin lundi par téléphone, que le service des importations en Suisse avait téléphoné hier à tous les importateurs, que la circulaire du 15 juin interdisant l’entrée des fraises françaises était annulée ; les expéditions sur la Suisse vont donc pouvoir reprendre avec leur activité antérieure et cela ne peut qu’avoir un heureux effet pour le placement de nos produits.
H. DE LADONCHAMPS
Président de l’Union des Syndicats de producteurs de fraises et autres fruits de la Moselle
Lundi 3 janvier 1938
La question des fraises au Pays Messin
Ou les moyens de réagir contre les prix dérisoires tels que ceux de la campagne 1937
Oui chers collègues producteurs de ce fruit savoureux, outre les questions du blé et du lait il y a encore celle de la fraise qui a aussi son importance, vu les localités toujours plus nombreuses qui s’adonnent à sa culture et les expéditions allant chaque année en augmentation, sans toutefois amener de surproduction, puisque nos fraises sont demandées et vendues jusqu’à la dernière, encore cette année de bonne récolte et malgré les plantations nouvelles signalées en Suisse.
Tout irai donc bien si les prix ridiculement bas, à peine plus de la moitié de ceux de 1936 n’avaient causé cette surprise et ce mécontentement dont chacun se rappelle encore. Le mauvais temps persistant du printemps ayant presque totalement détruit les espérances de récolte des cerises, mirabelles, groseilles et autres fruits (les fraises seules avaient réussi leur floraison), nous croyions obtenir les mêmes prix que l’année précédente. Naïfs que nous étions, et nous avons vu que la prédiction pessimiste faite autrefois par M. de Ladonchamps s’est trop tôt réalisée.
Et tout cela sans que le consommateur de Paris, Lille, de Suisse ou d’ailleurs ait beaucoup profité du bon marché qui nous fut imposé. De plus nous avons dû subir la hausse de la main-d’œuvre pour les travaux d’entretien de paillage et de récolte, de même que celle des engrais.
S’autre part on sait que la culture du fraisier est assez pénible, qu’il est très difficile de conserver une plantation indemne des mauvaises herbes, et qu’il faut la retourner lorsqu’elle est envahie par le liseron, le chiendent ou le pourpier. Quant à la cueillette, elle dure parfois 13 à 14 heures par jour sous le soleil de juin.
Le travail de nos acheteurs-expéditeurs, une fois leurs débouchés assurés, se borne à quelques semaines. Certes, ils ont des frais généraux, mais comme ils opèrent sur de grandes quantités, à l’encontre du producteur qui ne peut livrer que sa modeste récolte, le métier est lucratif ; la preuve en est qu’ils y reviennent chaque année en augmentant les postes de ramassage.
Le filon est donc bon à exploiter : mais il faudrait un peu mieux rémunérer le paysan pour son labeur ; au contraire il voit ses fraises toujours moins payées alors qu’il faut tout acheter plus cher. Si cela doit continuer, il nous faudra abandonner cette culture et reporter notre activité sur d’autres, surtout refaire quelques vignes, les prix du vin devenant intéressant et qu’outre les plants de qualité il y a maintenant de nouveaux hybrides donnant d’excellents produits. Et dans l’incertitude se borner à entretenir les champs de fraisiers actuels et ne pas en créer de nouveaux.
Les prix dérisoires de cette année étaient d’autant plus injustifiés qu’il était déjà fortement question à ce moment de la revalorisation des produits agricoles. Et si l’on veut aller au fond des choses, on constate que nos acheteurs, pour pratiquer leur commerce lorsque leurs marchés à livrer sont conclus, leur personnel et leurs wagons commandés, ont autant besoin de nos fruits que nous de leur vendre, c’est absolument la même chose. Et ce qui est inadmissible et qui n’a lieu pour aucun produit agricole ou autre, on nous oblige à livrer notre marchandise sans un connaître le prix, et ce n’est qu’après deux ou trois jours et souvent plus que nous en sommes informés. Ces messieurs ont alors beau jeu pour nous octroyer le moins possible.
Eh bien, ne trouve-t-on pas que ces prix de famine et cette manière de faire ont assez duré et que le terrien a droit à un peu plus de justice et au même traitement que les ouvriers de toutes sortes.
Chacun connaît les avantages qu’ils viennent d’obtenir en faisant partie d’une puissante organisation qui est devenue une force avec laquelle il a fallu compter. Et ne voyons-nous pas les expéditeurs de nos fraises qui ne sont qu’une poignée, constitués depuis longtemps en syndicat très actif, tandis que nous qui sommes le grand nombre, n’avons encore presque rien de ce genre. Et pourtant chacun se rend bien compte que le producteur isolé est voué d’avance à l’impuissance, lors même qu’il est un travailleur assidu.
De tous côtés il n’est question que de syndicats, de réajustements de salaires et traitements et aussi de la création d’une grande corporation agricole. Et n’avons-nous pas vu il y a quelques temps les cultivateurs producteurs de lait fonder une vaste association pour la défense de leurs intérêts. Elle englobe tout notre département et a déjà produit quelques résultats. Imitons-les en créant la :
Fédération des Producteurs de fraises de la Moselle.
Elle sera la réunion de tous les syndicats agricoles existants déjà dans la région mosellane, et où il n’y en a pas encore, on avisera à en établir. Il y a partout des hommes intelligents et actifs qui voudront bien se dévouer pour l’intérêt commun. Le siège de la fédération sera choisi dans la suite de cet organisme composé de délégués des syndicats locaux, fixera le prix minimum de nos fraises, en-dessous duquel aucun membre ne devra les céder, et prendra toutes mesures nécessaires au succès de l’association.
C’est en somme ce que préconise dans le numéro de la « Terre Lorraine » du 5 décembre dernier, M. J. d’Argentré à propos du syndicalisme agricole, et concluons comme lui que dès cet hiver (commencer en janvier si possible) il faut sérieusement s’occuper de cette question dans chaque village et surtout secouer cette inertie toujours regrettable. N’oublions pas qu’aujourd’hui toute profession ou corps de métier possède son groupement ou syndicat, seul le travailleur de la terre n’est pas organisé, lui qui nourrit l’humanité. Ainsi il est triste de constater qu’un ménage de vignerons fraisiers n’arrive pas à encaissera au cours d’une année, la moitié du salaire d’un ouvrier d’usine qui lui est payé chaque quinzaine. Et il ne faut pas s’étonner si la terre qui est encore cultivée ne l’est plus que par les vieux, car ce n’est pas un avenir pour des jeunes gens.
Avant de tant prôner le retour à cette terre ingrate, il me semble qu’il faudrait d’abord en empêcher la désertion en permettant à ceux qui lui sont encore fidèles d’y gagner leur vie, ce qui n’est pas le cas surtout au prix où elle est actuellement. Et pour terminer, j’ajouterai qu’il existe déjà de bons syndicats agricoles tels que Woippy, Novéant, Lorry-Mardigny, Ancy, Jouy-aux-Arches, etc., qui font preuve d’activité, ce qui indique qu’il est possible d’arriver à un résultat quand ces groupements sont bien dirigés. Mais il faut vouloir et mettre en pratique le vieux proverbe : « Aide-toi, le ciel t’aidera ».
Un pour tous. (LL)
Mardi 5 avril 1938
Réunion générale du Syndicat des producteurs de fraises.
Le Syndicat des producteurs de fraises de Woippy a tenu dimanche dernier son assemblée générale ordinaire au café du Commerce.
M. Jean Kopp, président du Syndicat, ouvre la séance à 15 h. 30, remercie tous les membres présents et donne la parole à M. Guyot, chargé de vérifier les comptes. Ceux-ci ont été contrôlés de très près et il en ressort une très grande clarté dans la façon dont ils sont tenus.
M. Le Clec’h, trésorier du Syndicat, présente le détail des comptes de l’année et la bilan s’y rapportant. Celui-ci a été adopté à l’unanimité et fait ressortir une situation financière très satisfaisante. Décharge a été donnée au trésorier et aux administrateurs du Syndicat.
Il fut ensuite procédé à l’élection des membres à remplacer et à celle d’un conseil d’arbitrage.
Dans une deuxième partie, la parole fut donnée à M. de Ladonchamps qui parla tout d’abord des conditions d’identification des paniers imposée par la législation tant pour les colis de fruits que pour ceux des légumes, puis il traita de la récolte de fraises de l’an dernier, des conditions de ses débouchés, des prix payés à la production et de la nécessité d’un effort pour décongestionner les marchés par le choix des variétés à maturité échelonnée, cette méthode est d’ailleurs appliquée à Woippy et dans les localités voisines.
L’exposé porta ensuite sur les marchés étrangers, les conditions de vente en Suisse en 1937 et la réouverture du marché allemand en 1938 ; celui-ci était fermé depuis 1932.
M. de Ladonchamps termina son exposé en constatant le développement toujours croissant du Syndicat et la fidélité des membres et leur demanda de conserver cette confiance à leur organisation.
L’ordre du jour étant épuisé la séance est levée vers 19 heures. (LL)
Jeudi 19 mai 1938
Les fraises.
Nos braves cultivateurs ont été heureux de cette bonne pluie fine qui s’est mise à tomber toute la journée de mardi, car les plants de fraises étaient rudement secs. Après cette gelée qui a fait tant de dégâts dans nos récoltes, la sécheresse qui s’en suivit aurait, si elle avait duré, anéanti complètement nos champs de fraises. (RL)
Lundi 30 mai 1938
La proche récolte de fraises en Moselle.
Comme elle est, pour ainsi dire, une réchappée après les gelées d’avril, il m’a semblé utile d’en dire quelques mots dans les colonnes hospitalières du Lorrain, toujours accueillant aux espoirs et doléances des campagnes.
On se rappelle que les premières fleurs, de même que les boutons pas encore ouverts, ont été complètement détruits par le froid : donc, au moins trois cueillettes diminuées de la récolte totale. Dans les nouvelles fleurs survenues depuis, le fruit commence à se former, et la bienheureuse pluie aidant, nous nous remettons à espérer. Mais il était grand temps que les cataractes du ciel s’entrouvrissent, les pauvres fraisiers, si avides d’eau, commençaient à se dessécher ; maintenant, ils ont meilleur aspect et il leur faudrait encore une ondée chaque semaine jusque et pendant la récolte.
L’important travail du paillage est presque partout terminé ; il est indispensable pour préserver les savoureux fruits du contact du sol et des éclaboussures que pourraient causer les pluies, surtout celles d’orages. Il a encore l’avantage d’empêcher l’adhérence de la terre mouillée aux chaussures des personnes occupées à la cueillette.
Pour ce qu’il en est des autres récoltes fruitières, chacun sait qu’il n’y aura, cette année, à l’exception d’un peu de groseilles, cassis et pommes, presque rien, les gelées ayant tout détruit lors de la floraison, et que voilà la troisième année que les paysans, pourtant si laborieux, ne pourront vendre ni distiller aucune cerise ni mirabelle. C’est vraiment trop de malchance et les plus âgés ne se rappellent pas d’une aussi longue période sans récoltes : il faut vraiment avoir leurs habitudes d’économies et de privations pour supporter pareille calamité sans faire de dettes. Quant aux vignes, elles ont été aussi fort éprouvées, mais il reste tout de même une partie des bourgeons qui ont résisté à l’action des gelées.
Le commerce d’expéditions ne pourra donc tabler, cette année, que sur la demi-récolte existante des fraises, et cela encore grâce à leur floraison plus tardive que les fruits à noyaux et à pépins.
D’autre part, les nouvelles des autres centres de production fraisière française ne sont pas meilleures ; quant à la Suisse, ses plantations de la vallée du Rhône auraient subi des froids jusqu’à – 12°, d’où une récolte très réduite. Elle nous demandera donc une quantité importante du précieux fruit, de même que l’Allemagne, qui a fixé, par l’accord commercial d’août 1937, un contingent d’environ deux millions de francs à importer chez elle. En outre, le change élevé de ces deux pays jouera aussi un rôle dans la question, puisque notre malheureux franc vient encore d’être dévalué.
Ces indices, que nous tenons du plus important de nos expéditeurs, venu dernièrement prendre contact avec ses fournisseurs habituels, constituent autant de facteurs qui nous font espérer un sérieux relèvement des prix des fraises. Ils seront en quelque sorte une compensation à ceux dérisoires de l’année dernière, et le consommateur acceptera de bonne grâce une hausse justifiée par les circonstances et qui permettra au producteur de gagner tout simplement sa vie comme le commun des mortels. Il ne faut pas oublier que le coût de l’existence a aussi ses frais de production, tels que main-d’œuvre, engrais, sulfate de cuivre et impôts directs et indirects.
Je ne saurais terminer cette causerie, peut-être un peu longue, sans ajouter qu’il nous a été promis que désormais, le prix de nos fraises sera téléphoné chaque jour avant midi aux maires des localités fraisières qui le désireront, de sorte qu’ils pourront le faire afficher à l’entrée de la mairie. C’est ce que l’Union des Syndicats des Producteurs de fraises de la Moselle, de Woippy, dirigé par M. de Ladonchamps, a toujours fait, et ce que va faire aussi le Syndicat de Novéant. On espère ainsi mettre fin à une pratique inadmissible qui consistait à livre sa marchandise sans en connaître le prix, chose qui n’existe pour aucun produit agricole ou industriel quelconque ; c’est donc une anomalie qui a assez duré.
Maintenant, il reste à souhaiter que l’important et renommé centre fraisier de Lorraine soit, cette année, le rendez-vous de nombreux acheteurs, et le réchauffement de la température qui hâtera le début de la récolte. UN POUR TOUS. (LL)
Mardi 6 juin 1939
DANS LA REGION
« Après une floraison prometteuse, la récolte de fraises est sérieusement compromise par la chaleur et les hâles desséchants… »
Nous dit M. de LADONCHAMPS, président de l’Union des Producteurs de Fruits de la Moselle.
On sait quelle importance prend dans le Pays Messin la culture des fraises, qui a conquis l’ampleur d’une véritable industrie. Or, des bruits alarmistes circulaient quant à la récolte prochaine. Nous avons demandé à M. de Ladonchamps, président de l’Union des producteurs de fraises et autres fruits de la Moselle, qui dirige également le Syndicat fraisier de Woippy, et consacre à cette question un dévouement très éclairé, de nous documenter sur cette question.
« La récolte de 1939, nous dit M. de Ladonchamps, ne s’annonce pas du tout de manière rassurante. Nous avons eu une très belle floraison, dont on pouvait bien augurer. Mais depuis quinze jours, malheureusement, sous la double action de la chaleur persistante et de hâles desséchants, la récolte est sérieusement menacée. Autant qu’on peut, dès maintenant, s’en rendre compte, un retard est prévu dans le début de la cueillette. D’autre part, celle-ci est compromise quant à la qualité et à la quantité. En effet, pour les raisons que je viens de vous énumérer, la production se trouvera fortement diminuée par le fait que dans la terre durcie, les fruits ne grossissent pas, et, sous leurs feuilles, se recroquevillent et offrent le plus décourageant aspect. Il faut tenir compte, d’autre part, d’un facteur défavorable cette année, en l’espèce la nature de l’hiver 1938-1939, qui fut marqué par des alternatives de gel et de dégel, et en général un déséquilibre des conditions atmosphériques, qui engendrèrent d’ailleurs des conséquences fâcheuses pour toutes les cultures. Bien entendu, la gravité du mal est facteur de la nature des terrains, et dans certains d’entre eux, particulièrement brûlants, les plants de fraises ont plus souffert que dans d’autres. Mais l’ensemble de la culture est atteint à des degrés divers.
- Cependant on peut espérer un redressement de la situation… ? »
- Relatif, mais sensible, à condition que les conditions atmosphériques se modifient très rapidement, et par très rapidement, j’entends d’ici trois ou quatre jours. Si dans ce délai, nous avons des pluies, on peut encore espérer que les conséquences de la sécheresse seront enrayées. Dans le cas contraire, les producteurs vont se trouver en face d’un important déficit d’exploitation, étant donné que leurs frais généraux sont les mêmes, quel que soit le rendement de la récolte. Quoi qu’il en soit, actuellement, la production de cette année, comme je vous le disais au début de cet entretien, semble sérieusement compromise. Souhaitons qu’un revirement atmosphérique intervienne, afin que les producteurs de soient pas lésés du fruit de leurs efforts, attendu par surcroît que, pour beaucoup d’entre eux, il s’agit d’un appoint indispensable à leur modeste budget annuel…
Nous avons vivement remercié M. de Ladonchamps qui, en peu de mots, avait exposé un important problème, et nous nous joignons aux vœux qu’il forme pour que la production fraisière de 1939 soit sauvée in extremis par des ondées bienfaisantes. D.R. (LL)
Vendredi 16 juin 1939
LES FRAISES
Aimez-vous les fraises ? Voici quelques recettes pour les accommoder : (RL)
TARTE SURPRISE :
Pour six personnes : 200 grammes de farine, 100 grammes de beurre, quatre cuillerées à bouche d’eau, une pincée de sel fin. Sur un feu doux, mettre à fondre le beurre et le sel dans l’eau, lorsque le mélange est bien homogène, le laisser refroidir. Dans une terrine, mettre la farine, incorporer peu à peu (ceci est très important), le beurre fondu avec une cuillerée en bois, mais sans jamais tourner la pâte, jusqu’à ce que la farine ait absorbé le tout. Ensuite, finir la pâte en la pressant doucement dans les mains, jusqu’à ce qu’elle soit lisse. Laisser reposer au moins deux heures, puis l’étendre au rouleau.
Beurrer fortement le moule avant de la garnir avec cette pâte et mettre à cuire à four chaud, environ vingt minutes. Garnir le fond de la tarte de gros haricots secs pour le maintenir bien à plat. Après cuisson, retirer bien entendu les haricots.
Une heure avant de servir cette tarte, étendre dans le fond une couche de crème pâtissière, faite selon la recette qui suit, recouvrir de belles fraises ou de petites fraises des bois et masquer avec de la crème Chantilly parfumée à la vanille. |
CRÊME POUR FOND DE TARTE :
Un quart de litre de lait, une demie gousse de vanille, 25 grammes de farine et deux cuillerées à bouche de lait froid, deux jaunes d’œuf.
Mettre à bouillir lait et vanille, quand le lait bout, y verser peu à peu la farine que l’on aura délayée au préalable avec deux cuillerées de lait froid. Laisser cuire une ou deux minutes en remuant tout le temps dans le même sens. Poser la casserole hors du feu. Mélanger sucre en poudre et jaunes d’œuf en travaillant ce mélange jusqu’à ce qu’il devienne blanchâtre et gonflé.
A ce moment-là, lui incorporer peu à peu la bouillie en tournant toujours, remettre le tout dans la casserole et poser sur un feu doux en remuant sans cesse, laisser faire quelques bouillons à la crème, retirer en tournant, passer dans une passoire fine. |
MOUSSE AUX FRAISES :
Faire un sirop avec 500 grammes de sucre et un demi-litre d’eau. Cuire jusqu’à ce que la pèse-sirop marque 32 degrés. Laisser refroidir. Passer au tamis 500 grammes de fraises (des bois si possible). Mélanger dans une jatte au sirop refroidi. Ajouter quelques gouttes de carmin (pour arriver à la couleur), une cuillerée à soupe de jus de citron et un litre et demi de crème double fouettée. Entourer la jatte de glace pilée.
Laisser ainsi deux heures et puis servir. |
Dimanche 9 juillet 1939
DANS LA REGION
L’industrie fruitière au pays Messin
La récolte de fraises a été victime de la sécheresse…
… Mais la mirabelle sera bien venue et abondante.
Ainsi que nous le laissions prévoir, voici quelques semaines, à la suite d’une interview de M. de Ladonchamps, président du Syndicat des producteurs de fraises et autres fruits de la Moselle, la récolte de fraises a été, cette année, sensiblement déficitaire. La raison en est connue : c’est la sécheresse persistante qui n’a pas permis aux fruits de se développer.
M. de Ladonchamps, avec sa courtoisie habituelle, a bien voulu nous donner à propos des résultats de la récolte, les premières précisions. D’une manière générale, la production a été inférieure de moitié à deux tiers à celle des années précédentes.
On eut, au début de la cueillette, un moment d’espoir, lorsque vinrent des pluies. Mais outre qu’une partie des fruits étaient cueillis, les autres avaient été trop atteints par la sécheresse pour que ces pluies tardives puissent exercer sur eux une action effective. De sorte que l’ensemble de la récolte est atteint.
Les départs quotidiens ont été en moyenne de 30 ou 35 wagons contre le double ou le triple les années précédentes. Nous avons demandé à M. de Ladonchamps si notre sous-production n’est pas susceptible de détourner de nos fruits les clients habituels du Pays Messin, en France ou à l’étranger, qui seraient tentés de continuer à s’approvisionner chez les producteurs, auxquels ils auraient été contraints de s’adresser cette année. Il n’en est rien, car les conditions atmosphériques furent défavorables à tous les centres de production français, en Allemagne, d’après les dernières nouvelles reçues, il en était de même.
Circonstance aggravante, les cours, contrairement à ce qui se passe en période de pénurie, ne se sont pas maintenus. Ceci tient principalement à ce que la demande n’a pas été soutenue, peut-être en raison de la qualité, qui avait également souffert, malgré les soins des producteurs, de la sécheresse.
Bref, bilan déficitaire, venant après la récolte 1938, qui n’avait apporté aux cultivateurs une rémunération satisfaisante. Espérons qu’en 1940, par suite de cette loi d’équilibre qui joue dans la nature, une belle récolte, fera oublier le travail perdu des années précédentes.
Une belle récolte de mirabelles
C’est précisément cette loi qui joue cette année en faveur des producteurs de mirabelles. On sait que depuis plusieurs années la récolte de ce fruit est très faible. Nous avons demandé …. (LL)
Dimanche 9 juin 1940
QUESTION DES FRAISES
Lundi 3 juin, M. de Ladonchamps, président de l'Union des syndicats des producteurs de fraises et autres fruits de la Moselle, avait convoqué à l'Hôtel Hazard, place St-Simplice, à Metz, tous les présidents des syndicats des 28 communes de Metz-Nord et Sud, en vue de la prochaine récolte de fraises.
A cette réunion assistaient MM. Meunier, inspecteur commercial de la SNCF ; Zinsberger, inspecteur des PTT de la Moselle ; Maurice Chatam, président des expéditeurs de fruits de la Moselle ; Guépratte, de la maison Kinnel et Cie, vice-président du syndicat des confituriers de l'Est ; Mondon, conseiller d'arrondissement, maire d'Ancy. Les présidents des syndicats suivants : Rappe, de Woippy ; Ronnel, de Lorry-lès-Metz ; Gérard, d'Ancy ; Parmentier, de Novéant ; Bolay, de Jouy ; Picard, de Lorry-Mardigny ; Maucourt, de Vezon ; Henriot, de Marieulles.
M. l'inspecteur des chemins de fer, promit de mettre des wagons à la disposition des expéditeurs. M. Zinsberger promit, pour la durée de la récolte, le téléphone à tous les syndicats de production et d’expéditeurs. M. de Ladonchamps remercia ces deux messieurs. Ensuite les présidents se syndicats convinrent de réunir tous les producteurs dans leurs communes respectives en vue d’entente pour la cueillette qui commencera demain 10 juin. Des réunions ont ainsi eu lieu à Novéant, Ancy, Jouy, Lorry.
Celle d’Ancy, eut lieu le 6 juin dans la grande salle de la mairie sous la présidence de M. Gérard, au milieu d’une grande assistance. Le président, mit au courant les membres, les diverses phases de vente des fraises de cette année, qui ne sera pas toujours très gaie, vue la pénible épreuve que nous traversons, car la récolte des fraises est cette année, la seule sur qui les pauvres producteurs de fruits et de raisins pouvaient un peu compter, car il n’y a aucun autre fruit et la vigne est gelée à fond, sauf quelques rares hybrides. A Ancy, la vente des fraises a commencé quelque peu, dans le courant de la semaine, le prix était de 5 fr. le kilo, pour descendre vendredi à 3 fr. Si la sécheresse continue, la récolte sera, en plus des autres mauvaises conditions, des plus maigres.
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LES PREMIÈRES FRAISES
Quelques localités de notre région ont commencé la cueillette des fraises au début de cette semaine. D'après des renseignements reçus, il semble que les acheteurs de demi-gros qui viennent sur place, ont payé dans les derniers jours, aux abords de 4 à 4 F 20 le kilo à la production. Si des prix nettement plus bas avaient été mis en avant dans certains villages, ils auraient été en-dessous de la valeur réelle.
La récolte s'annonçait bonne, mais elle sera réduite dans une forte proportion si la sécheresse et les grands hâles actuels ne cessent pas de suite. La cueillette qui pour une superficie et une variété données, devrait déjà se développer, reste stationnaire.
Il semble que lorsque la récolte ira en augmentant avec l'entrée en rapport d'autres variétés, les différentes localités productrices auraient intérêt à s'entendre pour déterminer un prix de vente, qui pour une même variété, soit le même ou très sensiblement le même pour tous les acheteurs faisant les marchés ; ce serait aussi l'intérêt de ces derniers, car ils pourraient même assurer leurs ventes, s'ils avaient la certitude de ne pas se trouver en concurrence impossible à soutenir avec un collègue qui aurait acheté à la production à un prix présentant un trop grand écart avec le leur. (LL)